28/11/2006
L'oecuménisme catholiques-orthodoxes n'a pas que des amis
Le patriarcat de Constantinople voit la visite du pape comme une aide. Mais le journal Le Monde dit le contraire. Il doit avoir une meilleure connaissance de l'orthodoxie que le patriarche de Constantinople...
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Les agences :
<< ISTANBUL, 28 nov 2006 - Les orthodoxes veulent que la visite papale favorise leurs droits en Turquie :
L'Eglise orthodoxe espère que la visite entamée mardi par le pape Benoît XVI en Turquie encouragera un plus grand respect par Ankara des droits des minorités chrétiennes, ont affirmé des responsables orthodoxes à Istanbul.
Le patriarcat oecuménique de Constantinople, basé à Istanbul, et son patriarche Bartholomée Ier, chef spirituel du monde orthodoxe, rencontrent en Turquie "des difficultés, c'est le moins qu'on puisse dire", a déclaré lors d'une conférence de presse l'archevêque Demetrios d'Amérique.
"Nous espérons que les rencontres puissent aider à améliorer les conditions pour une résolution de ces problèmes", a-t-il ajouté, faisant référence aux réunions prévues mercredi et jeudi à Istanbul entre Benoît XVI et Bartholomée Ier.
Les principaux problèmes, a expliqué le prélat, sont le refus par la Turquie de reconnaître au patriarche de Constantinople son caractère oecuménique, soit son rôle universel de "premiers entre les pairs" de l'Eglise orthodoxe, et l'absence de statut légal dans lequel est maintenu le patriarcat.
Mgr Demetrios a également mentionné le refus par Ankara de rouvrir l'unique séminaire orthodoxe de Turquie, sur l'île stambouliote de Heybeli, et la confiscation de biens immobiliers appartenant à des fondations chrétiennes.
Mgr Brian Farrell, un représentant de haut rang du Vatican, a suggéré que le pape allait faire pression sur Ankara au sujet des droits des chrétiens, dont ceux de la petite communauté catholique de Turquie.
Ankara considère que la juridiction du patriarcat de Constantinople n'excède pas les frontières de la Turquie, le nombre de ses fidèles se limitant au quelque 2.000 grecs orthodoxes du pays. Sous la pression de l'Union européenne, avec laquelle elle a entamé des négociations d'adhésion, la Turquie a récemment voté une loi facilitant le retour à leurs propriétaires des biens confisqués depuis 1974 aux fondations grecques orthodoxes, arméniennes et juives. Les représentants de ces communautés trouvent cependant la loi insuffisante. >>
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Commentaire :
Hier, on apprenait que le métropolite de Kiev vient à Notre-Dame de Paris ce vendredi (pour une vénération solennelle de la Sainte Couronne d’Epines, en union avec les catholiques parisiens.
Aujourd’hui, on apprend que le patriarcat de Constantinople voit la visite de Benoît XVI comme une aide, pour améliorer le sort des chrétiens de Turquie et la position œcuménique du patriarche.
Ce sont des choses que l’on apprend sur l’Internet. Mais pas en lisant la presse parisienne...
Par exemple, si vous ouvrez Le Monde daté d’aujourd’hui, vous y lisez que Benoît XVI va en Turquie pour ne rien dire, particulièrement au sujet des orthodoxes : car « l’orthodoxie » (affirme ce journal) « a très mal digéré le discours de Ratisbonne, qui a porté tort aux minorités chrétiennes des pays d’islam ». Le 26 novembre, le même journal assurait que l’orthodoxie se sentait « fragilisée » par le voyage du pape en Turquie, et qu’elle renouait avec « ses vieux réflexes antiromains ». Cette thèse est connue : c'est celle d'une microfraction de l'orthodoxie parisienne, composée d'ex-catholiques désireux de régler des comptes avec leur ancienne Eglise. On s'étonne de la retrouver, un jour sur deux, dans un journal-de-référence.
15:20 Publié dans Oecuménisme | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Benoît XVI, catholicisme, orthodoxie, médias
Commentaires
REMI BRAGUE ET JOSEF RATZINGER
> Bonjour et merci pour votre blog.
Mon commentaire n'a pas de lien direct avec le thème des relations catholiques/orthodoxes, mais cet article (le Figaro du 24/11/06) m'a vraiment amusé, l'auteur, Rémi Brague*, constatant la capacité d'un catholique (et quel catholique), à unir foi et vraie rigueur intellectuelle. A méditer.
DLC
"J'ai pu approcher Josef Ratzinger deux ou trois fois. La dernière, ce fut spectaculaire : fin 1999, à un colloque qui, avant les célébrations de l'an 2000, devait se demander après quoi cette date symbolique se situait (le christianisme, en l'occurrence), et en dresser le bilan. La première impression était comique : un cardinal dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne ! Le préfet du Saint-Office dans un haut lieu de la «laïcité» !
La seconde impression, plus grave, était celle d'un inquiétant retournement de situation. Son discours était parfaitement fidèle aux principes qui ont fait l'Université : savoir sobre et vérifié sur les sources, souci de la rationalité des arguments, respect de l'adversaire dans une «disputation» réglée. Horreur ! Il l'était même plus que certains morceaux de bravoure, voire certaines «grandes déconnantes» où des intellectuels extrapolaient sur une information de seconde main. C'était le théologien qui montrait aux autres la rigueur de l'éthique universitaire.
Théologien et universitaire, c'est exactement ce que Josef Ratzinger était avant de devenir évêque de Munich, puis de Rome. Il semble étrange aux Français que la théologie soit enseignée à l'université. Mais l'Histoire nous rappelle que les universités, à partir du XIe siècle européen, doivent leur existence à la papauté. La théologie y était, avec le droit et la médecine, l'une des facultés supérieures. Et même la première en dignité. La théologie ne resterait-elle pas la science la plus digne d'être enseignée à l'université ? Elle est en effet la plus critique de toutes : elle seule commence par se demander si son objet existe. Et elle ne cesse de se le demander, en se faisant une idée toujours plus fine de ce que veulent dire «Dieu» et «exister».
Théologien ? Cela peut inspirer le respect. Mais avec un petit sourire : quelqu'un loin du concret, inconscient, voire gaffeur. Pour gouverner l'Eglise, à la rigueur. Mais pour les choses sérieuses, mieux vaudrait un économiste ou un sociologue... Voire. Une tenaille est en train de se forger : d'un côté, un islam qui a oublié la raison au profit d'un fondamentalisme du Livre (l'«islamisme») ; de l'autre, un christianisme qui la méprise au profit de l'affectivité (l'«évangélisme»). Ils ont en commun l'absence de théologie, voire son refus ou son impossibilité. L'Eglise catholique est-elle la seule qui risque d'être prise entre les deux ? Ou n'est-ce pas nous, l'«Occident» tout entier, y compris les conquêtes de la Modernité, qui risquons d'y passer ?
Il se pourrait ainsi que la théologie redevienne une science clé. Non bien sûr en commandant aux autres comme à des «servantes», mais en les rendant discrètement possibles. Comme garante de la compatibilité de la religion et de la raison, bien sûr, mais plus encore : comme garante de la raison elle-même. De la sorte, un pape qui fait de la théologie est bien plus proche qu'on ne le pense des vrais problèmes."
* Spécialiste des philosophies anciennes et médiévales, professeur à Paris-I et à l'université de Munich. Dernier ouvrage paru : La Loi de Dieu (Gallimard, 2005).
DLC
[P.P. à DLC - Merci de cette citation excellente. J'ai beaucoup d'amitié et de respect envers Rémi Brague... et envers Josef Ratzinger, que je connais l'un et l'autre. Et j'étais au colloque de la Sorbonne, en modeste spectateur preneur de notes ! J'ai eu exactement les mêmes impressions que le Pr Brague.]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : DLC | 29/11/2006
"PLATRIERS DE MENSONGES"
> Dans la Bible, Job traite ses amis de "plâtriers de mensonges" quand il ne peut plus supporter leurs explications qui n'en sont pas (Job 13, 4). Il m'arrive de penser la même chose à propos de journalistes.
BH
[De P.P. à B.H. - C'est une comparaison désobligeante envers la corporation des plâtriers.]
Écrit par : BH | 29/11/2006
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