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27/10/2015

Le "progressisme" de François était déjà celui des Pères

pape françois

Réflexions d'Andrea Tornielli (La Stampa) :



...dans Le Monde (26/10). Extraits :

<< « Ce n’est pas de votre bien que vous faites largesse au pauvre, c’est une parcelle du sien que vous lui restituez. Ce qui a été donné pour l’usage de tous en commun, vous l’usurpez à votre seul bénéfice. La terre appartient à tous, non pas seulement aux riches. » Est-ce là une affirmation « progressiste » ? En tout cas, on ne la doit pas au pape François [...]. Ce sont les paroles de saint Ambroise (340-397), un des Pères de l’Eglise. Et ce sont justement ces déclarations qui ont permis à Paul VI d’affirmer, dans l’encyclique Populorum progressio (1967), que la propriété privée ne constitue en aucun cas un droit inconditionnel et absolu, et que personne n’est autorisé à s’octroyer pour lui seul des biens qui dépassent ses besoins personnels quand les autres manquent du nécessaire... >>

<< On pourrait encore rappeler les propos prophétiques et pourtant ignorés de Pie XI dans l’encyclique Quadragesimo anno (1931), rédigés immédiatement après le krach de Wall Street, où le pontife nous mettait en garde contre « l’impérialisme international de l’argent, funeste et exécrable » [...] Pie XI était-il « progressiste » ? On pourrait difficilement le soutenir.. [Ou] alors on peut dire que le pape Bergoglio est « progressiste » comme l’étaient avant lui Ambroise, Chrysostome, Pie XI et Paul VI. >>

<< […] Le magistère social de François revient à remettre en lumière une partie de la doctrine sociale chrétienne qui a été moins mise en évidence ces dix dernières années. Mais ces enseignements s’inscrivent pleinement dans la tradition de l’Église. Et surtout, la question des pauvres a [à voir] avec la foi chrétienne elle-même, avec l’Évangile. Le pape, en effet, nous rappelle qu’aller au-devant des pauvres, c’est « toucher la chair du Christ ». Au chapitre 25 de l’Evangile selon saint Matthieu, Jésus lui-même nous dit en substance : chaque fois que vous aiderez un pauvre, c’est moi que vous aiderez... >>


<< Sans doute y a-t-il derrière toutes ces préoccupations concernant le « progressisme » du pape, y compris au sein de l’Eglise, une difficulté à se remettre en question, à se laisser « blesser » par le réel pour être capable d’aller vraiment à la rencontre des hommes et des femmes d’aujourd’hui, dans leurs souffrances et dans leurs aspirations les plus profondes. Et peut-être n’est-ce pas un hasard si, il y a deux mille ans, les principaux adversaires de Jésus étaient des hommes de religion et de loi. >>

 

 

 commentaire 

"Remettre en lumière une partie de la doctrine sociale chrétienne qui a été moins mise en évidence ces dix dernières années" : cette phrase évoque l'amnésie qui a frappé des laïcs catholiques depuis la fin des années 1990.

La pensée sociale catholique (depuis son apparition sous Léon XIII) était explicitement et vigoureusement antilibérale ; cette caractéristique a été perdue de vue par les milieux catholiques de l'hémisphère Nord – notamment en France –  sous l'impact du bombardement idéologique libéral des années 1990. L'effet de souffle  de ce bombardement a fait perdre conscience à des milieux cathos : ils ont subitement cru que le libéralisme était l'ordre naturel, et que le there is no alternative était non seulement compatible avec la pensée sociale de l'Eglise, mais conforme à celle-ci.

Cette grosse invraisemblance n'est plus tenable pour des catholiques, depuis que le pape François a enterré – dans La joie de l'Evangile – l'axiome libéral du trickle-down (l'enrichissement des riches censé profiter automatiquement aux pauvres), qui semblait avoir aboli les paroles du Christ contre l'idole Argent.*

 

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* Sur ces points et pas mal d'autres, cf. mon livre Face à l'idole Argent - la révolution du pape François : en librairie le 5 novembre (Artège).

 

Commentaires

BINAIRE

> Peut-être le "bombardement idéologique libéral" des années 1990 a-t-il trouvé un terrain favorable à l'issue de la période précédente, où le communisme avait été un "ennemi" aussi bien pour les catholiques que pour les libéraux. La tentation pouvait être forte de tomber, par facilité ou par paresse, dans une pensée binaire, à savoir supposer que, puisque les régimes communistes, enfin tombés, étaient mauvais, le libéralisme qui s'y était opposé était la bonne voie, ou du moins une voie tout à fait acceptable.
Du reste, on peut supposer que ce "bombardement" avait commencé avant 1990, précisément pour favoriser une telle confusion.
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Écrit par : Sven Laval / | 27/10/2015

INDULGENCES

> Le pape reste bien entendu dans la tradition évangélique, mais une partie importante de la hiérarchie catholique, minée par l'ambition et le pouvoir, a toujours été proche des riches au cours de l'histoire de l'Église : l'Épître de Jacques le regrette déjà. Il faut dire aussi que, entre Pie XII et Jean-Paul II, le Vatican s'est montré souvent très indulgent pour le libéralisme capitaliste. Si cela pouvait s'expliquer par la lutte contre le communisme, cela n'a plus de raison d'être aujourd'hui.
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Écrit par : Guadet / | 28/10/2015

LONG

> Cela n'empêche mais encore beaucoup de résistances demeurent. Hier, une "bonne" catholique m'a écrit: "Je ne vois pas en quoi écrire une encyclique sur l'écologie va nous apprendre quelques choses sur les dogmes de la Foi chrétienne vis-à-vis du Christ et de nos comportements avec la relation du prochain." Cela en dit long !
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Écrit par : Arnaud Le Bour / | 28/10/2015

INCAPACITÉ

> Autre illustration, mais dans l'autre sens, d'une même incapacité à s'extraire d'un format de pensée, à imaginer que le pape puisse avoir une autre envergure qu'un petit politicien combinard :
"Plutôt que de passer en force et de renforcer ses opposants, le pape François a réduit la voilure de ses ambitions. En soi, il n’y a pas de changement de doctrine. Ou du moins c’est ce que font croire, pour l’instant, le pape François et ses partisans."
"Dans la pensée de Bergoglio, les questions d’éthique sont finalement assez secondaires. Ce qui fait craindre d’ailleurs le pire à ses opposants. En bon jésuite, ce n’est pas la doctrine qui prime mais la réalité du terrain et du moment qui sont à évangéliser. "
http://www.liberation.fr/planete/2015/10/25/synode-le-pape-francois-reussit-a-rassembler-sa-famille_1408712
Je pense à cette pièce de théâtre où Freud tire à coup de pistolet, à 30 cm de distance sur Dieu qui vient de lui apparaître pour se prouver que ce n'est pas Dieu.
Et comme Dieu n'a rien, Freud s'écrie "raté !"
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Écrit par : E Levavasseur / | 29/10/2015

@ E. Levavasseur

> Pour renchérir dans votre sens : le commentaire à la mode "politicarde" de ce qui se passe dans l'Eglise peut même mener à l'art faisandé du pronostic de type sportif, où l'on compte les points remportés par l'un ou l'autre "camp". Un bel exemple de cette triste tendance est à trouver dans un article du "Guardian" datant du voyage du pape aux Etats-Unis :
http://www.theguardian.com/world/2015/sep/28/pope-francis-scorecard-liberal-wins-us-visit
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Écrit par : Sven Laval / | 29/10/2015

LES PÈRES DES IVe ET Ve SIÈCLE

> Le texte de saint Ambroise de Milan cité par Andrea Tornielli est, chez les Pères de l'Eglise, tout sauf une exception. Voir le recueil "Riches et pauvres dans l'Eglise ancienne", publié en 2011 par les Éditions Migne. On y découvrira - stupeur! - que les Pères des IVe et Ve siècles ont été influencés par le pape François. À moins que ce ne soit l'inverse.
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Écrit par : Jean-Marie Salamito / | 30/10/2015

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