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09/06/2015

Un séisme social en vue : l'ubérisation de l'économie ?

uber

L'esclandre des taxis de Marseille relance le débat sur un signe des temps, "l'ubérisation de l'économie"  et ses effets sociétaux : 


 

« On ne peut avoir Uber et l'argent d'Uber », conclut un PDG dans la presse économique. Derrière le calembour : une réalité annoncée avec flegme par The Economist (3/01/2015)... « L'utilisation de la plate-forme ubiquitaire du smartphone pour fournir du travail et des services dans un grand nombre de nouveaux modes » fait table rase de toutes les habitudes sociales, explique le magazine libéral. Plus besoin de locaux ni de salariés : l’économie reposait sur le principe traditionnel d’une entreprise dont l'organisation interne coûtait moins cher que l’achat de biens ou de services à l’extérieur, « mais avec des smartphones d’une puissance considérable dans les poches de tout un chacun, il devient de plus en plus simple de trouver des personnes hors de l’entreprise (en ligne, n’importe où dans le monde) pour réaliser une variété de tâches de plus en plus grande. »

Ce qu'on appelle désormais « ubérisation de l'économie » est la généralisation du système dont la firme californienne n'est qu'un exemple  plus spectaculaire, parce que brutal et soudain.

Ce « capitalisme de plate-forme », hypocritement rebaptisé « économie du partage » ou « économie P2P » (« pair-à-pair »), c'est la fin de l'entreprise classique (donc l'évaporation de « l'éthique entrepreneuriale »  qui fut une fable provisoire à l'usage des candides).

En clair, comme dit dans Les Echos (17/02) l'entrepreneur Marc-Arthur Gauthey qui anime le think-tank parisien OuiShare (!!!), c'est « l'atomisation de l'activité productive ou la 'freelancisation' de la vie professionnelle » : « Nous serons tous plus ou moins intermittents du travail. Nous cumulerons ici et là des heures pour remplir nos quotas, qui nous donneront droit, peut-être, à des allocations, une assurance maladie et un RSA d'un nouveau genre. »

Cyril Zimmermann, président de l'ACSEL*, explique que le « modèle alternatif de l'activité indépendante » va « devenir la norme », parce que le « franchissement d'une nouvelle frontière technologique » reformate notre vie sociale ! « Les organisations de ce type se développent à une vitesse exponentielle aujourd'hui partout dans le monde, les moyens financiers qu'elles mettent en jeu sont déjà considérables », et les hommes de ce business adressent un ultimatum : que les Etats ne s'avisent pas « de créer aujourd'hui les rigidités normatives » qui bloqueraient « les potentialités du nouveau paradigme »... M. Zimmermann morigène les politiques, soupçonnés de « crispations » et de « conservatisme » ; et il annonce « la révolution que les grandes économies les plus dynamiques, l'Amérique aujourd'hui, la Chine demain, nous apporteront irrémédiablement... Tout ce qui pourra permettre d'accueillir et d'accompagner cette révolution sera le bienvenu. » (La Tribune, 30/04).

Pendant ce temps, nos sociologues annoncent que cette nouvelle économie détruira 40 % des emplois. Ils notent que «  les riches cadres de l’économie numérique ou plus largement de l’économie de la connaissance sont les clients de ces services auxquels adhèrent plutôt des travailleurs pauvres », mais que ces cadres ne sont pas moins menacés à court terme : selon The Economist, «  l’externalisation et la division du travail ne les épargneront pas ». Pfizer sous-traite aujourd'hui 40 % des tâches de ses cadres. Les grands cabinets juridiques US sous-traitent leurs documents légaux chez InCloudCounsel, « réduisant ainsi leurs coûts de 80 %... »

Les sociologues constatent aussi que beaucoup de néo-entreprises numériques, dont le business-model est fondé sur les prestations de nomades sous-payés, produisent des services de qualité inférieure.

Ils soulignent enfin que la logique du système est de pousser l'individu à « commercialiser » jusqu'à ses propres biens et sa propre existence... « Partager » son logement, louer son temps, mettre aux enchères ses biens ? Le terme « économie du partage » est un leurre : il ne s'agira pas de partager mais de survivre dans la jungle. Le magazine The Economist prédit « un monde fait uniquement de travailleurs indépendants hyper-spécialisés attendant qu’on veuille bien leur donner leur dose de travail journalier, comme les dockers du film de 1955 'Sur les quais' d’Elia Kazan ».

Tout ça est strictement paramétré selon l'algorithme du turbo-capitalisme. La seule donnée absente semble être le respect de la nature humaine ; mais en fait, elle n'est pas absente. Elle est zappée. 

 

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* "l'association de l'économie numérique".

 

 

 

uber

  

Commentaires

LE GOUVERNEMENT

> sachant que le gouvernement travaille à la robotisation généraliséee des entreprises, on voit ce que vaut le baratin de la "lutte contre le chômage". FrenchTech !
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Écrit par : amos / | 09/06/2015

"EXPERTS"

> Cela dit, si je suis tout à fait d'accord avec le diagnostic que pose votre article sur les volontés à l'oeuvre, l'avenir reste bien sûr incertain. On se demande ce que peuvent valoir les prophéties d'experts qui en sont encore à croire au dynamisme des économies américaine et chinoise. Leur système économique ne marche pas, et la grande question, c'est de savoir s'ils parviendront à aller au bout de leurs espoirs (si tant est qu'il puisse y avoir un bout au libéralisme) avant d'avoir tout détruit ou si tout s'effondrera avant.
Il faut quand même avoir en tête que la crise de 2008 a tué le système libéral financier, qui survit depuis en apnée grâce au coupable acharnement thérapeutique de ce qu'il vomit : l'Etat et les impôts de la classe moyenne, qu'il convient d'éliminer l'un et l'autre.
C'est impressionnant de voir ces gens continuer de croire, sans doute sincèrement, que Instagram, c'est une forme nouvelle d'économie, et qu'on produit autre chose dans la "Silicon Valley" que de la programmation bas de gamme.
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Écrit par : Christian Vennec / | 09/06/2015

REBELOTE

> Salut en Christ,
Progrès? Non. Rebelote ou nouvel esclavage à l'horizon, sous couvert d'innovation bien entendu, afin d'accentuer encore la disponibilité, la précarité des précaires et pour augmenter toujours plus la richesse et le pouvoir des insatiables actionnaires.
Comment utiliser les dernières technologies en date pour mieux asservir son frère?!
Le combat demeure le même et Jésus Rédempteur, donc Libérateur par excellence, n'en déplaise à certains, demeure à la tête de ce combat; le Magnificat nous ouvrant la voie jusqu'à l'accomplissement de la destination de l'Homme...
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Écrit par : Pierronne la Bretonne / | 09/06/2015

UN RÉVEIL

> La remarque de 'The Economist' sur les travailleurs journaliers est très perspicace. On trouve aussi ce système pour les migrants qui travaillent dans le BTP par exemple. Avec les conditions inhumaines que cela implique. Mais aussi chez les journalistes, les créateurs, etc.
La "société en sablier" (Lipietz) et la disparition des classes moyennes dans la ville globale (Saskia Sassen) sont à l'oeuvre depuis longtemps.
Rien d'étonnant que l'emploi sédentaire devienne peu à peu un luxe, réservé aux étalons de la vie professionnelle ; on vit dans une économie qui considère la rareté comme le seul atout encore valable des humains.
Mais que devons-nous craindre ? J'espère surtout que cette misère galopante sera à même de provoquer un réveil chez ceux qui la subissent. Un réveil social et spirituel.
Le pire qui pourrait arriver ? Il faut aller voir du côté des professions déjà "freelancées" pour l'entrevoir : une ritournelle sociétale qui vous faire croire que cette vie de bohémien est la vie de demain, et qui profite de votre précarité sociale pour rendre votre vie personnelle encore plus chaotique et nihiliste.
Soyons vigilants aussi de ce côté là, donc. Le système est tout à fait capable de faire croire aux humains que cette nouvelle condition est à même de les satisfaire ; il le fait déjà, à plus petite échelle.
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Écrit par : perlapin / | 09/06/2015

BOAR

> On lit bien sur l'illustration: "collabortive economy", non?

AJ


[ PP à AJ - On lit même : "collaboartive" : est-ce un jeu de mots américain sur "boar" ("sanglier") ? En ce cas j'en ignore le sens.
Quyant à "collaborative economy", c'est l'un des euphémismes employés pour désigner l'ubérisation. ]

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Écrit par : Anne Josnin / | 09/06/2015

LE DÉFAUT FRANÇAIS

> Réflexion intéressante. 2 observations contradictoires à ajouter:
- UBER & Co apporte quand même un service supplémentaire à des marchés qui ont "abusé". Typiquement les taxis. Avez vous déjà pu payé en CB un taxi à Paris? Aviez vous bouteille d'eau et chauffeur aimable? Ça des VTC l'offrent et pour un prix inférieur au taxi.
- D'un autre coté cette "Collaborative Economy" fait disparaître la gratuité. Avant vous prêtiez votre appart, maintenant vous le louez. En financiarisant le système vous donnez de la valeur (basse) à une action qui était de l'ordre du don gratuit. Or nul besoin d'avoir lu BXVI pour savoir que le gratuit ca donne de la "valeur" à la société...

CV


[ PP à CV - Le système français de taxis étant étroitement corporatiste, nos taxis sont rares et chers... C'est sur ce grave défaut qu'UberPop bâtit son succès, bien sûr. On ne pourrait combattre les pirates qu'en réformant drastiquement la corporation. Qui en aura le courage ? ]

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Écrit par : Charles Vaugirard / | 09/06/2015

GRATUIT

> Question : en mon absence , sinon je l'aurais fait moi-même , un de nos voisins a conduit d'urgence gratuitement mon épouse à l'hôpital . A-t-il oui ou non fait de l'ubérisation ?

BreunoK


[ PP à BK - La réponse est contenue dans la question. Evidemment votre voisin n'a pas fait de l'ubérisation : sinon il vous aurait facturé le trajet ! La gratuité est le plus anti-libéral des comportements. ]

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Écrit par : BrunoK / | 09/06/2015

TAXIS FRANÇAIS

> Cela fait 10 ans que je me dis que les taxis français sont un service insuffisant: temps d'attente voire impossibilité d'avoir un taxi, rigidité empêchant l'efficacité (typiquement retour à vide) tarification opaque, amabilité irrégulière, absurdité des Taxis qui passe 3 heures en sous sol à Roissy, non fiabilité des réservations, stress de l'arrivée en retard, refus de prise en charge pour de petites courses
Uber ne fait que s'engouffre dans la brèche.. Typique du blocage français politique alors que des réformes simples étaient possibles avec des politiques intelligents et courageux.
Mais ceux qui nous dirigent à haut niveau ne sont ni l'un ni l'autre. En effet ceux qui ont ces qualités sont écartés du pouvoir par les arrivistes démagogues.
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Écrit par : Ludovic / | 09/06/2015

AU BON BEURRE

> C'est la mort dans l'âme que je dois dire, en accord avec CV, que certains commerçants n'ont rien fait pour survivre.
Malgré une volonté tenace de faire "marcher le petit commerce", je dois admettre que j'ai vraiment très souvent rencontré des gars qui n'auraient pas fait tache dans le casting du film "Au bon beurre"... Les Ubertistes marchent sur un billard, quelquefois...
Quant à la gratuité, je me demande combien de temps on va attendre avant qu'on nous décrète ça illégal...
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Écrit par : Fernand Naudin / | 09/06/2015

LE CAUCHEMAR DU PETIT GARS

> En tout cas ce système c'est le moyen radical pour supprimer toutes les charges sociales sur le travail :
- les "salariés" sont payés directement sans prélèvement de charges patronales, ni même de charges salariales
- pas de cotisation sécu, retraite, chômage
- plus d'argent (en théorie) pour le "salarié", mais aucune protection, aucune solidarité nationale (ou simplement "interprofessionnelle")
Avec bien sûr une course au moins offrant (rappelez vous les enchères inversées des patrons allemands).
Bref, le rêve de certains économistes, voire patrons.
Mais le cauchemar du "ptit gars" qui a cru rêver un temps d'être libre et indépendant et qui se retrouve enchainé pieds et poings à sa galère, et obligé de ramer chaque jour, pour un repas aléatoire, sans garantie qu'il sera livré.
Le réveil va être dur...
Cdt,
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Écrit par : bergil / | 10/06/2015

LA QUESTION DES TAXIS

> La question des taxis provient d'une aberration: un propriétaire de taxi achète une licence dite "la plaque" très cher, 180 000 à Paris je crois, et peut la revendre quand il se retire: c'est un fond de commerce créé par la puissance publique et initialement payé à elle, comme les charges vénales de l'Ancien Régime.
Si la même puissance publique la torpille en autorisant une concurrence libre et qui risque d'être du travail au noir, on comprend qu'ils soient furieux.
Dans les autres domaines évoqués dans cet échange, c'est avant tout une question de mesure , la sous-traitance externalisant certaines tâches ou fabrications spécialisées n'est pas forcément mauvaise: un taillandier fera peut-être mieux d'acheter les manches d'outils à un tourneur, le travail à façon à la maison aussi: mère de famille cousant des cravates ou assemblant des interrupteurs, ce n'est pas nouveau c'est plutôt en voie de disparition car ça revient moins cher de les faire venir du Bengla Desh.
La précarité malheureusement ne peut pas être complètement éliminée: avoir un CDI en béton ne sert à rien quand l'entreprise coule, ce qu'il faut, c'est savoir pourquoi on ferme partout.
Ce qu'on voit c'est une accélération du phénomène due à l'hypertrophie des services matériels ou immatériels dans l'économie.
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Écrit par : Pierre Huet / | 10/06/2015

HOME OFFICE

> Sur l'uberisation, je constate que de plus en plus de collègues travaillent en "home-office". Rien de bien méchant en somme, on travaille chez soi, on évite les déplacements....
Mais souvent, l'individu est moins en contact avec ses collègues.
Elle est facilement remplaçable, puis vient un temps où la personne décide de se mettre à son compte, et facture ses services à son ancienne société...
L'entreprise n'est plus un lieu où on vit...
Ce phénomène m'interpelle car je ne sais où il nous mènera: demain, chacun à son compte, sans charge et sans assurance en cas de coup dur? Struggle for life...
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Écrit par : Alex / | 10/06/2015

RICHES

> et c'est un gouvernement socialiste qui va mettre en place une alternative moins chère que les taxis qui ne profitera qu'aux riches possesseurs de smartphone (certes les pauvres prennent moins les taxis).
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Écrit par : franz / | 14/06/2015

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