Avant même l'encyclique, déjà les premières réactions !

 

Une erreur de sous-titre (la même qu'à France Inter)

mais beaucoup d'informations : 

 

 

Sous le titre : La biomesse* est dite, Isabelle Hanne, Bernadette Sauvaget et Christian Losson font le point dès aujourd'hui. Ils le peuvent puisque le troll Magister a violé l'embargo, mais leur impression n'est pas celle  qu'il souhaitait ! Loin d'opposer le pape François à ses prédécesseurs, l'article d'ouverture constate que « Paul VI et Jean-Paul II avaient déjà tracé les lignes** ». Et que la spécificité de François est « l'aura dont il bénéficie » : ainsi l'encyclique touchera l'opinion internationale « au-delà » du 1,2 milliard de catholiques, souligne l'article. 

Laudato Si (« Loué sois-Tu ») « donne dans les grandes lignes la position du souverain pontife sur l'écologie et le réchauffement climatique », et « plaide pour un changement radical des mentalités et du capitalisme », souligne le journal. 

L'article évoque l'accueil de l'encyclique par les catholiques français. « Certes, dit-il, le pape prend garde de parler aussi d'éthique familiale, 'l'écologie humaine' chère aux mouvances identitaires très investies dans le combat contre l'avortement, le mariage pour tous et la GPA. Par sa radicalité, le texte risque pourtant de provoquer de farouches débats au sein du catholicisme et de provoquer une levée de boucliers chez les plus conservateurs... » L'article donne ainsi de l'écologie humaine une définition réductrice qui est celle de l'ultra-droite, non celle du pape ; et il devrait préciser que l'opposition envers le pape n'est pas au sein du catholicisme en général, mais du catholicisme français et américain. S'ils connaissaient les milieux français « les plus conservateurs » et leurs sites, les trois journalistes devineraient d'ailleurs que le plus probable n'est pas une « levée de boucliers », mais la posture des trois petits singes : pas voir, pas entendre, pas parler. L'enjeu est trop grave pour eux. Quand on a pour fonds de commerce, à la fois, le papisme affiché et l'écolophobie (négationnisme climatique compris), l'encyclique est un énorme pavé dans la mare ; les trois petits singes éclaboussés resteront muets. Contrairement à leurs parrains ultracathos d'Amérique qui, eux, injurient le pape, comme je l'ai déjà signalé et comme Libération le constate : « Avant même sa sortie, l'encyclique était au coeur des débats politiques américains : des élus du parti républicain, bastion climatosceptique, reprochent au pape de parler de sujets qui sont hors de sa compétence... Alors qu'il s'est entouré de nombreux scientifiques pour la rédaction du texte. » 

Interrogé sur cet aspect de la question, Mgr Lalanne (évêque de Pontoise) dit à Libération : « François nous a habitués à être un poil à gratter. » Vous avez raison, cher Monseigneur... Mais vous savez que ce pape est beaucoup plus – et autre chose – que ça. C'est un éveilleur.  

Les ultras ne tirent leur nuisance que de l'emprise qu'ils ont (depuis les Manifs pour tous) sur une partie du milieu catho classique : milieu bien honnête mais ensommeillé dans ses réflexes de milieu, qui sont libéraux et écolophobes ; ce qui l'expose à la contagieuse surenchère des ultras. Libération  était à la soirée de rencontre entre la presse et les chrétiens engagés en écologie, le 10 juin, et fait écho à l'une des choses que j'y ai dites : « Catho militant et écolo convaincu, Patrice de Plunkett attendait l'encyclique de pied ferme. Depuis longtemps, cet écrivain et blogueur prêche la “conversion à l'écologie” de fidèles qu'il côtoie à l'Eglise : “En France, le catholicisme est très bourgeois. Il est très en retard par rapport à l'engagement vis-à-vis de l'environnement. J'espère que le texte de François va le réveiller”, lâche-t-il. De fait, pour le pape, il s'agit bien de donner un coup de pied dans la fourmilière. Le geste est historique, car c'est la première fois qu'un pape consacre une encyclique (texte à très haute densité du point de vue du dogme) à l'écologie... » 

Les auteurs de l'article ont lu les fuites de l'encyclique dans la presse italienne. Ce qui les frappe, c'est la vigueur de l'engagement du pape dans la lutte contre le réchauffement du climat : selon la secrétaire exécutive de la convention-cadre de l'ONU sur les changements climatiques, l'encyclique aura « un impact majeur » sur les négociations de la COP 21. Pierre Radanne, membre du comité de pilotage de la COP 21, est du même avis : « La mobilisation liée à l'encyclique peut avoir une influence dans les pays du Sud, notamment au Brésil, sur les négociateurs et les responsables politiques. Mais il y a aussi quelque chose qui se joue dans les consciences individuelles : la compréhension des enjeux climatiques par les opinions publiques est le facteur déterminant pour un accord ambitieux à Paris... » 

La pointe révolutionnaire de l'encyclique n'a pas échappé à Libération : « Au-delà de la seule question climatique, le pape nourrit en profondeur sa critique du “capitalisme sauvage” et sa “tyrannie invisible”, déjà dénoncée en 2013 dans son Evangelii gaudium (la “joie de l'Evangile”). C'est à travers ce prisme qu'il développe son plaidoyer pour l'écologie... » Dominique Pilhon, d'Attac, applaudit : cette encyclique tombe « à point nommé » pour dire l'urgence de « changer le système » économique, dit-il. Et il félicite le pape de son courage : il en faut, souligne-t-il, « pour oser aller autant à contre-courant de la doxa libérale et conservatrice qui mène le monde ! » 

Conclusion de l'article : « Cette forme d'appel [du pape] à une “écojustice” irrite plus que jamais libéraux, conservateurs et libertariens qui braillent contre une “rhétorique marxiste”, “pro-socialiste”, voire “anarchiste”... »  

Mais rendez-vous demain, pour un examen de tous les volets de cette prodigieuse encyclique. Car « tout se tient », comme le répète François : dans ces combats de la Terre, nous avons rendez-vous avec le Christ.  

 

 

► Sur la haine ouverte de la droite américaine envers le pape : http://www.liberation.fr/monde/2015/06/16/le-pape-embrouille-les-republicains-americains-sur-le-climat_1330919

 

  

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* On aura reconnu le calembour : biomesse, biomasse... 

** Libération oublie Benoît XVI, qui a beaucoup parlé et agi dans ce domaine.