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24/02/2015

Le nouveau d.g. de Sanofi : 4 millions sans avoir rien fait

 économie,finance

Dans la France du chômage et des salaires bloqués, l'hyper-club sans frontières des salaires surréalistes :


 

Le Dr Olivier Brandicourt, directeur général de la branche HealthCare de Bayer (géant allemand du biotech), devient directeur général de Sanofi. Le géant français du biotech lui verse 4 millions d'euros* comme prime d'accueil – golden shake-hand en langue libérale. Ceci avant que le Dr Brandicourt ait fait quoi que ce soit ! Voilà une rémunération sans rapport avec le moindre résultat (ni la moindre « prise de risque », selon le jargon entrepreneurial, puisque le Dr Brandicourt échange un poste safe chez Bayer contre un poste safe chez Sanofi). A elle seule, la pratique des golden shake-hand et des golden parachutes invalide le dogme libéral de la « rémunération proportionnée au risque et aux résultats » : être couvert de fric avant tout résultat, puis être couvert de fric malgré des résultats mauvais, relève de la connivence de classe et non de l'économie. On voit ainsi la nature du système mis en place par le monde atlantique depuis la fin des années 1980. 

Sera-t-on d'accord avec Mme Royal, qui déclare « anormale » la prime du Dr Brandicourt, et avec M. Le Foll, qui déclare :

« C’est incompréhensible. Comment ! Tous ces gens, qui expliquent que c’est le mérite, que c’est l’économie libérale (le "risque", la "prise de risque") qui doivent faire les résultats, ces gens-là, à peine prennent-ils la tête d’une entreprise – c’est-à-dire qu’ils n’ont pris encore aucun risque –, ils sont déjà assurés d’avoir une rémunération sans commune mesure ? »

C'est un aspect du système que stigmatise le pape François au célèbre* paragraphe 54 de l'exhortation apostolique La joie de l'Evangile :

« Dans ce contexte, certains défendent encore les théories de la ''retombée favorable'', qui supposent que chaque croissance économique, favorisée par le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde. Cette opinion, qui n'a jamais été confirmée dans les faits, exprime une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système économique dominant... »

Chez Sanofi (et dans le reste de l'économie française), le « contexte » rend en effet « grossière » la prime de bienvenue de 4 millions d'euros versée au Dr Brandicourt. Les simples salariés de Sanofi ont vu leurs primes collectives bloquées pour la deuxième année consécutive. Le groupe a supprimé 5000 emplois en trois ans. Trois plans de restructuration successifs ont déclenché un vaste mouvement social à partir de 2012, avec les « jeudis de la colère » sur les sites de Toulouse et de Montpellier (soutenus par des élus locaux de tous bords) contre « les licenciements abusifs et boursiers ». On sait que Sanofi est n° 2 mondial du secteur en termes de bénéfices, au même rang que Novartis. Et n° 1 français en termes de capitalisation boursière, ex-aequo avec Total.

M. Le Foll et Mme Royal condamnent vertueusement les 4 millions du Dr Brandicourt, tout en laissant entendre qu'ils n'y peuvent rien parce que c'est le mercato des grands managers. Mme Royal psalmodie : « Il faut un peu de décence, notamment de la part des laboratoires pharmaceutiques qui vivent de la sécurité sociale, donc des cotisations sur les salaires... » Mais pas plus que sur Vinci à propos des péages d'autoroutes, le gouvernement n'a l'intention d'agir sur Sanofi. « Il faut qu'il y ait des règles qui soient réaffirmées », profère M. Le Foll. Il pourrait aussi invoquer l'esprit du 11 janvier... « C'est du vent », constate la CFDT, premier syndicat des salariés du groupe : « le gouvernement ne fera rien, alors que les syndicats alertent depuis longtemps sur ces risques de manipulation. » Le 1er janvier, le gouvernement a enterré la taxe sur les salaires supérieurs à 1 million d'euros, qui avait pourtant rapporté 400 millions à l'Etat en deux ans.

 

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* Versée en deux fois : 2 millions tout de suite, 2 millions en 2016 (quels que soient les résultats économiques).

** Célèbre chez ceux qui lisent ; pas dans les milieux où l'on sait bien qu'un pape ne saurait parler d'autre chose que de morale conjugale. 

 

Commentaires

MERCATO IRRATIONNEL

> La généralisation de ce "mercato", comme on dit pour le fouteballe, des dirigeants d'industrie ou de finance paraît complètement irrationnelle, y compris dans une logique de libéralisme économique.
-ils ne prennent pas de risques, eux: ceux qui les supportent, ce sont les salariés qui peuvent perdre leur gagne-pain et, bien sur, leurs créanciers, prêteurs, actionnaires ou fournisseurs qui peuvent perdre leurs économies ou endurer des impayés. Encore les actionnaires principaux, de caractère institutionnel, n’y engagent-ils pas tant de l’argent qu’ils possèdent, que celui des déposants.
-pour avoir usé mes fonds de culottes dans un grand groupe, j’ai vu des cadres dirigeants à la fois plus brillants et plus humains que ces vedettes du CAC 40 mais qui n’ont pas fait de carrière flamboyante.
-pourquoi alors ? difficile de l’expliquer autrement que par la prise de contrôle de cette économie extrêmement concentrée par un ou des réseaux de relations et de piston en un système très fermé.
http://www.alternatives-economiques.fr/les-cumulards-du-cac-40_fr_art_633_49410.html
http://www.alternatives-economiques.fr/fic_bdd/article_pdf_fichier/1274372604_cac40_3.swf
Ce système vient des Etats-Unis. Pour l’anecdote, il y avait eu dans les années 1980 le feuilleton divertissant de la « fusion » Mercédès – Chrysler : le n° 2 du nouveau groupe, l’ex-patron de Chrysler, gagnait 10 fois le salaire de son « big boss » issu de Mercédès. Naturellement, l’affaire a vite foiré.
______

Écrit par : Pierre Huet / | 24/02/2015

LE SOUS-TITRE

> Holà, PP ! Mais où est passée la mention du blog d’un « journaliste chrétien » nommé Patrice de Plunkett (je m'en aperçois à l'instant).
Certes, voici notre « journaliste chrétien » chassé à la fois par « l’idole Argent » et notre cher « pape François », ainsi va le monde et c’est un – le ! – signe des temps actuels, sans doute, que cette soumission quasi universelle des veaux qui nous gouvernent à l’Argent foutraque. Et tant qu’à faire, avec vous, dénonçons-la, courons sus aux financiers !
Mais tout de même, PP, il va vous falloir étayer ce bouleversement, expliciter une telle décision. Kézako ? Serait-ce un mea culpa de votre part, qui ferait de « journaliste chrétien » une sorte d’oxymore (occis mort ?) inaudible ? A ce compte, il faudrait reconnaître que le doux nom de « chrétien » transforme tout en oxymore – « politique chrétien », « économiste chrétien », « boulanger chrétien », « patron chrétien »… – à l’image de cette obscure clarté que nous répandons tous, pauvres pécheurs ?

Denis


[ PP à Denis

Cette modification m'a semblé nécessaire, pour trois raisons :
- elle met en évidence l'esprit et l'objectif de mon travail d'information et d'analyse,
- elle montre que ce travail cherche à aider le pape François, à l'heure où la droite catholique française le boude de plus en plus,
- et elle protège le blog contre la tentation de se poser en "voix du christianisme", ce qui serait très présomptueux ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : Denis / | 24/02/2015

BIZARRE HABITUDE

> Les récompenses exorbitantes a priori semblent devenir une bizarre habitude depuis quelques années : que l'on veuille bien songer au prix Nobel de la paix décerné à un Barack Obama fraîchement élu président des Etats-Unis...
Sur la croyance naïve et aveugle en les retombées bénéfiques du système économique, voilà qui rappelle ce que j'ai trouvé hier dans une lecture plus profane ("L'usage du monde", de Nicolas Bouvier) :
"[...] l'argent poursuit allègrement son ascension et, comme tout ce qui a été élevé doit un jour redescendre, finit par retomber en une pluie bienfaisante sur les banques suisses, les champs de course, ou les casinos de la Riviera."
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Écrit par : Sven Laval / | 24/02/2015

SANS FRAIS

> C'est peu connu mais courant pour les postes d'expatriation en tant que prime d'installation, mais dont le montant n'est soumis à aucune règle (peut être très en deçà ou très au delà). Là c'est une prime d'installation sans frais d'installation, ah si j'oubliais il y a une explication : les cartes de visites à modifier !
;-)
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Écrit par : franz / | 24/02/2015

LE MONTANT

> Enfin, ça n'est pas juste un "cadeau" gratuit : ces 4 millions, il les aurait eus s'il était resté à son ancien poste, et Sanofi compense l'argent auquel il renonce. En un sens, pour lui, ce n'est que justice.
Ce qui est indécent, ce n'est pas le procédé, c'est le montant - traduire le fait qu'il aurait dû avoir cet argent s'il était resté la ou il était avant.
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Écrit par : Edel / | 25/02/2015

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