Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/05/2007

En lisant le livre de Benoît XVI (4)

...et pour répondre à un  intermittent du catholicisme :


 

Page 144, Benoît XVI signale la tentation (« aujourd’hui très répandue ») d’interpréter le Nouveau Testament « de façon purement spirituelle » et de le détacher « de toute référence sociale ».  C’est l’un des points sur lesquels les catholiques européens ont à se mettre au clair.  Une partie d’entre eux souffre d’hémiplégie : leur cerveau chrétien fonctionne tant qu’il s’agit du privé (morale, piété, coutumes, etc), mais cesse de fonctionner chaque fois que  le  Magistère  parle  du  social (et du politique, de l’économique ou de l’écologique). 

Cette  mise en panne se fait toujours au nom du même axiome : l’Eglise, disent-ils, « ne connaît rien à l’économie » et ferait mieux de ne parler que du « spirituel ».

Pardon, mais ça ne va pas. Dans le catholicisme, le spirituel est autre chose qu’une façon de sacraliser nos petites coutumes domestiques ; il est supposé orienter toute notre activité, publique autant que privée, et nous donner conscience de nos responsabilités envers le monde.

Ici le contradicteur me dit : « Pas du tout !  Le christianisme consiste à rompre avec le monde ! » (sic). 

Navré, mais le mot « monde » a plusieurs sens dans les évangiles. Le « monde » avec lequel il faut rompre, c’est notre complaisance envers Mammon.  Cependant il y a « le monde » au sens de Jn 3,16 : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. »  Ce monde-là n’est pas à écarter mais à évangéliser, comme le dit l’évangile de ce dimanche 20 mai  : « pour que le monde croie que tu m’as envoyé… »  (Jn 17,21).

Le catho qui se flatte de « rompre avec le monde », ne prend-il pas le risque de rompre avec… le terrain de l’évangélisation ?

Pire : rompant avec le « monde » au bon sens du terme, il ne rompt pas avec le « monde » au mauvais sens.  Car le même contradicteur – qui se déclare catholique –  me dit qu’il doute de la légitimité de l’Eglise quand celle-ci se permet de parler d’économie ou d’écologie ! 

Croit-il que Benoît XVI et ses experts ne connaissent pas l’économie ? 

Que Jean-Paul II n’aurait pas dû écrire Centesimus Annus ? 

Que le monde de l’économie* échappe au domaine de responsabilité du chrétien ? 

Qu’il faut laisser les pouvoirs financiers seuls juges de leurs actes ? 

Si c’est ça qu’il pense, je me permets de le renvoyer au premier paragraphe de cette note.

 

Ma réponse est un peu vive. Cela vient d’une coïncidence : le message  du contradicteur m’est parvenu tout à l’heure au moment où je lisais la page 144 du livre de Benoît XVI... Et ce message venait après quelques autres, émis par d’autres catholiques mais traduisant la même attitude de dédain  envers  le  Magistère dans les questions économiques. L’ultra-libéralisme fonctionne comme un interrupteur mental chez certains esprits chrétiens. C’est un problème.**

 

____

(*) c'est-à-dire la quasi-totalité de ce qui nous entoure, puisque le monde d'aujourd'hui se réduit à l'économique.

 (**)  Zapper le social est un problème parce que le catholicisme est "social" par nature, et qu'un catholique (même si son horizon se borne aux salles de marchés) n'a tout simplement pas le droit de l'oublier.  Benoît XVI souligne que  cet  aspect  social  s'enracine dans l'Ancien Testament :  "Dans l'évolution prophétique, l'engagement en faveur du pauvre, de la veuve et de l'orphelin acquiert le même statut que l'adoration exclusive du Dieu unique : elle se confond avec l'image de Dieu, qu'elle définit très concrètement. La perspective sociale est une perspective théologique et la perspective théologique a un caractère social : l'amour de Dieu et l'amour du prochain sont indissociables, et l'amour du prochain trouve ici sa définition très pratique en tant que perception de la présence directe de Dieu dans le pauvre et le faible." (Jésus de Nazareth, p. 148).

 

Commentaires

LUBAC ET CAVANAUGH

> A propos du caractère social de l'Eglise, je recommande le livre magnifique du Père de Lubac, "Catholicisme". C'est un auteur que le Saint Père lui-même apprécie beaucoup. Il avait écrit son livre, après avoir dès 1938 fait un diagnostic identique.
Un théologien américain contemporain, W. T. Cavanaugh, s'est consacré avec une grande profondeur à ce problème; je vous le conseille de le lire. Voici quelques articles de lui traduits en français :
http://www.catho-theo.net/-Professeur-William-T-Cavanaugh-

Blaise

[de PP - Je donne le même conseil que Blaise : lire Cavanaugh est une expérience ! Par exemple : "Eucharistie et mondialisation" (Ad Solem 2001).]

Écrit par : Blaise | 20/05/2007

PAS DANS LES NUAGES

> La foi dans les nuages n'a rien à voir avec le judaïsme, la mission de Jésus de Nazareth ou même le catholicisme conceptualisé façon philosophe des lumières éteintes.
La foi pour de vrai celle du coeur de Dieu et du coeur de l'homme bouscule, exige, demande...et il est impossible qu'une façon neuve ou évangélisée de voir la réalité qui nous entoure et dans laquelle nous sommes immergés ne provoque pas un agir personnel et "social" renouvelé.
Il ne sert effectivement à rien de croire si nous sommes amorphes devant l'amour-passion éperdu de Dieu-trine pour l'homme et chaque homme en particulier.
Dieu par tous les "justes" a tout à fait raison de s'occuper de la société de ses enfants ET oui(!) le Saint-Père est tout à fait dans son rôle en rappelant qu'il n'y a pas que les baleines bleues ... ou vertes ... à sauver, et qu'il y a urgence à s'occuper de l'homme et du petit d'homme...

Écrit par : Gérald | 20/05/2007

CAVANAUGH

> Au sujet d' "Eucharistie et mondialisation", je voudrais vous prévenir : ce livre est maintenant épuisé. Et c'est vraiment dommage! pour le moment, il n'y a pas d'autres traductions de livres de cet auteur qui soient disponibles.

Écrit par : Blaise | 20/05/2007

HEMIPLEGIE

> hémiplégie...l' image est excellente, oui c'est ça, une hémiplégie de l'intellect pratique (là ou ailleurs)...quand la société vous contraint à refouler votre foi, vous devenez plus ou moins hémiplégique...nous le sommes tous plus ou moins...
au terme c'est le système de la double pensée illustré brillament par le roman "1984" de G. ORWELL...et décrit dans ses ouvrages ( Hauteurs Béantes, veilleur de nuit, etc.) par A. ZINOVIEV qui l'a vécu...
Vérification expérimentale côté victime de l' impossibilité de cantonner la foi au simple "privé"!

Écrit par : Vicenzo | 21/05/2007

Les commentaires sont fermés.