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02/05/2015

"Nous nous tenons avec assurance devant Dieu"

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Mais cette "assurance" n'a rien à voir avec de la sûreté de soi... Ecoutons Paul, Jean, Augustin, Chesterton, Thibon :


 

<<  L'épisode de la présentation de Paul aux apôtres [Actes 9, 26-31], première lecture de ce dimanche) souligne que la prédication du nouveau converti est faite “avec assurance”. La lettre de Jean [1Jean 3, 18-24] reprend ce terme et nous fait un peu avancer dans cette attitude. “Nous nous tenons avec assurance devant Dieu”, nous dit saint Jean. L'évangile [Jean 15, 1-8], sans reprendre ce mot d'“assurance”, nous en donne pourtant le fondement : notre lien intime avec le Christ, à l'image des sarments fixés sur le cep. Il le fait avec un de ses mots préférés, le verbe “demeurer”, qui revient sept fois dans le texte. Ce lien profond et vivifiant avec le Christ est obtenu par sa parole qui nous “nettoie et purifie”, manière très elliptique de nous dire que tout dans notre pensée et nos actes doit être rectifié par la conformité à ses paroles.  >> [1]

 

L'assurance du chrétien n'a rien à voir avec la sûreté de soi, ni avec l'identitaire « nous autres » qu'on laissera aux rongeurs de passé. Le chrétien est un mangeur de pain : le Pain vivant, qui nous rend « présents à l'instant présent » pour nous ouvrir à tous avec... assurance. Une assurance qui ne nous vient pas de « nos valeurs » mais de quelque chose qui n'a rien à voir avec des valeurs : la conversion, « espèce de révolution intérieure silencieuse qui peut se comparer à un soulèvement ou à un retournement spirituel », dit Chesterton [2]. Personne n'est catholique s'il n'est converti, fût-il héritier de cinquante générations de baptisés.

Chesterton ajoute : « En vivant dans un monde à deux plans, le surnaturel et le naturel, le converti a l'impression de vivre dans un monde plus vaste. »

Thibon [3] dit un peu la même chose. Il parle d'une métamorphose comme celle de la chenille en papillon, mais amorcée ici-bas et accomplie dans l'Au-delà : notre vie en Christ, « but qui donne un sens et une valeur à toutes les étapes du chemin »...  

« Dieu seul peut (selon Thibon) faire coïncider dans notre âme ces vertus extrêmes qui, au niveau de l'homme, s'excluent l'une l'autre. Une telle coïncidence constitue, d'après saint Thomas, le grand critère du surnaturel. C'est ainsi que les saints peuvent posséder simultanément la douceur et la force, l'amour de l'apôtre et le courage du guerrier, le don de contemplation et le don d'action, l'esprit de solitude et l'esprit de communion... Quoi donc peut nous arracher aux limites de notre moi et nous élever au-dessus de ce mélange de bien et de mal qui est la loi du monde fini, si ce n'est la contemplation du bien pur qui est à la fois notre source et notre fin ? Seul le contact avec Dieu donne à l'homme cette simplicité du regard et du coeur qui le rend insensible aux mirages de la volonté de puissance. »

Thibon dit :« Nous arracher aux limites de notre moi. » Saint Jean dit : « Nous nous tenons avec assurance devant Dieu. » C'est la même idée, parce que cette assurance nous vient de Dieu : elle n'est pas « la nôtre » ! Le désastre serait de prendre notre sûreté de soi (et son corollaire : la haine inavouée de l'autre) pour de l'assurance chrétienne, dit saint Augustin dans ses homélies sur la 1ère lettre de Jean, traité IX, 11. « Tu disais avec assurance : j'aime Dieu ; et tu hais ton frère ? Homicide ! Comment pourrais-tu aimer Dieu ? N'as-tu pas entendu ce qui est dit plus haut dans cette même épître : « qui hait son frère est un homicide » ? - Mais certainement, j'aime Dieu, bien que je haïsse mon frère... - Non, certainement, tu n'aimes pas Dieu si tu hais ton frère ! Je le prouve à l'instant par un autre témoignage. Jean [1Jn 3, 15-23] a dit : « Il nous a donné un commandement de nous aimer les uns les autres. » Comment peux-tu aimer Celui dont tu hais le commandement ? Qui ira dire : j'aime l'empereur, mais je hais ses lois ? A ce signe l'empereur reconnaît qu'on l'aime : à ce qu'on observe ses lois dans les provinces. Quelle est la loi de notre Empereur ? « je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres » (Jn 13, 34). Tu dis que tu aimes le Christ ? garde son commandement et aime ton frère... Si tu n'aimes pas ton frère, comment aimerais-tu Celui dont tu méprises le commandement ? »

S'autoriser la haine en déformant la vertu de « force » pour en faire l'outil d'une « grandeur » idolâtre déguisée en « chrétienté » : c'est  notre péché récurrent depuis deux mille ans, sous des formes variables et dans des ambiances diverses. On le trouve aujourd'hui dans des milieux de l'hémisphère nord où figurent aussi des catholiques, mais Chesterton [4] le trouvait déjà rétrospectivement, par exemple, chez les puritains anglo-écossais : «  Le langage très éloquent où figurait non plus “Notre Seigneur” mais “Le Seigneur” (“The Lord”) a généralement été le langage de la puissance, de la majesté et même de la terreur. Y était impliquée à des degrés divers l'idée de glorifier Dieu pour Sa grandeur plutôt que pour Sa bonté. Et là, à nouveau, se présenta l'inversion naturelle des idées. Puisque le puritain était satisfait de crier avec le musulman “Dieu est grand”, de même le descendant du puritain est toujours un peu enclin à crier avec le nietzschéen : “la grandeur est Dieu”. »

Dans le même livre, à la page précédente, Chesterton dit aussi : « La véritable objection au fait d'être réactionnaire est qu'un réactionnaire, comme tel, arrive difficilement à faire en sorte que sa réaction ne vire pas au mal et à l'exagération... »

L'idolâtrie secrète « de ce qu'un sentiment féminin [5] appelle “force” », dit-il en conclusion, est « une plaie qui suppure dans la santé normale [d'une] âme » : « un effort trop violent pour être sain ». Je nous propose à tous cette dernière réflexion : il y a aujourd'hui une façon d'être « catholique » qui mène directement hors du christianisme.

 

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[1]  Parole et prière, 3/05/2015.

[2] L'Eglise catholique et la conversion (L'H.N., 2010). Notre note du 30/04.

[3] Nietzsche ou le déclin de l'esprit (Fayard, 1985).

[4] Robert Louis Stevenson (L'Âge d'Homme, 1994).

[5] pardonner à Chesterton ce zeste de machisme de 1924 !

  

 

Commentaires

"IDENTITÉ CHRÉTIENNE DE LA FRANCE"

> Ce qu’avec Chesterton, vous nous rappelez, PP, de ces identitaires chrétiens tentés de crier avec le musulman « Dieu est grand », voire avec le nietzschéen, « la grandeur est Dieu », nous ramènerait-il vers l’écrivain Jean Raspail, dans l’actualité pour la publication de six de ses romans dont un inédit dans la collections Bouquins (« Là-bas, au loin, si loin… ») ?
L’écrivain confesse ainsi dans le magazine « Monde & vie », à l’abbé de Tanoüarn (Institut du Bon Pasteur), son goût pour les messes de la Tradition parce qu’elles « ont de la gueule ».
Il insiste notamment sur l'importance de « l’esprit religieux » : « avoir l’esprit religieux, c’est largement aussi important que d’avoir la foi ». (…) « L’esprit religieux est le fait de penser que c’est indispensable d’avoir la foi, même si on ne l’a pas ».
Bien entendu, cet esprit religieux « aussi important » que la foi n’implique aucune humilité, aucune retenue, aucune humilité dans l’expression publique.
Ainsi l’écrivain, qui il est vrai, aime bien provoquer, raconte-t-il comment il a forcé un prêtre à lui donner la communion lors d’une messe où ce prêtre (le P. Gollnisch) se serait effacé devant les laïcs ministres de l’eucharistie : « J’ai monté les marches, le prêtre attendait. Je lui dis : “Est-ce que vous me donnez la communion ?” Il était sidéré ; il l’a fait. Il ne pouvait pas faire autrement de toute façon ! Je suis parti, je ne suis jamais revenu. »
Bref, pour conclure encore une fois avec Jean Raspail, dans cet entretien avec Guillaume de Tanoüarn : « Pourquoi Dieu ne serait-il pas servi avec panache ? La barbe à la fin ! Je crois que c’est le panache qui doit nous sauver »*.
Le panache notre sauveur ? Le Père, le Panache et le Saint-Esprit ?

* Entretien publié dans le tout dernier numéro du magazine de droite « Monde & vie » qui se consacre à la « défense de l’identité chrétienne de la France ».
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Écrit par : Denis / | 02/05/2015

ÉTONNONS-NOUS PLUTÔT

> Ne jetons pas la pierre à Jean Raspail, qui dit assez nettement qu'il n'a pas la foi chrétienne.
Il est cohérent avec lui-même.
Etonnons-nous plutôt des grands super-cathos qui ont cité avec complaisance l'anecdote du P. Gollnisch au lieu d'expliquer à Jean Raspail ce qu'est la Présence réelle et qui est Jésus, qui a sérieusement manqué de panache en mourant de la mort ignominieuse réservée aux esclaves. Après avoir lavé les pieds aux disciples au lieu de sonner le maître d'hôtel.
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Écrit par : Guillemot / | 02/05/2015

> Amen !
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Écrit par : perlapin / | 02/05/2015

PRIER

> prions pour Jean Raspail.
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Écrit par : André Biguet / | 02/05/2015

TÉMOIGNAGE

> Permettez-moi de donner mon témoignage. Converti, j'étais passé au début par un monastère tradi et durant cette période je n'étais pas loin de réagir comme Jean Raspail sur les questions de rite, communion dans la main, donnée par des laïcs, etc. C'est ensuite en progressant dans la foi et donc en m'éloignant de la posture tradi que j'ai compris que la foi de l'Eglise avait la puissance et le droit de modifier le rite. Rien n'est intangible sauf le kérygme de la foi, qui a le pouvoir de changer les formes de "la religion".
Devenir chrétien c'est comprendre que la foi n'est pas un bonus facultatif mais la clé de tout. D'accord avec A. Biguet, prions pour Jean Raspail.
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Écrit par : jean-eudes / | 02/05/2015

MOTS

> Les mots dérapent. Cet écrivain confond religion et religiosité. Quand il sépare religion et foi
il a l'air de penser que la foi est en option. C'est l'attitude des "athées pieux" comme disait Mgr Daucourt pendant les grosses vapeurs des MPT.
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Écrit par : Bernard Chérot / | 02/05/2015

ATHÉES PIEUX

> Je comprends vos mots durs, et je les partage sans aucune arrière pensée.
Mais je comprends aussi, pour y être passée lors de ma conversion comme jean-eudes, qu'un certain nombre de (jeunes) catholiques "assumés" (mais peut-être pas encore assez "mûris" au Soleil qu'est le Christ) en aient plus que marre de la posture soixante-huitarde post-conciliaire qu'on trouve encore largement dans les paroisses non urbaines, et qu'ils réagissent ainsi.
Oui, soyons exigeant avec ces catholiques, parce qu'ils peuvent grandir, mûrir, et devenir pleinement chrétiens : c'est parce que nous espérons en eux que nous sommes durs avec eux.
En revanche, je supporte mal moi aussi le "hold-up" par les tenants de nos-valeurs-de-la-France-de-toujours sur la foi chrétienne.
Et ce n'est pas parce que des "athées pieux" (ah que j'aime ce bon mot) aiment la messe tradi, que la messe tradi est à rejeter (je l'apprécie moi-même beaucoup). Mais c'est sûr que je ne prends pas forcément avec toute la dentelle et les froufrous, et les mondanités qui vont avec. Et j'aime aussi beaucoup la messe paroissiale, avec ses mamies, ses jeunes familles et les enfants du caté...

Pema


[ PP à Pema :

- Chère Pema, je ne parlais pas de la messe selon la forme extraordinaire du rite romain !
Ce n'est pas le sujet du débat, et sur cette question "Roma locuta est" depuis Jean-Paul II et Benoît XVI : "causa finita."
- Les auteurs de hold-up dont vous parlez se soucient d'ailleurs très peu du rite de la messe.
- Au sujet des jeunes gens qui gravitent autour de ces officines d'imposture ("catho-identitaires", c. à d. non-christiques), vous dites exactement ce qu'il en est : la seule chance de leur ouvrir les yeux est de leur parler fort et clair, autrement dit "durement". La dureté en question ne s'exerce pas contre les personnes (ce ne serait pas christique non plus), mais pour le discernement des idées.... et l'expulsion de certains esprits.
- Ce travail de discernement nous a attiré la vindicte de pas mal de gens. C'était couru quand on connaît le milieu. C'était inévitable. Mais ce n'était en aucun cas un objectif !
- L'objectif était (il est de plus en plus) d'aider le plus grand nombre possible à ouvrir les yeux. L'Eglise française ne peut pas laisser se développer le confusionnisme.
- En 2015 c'est un confusionnisme de droite, successeur symétrique (et tout aussi néfaste) du confusionnisme de gauche des années 1970-1980.
- Quant à être "dur"... On ne le sera jamais autant que Léon Bloy en 1892 face aux catholiques antidreyfusards, hypnotisés par "La Libre Parole" dont les affiches identitaires montraient Drumont en croisé piétinant... Moïse.
'Journal' de Bloy, 16 juillet 1892 :
« Une affiche placardée partout, un peu après la parution de 'La France juive' (le livre de Drumont, NDPP) : Drumont avec sa gueule de pion à lunettes, en chevalier de Rhodes, si on veut, et, sous son pied vainqueur, Moïse ! Moïse reconnaissable à ses deux cornes lumineuses, vautré sur le dos et retenant, d'une main crochue, une bourse d'où s'échappent des pièces d'or... L'ignominie de cette image est indicible. »
« ...On a vu jusqu'à des prêtres sans nombre, – parmi lesquels devaient se trouver pourtant de candides serviteurs de Dieu, – s'enflammer à l'espoir d'une bousculade prochaine où le sang d'Israël serait assez répandu pour soûler des millions de chiens, cependant que les intègres moutons du Bon Pasteur brouteraient, en bénissant Dieu, les quintefeuilles et les trèfles d'or dans les pâturages enviés de la Terre de promission... »
- Attention, je ne dis nullement que nos athées pieux de 2015 soient des épigones de Drumont ! Eux ne se posent pas en adversaires du judaïsme, mais de l'islam.
- Entre eux et l'époque Drumont il y a tout de même un point commun (un seul mais de taille): se poser en chevaliers chrétiens quand on agit objectivement en athées, même pieux ! C'est ça qui est intolérable. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pema / | 05/05/2015

> Merci pour cette chronique, très belle.
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Écrit par : Martial / | 14/05/2015

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