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08/05/2007

Irlande : l'incroyable coalition entre les Unionistes et le Sinn Féin

medium__42879467_paisleymcguiness203_1_.jpg<  Martin McGuinness et Ian Paisley.

La question nord-irlandaise n'était PAS religieuse :


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BELFAST – Inauguration aujourd’hui d’une expérience inouïe : le gouvernement de l’Irlande du Nord par une coalition  Unionistes + Sinn Féin. Un peu comme si l’Algérie en 1962 avait été prise en main par une alliance OAS-FLN… Le pasteur Ian Paisley (Parti unioniste démocratique, DUP) et Martin McGuinness (Sinn Féin), ex-ennemis féroces, deviennent chefs de l'exécutif autonome de la province britannique, qui cherche encore une stabilité  depuis l'accord  de paix  du  Vendredi  Saint  en 1998. Le DUP gérera les finances, l'économie, la culture et l'environnement ; le Sinn Féin aura l'éducation, le développement régional et l'agriculture.

« Le gouvernement biconfessionnel va gérer les affaires courantes de la province », annoncent les agences.

Un détail leur échappe : la religion ne joue aucun rôle concret (sinon « communautaire », parce que lointainement historique) dans la question nord-irlandaise. Il s’agit d’une question sociale. Donc économique. Donc politique... Tout le monde devrait le savoir depuis les années 1970, époque de l’IRA  provo, quand l’extrême gauche européenne prenait feu et flamme pour Bernadette Devlin [*]. Or on ne veut pas le savoir. On fait comme si O'Flaherty (dans Insurrection) n'avait pas  accusé l'Eglise catholique d'avoir désapprouvé la guérilla urbaine depuis 1916. Ou comme si le « protestantisme » des miliciens orangistes était autre chose qu’un prétexte.

Pourquoi les médias français font-ils semblant de croire que republicans et  unionists se battaient à Belfast ou à Derry pour des raisons religieuses ? La réponse est simple : parce que cette fiction permet de dire que « toutes  les religions  » (pas seulement l’islam !) sont facteur de guerre à notre époque.

 

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[*]  Extrait d’un texte français (juin 1970) à la gloire de Bernadette Devlin,  « Une rebelle aux côtés des pauvres »  :

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Devlin à Derry (1969), photo du Socialist Worker.

 

« A vingt-deux ans, elle a brûlé les étapes de la célébrité depuis son élection triomphale (mars 1969) jusqu'à sa participation aux barricades du Bogside, le quartier catholique de Londonderry, en août dernier, et qui ont donné à la situation de l'Ulster une publicité telle que Londres a dû intervenir et prendre la relève, en fait sinon en droit, du régime de Stormont… Et pourtant Bernadette Devlin prend bien soin d'indiquer que son combat n'est pas celui des catholiques contre les protestants – division artificiellement entretenue par tous ceux qui y ont intérêt – mais celui des pauvres contre les riches, des laissés-pour-compte contre les exploiteurs, sans différence de religion. Elle est devenue socialiste non après avoir étudié Marx ou Lénine, qu'elle avoue à peine connaître, mais sous la pression des événements. Fille d'un charpentier de Cookstown et d'une mère qui appartenait à la petite bourgeoise catholique locale, elle eut à souffrir, avec son frère et ses quatre sœurs, de l'hostilité de la bonne société qui ne supportait pas cette mésalliance. Au sein de cette famille turbulente mais heureuse et unie, frôlant constamment la pauvreté, Bernadette est élevée dans le culte de l'histoire et de la mythologie irlandaises… Mais elle se soucie peu des rites et des rivalités traditionnelles avec les protestants…  A Queen's University, à Belfast, où elle entre en 1965, elle découvre la politique active sous la forme des marches pour les droits civiques, dont la première eut lieu le 24 août 1968. Bernadette Devlin prend fréquemment la parole dans les manifestations on la retrouve au premier rang lorsqu'il s'agit de franchir les cordons de police. Survient une élection partielle pour remplacer le tenant conservateur du siège de Mid-Ulster. Bernadette est choisie pour faire la paix entre tous les candidats anti-orangistes. A la surprise générale, elle l'emporte avec 4 000 voix d'avance, après une campagne enthousiaste. La voilà devenue l'enfant prodige du Parlement, assaillie par les photographes et les candidats au mariage. Pourtant, elle n'a aucune confiance dans l'institution parlementaire et ne fait pas de différence entre un travailliste et un conservateur. Elle rompt avec toutes les règles de la bienséance en participant à Londonderry à la résistance aux forces de police (et notamment les B specials  si détestés), à coups de briques et de cocktails Molotov. On n'avait jamais vu cela à Westminster… »
 

 

 

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