18/01/2018
NDDL : un choeur de protestations qui sonne faux
L'abandon du GPI ('Grand Projet Inutile') à Notre-Dame-des-Landes soulève des clameurs de deuil très artificielles - et des accusations surréalistes quand on voit de quoi Macron est le nom :
Même si l'on raisonne en stricte logique économiciste contemporaine, la décision de l'exécutif est rationnelle. En effet : 1. le projet d'aéroport dans le bocage datait de 1960 ; 2. prétendument au service du "Grand Ouest", il tournait le dos à toute une économie de l'Ouest en expansion (celle de la Vendée) ; 3. il tournait aussi le dos à d'importantes industries euro-nantaises, liées à l'aéroport actuel donc opposées au transfert à NDDL : par exemple Airbus ! On s'étonne d'ailleurs qu'aucune radio, aucune télévision - et aucun quotidien, sauf erreur - ne soit allé interroger les industriels nantais anti-transfert...
Car le ton des animateurs-vedettes, hier soir et ce matin, était presque exclusivement à l'irritation. À BFM, Ruth Elkrief ne cachait pas son agacement. À Europe 1, malmenant M. Castaner, M. Cohen affirmait que l'Etat n'allait pas moderniser Nantes-Atlantique et Rennes-St-Jacques. Et il écartait l'objection des intérêts économiques vendéens ("pff... l'exception vendéenne !"), comme si la Vendée était un département de seconde zone et peu digne d'attention... Dans les séquences de revue de presse, les radios insistaient sur les titres rageurs de certains quotidiens. Tous les micros se tendaient vers la maire PS de Nantes, qui adoptait un ton de mélodrame pour exhaler le deuil des Nantais à qui "Paris refuse un avenir" - comme si les intérêts du Nantais moyen coïncidaient avec ceux de quinze membres de la Chambre de commerce et ceux du groupe Vinci... Etc.
Ce chœur de lamentations sonne faux. M. Castaner a beau jeu de rappeler qu'à l'époque où le transfert de l'aéroport était une idée "de gauche" (Ayrault-Hollande), M. Retailleau s'en lavait les mains et déclarait : "Notre-Dame-des-Landes n'est pas mon combat." Prétendre que "Paris" piétine le suffrage "universel" est une plaisanterie, les riverains de l'actuel aéroport eux-mêmes s'étant partagés, presque moitié-moitié, entre partisans et adversaires du transfert !
On ne pouvait pas à la fois : 1. proclamer que le projet d'aéroport NDDL était "global", "national", "Grand Ouest" (Bretagne, Pays de la Loire, Normandie, Picardie, Centre Val-de-Loire, Charente-Poitou [*]) ; 2. ne faire voter que les gens de Loire-Atlantique... Lesquels n'ont d'ailleurs dit oui qu'à 55 %, chiffre encore amoindri par la faible participation de 51%. Sachant qu'aujourd'hui trois Français sur quatre approuvent l'abandon du transfert, on imagine ce qu'aurait donné un référendum national : surtout si la question avait été objective (présentant aussi un plan B) au lieu d'être univoque ("oui ou non au transfert") !
Plusieurs journaux papier - ainsi que MM. Cohen, Aphatie etc - semblent tenir pour acquis que la décision de l'exécutif est un "recul". Par rapport à quoi ? à une poignée de zadistes ?
Ce qui serait un recul, ce serait de bétonner le bocage (et d'y attirer les métastases urbaines liées à tout aéroport international : centres commerciaux, hôtels, autoroute etc)... pour faire la volonté de Vinci et d'un business présent auprès de LR et des élus locaux PS. On a envie de demander aux animateurs radio-télé de comparer les notables du business et les zadistes en bonnet, et de nous dire lesquels constituent un pouvoir dans le monde actuel. Entendre les riches et les puissants élever leur plainte vers les cieux est assez irréel...
D'autant qu'ils n'ont rien à "craindre" pour l'avenir. Pour s'être tiré du piège NDDL avec décision et maestria, M. Macron n'en reste pas moins M. Macron ; il fait promettre la trique à ceux qui voudraient "zader" ailleurs : par exemple contre le projet de poubelle nucléaire à Bure, ou le projet de bétonnage d'une forêt à Roybon par l'influent groupe Pierre & Vacances. Que les amis de M. Wauquiez ne se réjouissent pas : ils n'auront plus l'occasion d'accuser l'Elysée de faire le jeu des "voyous chevelus" - comme LR le disait hier soir et ce matin, avec un langage qui n'a pas varié depuis 1968 et le "complot international des trublions manipulés par le KGB". La droite inchangée depuis cinquante ans : pas de réflexion, rien que des réflexes.
"Non aux voyous chevelus !"
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[*] Définition du "Grand Ouest" selon... l'Agence d'urbanisme de la région nantaise.
12:25 Publié dans Ecologie intégrale | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
SYSTÈME
> C'est un classique de la politique française de donner un coup à gauche, un coup à droite pour avoir l'air au-dessus de la mêlée. Avec Notre-Dame-des-Landes Macron n'avait pas vraiment le choix : toute autre option aurait détruit ses images de président pragmatique et de champion de l'écologie mondialisée.
Il est cependant important pour lui que ce soit présenté comme une victoire gauchiste qui semble rétablir l'équilibre avec ses précédentes décisions. Ce qui explique les réactions des médias.
Cela lui permettra de continuer à mener sa politique néolibérale au profit des riches. Tous ceux que j'ai connu parmi ses prédécesseurs ont déjà employé le système.
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Écrit par : Guadet / | 18/01/2018
MAIS
> mais la virulence des médias ce matin allait plus loin que de donner un label "de gauche" à Macron pour NDDL. On l'accusait de capitulation pure et simple, ce qui ne fait pas son affaire. D'autant moins que des élu.e.s PS participaient au tollé.
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Écrit par : a. ancelin / | 18/01/2018
TRAFIC AÉRIEN
> Tout à fait d'accord avec vos observations PP!
Mais un point important me semble mis de côté: l'expansion débridée du trafic aérien pour la décennie à venir (voir commandes des avionneurs)liée surtout au développement extravagant des vols dits touristiques. Qu'en est-il du bien fondé de cette exubérance en regard des nuisances inhérentes?
A bien des points est-ce tenable sur le moyen long terme?
Ce point n'est pas évoqué à mon avis car il remettrait en cause par extension pratiquement tous les aspects du mode de vie dans les pays dits développés. Trop d'intérêts sont en jeu pour ceux qui mènent le bal.
Philou
[ Pp à Philou - Encore faudrait-il savoir sur quoi repose la prédiction d'un boom exponentiel du trafic aérien... Extrapolation algorithmique ? ]
réponse au commentaire
Écrit par : philou / | 18/01/2018
Philou à PP
> " Encore faudrait-il savoir sur quoi repose la prédiction d'un boom exponentiel du trafic aérien... Extrapolation algorithmique ? ]"
Pas boom exponentiel, seulement progression continue et soutenue ...ni extrapolation algorithmique
Il suffit d'entendre les récits de voyages dans notre entourage immédiat: ils ont fortement augmenté depuis peu d'années non?
Les carnets de commandes de Boieng et Airbus sont pleins pour 8 ans
Quelle autre secteur peut-il en dire autant?
Je vous invite aussi à lire cet article:
https://reporterre.net/Vacances-en-avion-La-planete-a-la-gueule-de-bois
On peut aussi faire la même observation pour le transport maritime et les croisières .
cerise sur le gâteau
ça vient de sortir :un paquebot brise-glaces en projet pour aller flâner vers les pôles
Délirant, non, en regard des réfugiés climatiques!
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Écrit par : philou / | 19/01/2018
CONSTAT
> D'accord avec vous philou, je fais le même constat inquiétant que vous dans mon entourage: les mêmes personnes qui sont sensibilisées à une alimentation locale et bio, qui pour certaines plébiscitent le vélo en ville, boudent le train (qui est je pense volontairement mis hors concurrence avant d'être totalement démantelé pour être offert au privé), prennent de plus en plus ouibus (merci qui?) et surtout l'avion, en national, et à l'international pour d'exotiques destinations touristiques.
Personnellement, je serais bien pour une campagne éco-citoyenne genre "j'aime le train pour tous".
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Écrit par : Anne Josnin / | 19/01/2018
LA FAUTE À ÉVITER
> Une bonne nouvelle, pour une fois.
Ce qu'il faut espérer, c'est que certains extrémistes zadistes acceptent de rentrer dans la légalité, sinon, ils feraient perdre la face au gouvernement et alimenteraient les critiques virulentes contre cette bonne décision favorisant l'amalgame entre écologie et extrême gauche.
Ce serait une mauvaise action politique et une faute morale.
PH
[ PP à PH - Ça va se régler sur place : les paysans d'origine et les néo-paysans sincères convaincront les extrémistes d'aller voir ailleurs. Les extrémistes eux-mêmes savent qu'une nouvelle bataille rangée n'est plus possible en l'absence d'enjeu, et qu'ils n'auraient plus de soutien populaire. Donc : si jusqu'auboutisme il y avait (contre l'avis de l'ACIPA), ce serait une preuve de plus que les Black Blocs roulent pour les ministres de l'Intérieur - comme on l'a souvent dit ici. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pierre Huet / | 20/01/2018
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