09/04/2018
Bernardins : Macron confronté aux fragilités...
...et c'est l'Eglise catholique qui donne à celles-ci la parole :
Attendons ce que va dire M. Macron ce soir aux évêques français et aux représentants de toutes les fragilités (Bernardins 19 h, sur KTO et RND). Ce ne sera pas la comparution d'un politique devant les "leaders" d'une communauté. Ce sera la confrontation [*] du chef de l'Etat avec la France des fragilités : des hommes et des femmes dont la parole, de plus en plus ignorée des dominants, trouve refuge auprès de l'Eglise.
Un harmonique se forme aujourd'hui entre l'Eglise - la vraie, celle du pape et des évêques - et les divers courants de résistance à l'idole Argent. Cette nouveauté réveille les endormis et irrite les sectaires, mais l'avenir est là : celui de la sauvegarde de l'humain, et (pour les croyants) celui du témoignage évangélique en notre temps.
Dans son nouveau livre (Au péril de l'humain, Seuil), le généticien rebelle Jacques Testart - en lutte contre le nouvel eugénisme "consensuel et démocratique" impulsé par l'argent - déclare : "Comme pour le tri des embryons et mes craintes de dérive eugéniste, j'ai peu d'alliés. Ce que je trouve bizarre dans ma trajectoire, c'est que je défends toujours des causes où je me retrouve seul."
Pas tout à fait seul cependant, puisque l'écologiste logique José Bové mène un combat similaire (Bové fut un disciple du chrétien protestant Ellul) ; et puisque l'Eglise catholique est engagée à fond dans ce combat pour l'humanité de l'homme ! Reste à faire tomber les barrières pour permettre la rencontre des humanistes des deux rives : rencontre proposée par la pensée sociale chrétienne, y compris et explicitement la doctrine sociale de l'Eglise.
Quant au fait de se sentir "seul" par rapport au milieu scientifique, il ne devrait pas sembler "bizarre" au Pr Testart. La recherche scientifique aujourd'hui est serrée de près par l'industrie biotechnologique, qui est l'un des avatars de l'idole Argent ; quand les chercheurs acceptent de livrer à la commercialisation tout ce qu'ils rendent techniquement possible, la science s'asservit et dégénère en techno-science. La puissance financière étant là, il n'est pas "bizarre" que nombre de scientifiques s'y laissent aller ; souvenons-nous du comportement récent d'agences européennes dans certaines graves affaires.
L'emprise de l'argent est le facteur déterminant : elle explique l'ampleur de la dérive et l'éviction des repères moraux qui freinaient la marchandisation. Ceux qui voudraient résister aujourd'hui ont intérêt à prendre cette clé d'analyse, et à ne plus se satisfaire d'un mirage "politique" qui est l'autre nom de la naïveté. On ne combat pas le totalitarisme du business aux côtés de ses servants, ni le libéralisme réel au nom d'un "autre libéralisme" qui ne s'est jamais vu nulle part ; le seul libéralisme libéral, c'est le renard libre dans le poulailler libre.
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[*] "confrontation" au sens français (on "confronte" des points de vue) : non au sens globish ("affrontement"), qui envahit l'idiome officiel... Les américanismes évincent le mot juste, comme la brutalité des écureuils gris US élimine les écureuils roux d'Angleterre.
11:50 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : macron, catholiques
Commentaires
SUR LE DISCOURS DE MACRON
Pas d'inquiétude, nous dirons sans doute la même chose que vous vendredi matin à RND.
Et je l'ai dite ce matin au débat de LCI.
Boutin est tombée dans l'extase mais ça n'étonnera personne : elle fait partie de cette bourgeoisie catho qui ne veut qu'une seule chose : que les pouvoirs publics lui parlent poliment au lieu de lui jeter du lacrymogène. Et Macron est très poli.
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Écrit par : PP à Denis / | 10/04/2018
LE DISCOURS DE MACRON
> Si je devais résumer, un peu à l’emporte-pièce, l’esprit du discours – longuet – du chef de l’Etat aux Bernardins, j’écrirais : « Emmanuel Macron aux évêques de France : “Frappez [à ma porte], je vous ouvrirai.” »
Comme d’habitude, le jupiter élyséen nous a asséné tout et son contraire, mais pour demander au final à l’Eglise de se rallier :
– à une « sagesse » tout ce qu’il y a de plus relativiste (les lois sociétales à venir, notamment) ;
– à un « engagement » politique qui traduise la « conversion du regard » des catholiques au macronisme ;
– et à une expression de sa « liberté » en tant qu’Eglise qui se plie constamment – fût-ce « cahin-caha » (méfions-nous toujours des références à Caïn…) – aux règles et lois « d’airain » de la République.
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Écrit par : Denis / | 10/04/2018
LA TRINITÉ SELON MACRON
> A propos du regard de M. Macron sur les catholiques, chacun aura goûté sa relecture de la Trinité. Il commence par l’Esprit Saint en redéfinissant ce que devrait être la « sagesse » des catholiques. Puis il se réfère au Christ, en appelant à « l’engagement » politique et social aux côtés des macroniens de toutes espèces (il est vrai que Jésus s’appelle aussi Emmanuel). Enfin, il fait mine de se prosterner devant la « liberté » accordée par le Père éternel à tout un chacun, en concédant à l’Eglise le droit d’être « intempestive »… dans les bienséantes limites de la laïcité républicaine, cela s’entend !
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Écrit par : Denis / | 10/04/2018
IDOLES
> Il n’y a pas que l’Idole Argent.
Ce n’est pas le centre du mal, du moins tel que je l’ai compris à la lecture aussi assommante qu’instructive d’un livre qui, justement est intitulé "Voyage au centre du monde, essai de philosophie politique", Paris, Anthropos, 1975 par Jacques Rolland de Renéville
La précédant et lui ouvrant la route il y a l’idole progrès et pas principalement le « progrès matériel » qui se produit pour ainsi dire naturellement par l’accumulation des connaissances savoir-faire.
C’est plutôt le « Geist » hegelien qui ne grandirait, ne serait plus spirituel que par un rejet permanent de la façon de vivre de l’homme, de son passé, de ses attachements, sa culture.
Et la plupart d’entre nous catholiques lui rendons hommage.
Bien sur, M. Macron est imprégné du culte de cette idole dévorante!
PH
[ PP à PH :
- Tous ces points mériteraient d'amples débats : centralité ou non de l'idole Argent, origine de l'idole Progrès, etc. Les idées ne tombent pas de la Lune.
- Par ailleurs la vie spirituelle du chrétien est une "course" et une constante rupture avec le Vieil Homme (cf saint Paul). L'idole Passé existe et ne vaut pas mieux que les autres... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pierre Huet / | 10/04/2018
> J'ai été délibérément provoquant.
Oui, la vie spirituelle du chrétien est une course. Vers Dieu, plus particulièrement à la suite de la personne du Christ.
Mais la rupture n'est pas une fin en soi! Et en particulier la rupture avec la Création, car c'est bien ce qui ressort de ce texte indigeste de 1975, qui annonce le rêve transhumaniste.
La vie spirituelle du chrétien c'est d'aimer, la vie du Surhomme, c'est de rompre.
Le drame de certains chrétiens modernes est d’avoir confondu les deux. Et ce n’est pas seulement un débat d’intellos (que je suis pas, mais simple témoin désolé d’une époque) car cela a eu des conséquences pratiques lourdes sur le plan pastoral.
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Écrit par : Pierre Huet / | 10/04/2018
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