06/12/2017
Moyen-Orient : Trump de plus en plus inepte
Avec sa bourde sur Jérusalem, The Donald embarrasse le monde sunnite... dont il prétendait mobiliser une partie contre l'Iran :
Donald Trump avait promis de déclarer la vieille ville de Jérusalem "capitale d'Israël". Il va le faire ! Motif : la religious right US souhaite une conflagration au Moyen-Orient (elle croit que ça hâtera la fin des temps), et M. Trump a besoin des voix de la religious right. Par ailleurs M. Trump aime l'idée de conflagration, pour deux raisons : 1. il est belliciste, quoique s'étant fait réformer pour ne pas aller au Vietnam [*] ; 2. il est populiste, et les régimes populistes poussent le peuple vers la guerre pour le détourner des questions sociales. Enfin la droite US populaire (même non-religieuse) est pro-Netanyahou en vertu du bon vieil adage : "communists hate Israel - America hate communists".
Mais la décision trumpienne sur Jérusalem pousse la débilité jusqu'au monumental, dans la mesure où elle f... par terre la propre politique de M. Trump au Moyen-Orient.
Cette politique (d'ailleurs aberrante) consistait à provoquer un affrontement avec l'Iran chiite. Elle s'appuyait donc sur des régimes sunnites, Arabie saoudite en tête.
Or M. Trump, en déclarant Jérusalem capitale d'Israël, commet un sacrilège aux yeux de l'ensemble du monde musulman ! Résultat : les régimes sunnites se lancent dans un concours à qui lèvera le plus haut l'étendard de la résistance à M. Trump, et se trouvent forcés de mettre en veilleuse leur rhétorique anti-iranienne.
Président en exercice de l'Organisation de la coopération islamique, M. Erdogan convoque le 13 décembre à Istanbul une réunion d'urgence de 57 Etats musulmans, et téléphone à la fois aux dirigeants iraniens et aux dirigeants saoudiens ("Jérusalem est notre cause commune !") ; il téléphone aussi aux dirigeants malais, tunisiens, qatari, pakistanais, indonésiens...
Le roi de Jordanie, pilier de l'alliance occidentale, met en garde Washington contre "les conséquences graves et le risque d'escalade" de l'affaire de Jérusalem ; appuyé par le roi du Maroc (président du comité panarabe pour Jérusalem), il demande une réunion d'urgence des 22 ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe.
Le roi d'Arabie saoudite, pétrifié par la bêtise de son allié américain, qualifie sa décision de "danger qui provoquera la colère des musulmans".
Quant à l'Iran, il saisit l'occasion de dissiper le climat de guerre virtuelle sunnites-chiites qu'avait fabriqué l'Arabe saoudite. Le président Hassan Rohani déclare que Téhéran "ne tolérera pas une violation des lieux saints musulmans", et appelle les musulmans du monde à "être unis face à ce grand complot".
Si M. Trump persiste dans sa décision, il aura réussi l'exploit de rendre impossible sa propre stratégie anti-iranienne. Et de forcer le monde musulman à prendre - alors qu'il était plus divisé que jamais - la posture de l'union sacrée... On comprend pourquoi le secrétaire d'Etat Tillerson (qui attend son limogeage) finissait par qualifier son président de "crétin ne comprenant rien à rien".
Crétin peut-être, mais crétin populiste ! L'ultra-droite française ne changera pas de mentor.
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[*] Ce US hero, qui aime tirer de gros missiles, a évité le Vietnam en se faisant réformer (1968). D'où le sarcasme de John McCain en 2016 : "Les plus riches trouvent toujours un médecin pour ça..."
19:34 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : trump, jérusalem
Commentaires
HOWARD ET TÉTREAU
> Ce matin à France Culture, l'invité Dick Howard confirmait que Trump avait fait ça pour plaire à son électorat "droite religieuse protestante".
Pour Howard, l'affaire de Jérusalem est aussi une diversion de Trump pour faire oublier l'enquête du FBI sur ses connexions russes : "Trump est capable de déclencher une guerre pour se protéger et faire diversion".
L'autre invité, Edouard Tétreau, a rappelé que l'Eglise catholique (étrangère aux élucubrations des 'evangelicals') est fermement pour le statu quo à Jérusalem, cité internationale des trois religions. Mais il a souligné que Trump, effectivement capable de tout, peut très bien se faire réélire en organisant une diversion encore plus grave au dernier moment.
Auquel cas ce serait un criminel et non un imbécile.
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Écrit par : churubusco / | 07/12/2017
'RELIGIOUS RIGHT'
> "Motif : la religious right US souhaite une conflagration au Moyen-Orient (elle croit que ça hâtera la fin des temps)"
Vous semblez être le seul à en parler, avez-vous des références à me conseiller à ce propos? J'entends régulièrement ce type de prophétie apocalyptique de la part d'extrémistes musulmans (Daech en particulier), mais c'est la première fois que je le vois associé à des extrémistes chrétiens.
Alexis
[ PP à Alexis - Je ne suis pas tout à fait le seul : un invité américain de France Culture en parlait ce matin, cf. commentaire ci-dessus. Mais j'ai fait une enquête sur les évangéliques, publiée en 2009 chez Perrin ('Les évangéliques à la conquête du monde'), où j'étudie le phénomène du fondamentalisme américain et les élucubrations auquel il a donné lieu sur le thème de la fin des temps. C'est le "millénarisme", qui consiste à lire la Bible comme dans un cauchemar et à sur-interpréter quelques versets symboliques (Apocalypse ou Daniel) pour leur faire dire ce qu'ils ne disent pas mais dont on aurait envie ; en l'espèce, une "bataille ultime" du Bien (Israël et l'Amérique) contre le Mal (les Arabes).
C'est de là qu'est né le mouvement des chrétiens ultra-sionistes américains, qui a donné lieu à de multiples manifestations d'hystérie belliciste (voir le terrible film 'Jesus Camp') et à un puissant courant politicien à la droite du parti républicain... Courant que Trump veut flatter avec sa décision sur Jérusalem, considérée par les millénaristes comme un prélude aux Derniers Temps. Inutile de préciser que Trump lui-même ne partage pas cette idéologie. Ni d'ailleurs aucune. ]
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Écrit par : Alexis / | 07/12/2017
à Alexis
> ils viennent d'en parler sur Arte dans le magasine 28 minutes.
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Écrit par : VF / | 07/12/2017
JÉRUSALEM ET TRUMP
> Cette politique vise à attiser des braises qui refroidissaient. Je ne suis pas sûr qu'il faille faire un jouer un rôle excessif aux extrémistes chrétiens, il y a bien d'autres personnes très intéressées à ce genre d'attitudes, je présume qu'il inutile de rappeler le discours d'Eisenhower (une version ici: http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1846 ).
Loin de moi l'idée vouloir apporter de l'eau au moulin trumpiste, mais j'aimerais qu'on rappelle qu'à la création d'Israel, ce sont les musulmans qui ont refusé le statut de ville "internationale libre" de Jérusalem, que à quelques approximations près, Jérusalem est citée quelque 600 fois dans l'ancien testament, 150 dans le nouveau et zéro fois dans le Coran.
Quoiqu'il en soit, une chose est sûre, tous ces gens là ont oublié que Dieu [le Dieu des chrétiens] veut la conversion du pêcheur et non sa mort. (Et manifestement ce n'est pas l'option choisie par Trump).
franz
[ PP à Franz - Il est clair (pour les historiens) que l'adoption ancienne de Jérusalem comme "lieu saint de l'islam" ne correspondait qu'à une volonté politique locale. Mais poser aujourd'hui la question en ces termes ne résoudrait pas le vrai problème, qui est la situation de fait depuis des siècles : des millions de gens n'appartenant pas au judaïsme orthodoxe considèrent Jérusalem comme un haut-lieu spirituel international... En niant ce fait massif, Trump se comporte en irresponsable. Ce qui ne surprend personne. ]
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Écrit par : franz / | 12/12/2017
ADELSTON ET NETANYAHOU
> https://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20171209.OBS9010/sheldon-adelson-l-homme-derriere-la-decision-de-trump-sur-jerusalem.html
Cet article de l'Obs établit un lien entre la récente décision américaine concernant Jérusalem et la figure de Sheldon Adelston, magnat de Las Vegas et de Macao et contributeur "lourd" à la candidature de Trump. L'homme aurait exigé un retour d'ascenseur, consenti par Trump devant la perspective d'une perte de ce soutien indispensable.
Une nouvelle preuve que dans nos démocraties occidentales, les politiques ne sont que les marionnettes de groupes de pression dont ils dépendent financièrement.
L'équivalent, en moins pire, se retrouve à Bruxelles, comme on l'a récemment vu avec l'affaire du glyphosate.
Certains observateurs faisaient remarquer hier que la bourde hiérosolymitaine de Trump n'a - paradoxalement - sans doute pas réjoui Netanyahou, qui se voit privé du coup d'une alliance israélo-saoudienne contre l'Iran. Peu probable en effet que Riyad (et son opinion) accepte un tel rapprochement dans les conditions actuelles.
PV
[ PP à PV - Mais le cynisme des pétromonarchies envers les Palestiniens est sans limite. Le "modernisme" du prince héritier peut jouer aussi en faveur de l'attentisme. Et l'iranophobie reste sa priorité... Ces trois raisons sont connues d'Adelston et Netanyahou. ]
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 12/12/2017
CONSTANTE
> Ce n'est que le mûrissement d'une constante de la diplomatie américaine si on en croit certains:
http://www.france24.com/fr/20120906-convention-democrate-jerusalem-capitale-israel-theme-controverse-parlement-obama-president-etats-unis/
PH
[ PP à PH - Constante, oui, mais jusqu'ici toujours réfrénée par les quelques esprits prudents qui se maintenaient dans les entourages présidentiels. Désormais on a Trump, déglingué pulsionnel sans la moindre notion des choses. - et ne supportant aucun expert de quoi que ce soit. ]
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/12/2017
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