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04/02/2007

Le Pr Sicard dénonce la dérive eugéniste des Français

medium_sicard_1_.jpgUn entretien EXPLOSIF

dans Le Monde  :


 

L’entretien ci-dessous est d’une importance cruciale. A deux jours des rencontres parlementaires sur la révision de la loi de bioéthique, le Pr Didier Sicard, président du Comité consultatif national d’éthique, sonne l’alarme :  la France est en train de tomber dans la barbarie eugéniste, sous la pression des intérêts industriels et du culte (consumériste) du « produit humain parfait ». C’est exactement ce que disent les catholiques. Alors : unité d’action ?  Le Pr Sicard s’en défend. Dans le dernier paragraphe de l’entretien, il rejette la main tendue des catholiques à l’aide d’un argument un peu factice. J’indique (en note) pourquoi cette dérobade du médecin ne peut pas durer.

 

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Le Monde, 4-5 février 2007 : « La France au risque de l’eugénisme ». (Entretien du Pr Didier Sicard avec Jean-Yves Nau et Michel Alberganti). Extraits :

 

 

<<  La récente polémique suscitée par le Téléthon s'est focalisée sur le diagnostic préimplantatoire des embryons humains et le tri de ces derniers sur des critères génétiques. Est-ce à dire que le dépistage va supplanter la thérapeutique ?

 

La thérapeutique n'a pas ici grand-chose à voir avec le dépistage. La vérité centrale est que l'essentiel de l'activité de dépistage prénatal vise à la suppression et non pas au traitement. Ainsi, ce dépistage renvoie à une perspective terrifiante : celle de l'éradication. Et ceci est peut-être plus vrai en France que dans d'autres pays. […] Nous sommes ici dans un imaginaire où le chromosome et le gène prennent la place des agents pathogènes infectieux, que l'on demande à la médecine de ne plus voir.

 

 Peut-on faire un parallèle avec les politiques d'eugénisme menées à la fin du XIXe et au début du XXe siècle en Europe du Nord et aux Etats-Unis ?

 

Peut-être. Disons que l'obsession du dépistage à laquelle nous assistons a beaucoup à voir avec une idéologie rendue possible par la technique. Ce qui est intéressant ici est le rapport entre la science et la politique. Ces deux entités ont besoin l'une de l'autre. Or la politique, qui finance la science, est terriblement influençable par le discours scientifique qui lui offre une sorte de caution, de raison d'agir. Et il y a toujours un moment où la politique prend la science au mot pour transformer la société au motif que "la science dit le vrai". […]

 

Ce phénomène se développe dans un espace démocratique. Les interruptions médicales de grossesse ne sont-elles pas, le cas échéant, proposées, jamais imposées ?

 

[…] Le cas des trisomies 21 et 18 en est un exemple paradigmatique. Tout s'est passé comme si à un moment donné la science avait cédé à la société le droit d'établir que la venue au monde de certains enfants était devenue collectivement non souhaitée, non souhaitable. Et les parents qui désireraient la naissance de ces enfants doivent, outre la souffrance associée à ce handicap, s'exposer au regard de la communauté et à une forme de cruauté sociale née du fait qu'ils n'ont pas accepté la proposition faite par la science et entérinée par la loi.  […] Osons le dire : la France construit pas à pas une politique de santé qui flirte de plus en plus avec l'eugénisme.

 

Y a-t-il une limite technique au nombre des dépistages prénataux ?

 

Non. Et nous ne sommes aujourd'hui qu'au tout début des possibilités de dépistage des affections génétiques. Le dépistage, comme toute technique, à une tendance à la double extension quantitative et qualitative. Des firmes particulièrement agressives en termes de dumping et de marketing, qui ne craignent pas de se présenter comme faisant le bien public, qualifient d'irresponsables ceux qui tentent de débattre de manière critique de ces questions.

En l'occurrence, il n'y a pas de vraie pensée mais la recherche constante d'une optimisation. Le résultat intervient toujours avant que l'on interroge son sens. Il en irait différemment si le dépistage n'était mis en oeuvre qu'au bout d'une réflexion, d'une anticipation, d'une démarche de discernement chez les couples concernés. Or c'est très exactement le contraire qui se passe.

 

En quoi y a-t-il, selon vous, une spécificité française ?

 

[…] il faut savoir qu'en Allemagne et dans certains pays nordiques cet accueil [des handicapés] est tel que le dépistage n'est pas perçu de la même manière qu'en France, c'est-à-dire comme un empêchement à naître.

 

Est-ce dû au fait que ces pays ont, dans le passé, mis en oeuvre différentes formes d'eugénisme ?

 

Je ne sais pas. En revanche, je suis persuadé que si la France avait été confrontée, à l'occasion d'un régime nazi, à des pratiques eugénistes similaires, elle répugnerait aujourd'hui à s'engager sur une pente particulièrement dangereuse. Au XXIe siècle, que la naissance d'enfants hémophiles soit, du fait des progrès de la science, considérée comme éventuellement inacceptable est bouleversant. C'est à la fois fou et irresponsable. Nous ne pouvons pas nous exonérer de cette idéologie aujourd'hui plus française qu'allemande. Dans le même temps, je peux comprendre, dans l'état actuel de la législation et des pratiques françaises, certains choix des familles concernées par leur souffrance et celle des enfants.

 

Vous comprenez tout en ne cachant pas vos inquiétudes.

 

Je suis profondément inquiet devant le caractère systématique des dépistages, devant un système de pensée unique, devant le fait que tout ceci soit désormais considéré comme un acquis. Cette évolution et cette radicalité me posent problème. Comment défendre un droit à l'inexistence ? J'ajoute que le dépistage réduit la personne à une caractéristique. C'est ainsi que certains souhaitent que l'on dépiste systématiquement la maladie de Marfan dont souffraient notamment le président Lincoln et Mendelssohn. Aujourd'hui, Mozart, parce qu'il souffrait probablement de la maladie de Gilles de la Tourette, Einstein et son cerveau hypertrophié à gauche, Petrucciani par sa maladie osseuse, seraient considérés comme des déviants indignes de vivre.  On ne peut pas ne pas s'inquiéter du refus contemporain grandissant de l'anomalie identifiable par un dépistage. Nous donnons sans arrêt, avec une extraordinaire naïveté, une caution scientifique à ce qui au fond nous dérange. Et nous ne sommes pas très loin des impasses dans lesquelles on a commencé à s'engager à la fin du XIXe siècle pour faire dire à la science qui pouvait vivre et qui ne devait pas vivre. Or l'histoire a amplement montré où pouvaient conduire les entreprises d'exclusion des groupes humains de la cité sur des critères culturels, biologiques, ethniques.

 

Pourquoi, dès lors, avoir critiqué la position défendue par certains responsables de l'Eglise catholique lors du dernier Téléthon ?

 

Il ne s'agit pas là du même combat. Il ne faut pas, me semble-t-il, se placer en termes de défense de l'embryon, en termes de spiritualité. Qu'observons-nous ? Il y a d'un côté la plupart des scientifiques, de l'autre ceux qui placent au premier plan la religion. Ces deux camps sont propriétaires, dépositaires d'un territoire sur lequel ils sont arc-boutés. Pour ma part, je pense qu'il vaut mieux poser la question de savoir ce que nous voulons pour nous-mêmes comme société humaine nous permettant de nous respecter. Comment allons-nous nous percevoir si nous excluons d'emblée et de manière quasi systématique de la vie tel ou tel ? Comment la prégnance du regard social ne pourrait-elle pas l'emporter sur la liberté individuelle ?  >>

(Fin des extraits de l’entretien du Pr Sicard)

 

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Commentaire 

(sur le dernier paragraphe, en bleu)  :

 

Le Pr Sicard a mal lu les nombreuses déclarations des évêques français. Elles allaient dans le même sens que lui. Y compris au sujet des pressions commerciales et financières...

Considérer l'embryon comme un être humain n'est pas une position "spirituelle". C'est simplement une idée logique, et conforme au principe de précaution le plus élémentaire. Si l'on n'admet pas qu'un humain est humain "depuis le premier instant", qui va décider de l'instant où cet humain bénéficiera des droits humains ?  Le Pr Sicard doit se poser cette question. Il se la pose déjà, quand il dit : "Comment allons-nous nous percevoir si nous excluons d'emblée et de manière quasi systématique de la vie tel ou tel ?"

Que le Pr Sicard souhaite s'en tenir à des positions scientifiques et humanistes, c'est logique. Mais qu'il n'en fasse pas un bouclier contre les chrétiens ! Engagés dans la même bataille que lui, ceux-ci raisonnent sur le même terrain que lui : la diignité mystérieuse de tout être humain. Les catholiques croient savoir ce qui fonde cette dignité ; ils ne brandissent pas leur foi comme un préalable.  Les catholiques sont des témoins, ils ne sont pas un parti. Le Pr Sicard peut défendre l'homme avec eux.

 

 

Commentaires

BONNE NOUVELLE

> Une bonne nouvelle que de voir des hommes de bonne volonté parler ouvertement de l'eugénisme qui mine notre société.

CV

Écrit par : Charles Vaugirard | 04/02/2007

EUGENISME, ENVIRONNEMENT, SYSTEME ACTUEL

> Le système économique actuel a 2 effets entre autres :
- l'eugénisme : supprimer les "déficients" qui "coûtent cher"
- le saccage de l'environnement par l'effet de serre, scientifiquement établi qu'on le veuille ou non.
Comment se fait-il que des catholiques se mobilisent contre l'eugénisme, mais nient l'effet de serre (alors que l'Eglise elle-même en parle) ? Est-ce qu'ils préfèrent Bush au pape, comme M. Dantec ?
Sont-ils fâchés avec la réalité ?
Ont-ils tellement la "théorie du complot" qu'ils voient un complot derrière les mises en garde des climatologues ?
Ont-ils tellement l'esprit de parti qu'ils ne supporteraient pas de se retrouver aux côtés de gens de gauche pour défendre quelque chose, y compris la planète ?
Est-ce qu'ils veulent absolument rester entre eux ?
Est-ce qu'ils prennent Laurence Parisot pour Ste Thérèse d'Avila ? Alors ils se préparent des déceptions. Attendez juste 2008.

Écrit par : sara b. | 05/02/2007

" LE VIRUS DU SUBJECTIVISME "

> Comme quoi les catholiques aussi sont touchés par le virus du subjectivisme : préférer nos réflexes de tribu à l'examen du réel. Le virus a un sous-virus : refuser d'admettre que les effets ont des causes.

Écrit par : istvan | 05/02/2007

ESPOIR

> Entretien assez troublant que celui-ci, mais qui peut nous permettre de garder espoir!!
Dommage qu'il y ait toujours cette réserve de politiquement correct qui l'empèche de voir que l'Eglise dit la même chose que lui.

Écrit par : Jacques | 05/02/2007

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