Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/12/2006

Arrêt Seznec : le malaise

medium_061215073058.lto2zox51_photo-non-datee-de-guillaume-seznecb_1_.3.jpg Quelques jours après l'avortement de la réforme judiciaire, voici le rejet de la révision du procès de Guillaume Seznec (photo) :


 

 

« Contre toute attente », s’étonnent les agences, « la Cour de cassation n'a pas annulé jeudi la condamnation de Guillaume Seznec en 1924 pour le meurtre de son ami Pierre Quemeneur, dans un des dossiers criminels les plus célèbres du XXe siècle ».  Siégeant comme instance de révision, la Cour n'a pas suivi  l'avis de l'avocat général Launay, qui estimait le 5 octobre que le condamné avait été victime d'une machination policière. « Il n'existe aucun fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de Guillaume Seznec », ont tranché les hauts magistrats.

Maître de scierie à Morlaix, Guillaume Seznec avait été condamné le 4 novembre 1924 par la cour d'assises du Finistère aux travaux forcés à perpétuité pour le meurtre de Quemeneur. Meurtre qu'il a toujours nié… et dont on n’eut jamais de preuve. Gracié en 1947 pour bonne conduite après vingt ans de bagne à Cayenne (passés à clamer son innocence), Guillaume Seznec est mort en 1954 d’un accident de la circulation.

« De nombreuses personnalités politiques de droite comme de gauche plaidaient pour son innocence, encore aujourd'hui », soulignent les médias. Perplexe, le barreau s’interroge sur les raisons qui ont pu pousser la Cour de cassation à maintenir l’opprobre sur Guillaume Seznec, alors que le meurtre de Quemeneur n’a jamais été établi. 

Denis Le Her-Seznec, qui a voué sa vie à la réhabilitation de son grand-père, n’en revient pas : « Incroyable ! C'est un scandale », a-t-il crié, tandis que ses amis huaient la trentaine de magistrats protégés par des gendarmes. Les amis de la famille Seznec ont manifesté dans les couloirs au son du biniou braz.

« Avec son bandeau sur les yeux, la justice était aveugle. Depuis l'affaire d'Outreau, elle est devenue sourde. Avec l'affaire Seznec, elle est devenue folle. Honte à elle ! », a affirmé Denis Seznec aux journalistes.

La douleur explique la violence de ce propos. Le petit-fils se battait depuis des années pour la réhabilitation du grand’père : mais voilà qu’en dépit des nouveaux arguments, en dépit de l’absence de preuves de la culpabilité du Breton, la haute justice de 2006 reste solidaire du verdict de 1924. Comme si tout venait se briser sur un mur.

Plusieurs acquittés du procès d'Outreau entouraient hier Denis Le Her-Seznec. C'était l'expression du malaise qui règne en France autour des problèmes de justice, quelques jours après l’avortement de la réforme du système judiciaire.

 

Pour faire le point sur les éléments qui (selon l'avocat général lui-même) auraient dû entraîner révision du procès Seznec : une pleine page signée par les avocats Yves Baudelot et Jean-Denis Bredin dans Le Monde daté du 16 décembre. Consultable sur : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-846162,0.html

 

--------------------------------------------- 

RAPPEL : L’ AFFAIRE SEZNEC

 

Guillaume Seznec avait été condamné aux travaux forcés à perpétuité le 4 novembre 1924 pour le meurtre du conseiller général Pierre Quemeneur, dont le corps n'avait pourtant pas été retrouvé.

L'arrêt de la Cour de cassation, 14ème rejet de révision depuis 1926, estime que « rien ne vient remettre en cause les éléments à charge retenus lors du procès ».  Même pas la découverte du rôle de Gherdi…

Lors du procès, en effet, Seznec avait affirmé que Quemeneur et lui avaient rendez-vous avec un certain Boudjema Gherdi pour mettre sur pied la vente de voitures américaines (des stocks US de 1918). La cour medium_bonny_1_.jpgd’assises avait rejeté cet élément.

Soixante ans plus tard, grâce au témoignage d’une ancienne résistante (Colette Noll), on a découvert que Gherdi avait réellement existé. Et qu’il avait « travaillé » en 1944 dans la Gestapo française de la rue Lauriston, avec… l'inspecteur Pierre Bonny (PHOTO).  Lequel avait été  – onze ans plus tôt –  la cheville ouvrière de l’inculpation de Seznec !  (Selon l’hypothèse la plus fréquemment évoquée, c’est lui qui avait forgé la « fausse promesse de vente » de Quemeneur à Seznec : faux qui servit à faire condamner celui-ci). Puis Bonny joua un rôle  dans les « suicides » de Stavisky et du conseiller Prince (1934). Avant d’être révoqué pour ses accointances avec le milieu, et sa façon de truquer les enquêtes... Enrôlé dans la Gestapo sous l’Occupation, il allait être fusillé en 1945.

Colette Noll se souvenait de Bonny et Gherdi. Son témoignage était donc troublant : il semblait corroborer l’hypothèse d’une machination de flic ripoux, intéressé dans l’affaire des voitures américaines, et employeur d’un semi-truand.

En 2006, la Cour de cassation en 2006 écarte la piste Gherdi ; exactement comme la cour d’assises de 1923... Le petit fils de Seznec va se pourvoir devant la Cour européenne des droits de l’homme. Mais celle-ci n’a pas le pouvoir de révision. « Il serait temps qu’elle l’ait », murmure-t-on chez les avocats.

 

 

Commentaires

> Comme beaucoup d'autres, je me suis intéressé à l'affaire Seznec. Pour la simple raison que j'étais profondément choqué que la justice puisse condamner quelqu'un pour crime alors qu'elle ne possédait aucun début de preuve de la mort de la "déclarée victime".
J'ai donc lu le livre de Denis Seznec : on en sort avec la conviction d'une grave erreur judiciaire. Puis, j'ai lu un autre livre récent écrit par un journaliste compétent dans le domaine judiciaire et qui a mené une enquête très fouillée et synthétique et qui plaide plutôt pour dire qu'il n'est pas facile de remettre en cause le jugement rendu.
Cette affaire avait pour moi aussi un côté affectif puisque les protagonistes étaient issus du plein Ouest de la Bretagne où j'ai des attaches.
Je suis ressorti de la lecture de ces deux livres sans avoir réussi à me forger une intime conviction, donc assez troublé.
Ceci pour dire que j'ai du mal à faire le rapprochement entre le scandale de l'affaire d'Outreau et cette terrible affaire Seznec.
Dans l'affaire d'Outreau, on ne peut s'empêcher de penser à un véritable déraillement de la machine judiciaire, à un total mépris pour les prévenus.
Dans l'affaire Seznec, il y a aussi du mépris, mais peut-on dire que la justice ait déraillé de la même façon : je ne le pense pas.
C'est en tout cas une affaire terrible et s'il était innocent comme il l'a toujours clamé, c'est véritablement affreux.

OlP

[De PP à OlP - Ce sont des acquittés d'Outreau qui ont fait eux-mêmes le rapprochement.]

Écrit par : olivier le Pivain | 15/12/2006

"PITOYABLE JUSTICE"

> "Comment peut-on être certain d'un doute ?" [Raymond DEVOS]

Niveau : "pi=3,14"(ou approximation d'école primaire), [à peu près c'est égal] et de proche en proche [l'erreur c'est la vérité] ... pitoyable justice...
L'argumentaire des hauts magistrats ayant certainement fait de hautes études est pitoyable.
Je supposais que la justice travaillait en finesse et que tout élément nouveau ou douteux méritait d'être pesé avec un soin minutieux et une probité au-dessus de toute équivoque ... enfin tout cela est sans doute fait dans le respect scrupuleux de la loi ... comme se plait à le dire un personnage haut placé pour encore quelques mois.
Enfin arrêtons-nous là !

Écrit par : Gérald | 16/12/2006

SOIN MINUTIEUX

> A la lecture des attendus du jugement, il semble bien que tout a été examiné avec un soin minutieux. (Et on voit mal comment la condamnation eût pu être annulée.)

L.

[De PP à L. - Je ne suis pas partie prenante dans cette controverse. Mais il faut tout de même signaler que : 1. l'avocat général voyait comment annuler la condamnation, et l'avait exposé en détail, avec un soin minutieux lui aussi ; 2. la pleine page d'arguments des avocats Baudelot et Bredin dans "Le Monde" (signalée à la fin de ma note, ci-dessus) est plus minutieuse et plus soignée que les attendus de l'arrêt de rejet... Le problème de la France, c'est d'être un pays où l'on "voit mal" comment annuler les injustices : tout le drame d'Outreau est là pour le montrer.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Louis | 17/12/2006

LES DISPARUS DE MOURMELON

Découvrez le site consacré à l'affaire des disparus de Mourmelon :
www.disparusdemourmelon.org
l'Etat français à été condamné pour fautes lourdes et dysfonctionnements de la justice pour cette affaire le 26 janvier 2005, aprés plus de 20 ans de procédures.
Depuis, il n'y a toujours pas de commission d'enquête pour cette affaire.

Soutennez notre action!!!

Écrit par : Paul Mirande | 09/01/2007

Les commentaires sont fermés.