16/02/2016
"Le monde d'aujourd'hui a besoin de vous"
Souvenons-nous du film Mission...
Ecologie intégrale, biodiversité culturelle, éloge des peuples amérindiens, appel à résister au ravage économique du monde... Homélie du pape François au Chiapas le 15/02 (texte complet) :
<< “Li smantal Kajvaltike toj lek” : La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie... Ainsi commence le psaume que nous venons d'entendre. La loi du Seigneur est parfaite et le psalmiste énumère attentivement tout ce qu'offre cette loi à ceux qui l'écoutent et la suivent : elle fait revivre l'âme, elle donne la sagesse aux simples, elle réjouit le coeur, et elle donne la lumière au regard.
C'est la loi que le peuple d'Israël a reçue de la main de Moïse : une loi qui devait aider le peuple de Dieu à vivre dans la liberté à laquelle il était appelé. Une loi faite pour être lumière sur le chemin du peuple et l'accompagner dans sa marche. Un peuple qui avait fait l'expérience de l'esclavage et de la tyrannie du Pharaon, et qui avait enduré la souffrance et l'oppression à tel point que Dieu avait dit : assez ! ça suffit ! J'ai vu leur misère, J'ai entendu leurs cris ! (cf. Exode 3-9). Et l'on voit ici la vraie face de Dieu, la face du Père qui souffre en voyant la douleur, les abus et les dénis de justice infligés à ses enfants. Sa parole, sa loi, deviennent ainsi symbole de liberté : symbole de bonheur, de sagesse et de lumière... C'est une expérience, une réalité, que transmet une phrase consacrée par le Popol Vuh* et née de la sagesse bercée sur ces terres depuis les temps immémoriaux : « L'aube monte sur l'ensemble des tribus. La face de la terre fut aussitôt guérie par le soleil... » Le soleil s'est levé pour les peuples qui ont marché parmi les ténèbres de l'histoire.
Dans cette idée on entend le désir douloureux d'une vie libre, le rêve d'une terre promise où l'oppression, les sévices et l'humiliation ne soient plus monnaie courante. Dans le coeur de l'homme et la mémoire de beaucoup de nos peuples est empreint ce désir d'une terre et d'un âge où la fraternité débordera la corruption humaine, où la solidarité vaincra l'injustice, et où la paix fera taire la violence.
Non seulement notre Père partage ce désir mais Il l'a suscité et continue à le susciter, en nous donnant son Fils Jésus-Christ : en Lui nous découvrons la solidarité du Père qui marche à nos côtés. En Lui, nous voyons comment la loi parfaite prend chair, prend face humaine, vient partager notre histoire, afin de marcher avec son peuple et le soutenir. Il devient la Voie, Il devient la Vérité, Il devient la Vie, afin que les ténèbres n'aient pas le dernier mot et que l'aube vienne se lever sur la vie de ses fils et filles.
De multiples façons et sous de multiples formes, on a tenté de réduire au silence et de taire ce désir ; de multiples manières on s'est efforcé d'anesthésier notre âme ; de multiples manières on a entrepris de soumettre et d'endormir nos enfants et nos jeunes dans une sorte de résignation, en insinuant que rien ne peut changer, que leurs rêves ne peuvent devenir vérité...
Face à ces tentatives, la création elle-même élève la voix : « Cette soeur crie en raison du mal que nous lui infligeons par l'utilisation irresponsable et par l'abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à la surexploiter. La violence présente dans le coeur humain blessé par le péché, se manifeste aussi à travers les symptômes de maladie évidents dans le sol, dans l'eau, dans l'air et dans toutes les formes de vie. C'est pourquoi, parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre elle-même, opprimée et dévastée, qui “gémit dans les douleurs d'un enfantement” (Romains 8, 22) » (Laudato Si', 2).
Le défi environnemental dont nous faisons l'expérience, et ses causes humaines, nous affectent tous (Laudato Si', 14) et nous interpellent. Nous ne pouvons plus faire la sourde oreille devant l'une des plus grandes crises environnementales de l'histoire du monde.
Sous ce rapport vous avez beaucoup à nous apprendre, beaucoup à apprendre au reste de l'humanité. Vos peuples, comme l'ont reconnu les évêques de l'Amérique latine, savent comment interagir harmonieusement avec la nature, qu'ils respectent comme « une source de subsistance, une maison commune et autel du partage humain » (Document d'Aparecida, § 472).
Cependant, souvent et de manière systématique, structurelle, vos peuples ont été incompris et exclus de la société. Certains ont jugé inférieures vos valeurs, votre culture et vos traditions. D’autres, étourdis par le pouvoir, l’argent et les lois du marché, vous ont dépossédés de vos terres ou les ont polluées. C’est si triste ! Que cela nous ferait du bien, à tous, de faire un examen de conscience et d’apprendre à dire : pardon, pardon, chers frères ! Le monde d’aujourd’hui, ravagé par la culture du déchet, a besoin de vous !
Les jeunes d’aujourd’hui, exposés à une culture qui vise à supprimer toutes les richesses et caractéristiques des cultures pour fabriquer un monde homogène, ont besoin – ces jeunes – que la sagesse de leurs anciens ne se perde pas !
Le monde d’aujourd’hui, pris par le pragmatisme, a besoin de réapprendre la valeur de la gratitude !
Nous célébrons la certitude que « le créateur ne nous abandonne pas ; [que] jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, [qu’] il ne se repend pas de nous avoir créés » ( Laudato si’, n. 13). Nous célébrons le fait que Jésus-Christ meurt et ressuscite en chaque geste que nous accomplissons envers le plus petit de nos frères. Ayons à cœur de continuer à être témoins de sa Passion et Résurrection en donnant chair à ces paroles : Li smantal Kajvaltike toj lek – La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie. >>
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* « Livre de la natte » (c. à d. « du conseil » ou « de la communauté ») :
texte quichué de l'époque coloniale, qui véhicule d'anciens mythes mayas sur l'origine du monde. La plus vieille version connue du Popol Vuh fut transcrite en castillan vers 1700 « pour les ministres de l'Evangile » par le dominicain espagnol Francisco Ximénez, missionnaire au Guatemala, linguiste et naturaliste. Dans son livre Cosmos, le théologien catholique Louis Bouyer explique que les mythes dans leur diversité traduisent l'expérience première et confuse des peuples au contact de la création ; « la Parole de Dieu convertit les schèmes de pensée et les représentations multiséculaires des cultures, dans lesquelles elle s'enracine sans les anéantir » (M.H. Grintchenko).
► Le pape argentin est un jésuite, et cet ordre a joué un rôle social, économique et culturel particulier auprès des Amérindiens :
http://www.herodote.net/Missions-synthese-1881.php
12:37 Publié dans Amérique latine, Pape François, Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pape françois, mexique
Commentaires
'MISSION'
> Oui, c'est exactement l'esprit du film 'Mission'. Sans oublier la magnifique scène de la conversion de Robert De Niro, l'ancien mercenaire chasseur d'esclaves... On se souvient que le journal identitaire 'Présent' avait éreinté le film à l'époque.
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Écrit par : churubusco / | 16/02/2016
SUBLIME
> C'est la scène où c'est un Indien qui libère De Niro, le chasseur d'esclave, de la pénitence très lourde qu'il s'est imposé ?
Et la question de la violence ? Se battre ou pas ?
Ce film est sublime.
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Écrit par : VF / | 16/02/2016
> Oui, toute cette séquence : la pénitence, l'escalade de la falaise d'Iguazü, la grâce des larmes avec le geste de l'Indien.
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Écrit par : churubusco / | 16/02/2016
NOUS AVONS BESOIN DE LUI
> « Le monde aujourd'hui a besoin de vous ». Et nous, nous avons besoin de François !
Je fais un rêve : que le pape François, s’il nous accorde la joie d’une visite en France, puisse, ainsi qu’il l’a fait ces derniers jours pour la nation mexicaine, décrypter sur le mode d’un discours intime et profond ce qui fait le cœur de la nation française et sa singularité dans le monde et dans l’Eglise.
J’imagine que François, en bon sud-américain, entre avec une certaine facilité dans l’âme du Mexique. Puisse-t-il faire de même pour l’âme de la France, qui ne sait plus guère où se situer, enserrée qu’elle est, de toutes parts, par la culture de mort, la culture du déchet dont on veut l’abreuver : ultralibéralisme, délires sociétaux, laïcisme, mépris des faibles…
Ces jours-ci, la France a atteint un sommet dans l’art d’enrubanner le socialisme de papa censé faire régner sur son sol la justice et la liberté, l’égalité, la fraternité… Et ceci en inventant ces monuments d’hypocrisie et d’idéologie que sont les deux secrétariats d’Etat à « l’Egalité réelle » et à « l’Aide aux victimes » (qui fourniront à n’en pas douter de beaux sujets de dissertation au bac philo ou pour l’entrée à Sciences-po).
Deux expressions politiques parfaitement trompeuses dès lors qu’on les confronte à la réalité : un gouvernement livré à l’arrogance des financiers « macronistes », néo-colonisateurs et esclavagistes, tout comme à celle des trans- et posthumanistes « tourainiens » voire « taubiresques », promoteurs de l’avortement, de l’euthanasie, du commerce d’embryons humains (GPA, PMA etc.). Adeptes de la culture du déchet.
N'en déplaise aux « philosophes » qui inventent ces secrétaireries d’Etat surréalistes, il n'existe pas dans notre République d’égalité réelle devant l’emploi pour le salarié devenu objet de spéculation financière, surtout s’il a vingt ans ou cinquante ans. Pas d’égalité pour l’enfant en gestation, le vieillard en fin de vie, sinon l’égalité devant le bourreau. Pas d’aide pour les victimes de l’eugénisme républicain, sinon l’aide à mourir, la bien commode « sédation terminale »… Aujourd’hui l’âme de la France fille aînée de l’Eglise et éducatrice des peuples s’est tue. Et, à qui mieux-mieux, ceux qui ont pris possession de son corps tuent.
Qui s’en émeut, qui le dira ? Espérons en notre Saint-Père François, s’il vient jusqu’à nous, et en nos évêques, nos frères et sœurs chrétiens, en tous les hommes et les femmes de bonne volonté !
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Écrit par : Denis / | 16/02/2016
APPORTS ET ECUEILS
> Sujet difficile qui exige un équilibre périlleux au moins dans la langue française, car nos contemporains ont tendance à inclure la religion dans le vaste ensemble de la "culture". Attitude des antireligieux comme des identitaires.
Ce dont le pape François nous parle c'est de cultures expurgées du paganisme sacrificiel - violence collective codifiée - qui était particulièrement révoltant chez les Aztèques et à moindre degré chez les Mayas, enfin, ce qu'il en restait au 16e siècle (cité de Lamanaï , Belize par ex.).
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Écrit par : Pierre Huet / | 16/02/2016
'MISSION' ET LA MUSIQUE
> La musique dans le film de Roland Joffé est bien plus qu'une jolie partition. On voit au début le premier missionnaire finir crucifié et noyé dans les chutes. Rien n'est montré de sa tentative d'évangélisation, mais on la devine quelque peu "basique".
L'approche du père Gabriel se révèle beaucoup plus fructueuse, encore que la mélodie baroque de son hautbois n'est pas acceptée d'emblée par certains des autochtones. J'avais lu à ce sujet que le thème ascendant allait à l'opposé des pratiques musicales indigènes habituelles. De fait, le chef de la tribu lui coupe rageusement le sifflet à l'apogée du morceau. Ses compagnons plus jeunes sont cependant tombés sous le charme. Ils ramassent avec soin l'instrument brisé, tentent maladroitement d'en raccommoder l'anche.
Plus loin dans le film, la réduction jésuite est devenue une pépinière en maîtres luthiers : "plus d'un violon que l'on entend sonner jusque dans les académies de Rome même est sorti de leurs mains adroites", s'émerveille le cardinal émissaire Altamirano. Et d'ajouter qu'"avec un orchestre, les Jésuites eussent soumis tout le continent".
Le chant choral n'est pas en reste, avec l'ensemble qui accueille l'arrivée des délégations en pirogue, et le frêle petit Indien qui émeut le cardinal (et les anges) de son vibrant Ave Maria. À la fin du film (révélations...), les quelques enfants survivants retournés peu ou prou à l'état de nature, retrouvent au fond de la rivière trois objets symboliques : l'épée, l'ostensoir, le violon. Ils n'emportent que le troisième.
C'est peut-être sur ce dernier point qu'on pourrait brandir l'étiquette "écolo-New Age" dont parle Nicolas ; pour ma part j'accuserais davantage le réemploi tarte à la crème de "Gabriel's Oboe" dans toutes sortes de contextes vaguement mysticisants.
En réalité, tout le film illustre à merveille la méthode orphique utilisée avec succès par les jésuites en Amérique du Sud, et pas uniquement au Paraguay.
Aujourd'hui, vous avez des formations comme l'Ensamble Moxos (Bolivie) qui remettent à l'honneur leurs partitions "indigéno-baroques". Cette confluence des traditions européennes et amérindiennes, dans la musique comme dans l'instrumentation, loin de tout syncrétisme (sinon culturel), donne des choses magnifiques.
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Écrit par : Albert Christophe / | 17/02/2016
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