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20/03/2016

Des Rameaux aux outrages

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Face à l'injuste, l'exemple du Christ :


 

 

Commentant les lectures du dimanche des Rameaux et de la Passion, Hans Urs von Balthasar souligne l'aspect le plus déroutant aux yeux de l'homme instinctif (en nous) : Jésus face à la force injuste « ne se dérobe pas ». Il ne résiste pas. Il ne proteste pas. Il n'est pas venu pour une guerre sainte, comme le chef de militants en butte à l'hostilité des autres. Il est venu pour faire de tous les hommes des enfants du Père. « En Jésus, en ce qu'il a dit, mais en même temps en ce qu'il a fait (et avant tout sa croix), et en fin de compte en ce qu'il est, Dieu se dit définitivement à nous, et, se disant, se donne, pour nous recréer dans une vie éternelle qui n'est pas seulement notre vie d'hommes enfin délivrés du péché et de la mort, mais sa vie divine à lui. C'est là ce que saint Paul avait désigné comme le grand mystère de la sagesse divine, c'est-à-dire de la réalisation en Jésus, et en Jésus crucifié, de son dessein sur nous : mystère de notre adoption rédemptrice... » (Louis Bouyer).

Cette idée doit nous inspirer quand nous nous voyons – ou croyons – la cible d'attaques injustes. Le réflexe et l'erreur seraient de réagir comme Pierre et d'autres, à Gethsémani, cédant à un réflexe d'activiste de parti : frapper l'attaquant. Jésus leur dit : « restez-en là » (Luc), ou « range ton épée » (Matthieu), ou « remets ton épée au fourreau » (Jean). Il nous le répète tous les jours, parce que tous les jours nous revient la tentation du vieil homme en nous : « défendre l'Eglise » par des moyens qui la dé(sur)natureraient ; nous plaindre aigrement d'être maltraités*, comme si le Christ ne nous avait pas prévenus : « bienheureux serez-vous si l'on vous maltraite à cause de moi. »

Si nous voulons le suivre, nous devons l'imiter en cas d'outrage : notre seule vocation, dit Bouyer, est de le faire connaître « en ce qu'il a dit, en ce qu'il a fait (avant tout sa croix) et en ce qu'il est ».

Balthasar souligne que le témoignage de Jésus est de s'offrir « à tous les outrages des hommes » : « C'est, au milieu de l'histoire, son dessaisissement de lui-même jusqu'à la mort de la croix, qui fait de lui le seigneur de toute l'histoire. Ce qui est arrivé une fois dans l'histoire (car la Passion n'est pas un mythe, mais, "sous Ponce Pilate", elle se tient sur le sol ferme de l'histoire), est cependant l'illustration de ce qui se produit du début jusqu'à la fin de la tragédie de l'humanité : Dieu est "battu" et on "crache sur lui" avec mépris, tandis qu'il s'abaisse jusqu'au plus bas, pour nous, afin de prendre sur lui nos ordures... »

Souvenons-nous-en, devant ce qui a poussé l'opinion à huer l'Eglise en France quinze jours avant cette Semaine sainte 2016.**

 

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* Je parle de la situation dans l'Hexagone, pas du sort des chrétiens d'Orient. Nous subissons l'insulte épisodique, non le péril quotidien ; se prendre pour des persécutés serait de mauvais goût. Et rappelons-nous la scène primordiale de la Passion : << "Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font." Les juifs ne reconnaissent pas leur Messie. Les païens font ce qu'ils font mille fois par devoir professionnel : crucifier sur ordre militaire un prétendu criminel. Personne ne sait qui est Jésus en vérité. La prière de Jésus veut excuser les coupables et en trouve des raisons... >> (H.U. v. Balthasar)

** Pour relativiser la profondeur du trouble, il faudrait être de ceux qui ne sortent pas de leur bibliothèque.

 

 

Commentaires

DISCERNEMENT

> Que l'Esprit Saint nous donne ce qu'il y a de plus difficile : le discernement.
Savoir prendre du recul par rapport à nos instincts.
Ne pas jouer aux victimes, surtout quand il y a des victimes véritables et qui ne sont pas nous.
Comprendre les autres.
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Écrit par : Emmeline / | 20/03/2016

LE DESSEIN DE DIEU

> Merci pour ces citations de Bouyer et von Balthssar. Elles nous décentrent de nous-mêmes. Apprenons à voir le dessein de Dieu dans les épreuves au lieu de maudire les épreuves et ceux qui les occasionnent.
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Écrit par : Michel André / | 20/03/2016

René Girard, 'Achever Clausewitz' :

> «Le Christ irrite les rivalités mimétiques, il accepte d'en être la victime pour les révéler aux yeux de tous. Il en fait apparaître partout : dans la cité, dans les familles».
«Il nous faut tenter de comprendre cette parenté mystérieuse entre la violence et la réconciliation (…) Ce qu'on ne veut pas envisager, précisément, c'est que la réconciliation est l'envers de la violence (...) Le Christ fait scandale parce qu'il dit cela, parce qu'il vient révéler aux hommes que le Royaume se rapproche en même temps que s'accroît leur folie».
"Le Christ met alors l'humanité devant une alternative terrible : ou continuer à ne pas vouloir voir que le duel régente souterrainement l'ensemble des activités humaines, ou échapper à cette logique cachée au profit d'une autre, celle de l'amour, de la réciprocité positive. Il est à cet égard saisissant de voir à quel point la réciprocité négative et la réciprocité positive se ressemblent (…) de l'une à l'autre il en va du salut du monde !»
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Écrit par : Serge Lellouche / | 20/03/2016

GRANDE JOIE

> "Nous subissons l'insulte épisodique, non le péril quotidien ; se prendre pour des persécutés serait de mauvais goût. " Témoignage personnel : lorsque j'étais en classe de seconde, j'ai passé l'année la plus atroce de ma vie. J'avais eu le malheur de témoigner de mon attachement à ma foi en début d'année, aux enseignements du pape sur les habituels sujets sociétaux (JP II à l'époque - il y a plus de 15 ans). Je me suis retrouvé dans un angle de ma salle de cours, adossé au mur avec 6/7 élèves qui m'entouraient en me menaçant de me frapper si je continuer à soutenir les paroles du pape. Très violent! j'ai eu vraiment la trouille ce jour là... Cette situation m'est arrivé à plusieurs reprises durant la même année. Le reste du temps, j'ai régulièrement été insulté et moqué pour cela (catho-facho etc...). Je suis un jour rentré pied nus chez moi car les élèves m'avaient arraché mes chaussures pour m'humilier... Honnêtement, sans le Christ je pense que j'aurai pu, avec du recul, mettre fin à mes jours tellement la pression était insupportable.
Est-ce de la persécution à proprement parler ou était-ce juste la méchanceté que l'on peut habituellement retrouver dans les salles de classes? je ne sais pas. Je n'ai jamais parlé de cette situation à personne...
Mon témoignage ne serait pas complet si je ne rapportais pas le fait que, curieusement, l'année suivante, certains des élèves dont j'avais été la victime sont venu s'excuser... Il y en a même un qui un jour, discrètement, est venue me confier une intention de prière... ce fut une grande joie !
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Écrit par : R / | 21/03/2016

L'OREILLE

> "Le réflexe et l'erreur seraient de réagir comme Pierre et d'autres, à Gethsémani, cédant à un réflexe d'activiste de parti : frapper l'attaquant. Jésus leur dit : « restez-en là » (Luc)" : le verset suivant, que nous avons entendu hier, précise le comportement de Jésus : "Et touchant l'oreille de l'homme, il le guérit".
Je ne sais ce que vaut cette observation, mais je remarque que c'est l'oreille d'un attaquant que Jésus guérit : un organe fait pour écouter. Nous serions donc appelés plutôt à évangéliser qu'à nous "bagarrer"...
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Écrit par : Sven Laval / | 21/03/2016

DONNER SENS

> Merci R pour votre témoignage douloureux mais aussi lumineux d'Espérance. Vous pouvez aussi comprendre tous ceux qui souffrent de ce genre de violence insidieuse. Votre témoignage ressemble ainsi à celui de beaucoup d'autres jeunes d'hier et d'aujourd'hui, les prétextes de harcèlement varient: couleur de peau, origine sociale, style vestimentaire, orientation sexuelle, handicap,... mais on retrouve toujours les mêmes mécanismes. Aujourd'hui cela prend un tour nouveau avec les réseaux sociaux, si bien que même chez lui, dans sa chambre, le jeune n'est plus à l'abri de harcèlement. D'où la multiplication des suicides.
Les victimes tentent aussi de reprendre le dessus sur leur sort, par le combat pour leurs droits. En se regroupant: c'est l'origine des associations féministes, antiracistes, progender,... Nous avons la chance, comme chrétien, de pouvoir donner sens spirituel à ces souffrances subies. De croire, comme le dit Girard, que l'acmé de la violence est aussi le lieu de sa conversion en faim d'amour. De les vivre avec le Christ. Nous pouvons aussi accueillir ces "mini-persécutions" comme expérience qui nous rapproche de tous ceux qui souffrent ainsi, et qui nous arme pour le combat, avec tous nos frères discriminés, pour la justice.
Mais nous ne pouvons agir comme fait le monde, sous forme de lobbying pour notre clan, notre minorité. Comme catholiques nous ne pouvons qu'être universels, nous ne pouvons viser en deçà du Bien commun. Ce dont les apôtres martyrs de la non-violence ont témoigné dans leurs combats, qui incluaient l'amour de l'ennemi. N'en déplaise aux cathos tradi qu'ulcéraient les photos de non-catholiques dans les vieux manuels de catéchèse (moi la première), je pense que nous avons beaucoup à apprendre d'un Gandhi ou d'un Martin Luther King.
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Écrit par : Anne Josnin / | 22/03/2016

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