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21/04/2016

Et voici le "populisme de gauche"

populisme

Proposé par une philosophe, un politologue et un historien :


 

 Brefs extraits d'un entretien du Monde* avec la philosophe Chantal Mouffe (université de Westminster), qui prône l'émergence de ce qu'elle nomme ouvertement un populisme de gauche :

<< Partout, on a vu se développer la post-politique, ce qui ne signifie pas qu'on a dépassé la politique, mais plutôt que l'on est incapable de penser politiquement. […] Tous les partis sociaux-démocrates ont accepté qu'il n'y avait pas d'alternative à la mondialisation néolibérale... >>

<<  [En France], la social-démocratie me semble en pleine "pasokisation", c'est-à-dire qu'elle est en train de disparaître... >>

<< Cette absence d'une véritable gauche crée les conditions pour l'émergence du populisme de droite [...] Marine Le Pen cherche à établir des frontières, un "nous" contre "eux"... [Cependant pour elle] cet "eux" ce sont les immigrés ou leurs descendants, ce qui ne peut pas être une politique de gauche. On peut plutôt choisir de désigner par cet "eux" les multinationales. […] Il faut développer un projet alternatif au néolibéralisme... >>

<< Les transformations du capitalisme financiarisé menacent également les classes moyennes : la paupérisation est générale. [...] La base sociale pour créer un mouvement s'est élargie... >>

<< Le populisme n'est pas une idéologie : c'est une forme de construction de la politique, c'est la façon d'établir la frontière entre ceux d'en bas et ceux d'en haut, le peuple et l'establishment. Cette distinction, d'abord mise en oeuvre en Amérique latine, peut maintenant être employée en Europe, car nos sociétés sont en train de s'oligarchiser. Il y a un fossé entre les classes moyennes et les super-riches... >>

 

Texte intéressant, d'autant qu'il s'accompagne, dans la même page du Monde, d'une autre tribune : « Le partage doit devenir le ciment idéologique du camp du progrès ». Ses signataires, Mehdi Ouraoui (Sciences-Po Paris) et Pierre Singaravélou (professeur d'histoire contemporaine à la Sorbonne), constatent la « mort cérébrale » de la social-démocratie depuis l'avènement de la « troisième gauche » : celle qui dit  « le marché est plus fort que tout »... et qui est en train de disparaître. Les deux auteurs appellent donc à la naissance d'une « quatrième gauche », dont le mot d'ordre serait : « et si on partageait tout ? » Ça aussi c'est intéressant, pour deux raisons :

1. La lucidité d'Ouraoui et Singaravélou. A leur « nouvelle gauche » ils assignent « des références à l'échelle de la planète », mais en soulignant : « Il ne s'agit pas de nier la résistance voire la résurgence de l'Etat-nation et des frontières dans la mondialisation, ni d'abandonner le rapport capital-travail », mais d'intégrer ces éléments à une nouvelle conception du global.

2. Leur convergence avec Laudato Si' : ce que proposent ces deux auteurs est le creuset d'une « révolution culturelle courageuse », comme dit le pape : alliance du réalisme (le courage des constats lucides) et du désir de changer de paradigme (le courage de vouloir la justice sociale). On sait que le pape Bergoglio et la théologie du peuple argentine sont attachés autant à l'enracinement dans les cultures nationales populaires qu'à la dimension internationale des luttes...

 

Ce nouveau courant d'idées sort du rond de bêtises des partis de gauche et de droite. Il faut donc s'y intéresser. Cela aidera aussi, de façon très secondaire, à n'être pas dupes des insurgés mondains de la « droite hors les murs » : grands révoltés que leurs réflexes ramènent du côté de l'establishment dès qu'il y a de l'imprévu, et qui disent vouloir tout changer mais en souhaitant que rien ne change – pour citer de travers (comme eux) le sempiternel aphorisme du Guépard.**

 

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* Le Monde débats & analyses, 21/04. Chantal Mouffe a publié L'illusion du consensus (Albin Michel).

** La phrase exacte est : «  Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change » (« Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi »). Elle est prononcée par le nobliau Tancredi, prêt aux plus grosses impostures pour se tailler une place.

 

12:43 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : populisme

Commentaires

PRINCIPE DE RÉALITÉ

> Comme vous l'avez répété PP "la réalité est la même pour tout le monde", même une partie de la gauche s'en aperçoit. Son problème : rester "de gauche" tout en tenant compte de réalités qui ont l'air d'aller contre les orientations "de gauche".
Mais tout dépend de ce qu'on appelle "gauche" à un moment où l'espoir de la gauche devient M. Macron qui est totalement de droite.
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Écrit par : Luc Leberre / | 21/04/2016

HORS LES MURS

> "« droite hors les murs » : grands révoltés que leurs réflexes ramènent du côté de l'establishment dès qu'il y a de l'imprévu, et qui disent vouloir tout changer mais en souhaitant que rien ne change"
Qu'est-ce que vous avez à vous acharner comme ça tout le temps contre les électeurs de Sarkozy et du PCD? (ironique).

ND


[ PP à ND - Justement non, la "droite hors les murs", ce ne sont pas les malheureux sarkozystes ni les membres du PCD (si du moins ils sont en phase avec les déclarations "non libérales" de JF Poisson !). La "droite hors les murs" est à chercher... plus à droite que ça. C'est un micro-milieu sociologique plus qu'un parti : ce n'est donc pas non plus le FN, même si la seule personnalité partisane qui plaise - voire fascine - "hors les murs" est Marion Maréchal Le Pen. ]

réponse au commentaire

Écrit par : ND / | 21/04/2016

@ PP

> Je disais cela car je connais beaucoup de gens qui ont voté Sarkozy, ont défilé avec LMPT, voté PCD, Boutin, qui vous mettent du boulevard Voltaire sur Facebook, et estiment être de vrais rebelles en lutte contre le système.
Sarkozy avait donné le la; quand on est le frère d'un dirigeant du Medef, se réclamer de Jaurès c'est vraiment se foutre du monde.
Maintenant tous ces braves gens nagent dans une espèce de soupe informe. Pour eux il n'y pas d'alternative entre la Corée du Nord et les Etats-Unis; mais ils sont sûrs d'être bien d'accord avec le pape François. Vous dites que les lignes bougent. Mais il y a des endroits où elles bougent lentement, et où on se demande ce que cela va donner à la fin.
J'ai eu un échange récemment sur une citation bien connue de 'Quadragesimo Anno' qui déclare incompatibles la foi catholique et le libéralisme. On m'a répondu: " tu interprètes, le libéralisme, c'est quand même bien". Et la personne était sûre d'être bien d'accord avec le pape François. Après avoir voté "nous citoyens"...

ND


[ PP à ND - C'est l'année de la miséricorde : souvenons-nous que l'inintelligence n'est pas un péché. (Certains sont inaptes à la simple logique...)
Le péché ne commence qu'avec la mauvaise foi. ]

réponse au commentaire

Écrit par : ND / | 22/04/2016

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