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02/05/2007

Ségo cite l'Evangile, Sarko chante le passé chrétien. So what ?

Ces postures de candidats ne changent rien au fond du problème :


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« Aimons-nous les uns les autres », a crié Ségolène Royal hier à Charléty : allusion subliminale à l’évangile, clin d’œil aux chrétiens. De son côté, Nicolas Sarkozy a fait plusieurs clins d’œil aux catholiques patrimoniaux, avec ses évocations de hauts lieux du passé. Ce sont des « bonnes manières » de candidats à des segments d’électorat. Elles n’engagent à rien. On sait ce que valent les postures d’avant-scrutin.

La foi chrétienne est autre chose qu’une bribe de citation sortie de son contexte, ou qu’un discours muséographique : elle est une rencontre personnelle de chacun avec Jésus-Christ. Et elle est une pensée structurée, une immense réflexion, née de cette rencontre. Voici ce que Claude Tresmontant disait* de cette pensée et de son rapport avec le politique… et avec le personnel politique :

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<< 1. Le christianisme est une doctrine, parmi d’autres, qui recouvrent aujourd’hui la planète : le bouddhisme, le brahmanisme, le taoïsme, le judaïsme, l’islam, etc.  

 

2. Cette doctrine a un contenu, un contenu intelligible, un contenu d’information, comme toutes les autres doctrines. Une doctrine est un ensemble qui contient de l’information, sous forme d’éléments.

 

3. Cette doctrine pourrait s’enseigner, tout comme on enseigne les mathématiques, la physique, la chimie, la biochimie, la biologie fondamentale ou toute autre science.

 

4. A défaut de trouver un endroit où on l’enseigne correctement, c’est-à-dire scientifiquement, on peut l’étudier tout seul. Il suffit d’étudier les livres qui contiennent toute l’information qui s’est développée depuis près de quarante siècles :

-  la sainte Bibliothèque hébraïque, gardée précieusement et soigneusement par nos frères hébreux ;

-  la bibliothèque de la Nouvelle Alliance (latin Novum testamentum, décalque français Nouveau Testament ) ;

-  une bonne histoire des conciles, avec les actes des conciles et les décisions dogmatiques des papes de Rome.

 

5. Il n’est pas question d’entrer ici dans un exposé de ce qu’est la doctrine chrétienne. Il y faudrait des heures ou un gros volume.

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CE QUE LE CHRISTIANISME EST ESSENTIELLEMENT

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6. Il faut cependant rappeler  ici, pour que la suite de l’analyse soit compréhensible, que le christianisme est essentiellement une théorie de la Création et de la divinisation.

Le christianisme est une théorie selon laquelle l’Univers physique est une création, commencée, continuée et inachevée. La création de l’Homme est en cours.

Le but ou la finalité ultime de la Création, c’est l’union de l’Homme nouveau créé, à Dieu unique et incréé, sans mélange, sans confusion, sans séparation. Dans cette union, l’Homme nouveau créé garde son intelligence propre, sa conscience propre, ses opérations propres, sa liberté, sa volonté, son action, son autonomie...

 

7. À partir de là, si on fait l’analyse logique, on voit que le christianisme comporte évidemment des implications et des exigences dans l’ordre politique. N’importe quoi, en politique, n’est pas compatible avec le christianisme. De même que le christianisme n’est pas compatible avec n’importe quoi en métaphysique…

 

8. Tout d’abord on voit immédiatement que l’ordre de la politique n’est pas ultime, final. Il n’est pas au sommet ni au terme de la Création.  Ce qui est ultime, terminal et final, c’est l’union de l’Homme nouveau créé, à Dieu unique et incréé. Tout le reste est provisoire.  La politique appartient à l’ordre ou au domaine du provisoire dans l’histoire de la Création. Du provisoire et de l’éphémère, puisque notre système solaire, notre galaxie, notre Univers, sont provisoires et éphémères.

 

9. Corollaire : toute politique, de droite ou de gauche, qui s’imagine qu’elle a atteint ou qu’elle parvient au terme, au sommet, au but ultime de la condition humaine, qu’elle réalise la finalité de l’Homme, est par la même essentiellement et fondamentalement antichrétienne, ou païenne.

 

10. Toute politique, de droite ou de gauche, qui s’imagine qu’elle va procurer, qu’elle est en mesure de procurer le bonheur à l’Homme, outre sa naïveté, est fondamentalement antichrétienne.

 

11. Toute politique, de droite ou de gauche, qui empêche la Création de se faire, de se continuer ; qui détruit la Création dans les êtres créés ; ou qui empêche la réalisation de l’unique finalité de la Création, à savoir l’union sans confusion et sans mélange de l’Homme nouveau créé à Dieu unique et incréé, est foncièrement antichrétienne.

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LA FOI ET LA RAISON

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12. Le malentendu principal qui pèse sur cette affaire des rapports entre christianisme et politique, provient d’un autre malentendu antérieur, qui porte sur les rapports entre la foi et la raison.  Nous sommes en pleine confusion.

L’Eglise qui a son centre d’autorégulation à Rome depuis les années 30 de notre ère, a toujours pensé et elle pense que la foi est une certitude objective de l’intelligence dans la vérité, un assentiment de l’intelligence à la vérité discernée.

Sous des influences diverses, on entend aujourd’hui en France par le mot foi une conviction subjective, qui n’est pas une connaissance, qui n’est pas une certitude objective de l’intelligence. La foi, dans le langage français d’aujourd’hui, est dissociée de la raison, elle est dissociée de la certitude. Elle est opposée à la raison et opposée à la certitude.

Le verbe français croire a subi les mêmes vicissitudes. Dans le langage de l’Eglise de Rome, depuis, bientôt vingt siècles, le verbe credere qui traduit le grec pisteuein, qui traduit l’hébreu heemin, signifie : être certain de la vérité L’hébreu émounah, traduction grecque pistis, traduction latine fides, signifie la certitude objective de la vérité.

Dans le langage français d’aujourd’hui, le verbe croire désigne ou signifie un assentiment faible, mou, incertain… On oppose même en français aujourd’hui le fait de croire et la certitude, le fait de croire et le savoir.

 

13. À partir de ce malentendu fondamental, tout le système – en l’occurrence la théologie –  est comme une machine dont on aurait dévissé les boulons.

Selon l’Eglise de Rome, depuis bientôt vingt siècles, l’existence de Dieu n’est pas du tout une question de foi, ni de croyance, au sens français du terme. C’est une question de connaissance certaine par la raison humaine, une question qui relève de la compétence de la raison humaine, certo cognosci posse (concile du Vatican I, 1870).

D’ailleurs il n’y a aucun sens à faire porter la foi ou la croyance au sens français actuel du terme sur l’existence d’un être. On peut être certain de l’existence d’un être. On peut douter de l’existence d’un être. Mais entre la certitude et le doute, il n’y a pas la place pour un troisième terme qui serait la foi ou la croyance au sens moderne du terme.

 

 

14.  Selon l’Eglise de Rome, depuis bientôt vingt siècles, la théologie est une science, au sens fort de ce terme, c’est-à-dire une connaissance certaine, par l’intelligence, fondée sur des faits objectifs et certains.

L’existence de Dieu est connue d’une manière certaine par l’intelligence humaine qui raisonne sur l’Univers et son histoire, la Nature et son histoire, l’Homme et son histoire. Ce n’est donc pas une hypothèse.

Le fait de la Révélation est connu par la raison, par l’analyse rationnelle, à partir de ce fait incontesté et incontestable qu’est le peuple hébreu, que nous connaissons depuis à peu près quarante siècles. La Révélation n’est donc pas non plus une thèse ou un postulat.

Le fait que constitue l’union sans mélange, sans confusion, de l’Homme nouveau créé à Dieu unique et incréé, a été une donnée de l’expérience (Jésus-Christ), qui a été constatée, vérifiée, analysée, et notée. L’Eglise est fondée sur ce fait, qui relève de la compétence de l’analyse scientifique. Il n’existe donc pas d’un côté le Jésus de l’histoire, et de l’autre côté le Christ de la foi. Ce que l’Eglise de Rome appelle la foi, c’est l’intelligence du contenu ontologique de celui en qui, par qui, avec qui se réalise l’union sans mélange et sans confusion de l’Homme nouveau créé, à Dieu unique incréé.

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LA RELIGION ET LA CLASSE POLITIQUE M

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15. Immanuel Kant écrivait […] : « J’ai été contraint d’abolir le connaître afin de faire une place pour le croire. »* C’est la destruction intégrale de la conception biblique, hébraïque, et de la conception que se fait l’Eglise de Rome. La dissociation entre le connaître et le croire […] est la destruction de la théologie. Bientôt, avec les successeurs de Kant, Nietzsche et Heidegger, ce sera la destruction du monothéisme hébreu. C’est d’ailleurs ce qui était voulu au départ.

 

17. Nos hommes politiques, pour la plupart, depuis plusieurs générations, ont été formés dans la matrice kantienne […]. Il est donc évident à leurs yeux que la foi est une conception subjective, mais non une connaissance certaine objective ; que la foi et la raison, la foi et la connaissance, sont des choses différentes ; que la foi est personnelle mais ne peut pas être communiquée ; et qu’en conséquence la foi doit rester dans le domaine privé et ne doit jouer aucun rôle en politique.

 

18. Du point de vue des  hommes politiques qui professent l’athéisme, c’est parfait… L’homme politique athée laisse volontiers à son collègue « religieux », comme il dit, ses croyances plus ou moins irrationnelles, à la condition qu’il ne les fasse pas intervenir dans le domaine politique.

 

19.  Les choses en sont venues à un tel point que même l’analyse philosophique du problème est interdite de séjour en France… Il est entendu désormais que la question de l’existence de Dieu, comme toute question métaphysique, est dépourvue de toute signification. Et donc, ceux qui « croient », comme on dit, en l’existence de Dieu, sont en fait en dehors de la pensée rationnelle… On a remplacé l’analyse philosophique, rationnelle, des problèmes, par la « sensibilité » ou les « options », comme ils disent.

 

20. Nos hommes politiques qui par ailleurs professent le monothéisme, à titre privé bien entendu, sous l’une de ses formes : judaïsme, christianisme sous sa forme catholique ou protestante, etc – s’appliquent à construire un mur de séparation étanche et opaque entre leurs convictions subjectives – qu’ils appellent « la foi », au sens kantien du terme –, et leurs occupations objectives, la politique. Il n’y a pas de communication entre les deux ordres, et il ne doit pas y en avoir… On fait donc comme si l’ordre naturel, l’ordre politique, était bouclé sur lui-même, fermé et suffisant. Et on fait de la politique exactement comme les collègues qui professent l’athéisme. Ceux-ci sont donc très satisfaits… On n’a pas voulu faire l’analyse du problème de fond, et on en vient en fait à adopter le point de vue de ceux qui pensent que l’Univers se suffit, qu’il est incréé, et qu’il n’a pas de finalité. D’un système de double comptabilité, on est passé subrepticement au point de vue de l’athéisme.

 

22. Nos hommes politiques se promènent en tenant à la main chacun un bouquet de « valeurs », comme ils disent. Mais demandez-leur sur quoi reposent ces valeurs, sur quoi elles sont fondées, en quoi elles sont fondées…  Nous rencontrons ici un nouveau malentendu, lié aux précédents.

L’Eglise a toujours pensé qu’il existe une normative objective, qui est fondée dans l’être, dans la réalité objective. La distinction entre ce qui est bon pour l’homme et ce qui est mauvais pour l’homme est une distinction objective, fondée sur l’expérience, et qui relève de la compétence de l’analyse rationnelle…

A la suite de Kant, il est entendu qu’il n’y a pas de fondement objectif expérimental de la normative. L’Impératif catégorique est un a priori de la raison pure pratique. Il n’est pas fondé, il ne doit pas être fondé dans l’expérience. Le point de vue de Kant est donc très exactement, comme pour la théorie de la raison, aux antipodes du point de vue de la théologie catholique. A la suite de Kant, des philosophe comme Nietzsche ont estimé qu’on pouvait aller Jenseits von Gut und Böse,  par delà bon et mauvais…

Nos hommes politiques ne voient pas comment on pourrait fonder dans l’être la normative. Ce qu’ils appellent « la morale » est donc à leurs yeux une question qui relève des options subjectives, et de la sensibilité politique. >>

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(*) Le Bon et le Mauvais - Christianisme et politique  (F.X. de Guibert, 1996).

(**) préface à la seconde édition de la Critique de la raison pure, Königsberg 1787.

 

 

Commentaires

PASSIONNANT

> Passionnant ! La « foi » des kantiens, de Bayrou, le flou des idées et l'instabilité des valeurs qui ne sont plus portées par rien doivent nous mettre en garde contre le relativisme. Nous devons nous former nous même aux idées de l'Eglise, et encourager les jeunes à s'interresser à la théologie.
Cet article arrive d'ailleurs à propos, puisque dans quelques jours sortira le fameux livre de Benoit XVI : "Jésus de Nazareth", qui livre une vision intégrale de la personne du Christ. La foi chrétienne n'est pas une option, elle s'impose à nous, baptisés, que nous le voulions ou non.

Quentin

[De PP à Q. - Savez-vous que ce livre a vendu, en huit jours, 500 000 exemplaires en Italie et 500 000 en Allemagne (les deux premiers pays où il a été publié) ?]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Quentin | 02/05/2007

REDEFINIR LES MOTS

> Analyse très éclairante et qui montre bien qu'en employant les mêmes mots, à l'intérieur même du catholicisme, on ne se comprend plus.
J'ai l'impression qu'il faut en permanence, dans une discussion, même entre catholiques, commencer par redéfinir les mots que l'on emploie et leur portée.
Ces remarques nous aideront à le faire de façon plus pertinente.
Merci.

Écrit par : Glaçon Pierre | 02/05/2007

TOMBER DES NUES

> Il m'est arrivé le même phénomène. Etudiant dans une ville de province, les curés que je rencontrais à l'occasion de confession m'enjoignaient vivement à rejoindre des groupes de "jeunes". Personnellement, je n'en voyais pas l'intérêt car j'avais appris à me débrouiller en famille.
Puis, à l'occasion, j'ai découvert au premier rang de la cathédrale des filles de ma filière universitaire! Elles étaient les animatrices du groupe de jeunes chrétiens en question. Et moi qui ne les connaissais que comme les militantes féministes du groupe des jeunes socialistes de la fac!
En tâchant d'avoir le moins d'a priori, j'ai toujours fait en sorte de ne rejeter personne. Mais en l'espèce, je retrouvais davantage les "valeurs chrétiennes" chez des camarades "catholiques non pratiquants" conversant devant les amphis, que chez ces militantes chrétiennes.
De fait, il est impossible de discuter d'égal à égal si la plupart des dogmes catholiques sont refusés en face en raison d'une profonde ignorance sur leur nature. Du moins, il est impossible d'avoir une conversation construite et pacifique plus élevée spirituellement avec ces personnes, qu'avec des individus lambda rencontrés par hasard. L'affirmation catholique, quand elle s'exerce, est bien souvent plus identitaire (parce que mes parents ne sont pas musulmans ou juifs) que réelle. Il faut le savoir pour ne pas tomber des nues comme j'ai pu le faire.

Écrit par : paulo | 02/05/2007

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