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17/03/2007

L'identité française, vue par Fernand Braudel...

Et peut-on comparer la "panne de nation" et la "panne sprituelle" ?


Revenons un instant sur la polémique de l’identité nationale. Non pour patauger dans le « débat » électoral (où le bruit des mots compte plus que leur sens) : mais parce qu’il y a un enjeu philosophique à propos de cette formule. Beaucoup d’absurdités historiques ont été dites dans la presse, en réponse à la phrase de Sarkozy. On a fait semblant de croire que les mots « identité nationale » voulaient ramener la France à une « pureté raciale originelle » : comme si l’identité d’une nation millénaire était ethnique et rousseauiste ! Alors que c’est le contraire : la nation est une capitalisation* progressive (au fil de l’histoire) ; une capitalisation qui n’enchaîne pas les individus, mais leur donne une assise.

Auteur de L’identité de la France (3 volumes, Arthaud 1986), le gigantesque historien Fernand Braudel disait ceci en mars 1985, dans un entretien au Monde :

« Il y a une identité de la France à rechercher, avec les erreurs et les succès possibles, mais en dehors de toute position politique partisane. Je ne veux pas qu’on s’amuse avec l’identité. […] L’identité de la France est incompréhensible si on ne la replace pas dans la suite des événements de son passé, car le passé intervient dans le présent… C’est justement cet accord du temps présent avec le temps passé qui représenterait pour poi l’identité nationale parfaite, laquelle n’existe pas. Le passé, c’est une série d’expériences, de réalités bien antérieures à vous et moi, mais qui existeront encore dans dix, vingt, trente ans et même beaucoup plus tard. Le problème pratique  de l’identité dans la vie actuelle, c’est donc l’accord ou le désaccord avec des réalités profondes, et d’avoir ou non une politique qui en tient compte, essaie de modifier ce qui est modifiable, de conserver ce qui doit l’être. C’est une réflexion  attentive sur ce qui existe au préalable. Construire l’identité française au gré des fantasmes, des opinions politiques, ça je suis tout à fait contre. »

Braudel insistait :

« Il y a une réalité sous-jacente de la culture, de la politique de la société française. J’en suis sûr. Cette réalité rayonnera, ou ne rayonnera pas, mais elle est. Pour aller plus loin, je vous dirai que la France a devant elle des tâches qu’elle devrait considérer avec attention, avec enthousiasme… »

Cet enthousiasme manque à la classe politique et aux dirigeants de l’économie française (qui admirent le globish autant qu’ils le parlent mal).  

 

Le manque d’«enthousiasme» de ces Français envers leur pays,  rappelle un peu (mutatis mutandis) le manque d’enthousiasme de certains catholiques envers leur Eglise.

Il n’y a rien de commun entre l’Eglise et un pays, bien entendu : qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit.  

Le point de comparaison n’est pas du côté d'une similitude (inexistante) entre le politique et l’Eglise. Il est du côté des mentalités : celles d'Occidentaux exténués, devenus dépressifs en tous domaines, donc hors d'état d'adhérer pour l'instant à quoi que ce soit. Ceci explique en partie les problèmes de la France. Ceci fournit aussi le substrat psychologique de la « crise du catholicisme » dans la plupart des pays d’Europe,  sauf  l’Italie.

Mais les questions de foi (et d’intelligence de la foi) ne se réduisent pas à des problèmes de tonus psychologique. Le spirituel est avant tout le domaine de la grâce. Contrairement à une communauté politique, la foi et l'Eglise ne se construisent pas : elles se reçoivent. C'est la Trinité qui nous les donne, si nous sommes disposés à les accueillir.

Il y a donc une différence  radicale.

On ne sait pas si les Français retrouveront de l’enthousiasme pour la France (Braudel se le demandait). Donc on ignore quel avenir ils feront à leur pays.

Au contraire, on sait que l’Eglise a les promesses de la vie éternelle, et qu’elles s’adressent aux individus  :  non aux nations.

 

 

_______

(*) A condition d'admettre que cette capitalisation existe et qu'elle est légitime. C'est ce que refuse le parisianisme actuel, qui rêve d'une disparition des communautés nées de l'histoire. C'est le sens du "Manifeste des 44", publié dans le Monde du 16 mars, et où les élégances contemporaines (Orsenna, Le Clézio etc) appellent à enterrer la francophonie internationale au profit d'une "littérature-monde". Langage de marché, d'autant plus symptomatique qu'il est tenu par la gauche chic.

 

 

Commentaires

Merci pour cet extrait de Braudel

> Notre pays, notre nation(-!-!), notre peuple a effectivement besoin de savoir sans tricher ce qu'il est, et ce qu'il est appelé à être, aussi bien pour l'intelligence, pour l'histoire, pour le coeur profond, que pour la foi ou tout autre réalité qui se laisse chercher ou s'offre comme un don à recevoir avec un minimum de "merci"...
Comment réveiller ou "déseuthanasier" l'enthousiasme pour la vérité chez des Esquimaux politiques, syndicaux ou autres de plus en plus congelés ou fortement décongelés sous un soleil de plus en plus noir, je ne sais...
Peut-être est-ce à la fragile Espérance de regarder ses deux grandes soeurs ?

Écrit par : Gérald | 17/03/2007

BRAUDEL ET SON EVOLUTION

> Juste un petit commentaire à propos de Fernand Braudel, qui au départ, il convient de le préciser, me semble-t-il, était marxisant comme presque tous les historiens. Les facultés d'histoire étant des nids d'histoire orientée. Mais cela n'empêche pas la compétence et l'expérience. C'est ainsi que Fernand Braudel a évolué pour finir par écrire en préambule (justement!) du premier tome de "L'Identité de la France":"J'ai cité (...) 'Les origines de la France d'Hippolyte Taine' et 'L'Ancien Régime et la Révolution' française d'Alexis de Tocqueville. Leur défaut congénital, (...) c'est bel et bien d'admettre que la France commence au XVIIIe siècle avec l'époque des Lumières, qu'elle naît de l'épreuve dramatique à laquelle elle est soumise par la Révolution française - cette révolution avec un R majuscule qui était, hier encore, sans que nous nous en rendions toujours compte, nous les apprentis historiens, une sorte de Bible, d'engagement, de référence idéologique. Je proteste, évidemment, contre cette dévotion ou idéalisation rétrospective."

Très amicalement
Gentil Loup

Écrit par : Gentil Loup | 18/03/2007

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