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22/06/2007

Homoparentalité : Mme Jospin n'est pas d'accord

La droite va-t-elle en tirer argument... contre la gauche ?


 

<<  La revendication du "mariage homosexuel" ou de l'"homoparentalité" n'a pu se formuler qu'à partir de la construction ou de la fiction de sujets de droit qui n'ont jamais existé : les "hétérosexuels". C'est en posant comme une donnée réelle cette classe illusoire de sujets que la question de l'égalité des droits entre "homosexuels et hétérosexuels" a pu se poser. Il s'agit cependant d'une fiction, car ce n'est pas la sexualité des individus qui a jamais fondé le mariage ni la parenté, mais d'abord le sexe, c'est-à-dire la distinction anthropologique des hommes et des femmes. […]  C'est, à l'évidence, le couple complémentaire et dissymétrique mâle-femelle qui donne son modèle à la distinction des côtés paternel et maternel de la filiation. […]  Si l'ordre humain, social et symbolique, donne aux individus une filiation double, mâle et femelle, ce n'est pas en raison des sentiments qui peuvent lier les parents entre eux, des désirs qui les animent ou des plaisirs qu'ils se donnent, c'est en raison de la condition sexuée de l'existence humaine et de l'hétérogénéité de toute génération dont la culture a jusqu'ici voulu garder le modèle. >>

Qui a écrit cela ?  Sylviane Agacinski* : philosophe, professeur agrégée à l’EHESS, épouse de Lionel Jospin 

Y aura-t-il des voix réformistes, à droite, pour s’indigner de cette voix « rétrograde » de gauche, et proclamer l’urgence du mariage gay au nom de la pensée néolibérale ?  Est-ce pour se prémunir de ce risque politicien que Mme Agacinski, à la fin de son texte**, met un bémol en acceptant le principe de l'adoption par tout individu (et un statut légal du compagnon dudit individu, fût-il de même sexe) ?  Cette concession cosmétique contredit tout le reste de l'article...

____

(*) Le Monde du 22 juin. Titre : « L’homoparentalité en question ». Sous-titre : « Ce n’est pas la sexualité qui fonde la parenté, c’est le sexe, c’est-à-dire la distinction entre homme et femme ».

(**)  À celui qui m'écrit indigné que j'aie approuvé une partie de l'article de Mme Agacinski  : relisez mes quatre dernières lignes, elles critiquent la fin de cet article. Ne l'aviez-vous pas remarqué ?  Sur le reste,  je ne retire pas un mot de ce que j'ai écrit. Le fait que Mme Agacinski se contredise dans un second temps, n'enlève rien à la valeur de ce qu'elle a écrit dans un premier temps. Il faudrait tout de même échapper un peu à l'esprit de parti, et pratiquer (comme disait saint Thomas d'Aquin) "l'indifférence envers les sources". Là où c'est bon, reconnaissons que ça l'est. Même si plus bas ça devient mauvais.

 

Commentaires

SYLVIANE SE CONTREDIT

> Comment peut-on se contredire dans un même article, comme le fait Mme Jospin ? Elle donne toutes les raisons de ne pas admettre l'homoparentalité, puis elle rajoute dix lignes pour dire que si, peut-être, d'une certaine façon, etc. ! Là elle cesse d'être philosophe pour redevenir PS. D'ailleurs les partis de gauche n'ont pas le monopole de ce genre de palinodies. C'est le propre de tous les partis.

Écrit par : Joana | 22/06/2007

PASSE-PASSE

> En effet, il y a contradiction; mais cette contradiction n'en est pas une pour elle. Finalement, elle n'écarte pas tout à fait l'idée que des homosexuels élèvent un enfant. Dans "La confusion des genres" , Xavier Lacroix a sévèrement critiqué la distinction de principe opérée par Sylviane Agacinski entre "sexué" et "sexuel", et qui permet de justifier en douce l'injustifiable. Je donne un extrait de son livre :
« Etre sexué, en soi, n'est pas très signifiant, si l'on sépare le sexe de l'orientation du désir et des partenaires avec lesquels le sujet entre en relation. Que le père-géniteur soit ou non tourné vers le féminin, vers la personne de la mère en particulier, n'est pas tout à fait indifférent à sa masculinité et à l'appréhension de celle-ci par l'enfant. Ce n'est pas à des monades, à des individus disjoints que l'enfant se réfère, mais à des êtres de désir, de parole et de relation.»
Même si l'intervention de Mme Agacinski est une bouffée d'air frais dans cet étouffoir qu'est le journal Le Monde (dont un article sur la même feuille, juste en-dessous, semble n'être là que pour se justifier, du genre "rassurez-vous, on n'est pas des papistes"), n'empêche, l'ambiguïté demeure. Elle se livre à un tour de passe-passe.

Blaise


[De PP à B - Mais ne la réduisons pas à ce tour de passe-passe. L'irritation qu'elle suscite par ailleurs chez les idéologues "queer" montre l'enjeu.]

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Écrit par : Blaise | 22/06/2007

INSPIREE ?

> Je ne boude pas mon admiration et mon plaisir de lire l'extrait que vous mettez en ligne.
Quelle profondeur ! Quelle vérité ! Cette femme est visiblement inspirée. Elle cloue le bec aux manipulateurs. C'est un texte, à mon avis, décisif. Merci de nous avoir donné à le lire.

Écrit par : Denis Merlin | 22/06/2007

BEAUCOUP DE MOUSSE

> Il y a fort à caindre hélas que "l'ouverture" se manifeste au plan législatif par des alliances entre une partie de la droite et la quasi-totalité de la gauche pour faire droit aux revendications de la "culture de mort" et des "nouvelles moeurs" (comme déjà c'est le cas au Parlement européen). Et l'on fera beaucoup de mousse médiatique et politique autour des ces alliances ponctuelles.

Écrit par : B.H. | 22/06/2007

BIOLOGIQUE ?

> Si je résume ses arguments :
- Le seul et unique but du mariage est la procréation, les sentiments n'ont rien à voir avec le mariage
- Le seules personnes ayant des droits sur un enfant sont ses parents biologiques, dans tous les cas, quoi qu'il arrive aux parents
- Vis à vis de la société, la seule différence qui compte entre deux êtres humains est ce qu'ils ont entre les jambes.
Je trouve assez drôle qu'au début du XXIème siècle on puisse encore tenir cette position sérieusement...

Fade Out


[ De PP à FO - C'est en ce début de XXIe, justement, qu'on cesse d'opposer (comme les scientistes du XXe) "culture" et "nature". L'intérêt de la démonstration de Sylviane A. est de montrer comment la culture s'ancre dans la nature et lui ajoute un sens humain. ]

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Écrit par : Fade Out | 22/06/2007

ABSOLUMENT PERTINENTE

> Pour lire le texte de Mme Agacinsky, il faut faire un minimum de logique.
Elle ne condamne évidemment pas l'amour, elle parle de la génération sexuée. Ce n'est pas en sollicitant ce texte dans un sens inadmissible que l'on pourra lui trouver un défaut.
Elle envisage ici la réponse à apporter à ceux qui invoquent les nouveaux concepts d'"homoparentalité" et de "mariage homosexuel". Elle ne nous propose pas un traité du mariage en vingt volumes, mais elle se contente de démontrer que ces concepts nouveaux sont vides de rapport avec la réalité. Cette démonstration est absolument pertinente et même géniale. Selon moi, Mme Agacinsky clôt la discussion.

Écrit par : Denis Merlin | 22/06/2007

UNE OPINION, PAS UNE DEMONSTRATION

Je ne vois pas ce qu'il y a de génial ni même de logique dans sa démonstration :
Un homme et une femme sont différents donc deux hommes ou deux femmes sont identiques ?
Un homme et une femme sont indispensables pour avoir un enfant donc deux hommes ou deux femmes ne peuvent s'occuper d'un enfant, et l'homosexualité et l'hétérosexualité n'existent pas ?
On n'a jamais fait comme ça donc ça ne pourra jamais exister ?
Il s'agit d'une opinion, surement pas d'une démonstration définitive.

Écrit par : Fade Out | 23/06/2007

TOUTES LES UTOPIES

> OK Fade Out. Poursuivons le raisonnement : supprimer le droit d'éduquer les enfants comme on veut, supprimer aussi la liberté d'opinion et la propriété privée, ça n'avait jamais été fait et ça l'a été en 1917. On a vu le résultat. Votre argument ("expérimentons et en avant"), c'est celui de toutes les utopies, et l'expérience se fait sur la souffrance humaine, mais on s'en aperçoit toujours trop tard.

Écrit par : Guillemette K. | 23/06/2007

ELLE NE DIT PAS CA

> Quand je vous lis, Fade Out, j'ai l'impression que vous n'avez pas lu l'article de Sylviane Agacinski. Elle n'a jamais dit que l'homosexualité et l'hérérosexualité (préférences de vie sexuelle) n'existent pas. Elle dit que ce n'est pas sur ces choix de vie individuels qu'on peut fonder la parentalité ! Elle dit que la parentalité ne relève pas de nos lubies individuelles, mais de l'ordre symbolique et de la civilisation humaine. On pourrait ajouter : dans l'intérêt de l'enfant. Vous allez me dire qu'on s'en fout, de l'intérêt de l'enfant, et qu'on verra bien le résultat de l'expérimentation du grand nouveau n'importe quoi parental ? Question : vous avez des enfants ?

Écrit par : Giancarlo | 23/06/2007

> Fade out signifie fondu.

Écrit par : Qwyzyx | 23/06/2007

QUESTION DE METHODE?

> Attention, il peut y avoir un piège: lorsqu'on veut faire passer quelque chose qui déplait (par exemple: "noir"), une technique consiste à dire haut et fort "blanc" et un peu moins fort "noir" (de cette façon les défenseurs de "blanc" sont contents et n'ont pas d'objection), et, dans la réalité, à faire "noir" (de cette façon les défenseurs de "noir" ne s'offusquent pas du discours pro "blanc", puisque les faits sont "noir").
C'est cette technique qui a prévalu pour la loi Veil (lisez l'article 1) et tant d'autres.
Peut-être que Mme Jospin connaît cette méthode.

jean-baptiste nadler


[De PP à JBN - En effet. Mais Mme Jospin n'est pas une politique, et elle est critiquée par les activistes gays radicaux comme "donnant des arguments" aux défenseurs du mariage classique. La fin de son article ne s'explique probablement pas par une volonté manoeuvrière. Peut-être tout bêtement par le souci de ne pas mettre son mari en porte-à-faux ?]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : jean-baptiste nadler | 23/06/2007

@ Monsieur Nadler,

> Mme Agacinsky est une philosophe. Elle donne une réponse technique sur un sujet de philosophie sociale. La question de l'adoption par des personnes individuellement de pratique homosexuelle (passagère ou habituelle) est une autre question, qu'elle résoud en disant que ces personnes peuvent adopter (si j'ai bien lu les comptes rendus de son interview). Ce qui se discute, car tout dépend de la moralité du postulant, mais c'est une autre question qui ne peut se résoudre qu'au cas par cas, et le fait de l'homosexualité n'est pas une cause rhédibitoire de rejet du postulant à la parenté adoptive.
La technique perverse que vous décrivez existe, mais je ne pense pas que l'on puisse l'imputer à Mme Jospin. Son texte a trop de valeur pour qu'on puisse imaginer son auteur machiavélique.

Écrit par : Denis Merlin | 24/06/2007

ANTHROPOLOGIE

> Fade out, il me semble qu'on ne peut pas qualifier d' "opinion" les propos d'un philosophe qui se penche sur ce sujet. Ce sont des données d'anthropologie, basées sur des analyses et réflexions beaucoup plus profondes que de simples "opinions" qui changent d'un mode à l'autre.
D'ailleurs, personne ne dit que deux femmes ou deux hommes ne "peuvent" pas s'occuper d'un enfant qui serait le leur. La question est ailleurs. Xavier Lacroix explique très bien cela.
Ces situations existent de fait (et commencent à entrer dans les statistiques démographiques) ; mais le danger est de faire de ces situations "de fait" une nouvelle norme sociale, sans plus s'interroger sur les répercutions d'un tel glissement, et leur signification anthropologique.

Écrit par : Pimousse | 24/06/2007

LA CONTRADICTION À LA FIN DE L'ARTICLE

> Les arguments de Sylviane Agacinski concernant la complémentarité sexuelle entre l’homme et la femme emportent évidemment mon adhésion. On trouve là un discours qui est assez proche de celui de l’Eglise. Elle apporte en tout cas des éléments probants, liés à la loi naturelle, en faveur du mariage réservé uniquement aux personnes de sexe différents.

Toutefois, on ne peut suivre sa position en ce qui regarde l’adoption d’enfants par une personne vivant avec quelqu’un du même sexe. S.Agacinski parle de « droit à l’adoption, sans discrimination de sexe ni de sexualité ». Mais dans le cas de l’adoption, c’est le droit de l’enfant qui prime par rapport au droit du candidat à l’adoption. Or, tout enfant a le droit d’être éduqué par un couple à l’image de celui qui lui a donné la vie. C’est un droit fondamental qui de plus est actuellement tout à fait réalisable en France, quand on sait qu’il y a 25000 candidatures d’adoptants pour 5000 enfants adoptés chaque année. Priver des enfants de ce droit et de cette possibilité pour les confier à une personne homosexuelle vivant avec son compagnon est tout simplement injuste pour l’enfant. Cela revient à le priver d’un père ou d’une mère.

Autant Sylvia Agacinski est cohérente dans sa défense du mariage entre un homme et une femme, autant les deux derniers paragraphes de son article recèlent des contradictions et des raccourcis surprenants. Pour défendre l’adoption par deux personnes de même sexe, elle parle d’adoption à « titre individuel » par un membre de ce duo, qui serait ensuite complétée par un lien juridique avec l’autre membre du duo. Or, en réalité, l’enfant arrivera dans un lieu de vie habité par deux personnes de même sexe, ayant ensemble une relation, et participant toutes deux à l’éducation de l’enfant. Distinguer deux liens (un lien légal d’adoption avec une seule personne et un autre lien juridique avec son compagnon de même sexe) pour encourager in fine l’accueil légal d’un enfant dans ce couple de même sexe est tout simplement spécieux.

Dans le dernier paragraphe de son article, elle défend également la reconnaissance en tant que beau-père du compagnon d’un parent seul. Elle avance alors « qu’un père et son compagnon ou une mère et sa compagne ne pourraient être confondus avec un couple parental. » Cela ne tient tout simplement pas debout. Du point de vue de l’enfant, les deux personnes qui l’éduquent forment un couple et vivent une relation qui présente, de fait, une confusion avec un couple parental. Et même si l’enfant peut tout de même échapper partiellement à cette vision des choses, la proposition qu’elle défend, qui est celle aussi de Valérie Pécresse, met de facto sur l’enfant tout le poids de ce travail de différenciation entre les différents modes de relations sexuelles et affectives. Comment voulez-vous qu’un enfant de trois ou quatre ans (et même plus) s’y retrouve dans une telle situation ? Pour lui, les personnes de même sexe qui l’éduquent forment un couple parental. Comment voulez-vous qu’il fasse la part des choses entre d’un côté les couples homme-femme sur lequel s’articule la génération et de l’autre les deux personnes qui s’occupent de lui au quotidien. Après avoir si bien rappelé la complémentarité sexuelle entre l’homme et la femme, Agacinski met en cause son propre modèle en acceptant de mettre l’enfant dans une situation où il est incapable d’en reconnaître la primauté.

Le problème de fond de ce type d’argumentation en vogue dans certains milieux gay, c’est la différenciation excessive entre la parenté naturelle (réalisée par la complémentarité sexuelle) et la parenté éducative. D’un côté, on reconnaît que seul un homme et une femme peuvent donner vie à un enfant, mais de l’autre on signifie que l’éducation est une autre dimension qui peut indifféremment (c’est à dire « sans discrimination ») être prise en charge par un célibataire, deux personnes de même sexe, un couple homme femme ou même une communauté. La dimension sexuée et différenciée de la nature humaine est d’abord magnifiée pour être ensuite relativisée par des possibilités éducatives à visages multiples. On notera que parallèlement, la même séparation excessive est établie entre « la » différence sexuelle et « les » orientations sexuelles. Cela favorise ainsi la distinction arbitraire entre parentée naturelle et « parentée sociale », comme pour mieux les couper l’une de l’autre.

C’est pourquoi même la vision du mariage homme-femme de Sylvia Agacinski ne me satisfait pas totalement. Elle fait reposer celui-ci sur la différence sexuelle, ce qui est bien. Mais elle oublie que le mariage ne fait pas que reconnaître publiquement le lien amoureux entre un homme et une femme et leur capacité à donner la vie ensemble. Il comporte aussi une dimension éducative. Le mariage existe pour le couple mais aussi pour que les enfants soient protégés et éduqués dans une famille dont les fondateurs sont un homme et une femme. Ce qui veut bien dire qu’il est souhaitable que les enfants soient, autant que possible, éduqués dans une famille composée d’un homme et une femme. Cela n’apparaît pas clairement dans les propos de Mme Agacinski, qui après avoir défendu brillamment la particularité et l’universalité des couples homme femme, met ceux-ci à égalité, du point de vue de l’éducation et de l’adoption, avec les « familles homosexuelles » présentées comme « modèle d’une relation familiale nouvelle ».

Enfin, en proposant que soit reconnu le statut de beau-parent pour le compagnon homosexuel d’un parent seul elle ne défend à priori qu’une des 5 formes revendiquées d’homoparentalité (les autres étant la coparentalité, l’adoption, la Pma et les mères porteuses). Mais cela ouvre pourtant la porte à la légitimation des situations de fait entraînée par les autres formes revendiqués d’homoparentalité. Si le statut de beau-parent est reconnu, alors oui, des personnes homosexuelles vivant ensemble et éduquant un enfant (qu’ils auront obtenu via l’adoption à titre de célibataire par l’un d’entre eux, la coparentalité, la Pma ou les services d’une mère porteuse à l’étranger) pourront obtenir ce statut de parent légal pour le compagnon du parent déclaré. Partant ils obtiendront ainsi la reconnaissance institutionnelle de ces modèles de « relation familiales nouvelles » qui ne paraissent pas poser question, sur le plan de l’intérêt de l’enfant, à Mme Agacinski.

Écrit par : Noël | 26/06/2007

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