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25/04/2016

Le gnou n'aime pas les convergences

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Pourtant les signes de convergence se multiplient. Ainsi dans l'entretien entre Bové et De Luca, sur des thèmes proches de Laudato Si' et du discours de Santa-Cruz :


 

 

Continuons le débat sur les convergences. C'est un débat nuancé. Les gnous coassent* donc leur irritation... «  Bovidé du genre Connochaetes », disent les zoologues, le gnou ne réagit qu'en fonction « de son groupe » qui est obsédé d'auto-protection et ne se déplace « qu'à la vitesse de son gnou le plus lent » (on le constate en lisant les sites libéraux-conservateurs). Tout ce qui incendie les savanes de préjugés affole les gnous : ils partent alors en cavalcade droit devant eux. En zone tempérée, l'un des préjugés du gnou est le climato-négationnisme : d'où les coassements contre le « réchauffisme » du pape. Un autre de leurs préjugés est le binaire, surtout le binaire « gauche-droite » : la plus gnou des dialectiques gnous, puisque les mots droite et gauche n'ont plus de sens aujourd'hui ! Le tropisme gauche-droite est même doublement gnou, dans la mesure où sa perte de sens est un effet du libéralisme** : système aimé du gnou, qui le croit vieux d'un million d'années.

La pensée-gnou est incapable de voir les réalités nouvelles.

Et notamment, incapable de voir – ou d'admettre – les convergences entre pensée catholique et pensées contestataires : convergences qui annoncent une « révolution culturelle » (pape François) dont nous guettons, nous, les signes avec passion.

Voici un signe de plus. On le trouve au fil de l'entretien entre José Bové et Erri De Luca arbitré par Gilles Luneau et qui vient de paraître chez Indigène (Montpellier), naguère éditeur de l'Indignez-vous de Stéphane Hessel : best-seller traduit en vingt langues.
Comme le Hessel, le Bové-DeLuca-Luneau est un livret à 4 euros. Il s'intitule :
Du sentiment de justice et du devoir de désobéir. Avec quoi converge cet entretien ? Avec Laudato Si', avec le discours de Santa-Cruz, et en général avec toutes les interventions économiques et sociales du pape Bergoglio ! Les gnous vont encore se choquer de ce que nous suivions le pape et les évêques : dans la pensée-gnou, la posture de « vrai catho » consiste à refuser de comprendre ce que veut l'Eglise réelle.

Quelques brefs exemples de convergences avec le pape François :

 

La cause du bien commun

José Bové : « Nous sommes confrontés à l'attaque par des intérêts particuliers de ce que l'on définit aujourd'hui comme notre bien commun... » Bové cite (comme Laudato Si') divers exemples de saccage économique de la planète, et ouvre une perspective très proche de celles de François : « C'est la somme des résistances et des constructions alternatives qui imagine l'avenir et le bâtit... » (De Luca : « Je suis complètement d'accord ! »).

 

Le légitime et le légal

Erri De Luca : « La légalité ne coïncide presque jamais avec la justice […] La légalité, il faut la vérifier à la chandelle de la conscience de chacun... »

José Bové : « C'est là qu'on peut dire si la loi est juste ou pas : c'est quand elle choque des fondamentaux qui ne sont pas forcément des droits écrits mais des droits du bon sens et qui fondent notre humanité depuis la nuit des temps... »

 

Les limites

José Bové : « Reconnaître que la nature est un élément indépassable, c'est être libre dans un espace donné. J'habite sur Terre, je ne vis pas de manière complètement extérieure à la réalité, donc accepter cette limite, c'est accepter ma place dans le monde mais aussi ma place avec les autres. »

Erri De Luca : « Accepter les limites, c'est aussi connaître sa mesure […] Reconnaître notre condition d'infériorité et de créatures de passage sur cette planète. Les limites […] sont des leçons : des leçons de justesse, d'humilité, de prise de conscience et nous mêmes, et une réduction de notre arrogance. »

 

Ces extraits rendent un son très bergoglien. Si l'on creuse un peu la question, on constate qu'ils rejoignent l'anthropologie catholique de toujours : sauf durant la parenthèse des Vingt Années Stupides (1990-2010) où l'arrogance libérale a réussi à le faire oublier aux catholiques français, le catholicisme est anti-libéral par nature et surnature ; sa vision du monde repose sur la notion de condition humaine et de limites du créé ; sa pensée sociale postule une gestion solidaire de la création par la créature humaine.

Comment, catholiques français, avons-nous pu oublier ça entre 1990 et 2010, malgré les avertissements magistraux de Jean-Paul II et Benoît XVI ?

Pourquoi a-t-il fallu l'arrivée providentielle d'un pape non-européen pour que la plupart d'entre nous ouvrent enfin les yeux ? (On le voit par la mobilisation autour de l'encyclique, dont j'ai encore eu des d'échos ce week-end : cette fois c'était en Vendée).

Mais le mouvement est lancé.

 

_______________

* Le gnou a deux cris : le grognement plaintif et une sorte de coassement.

** Libéralisme, néolibéralisme : ces concepts ont (eux) un sens en 2016. « Le libéralisme était une logique limitée par les forces adverses dans le contexte de l'Etat-nation. Le néolibéralisme n'est rien d'autre qu'un libéralisme affranchi de ces contraintes dans un Etat-monde émergent » (Jacques Bidet : Le néolibéralisme, Les Prairies ordinaires - avril 2016). 

 

Commentaires

CENTRE DU MONDE

> Le problème de ce que vous appelez les gnous c'est de se considérer comme le centre du monde. Les évêques nomment Christnacht ? "C'est pour gifler Ceux Qui Manifestèrent En Deux Mil Treize !" L'idée que ça n'avait aucun rapport ne les effleure pas.
______

Écrit par : a. ancelin / | 25/04/2016

COMIQUE

> Comique de voir les ultras professer hautement la résistance du légitime au légal quand il s'agit de lois sur la famille, et refuser cette résistance quand il s'agit du social, de l'économique et du financier.
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Écrit par : Hokupaï / | 25/04/2016

LES PRÉDÉCESSEURS

> La convergence des luttes est à rechercher, et avec elle la convergence des buts ! On le voit ici avec Bové-De Luca. Et merci de souligner que ce n'est pas le pape François qui a inventé la doctrine sociale de l'Eglise ! A force de dire en premier lieu que tout converge avec les écrits bergogliens, on peut faire penser que ce pape innove... ce qui est un argument de ceux d'en face.
Un exemple : sur les "droits du bon sens" évoqués par J. Bové. C'est tout simplement la loi naturelle, si bien expliquée par Benoît XVI aux gouvernements représentés à l'ONU : "les droits reconnus et exposés dans la Déclaration [des droits de l'Homme] s’appliquent à tout homme, cela en vertu de l’origine commune des personnes, qui demeure le point central du dessein créateur de Dieu pour le monde et pour l’histoire. Ces droits trouvent leur fondement dans la loi naturelle inscrite au cœur de l’homme et présente dans les diverses cultures et civilisations."
Même les idiots utiles des Vingt Années Stupides soulignaient ce concept.
Je pense que les cathos qui veulent faire converger les buts aujourd'hui ont été aussi élevés par les prédécesseurs de François.
Cordialement,

franfil


[ PP à F. - Bien d'accord avec vous là-dessus. C'est ce que j'avais essayé de pressentir dans mon "Benoît XVI et le plan de Dieu" paru en 2005. ]

réponse au commentaire

Écrit par : franfil / | 25/04/2016

UN RÉSUMÉ DU PROBLÈME LIBÉRAL

> Le catholicisme est anti-libéral par nature. Eh bien oui. Les catholiques libéraux, si tant est que cela puisse exister, sont des sophistes ou à tout le moins, s’ils n’ont pas l’intention de tromper versent dans le paralogisme.
Ils le font le plus souvent d’une manière très simple : par l’équivoque. Un terme est équivoque quand il a plusieurs significations. Ces significations sont données par ses définitions. L’équivoque ici porte sur le terme « liberté ». La liberté chez les libéraux, c’est : « La liberté est définie de manière négative comme l'absence de contrainte exercée par les autres individus, ou de façon positive comme le droit d'agir sans contrainte dans la limite des droits légitimes des autres. » à les en croire eux-mêmes (http://www.wikiberal.org/wiki/Libert%C3%A9 )
La liberté dans le catholicisme, c’est : « 1731 - La liberté est le pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi par soi-même des actions délibérées. Par le libre arbitre chacun dispose de soi. La liberté est en l’homme une force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté. La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre béatitude.
1732 Tant qu’elle ne s’est pas fixée définitivement dans son bien ultime qu’est Dieu, la liberté implique la possibilité de choisir entre le bien et le mal, donc celle de grandir en perfection ou de défaillir et de pécher. Elle caractérise les actesproprement humains. Elle devient source de louange ou de blâme, de mérite ou de démérite. » http://www.vatican.va/archive/FRA0013/_P5H.HTM
D'un côté on a une « absence de contrainte » et « un droit d’agir sans contrainte » et fond fort peu de limites réduisant d’ailleurs l’autre au rang de limite pour moi.
De l’autre on a « un pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d’agir ou de ne pas agir (etc) et une « force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté » qui « atteint sa perfection(…) ordonnée à Dieu.
Il est évident que dans un système libéral il n’y a ni bien ni vérité, mais seulement des intérêts (moi j’appelle cela des envies) qui se confrontent sur un marché (ce qui est d’ailleurs, vu que l’on ne sort absolument pas de la subjectivité, la raison probable pour laquelle le pape François parle à cet égard de relativisme). Et l’autre n’est pas conçu comme une limite.
Les deux définitions de la liberté sont différentes. Tout au plus ne se recoupent-elles que très partiellement, et encore par accident.
Tout raisonnement effectué par un catholique libéral à ce propos reviendra à faire glisser sous les mots ces deux notions différentes et les faire passer comme identiques.
On pourrait donner trivialement comme exemple :
Le chien est le meilleur ami de l’homme.
Le chien est une pièce du fusil de chasse.
Le meilleur ami de l’homme est une pièce de fusil de chasse.
Ici on a fait passer le mammifère ami de l’homme et une pièce de métal sous le même mot pour donner une conclusion qui rebute. Quand on n’y est pas accoutumé, c’est plus difficile à voir.
Voilà pour le sophisme. Parlez du libéralisme économique, éventuellement même de la doctrine sociale de l’Eglise et de la liberté en appliquant ce qui vient d’être montré juste ci-dessus au mot liberté, et vous obtiendrez le discours des catholiques libéraux.
« Le syllogisme est un raisonnement où, certaines données étant posées, on tire de ces données quelque conclusion, qui en sort nécessairement, et qui est différente de ces données. La réfutation, au contraire, est un syllogisme avec contradiction de la conclusion. Les sophistes ne le font pas réellement, mais ils paraissent le faire à plus d'un titre : et le lieu le plus naturel et le plus commun de tous ceux par lesquels on produit cette apparence est celui qui ne tient qu'aux mots. En effet, comme on ne peut discuter en apportant les choses mêmes, et qu'il faut se servir des mots comme représentation, au lieu des choses qu'ils remplacent, nous croyons que ce qui arrive aux mots arrive également aux choses, comme on conclut des cailloux au compte que l'on veut faire. Or ici, la ressemblance n'est pas tout à fait complète; car les mots sont limités ainsi que le nombre des définitions, mais les choses sont innombrables. Il est donc nécessaire qu'une même définition et qu'un seul nom signifient plusieurs choses. De même donc que ceux qui ne savent pas bien se servir des cailloux sont dupés par ceux qui le savent, de même, pour les discours: ceux qui ne connaissent pas la puissance des mots font de faux raisonnements, soit en discutant eux-mêmes, soit en écoutant les autres.» Aristote, Réfutations sophistiques.

Pour une autre question : on voit des catholiques libéraux se réclamer de Friedrich Hayek. Il y a là un problème. Hayek est un libéral, qui soi-disant refuserait l’utilitarisme, ce dont je ne suis absolument pas certain et ce qui en ferait de ce fait un auteur fréquentable. Le problème majeur est ailleurs. Il critique la notion même de justice sociale, ce qui lui a valu le prix Nobel d’économie grâce à son ouvrage « Droit, Législation, Liberté ». Or, le compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise est clair sur ce point : la justice sociale fait partie du vocabulaire catholique, c’est même, de mémoire une des formes de la justice « générale ».
Le catéchisme va indubitablement dans le même sens. Exemple : « 411. Comment la société assure-t-elle la justice sociale? La société assure la justice sociale quand elle respecte la dignité et les droits de la personne, qui constituent la fin propre de la société. D’autre part, la société recherche la justice sociale, qui est liée au bien commun et à l’exercice de l’autorité, quand elle accomplit les conditions qui permettent aux associations et aux individus d’obtenir ce à quoi ils ont droit. » http://www.vatican.va/archive/compendium_ccc/documents/archive_2005_compendium-ccc_fr.html#LA COMMUNAUTÉ HUMAINE
« La doctrine sociale comporte également un devoir de dénonciation, en présence du péché: c'est le péché d'injustice et de violence qui, de diverses façons, traverse la société et prend corps en elle.120 Cette dénonciation se fait jugement et défense des droits bafoués et violés, en particulier des droits des pauvres, des petits, des faibles; 121 elle s'intensifie d'autant plus que les injustices et les violences s'étendent, en touchant des catégories entières de personnes et de vastes zones géographiques du monde, entraînant ainsi des questions sociales comme les abus et les déséquilibres qui affligent les sociétés. Une grande partie de l'enseignement social de l'Église est sollicitée et déterminée par les grandes questions sociales dont elle veut être une réponse de justice sociale. » http://www.vatican.va/archive/compendium_ccc/documents/archive_2005_compendium-ccc_fr.html#LA COMMUNAUTÉ HUMAINE En clair, si on est d’accord avec Hayek, comme le fait par exemple Jean-Yves Naudet, la doctrine sociale de l’Eglise ne sert à rien, puisqu’elle ne risque que d’être une réponse de quelque chose qui n’existe pas à de grandes questions sociales.

ND


[ PP à ND :
- Merci de cette excellente mise au point, que je vais reproduire en note.
- Sur Hayek : ne jamais oublier qu'il considérait Mandeville, fondateur de l'utilitarisme le plus cynique ("Fable des abeilles" en 1705), comme le "maître-penseur, précurseur de la théorie de l'ordre économique spontané". Autrement dit : le père fondateur du libéralisme ! Référence : "Lecture on a mastermind : Dr Bernard Mandeville", par Friedrich Hayek, in 'Proceedings of the British Academy', vol. 52, 1966.
- Le problème des libéraux est leur mauvaise foi : ils esquivent toute objection en vous accusant d'être un agent de la Corée du Nord. (C'est le "point Goulag", équivalent du "point Godwin").
- Le problème des libéraux catholiques est une mauvaise foi XXL : ils récusent la moitié de la DSE (sans le dire) tout en se posant en catholiques de référence. ]

réponse au commentaire

Écrit par : ND / | 25/04/2016

@ ND

> Merci.
______

Écrit par : olivier | 26/04/2016

Les commentaires sont fermés.