Médias : "Montrer du doigt" ?

Mieux vaudrait "enquêter" et "prouver" :

 

"Guantanamo montré du doigt dans le monde entier", titrent ce matin les dépêches d'agence. A juste titre !  Le monde sait que Guantanamo est une atrocité  - et une bêtise insondable, comme l'est aussi l'attitude de GWB envers l'Irak et le Proche Orient.

Mais l'expression "montrer du doigt" est en train de se répandre dans les médias, sur des sujets beaucoup moins légitimes :

-  par exemple l'autre jour, quand des journalistes de télévision mentionnaient (comme "montrés du doigt" ) des groupes qu'ils qualifiaient de "sectaires"*...  alors que la nature sectaire de ces groupes n'est pas établie, et qu'ils sont défendus par les organismes officiels de défense des droits de l'homme à l'échelon international. 

 - Dans bien d'autres domaines (moeurs, culture, etc), les médias prennent le pli de "montrer du doigt".   C'est surtout à la télévision qu'on entend prononcer cette formule.  Le journaliste fait une allusion de quelques secondes, puis il passe à autre chose... Mais l'individu ou le groupe qui vient d'être "montré du doigt" a désormais du plomb dans l'aile.

Que sont les médias, pour se permettre de plomber les gens ?

On le sait depuis quelques années : les médias audiovisuels se considèrent comme "le cerveau de la démocratie", ainsi que l'affirmait un rédacteur en chef de FR2. (Alors que sont les élus et les électeurs ?  Et peut-on parler de "cerveau", quand le journaliste pousse des cris de singe vert qui a cru voir passer l'ombre d'un tigre ?).

Tout porteur d'une carte de presse devrait le savoir :  les journaux sont nés, autrefois, du besoin collectif d'échapper au monde de la Rumeur, mère des  Grandes Peurs et des injustices. La presse s'était donnée alors pour mission  de  ne pas  colporter,  mais  d'enquêter, de prouver et de raisonner. En se mettant aujourd'hui  à  "montrer  du  doigt",  elle  renonce à sa tâche. Elle régresse à l'époque où l'on accusait les lépreux d'empoisonner les fontaines. 

 

P.P.

 

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(*)  Autre exemple cette semaine dans Le Canard enchaîné, qui qualifie de "secte" une communauté reconnue par le Vatican depuis des années. Il est vrai que, pour le Canard, le Vatican lui-même est une secte...