18/04/2019
Supprimer l'ENA ? Elle avait déjà dégénéré en "business-school bis", perdant ainsi sa raison d'être...
...et relayant désormais "une religion de l'impuissance de l'Etat” :
► Marie-Françoise Bechtel, ex-directrice de l’ENA (Libération 18/04), avoue d’où vient le problème actuel de l’ENA :
<< La formation des élèves a subi le grand vent de la mondialisation. L’origine de ce problème […] se trouve à Sciences-Po dont elle est l’école d’application. C’est dans les années 2000, avec son directeur Richard Descoings, que Sciences-Po a pris ce tournant et est devenue “l’école du marché”. […] Les enseignants sont également formatés par cette pensée unique. [...] la libéralisation de l’économie a pénétré le système. Quand vous apprenez aux élèves que la seule chose qui vaille, c’est le respect des équilibres budgétaires, vous prêchez une religion de l’impuissance de l’Etat. J’ai appartenu à le promotion Voltaire (1978-1980), c’était déjà […] l’idée que toutes les politiques sociales et éducatives devaient être passées à ce crible. Cela resserre et assèche l’imagination des élèves. >>
► Créée en 1945 par le général de Gaulle pour être le vivier méritocratique de l’Etat républicain, l’ENA avait vite dégénéré en chaîne de montage de la grande technocratie, détestée pour cette raison par le reste de la société française. Depuis les années 1980 elle a carrément renié ses origines pour devenir une business-school-bis, alignée sur le tout-finance de l’ultralibéralisme et perdant ainsi toute raison d’être. Pourquoi l’ENA quand il y a HEC ?
M. Macron étant un pur produit de cette ENA last-version, et sa “gouvernance” reflétant largement la pensée unique, on se demande par quoi il compte remplacer l’école. Par un sas du privé vers l’ex-“public”, selon la rumeur ? Cette idée inquiète (dans Libé) un actuel étudiant de l’ENA : “les Français souhaitent-ils véritablement remplacer les hauts fonctionnaires par des cadres issus du secteur privé ?” Il pourrait se demander si les ultimes énarques ne ressemblent pas déjà à des cadres du secteur privé.
10:41 Publié dans Idées, Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : ena
Commentaires
L'IDÉE
> Merci de rappeler tout cela. L'ENA a été fondée dans le cadre du programme du CNR, programme inspiré surtout (on ne le dit plus) par les chrétiens sociaux. il faudrait réformer pour revenir à l'idée initiale. Si on supprime l'ENA, elle sera remplacée par Harvard et HEC.
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Écrit par : Guadet / | 18/04/2019
CHIC
> L'étudiant de Libé doit être un simplet. tout le monde sait que la meilleure école pour entrer dans la finance chic à Paris, BNP et les banques d'affaires, c'est l'E.N.A. et depuis très longtemps.
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Écrit par : Daniel Azan / | 18/04/2019
à Guadet :
> C'est cette dérive de la société française vers une vision américanisée de la vie publique qui est problématique. J'ai eu il y a une quinzaine d'années l'opportunité de suivre deux ans d'études à Harvard : parfaitement inutiles avec le recul, mais j'avais été formaté par l'opinion générale selon laquelle obtenir un master aux Etats-Unis était par définition la "voie royale". Ces deux années (en droit) m'ont toutefois permis de découvrir cette université qui forme la supposée élite américaine. Je puis affirmer que les cours et séminaires donnés à l'école d'administration publique J.-F.-Kennedy ('l'ENA américaine') sont assez proches de ceux donnés à l'école de commerce ou à la faculté de droit : beaucoup d'économie, d'incitation à l'optimisation des politiques publiques (comprendre : prendre Milton Friedman pour modèle), de géopolitique entendue sous l'angle de l'exportation du modèle américain d'Etat de droit (démocratie et capitalisme, encore qu'il s'agisse maintenant plutôt d'une ploutocratie). En 2006-2007, on y parlait de la Chine comme de la nouvelle Amérique : beaucoup de professeurs estimaient que l'ouverture économique chinoise donnerait nécessairement lieu à une démocratisation à l'américaine dans les dix ans. Il ne faudrait pas que la future ENA ressemble à l'école Kennedy de Harvard.
P.S. L'ENA européenne, le Collège d'Europe, est en réalité beaucoup plus proche de l'école Kennedy que de l'ENA française ancienne formule, mais au vu de ce qu'est devenue l'Union européenne, ce n'est guère étonnant.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 19/04/2019
SCIENCES PO
> Il faudrait aussi donc parler un peu plus de Science Po, devenue une business school d’Etat, formant des banquiers et des lobbyistes pour Bruxelles (les personnes que je connais qui sont passées par cette école...)
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Écrit par : Ludovic / | 19/04/2019
PAS ISSUE
> A noter : la présidente des jurys des prochains concours de l'ENA (pardon de "L'éna" (c)) n'est pas issue de l'Ecole :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=7EC22911A8343872371F0925E2DCA781.tplgfr35s_3?cidTexte=JORFTEXT000038425062&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000038424482
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Écrit par : Feld / | 28/04/2019
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