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28/05/2015

En 2015, "l'entreprise" a-t-elle besoin d'être "réhabilitée" ?

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Ce vieux slogan sonne faux même en France, à l'ère Macron-Valls... (et faut-il vraiment confondre la PME et la multinationale ?) :  


 

 

Lors d'un débat sur l'écologie, la porte-parole d'une association patronale parle du « développement durable » (idée qui déjà mériterait discussion). Mais elle termine en déclarant qu'il faut « réhabiliter l'entreprise »... Que vient faire cette autre idée, dans un débat sur la responsabilité de l'homme envers l'environnement ?

« Réhabiliter l'entreprise » était un leit-motiv patronal des années Mitterrand au temps du programme commun de la gauche (époque qui dura trois ans). Mais nous sommes au temps de  M. Macron à Bercy, et de M. Valls allant au Medef marteler qu'il « aime l'entreprise » !

Les entrepreneurs ont leurs problèmes. Les chômeurs aussi... Et les causes du chômage de masse tiennent au modèle économique ultralibéral, au moins autant (sinon bien plus) qu'au vieux diable de « l'étatisme ». Rappelons ce que le professeur de business school Bernard Guilhon dénonce dans un article récent* :

«  La relation de financement a, de fait, été inversée : alors que le marché des actions est censé, dans la théorie économique, financer les entreprises industrielles, ce sont ces dernières qui ont financé la Bourse à hauteur de 399 milliards de dollars par an sur la période 2005-2014 : ce chiffre représente, en effet, la différence entre les actions émises sur le marché et les actions retirées du marché par suite de rachats d’actions et de fusions et acquisitions. Ces pratiques sont en grande partie responsables de la croissance des inégalités, de l’instabilité de l’emploi et de la baisse de la capacité d’innovation... »

Guilhon explique cette logique « d'extraction de la valeur » et l'engrenage des licenciements boursiers :

« En l’espace de dix ans, entre 2004 et 2013, IBM a abaissé son ratio dépenses de R&D sur ventes de 7,1 % à 5,6 %, et a affecté 113 % de son revenu net à des rachats d’actions et à des versements de dividendes. Après des compressions massives de personnel, son objectif affiché a été d’atteindre, par les rachats d’actions, un bénéfice d’au moins 20 dollars par action à la fin de 2015. Au cours du 1er semestre 2014, IBM a procédé à des rachats d’actions à hauteur de 11,8 milliards de dollars, soit 181 % de son revenu net. De son côté, Hewlett-Packard a dépensé 133 % de son revenu net en opérations financières entre 2004 et 2011. Cette entreprise a vu son chiffre d’affaires s’effriter en 2012 et stagner en 2013. La profitabilité a été restaurée cette année-là en comprimant les effectifs de 17 800 personnes. Une deuxième vague de licenciements de 50 000 salariés a été annoncée en mai 2014. Le problème des entreprises est bien de réorienter les profits vers les processus de création de valeur et les compétences. Mais ces changements ne pourront se produire sans un encadrement très strict des pratiques financières. »

Voilà ce qui se passe dans le monde global : notamment aux Etats-Unis, pays où l'entreprise n'est pas une mal-aimée !

Du point de vue de la responsabilité environnementale comme des autres points de vue, le problème n'est  pas « l'entreprise ». Le problème est la règle du jeu globale : le productivisme, revu et aggravé par le casino financier et les normes de fonctionnement  qu'il infuse au monde économique. 

La règle du jeu est dictée par la sphère financière avec la complicité de « l'hyper-classe » comme disait Attali ; et le  casino financier ne pousse pas dans le sens de l'écologie, ni même de ce que la bien-pensance appelle « développement durable ».

Invoquer la « réhabilitation des entreprises » pendant un débat sur l'écologie est donc insolite, car la question n'est pas là. Pourquoi parler comme si la responsabilité écologique – notre avenir à tous – n'était qu'une petite question de bidouillages « technologiques » au sein des entreprises, qui pourrait se régler à coups de cadeaux fiscaux supplémentaires  ?

Pourquoi conclure qu'il faut « réhabiliter l'entreprise », comme si elle était persécutée ? Et pourquoi dire « l'entreprise » en général, comme s'il y avait identité de nature entre les PME et les multinationales ?

On dira : « les mal-aimés en France sont les patrons de PME, et ils n'ont rien à voir avec le casino dénoncé par Guilhon. ». C'est un fait. Les intérêts des actionnaires de grandes et très grandes entreprises sont sans commune mesure avec la survie des PME ! Il y a entreprise et entreprise... Raison de plus pour ne pas les confondre, dans un nuage de slogans qui voile le vrai problème.

 

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* Le Monde, 21/05.

 

Commentaires

LE PROBLÈME

> 75% des patrons de PME se plaignent des "conditions d'accès au crédit bancaire".
C'est leur problème de base. "L'étatisme" n'y est pour rien.
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Écrit par : Michèle Deleau / | 30/05/2015

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