Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/05/2024

Parler d'envoyer l'armée en Uklraine pour "remobiliser" l'électeur macroniste avant les européennes : c'est le mauvais calcul de l'Elysée. Rendez-vous le 9 juin...

armée françaiise ukraine

Mais quel effet produit la peu crédible menace militaire de Paris ? Sur Poutine ou Xi Jinping, aucun... Et sur l'électeur français ? Peut-être l'inverse de ce que ses conseillers garantissent à M. Macron :


M. Macron pense être un homme d’Etat. Certains ne voient en lui que le banquier devenu politicien. Un politicien peut tout oser pour “remobiliser ses électeurs” ; M. Macron le prouve en agitant – avec insistance – son idée d’envoyer des troupes françaises affronter l’armée russe. Cette idée n’est pas principalement militaire : elle a une résonance électorale. D’où le malaise qu’elle suscite. 

L’idée de partir en guerre contre la Russie ne tient pas debout, pour plusieurs raisons dont celle-ci : notre armée n’a ni la dimension ni le matériel nécessaires pour tenir un front dans une guerre conventionnelle. C’est un fait. Mais aujourd’hui les faits ne comptent plus : réalisme et lucidité cèdent la place au parti-pris (affiché) et à la subjectivité (revendiquée). On ne parle plus d’un “avis” ou d’une “analyse”, mais d’un “narratif”: terme venu de la pub et des écoles de commerce. Le narratif, storytelling en business-globish, est l’empire des punchlines et du fake : techniques visant à souffler des “pulsions” au consommateur – ou à l’électeur. Peu importe désormais qu’une idée soit juste ou fausse : le but n’est pas de décrire le réel, mais de créer l’émotion. C’est vrai tous les jours dans la consommation de masse ; c’est vrai cycliquement dans la vie politique. Surtout en période électorale.

M. Macron redoute ce que lui réservent les européennes. Il a raison là-dessus. Son impopularité personnelle, et la déficience de Valérie Hayer, semblent vouer la liste macroniste à une débâcle. Or ces européennes étaient rêvées en midterm elections à la française par les conseillers de l'Elysée...

L’imprégnation américaine de ces messieurs les fait mal raisonner : les européennes ne peuvent être des midterm, puisqu’elles n’ont pas d’impact sur la vie politique nationale. Et l’électeur en colère peut voter à sa guise sans craindre de conséquences en France... (Les débats des eurodéputés ont d'ailleurs très peu de portée en eux-mêmes, puisque Bruxelles n’est démocratique qu'en apparence).

Les fausses midterms de la macronie risquent donc d'être gâchées : non seulement par le  RN, Grand Satan désigné par l'Elysée, mais par la liste Glucksmann en train de doubler la liste Hayer. M. Macron s'en aperçoit trop tard. Donc il surréagit. C'est en catastrophe qu'il lui faut “remobiliser” ce qui lui reste d’électeurs ! Ce sont surtout des bourgeois âgés, obstinément confits en respect pour la fonction élyséenne (et n'ayant pas compris que Sarkozy, Hollande et Macron l'avaient sabordée). Peut-être reste-t-il aussi un reliquat des commerciaux “en marche” de 2017, classe obtuse qui voulait privatiser la République ? Mais même dans ce milieu, il y a eu beaucoup de déchet en sept ans.

Et rien ne dit que le moyen choisi par M. Macron pour "remobiliser" ne va pas, au contraire, pousser des modérés dans l’abstention. Voire dans l’opposition.

Ce moyen est d’agiter le spectre d’une guerre. Et il ne s’agit plus d'arpenter les dunes avec des blindés légers, mais d’affronter, dans les plaines d’Ukraine, une armée conventionnelle bardée d’artillerie lourde sur un front étendu : conflit à l’ancienne avec nombreux tués, tranchées au kilomètre et vaste consommation de matériel... Ce n’est pas dans les moyens de l’armée française actuelle. Tout le monde le sait. M. Macron aussi.

Que pèse alors sa menace ? Dans l’esprit de Poutine : à peu près rien, il l’a fait dire par le porte-parole du Kremlin. Dans l’esprit de Xi Jinping non plus – aux yeux duquel la France alignée sur Washington n’a pas d’intérêt géopolitique.

Les cyniques diront : “M. Macron n’imagine pas que le Kremlin va prendre au sérieux sa menace. Ce n’est pas à Poutine qu’il parle. C’est à l’opinion française. Il croit que des sonneries de clairon peuvent électriser le bourgeois d’ici au 9 juin. Car encore et toujours, l'obsession est d’éviter une débâcle dans ces européennes que la macronie prend pour des 'midterm'…”

Mais c’est un calcul hasardeux. Personne ne sait ce qui se passe en 2024 dans l’esprit du macroniste de 2022 quand il entend le président évoquer (avec désinvolture) une intervention militaire française à l'est de l'Ukraine : ce qui impliquerait l’OTAN et attirerait un risque nucléaire sur l’Hexagone.

“Mais nous avons notre propre force nucléaire de dissuasion” ? Oui, tant que M. Macron ne l’aura pas assujetti à une décision de Bruxelles : ce dont les conseillers de l’Elysée semblent avoir une forte envie, et qui annulerait les deux conditions d’efficacité de cette force (indépendance et rapidité). Rappelons que depuis soixante ans l’Europe du nord, totalement américaine, est hostile par principe à la bombe française...

Ces choses ne sont pas tout à fait ignorées de l’électeur français, Le bellicisme élyséen (même boosté par des chaînes d’info se croyant en 1938) prépare peut-être à la pauvre Hayer un moment de solitude au soir du 9 juin.

 

 

armée françaiise ukraine

 

Commentaires

RELATIONS DIPLOMATIQUES

> Dès lors que les relations diplomatiques n'ont pas été rompues entre deux pays (avec fermeture des ambassades) les ambassadeurs respectifs doivent assister obligatoirement aux cérémonies officielles, même s'il leur faut pour cela avaler des couleuvres. En 1989, le nonce apostolique en France a assisté au transfert du corps de l'abbé Grégoire au Panthéon même si ce dernier avait rompu la communion "effective et affective" avec les papes de son époque Pie VI et Pie VII.
Si la guerre est officiellement déclarée, le premier geste est la fermeture des ambassades et le départ immédiat des ambassadeurs et diplomates (c'est ce qui s'est passé en Septembre 1939 à Berlin, à Paris et à Londres). Nous n'en sommes pas là pour le moment avec la Russie.
Simplement les autres ambassadeurs "occidentaux" et américain à Moscou ont-ils assisté eux aussi à cette installation officielle de Poutine comme Président de la Russie pour son nouveau mandat ?
______

Écrit par : B.H. / | 08/05/2024

SON PEU DE POIDS

> Qui est le président français aux yeux de Xi Jinping ? La Chine pèse économiquement 21 billions de dollars, la France sept fois moins ; notre pays est moins peuplé que certaines provinces chinoises de second ordre, etc. : pour Xi, Macron est comparable au gouverneur du Sichuan ou du Guangdong, pas à un rival à égalité. À l'heure des empires, nous ne serons crédibles face à la Chine, l'Inde, la Russie, l'Amérique qu'en coalisant nos forces au niveau européen. Macron essaie, tant bien que mal, en invitant Mme von der Leyen à Paris, mais essuie un refus allemand qui a dû, à Pékin comme à Moscou, faire sourire : l'unité européenne n'est pas pour demain. Or devant de tels mastodontes, la France seule n'a aucune crédibilité ; c'est vrai au plan économique face à la Chine, quels que soient les plans com' déployés sur fond de paysages pyrénéens, ça l'est également militairement face à la Russie qui sait pertinemment que l'armée française, qui pourrait difficilement défendre ses propres territoires d'outre-mer face à une attaque d'envergure, ne s'aventurera pas seule sur le théâtre ukrainien.
______

Écrit par : Philippe de Visieux / | 09/05/2024

TOUT PETIT BUT

> En fait, le but est de faire en sorte que la liste Hayer ne descende pas sous les 5%, risque qui ne semble pas nul à l'heure actuelle.
Mais effectivement les moyens employés peuvent faire pire que mieux.
______

Écrit par : Bernadette / | 09/05/2024

PAS D'ACCORD

Cher Patrice, je ne vous suis pas dans cette publication, où votre esprit d'analyse pourtant si rigoureux d'originaire cède aux sirènes des alarmistes affidés au Kremlin.
D'abord, il convient de comprendre que la posture présidentielle est le fruit d'une évolution : après avoir cru pouvoir négocier avec M. Poutine, le Président de la République française est rentré dans la dialectique du rapport de forces. C'est ce qu'explique le chercheur Dimitri Minic dans une récente note publiée par l'Ifri. Or, cette dialectique fonctionne puisque M. Poutine y répond par ses gesticulations (cf. convocation de l'ambassadeur et discours du 9 mai). Simultanément, M. Macron reste fidèle à son approche du "en même temps" via la participation de l'ambassadeur de France en Russie à l'investiture de M. Poutine.
Ensuite, concernant la dissuasion, la démarche du Président est d'offrir une alternative au "parapluie" américain, langage entendu par les pays frontaliers de la Russie, mais moins par nos voisins immédiats dont l'Allemagne qui ne croit pas à cette option. Il est dommage d'entendre sur ce sujet les propos de la chef de file du RN qui empile des imprécisions pour de pures raisons politiciennes.
Gardons notre sang froid et ne cédons pas à la panique, car c'est précisément la déstabilisation de la France et des pays européens que recherche le régime de M. Poutine.

RV


[ PP à RV – Relisez ma note, et dites-moi si vraiment elle "cède à la panique" ? Je n'ai pas cette impression. Quant au "rapport de forces", il est hors de la portée de l'Elysée tant que l'armée française sera ce qu'elle est devenue en vingt ans de somnambulisme atlantisé.
Par ailleurs, vous n'êtes pas obligé de traiter d"agent du Kremlin quiconque qui ne partage pas le point de vue de la télévision de M. Bouygues, candidat notoire aux chantiers de reconstruction d'Ukraine...]

réponse au commentaire

Écrit par : Renaud Voyer / | 09/05/2024

L'EMPIRE AMÉRICAIN

> Imaginons même qu'on envoie l'armée française contre Poutine et que la Russie soit battue : qu'est-ce que ça apporterait de bon ? L'Ukraine deviendrait une colonie financière et militaire des USA, la Russie perdrait toute force géostratégique et l'UE perdrait toute possibilité d'indépendance vis à vis des USA. Macron n'a aucune ambition pour la France ni même pour l'Europe, sauf comme dépendances américaines.
______

Écrit par : Albert / | 09/05/2024

Écrire un commentaire

NB : Les commentaires de ce blog sont modérés.