13/02/2015
Les cardinaux, le pape... et ceux qui snobent le pape
Réflexions en marge du consistoire :
Au Vatican, consistoire du collège des cardinaux ; samedi, création de vingt cardinaux nouveaux dont quinze électeurs. Le consistoire va examiner l'activité du C 9, le groupe de neuf cardinaux institué par François pour l'aider à mettre sur pied la réforme de la Curie : réforme qui doit adapter le gouvernement de l'Eglise aux nécessités du XXIe siècle. En ouvrant le Consistoire, le pape François a déclaré aux cardinaux :
« La réforme n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour donner un vrai témoignage chrétien, pour favoriser une évangélisation plus efficace, pour promouvoir un esprit œcuménique plus fécond, pour encourager un dialogue plus constructif avec tous. La réforme, vivement souhaitée par la majorité des cardinaux lors des congrégations générales précédant le conclave, devra parfaire encore plus l’identité de la Curie même, c’est-à-dire, celle d’aider le Successeur de Pierre dans l’exercice de sa mission pastorale, pour le bien et le service de l’Eglise universelle et des Eglises locales. Exercice avec lequel se renforcent l’unité de la foi, la communion du peuple de Dieu, et se promeut la mission propre de l’Eglise dans le monde. »
Le pape a insisté sur ce point fondamental, dont on ne soulignera jamais assez l'importance dans le climat actuel : « Atteindre un tel but n’est pas facile : cela requiert du temps, de la détermination, et surtout la collaboration de tous. Mais pour réaliser cela, nous devons avant tout se confier au Saint Esprit, qui est le vrai guide de l’Eglise, en implorant dans la prière le don de l’authentique discernement. »
En effet : il est urgent de dissiper le malaise que d'aucuns cherchent à créer dans le public catholique. Les journalistes s'en rendent compte. L'un d'eux me dit constater que des cercles extrémistes surfent actuellement sur « le sentiment diffus de catholiques français pris au dépourvu par le pape François ». Certains de ces catholiques voudraient réduire les propos du pape au cadre dont ils ont l'habitude, une religion rétrécie en morale (familiale) ; leurs sites de référence collaborent à ce travail de réduction, mais c'est un chantier absurde. D'autres, moins « catho-catho » et plus « politiques » (de droite libérale), ne cachent pas leur animosité méprisante envers le pape argentin. Les deux courants – les conservateurs désorientés et les furieux de droite – sont désormais le vivier des réseaux extrêmes. Comme autrefois pendant la tourmente soixante-huitarde de l'après-concile, ces réseaux ont jeté leur dévolu sur un prélat, le cardinal Burke, dont ils espèrent faire un Lefebvre-bis.
Mais François l'a dit aux cardinaux : le devoir du chrétien est « avant tout de se confier au Saint Esprit, qui est le vrai guide de l’Eglise, en implorant dans la prière le don de l’authentique discernement. » J'ai du mal à comprendre comment des catholiques (qui n'ont pas encore fini leur « descente » d'après-manifs) peuvent se permettre de juger le pape et de lui décerner des points, bons ou mauvais. Cette prétention de leur part témoigne d'un regrettable manque de confiance en l'Eglise, et d'une non moins regrettable ignorance du monde actuel – qui est un peu plus vaste que les Yvelines.
Les « désorientés » ont perdu pied pendant la première session du synode sur la famille. Ils s'attendaient à un remake en rouge de la Manif pour tous ; ils ont vu un débat sur d'autres réalités à l'échelon mondial. Un débat dur ! Dureté nécessaire, voulue par le pape : car ces réalités elles-mêmes sont dures, et l'Eglise n'est pas un refuge hors du monde. Elle ne l'a jamais été. Les bons bourgeois cathos de l'Hexagone n'imaginent pas la virulence des débats des grands conciles de l'Antiquité : ce sont ces débats qui ont constitué le trésor de la foi chrétienne. Les confrontations au sein de l'Eglise peuvent être violentes ; à la fin c'est le Saint Esprit qui gagne. Sinon l'Eglise aurait disparu depuis longtemps.
J'ajoute un mot sur les nouveaux cardinaux nommés par François. Leur distribution géographique est significative. Ethiopie, Vietnam, Mexique, Birmanie, Thaïlande, Cap-Vert, Tonga, cette promotion confirme la tendance des nominations de janvier 2014 : Nicaragua, Côte d'Ivoire, Brésil, Chili, Burkina Faso, Philippines, Haïti. La structure de l'Eglise universelle devient vraiment universelle. Les gros bataillons du catholicisme sont dans l'hémisphère Sud. Dans le Sud, les séminaires et les églises sont pleins ; pendant ce temps, les sociétés riches de l'hémisphère Nord s'épuisent en illusions stériles, et une partie des cathos de ces sociétés riches snobent leur pape venu du Sud. « Fais-les pleurer, Marie, fais-les pleurer ! » (Lanza del Vasto).
12:55 Publié dans Eglises, Idées, Pape François | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pape françois
Commentaires
À L'ÉCOUTE
> D’accord avec François (et PP), « avant tout se confier au Saint-Esprit », et redisons notre confiance dans la collégialité des évêques et cardinaux nouvellement nommés qui sauront se mettre à Son écoute comme leurs vigoureux Pères dans la foi : « Tu rite promissum Patris »…
Cependant, j’ajoute : les caquetages de tous ceux qui voudraient mettre le pape au pas ne m’inquiètent guère : les canards cancanent, la Barque vogue !
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Écrit par : Denis / | 13/02/2015
à Denis
> ça n'inquiète guère "sub specie aeternitatis", sans doute. Mais dans le moment présent, la manœuvre droitière de sabotage du pontificat est une vraie saloperie. Quarante-cinq ans après le début de l'opération Lefebvre, son schisme dure encore et il a intoxiqué des centaines de familles françaises sur plusieurs générations, y compris les ex-"ralliés" en train de devenir relapses.
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Écrit par : bernard gui / | 13/02/2015
PERMANENTE
- « … le cardinal Burke, dont ils espèrent faire un Lefebvre-bis »… Avec le même succès ? La leçon ne leur aura donc pas servi ?
- « … du mal à comprendre comment des catholiques […] peuvent se permettre de juger le pape et de lui décerner des points, bons ou mauvais.… » : la tentation de l'orgueil (« c'est moi qui ai raison, j'ai mes sources et pas besoin de l'Esprit Saint ») est permanente.
F.
[ PP à F. - Oui, permanente. Et transversale : toutes les "sensibilités" sont concernées. ]
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Écrit par : Fondudaviation / | 13/02/2015
MÉCOMPRÉHENSIONS
> Je comprends vos inquiétudes et je souscris à vos réflexions, cependant je pense qu'au rayon des mécompréhensions que suscite le pape François, les tenants plus politiques que spirituels de la "tradition" ne sont pas les seuls à se fourvoyer.
Beaucoup, s'ils lisaient les homélies quotidiennes du pape, seraient assez retournés d'apprendre qu'il nous incite fermement à aller à la messe tous les dimanche (quel conservatisme !!), qu'il ne prend pas le diable pour une hystérie médiévale, qu'il parle de la Sainte Vierge, et même comble de l'horreur, qu'il a parfois des pensées eschatologiques (comme l'Évangile cela étant). J'en passe et des meilleures. Bref, on reconnait notamment sa filiation sud-américaine et sa filiation jésuite dans l'alliance entre un très grand réalisme pastoral et une vie spirituelle qui ne s'embarrasse pas de concessions.
Ainsi notre Saint-Père a considéré qu'il était important secouer les cocotiers et veut nous réveiller nous tous serviteurs qui dorment.
N'est-ce pas inquiétant que seule une bien petite partie de l'Eglise se sente visée ?... Si les cathos conservateurs de droite étaient les seuls pécheurs dans l'Église, cela se saurait. Et l'aveuglement des autres face aux propos du pape, qui valent tout autant pour eux, ne me semble pas plus rassurant que l'indignation plus ou moins dissimulée des uns... Bref, ceux qui s'arrogent le pape comme leur grand supporter ne me semblent pas moins malsains et dans le faux que ceux qui en font un ennemi. Tous contribuent à une moins bonne compréhension du message du pape par les fidèles, et tentent de se l'accaparer pour arbitrer les débats de chapelle franco-(américano?)-français dont le pape est très loin. Tout le monde a sa responsabilité là-dedans. Pas seulement les droitiers de base.
perlapin
[ PP à P. :
- Autant je comprends et approuve la première partie de votre message, autant je m'interroge sur la seconde partie.
- Qui sont "ceux qui s'arrogent le pape comme leur grand supporter", et qui vous semblent "pas moins malsains et dans le faux que ceux qui en font un ennemi" ?
- Je suppose que vous ne suggérez pas que marcher avec le pape est une attitude aussi suspecte que de refuser de marcher avec lui . Ce serait noyer le poisson d'une façon un peu trop évidente.
- Mais vous semblez confondre deux choses dissemblables :
a) être pécheur (ce que nous sommes évidemment tous) ;
b) monter un parti contre le pape : ce que font les bergogliophobes et eux seulement.
L'agitation anti-François étant perverse et publique, la dénoncer publiquement est un devoir.
A moins que la connivence muette soit devenue la nouvelle vertu catho en France ?
ps - Pardonnez-moi si je vous le demande : votre pseudonyme animalier indique-t-il que vous êtes de ceux qui croient que le pape dit du mal des familles nombreuses ? Ce n'est pas du tout le cas : vous le vérifieriez facilement sur le site du Vatican. ]
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Écrit par : perlapin / | 13/02/2015
en réponse à la réaction de PP à mon commentaire précédent :
> cher PP, nulle allusion aux propos du pape sur les lapins dans mon pseudonyme, c'est celui que j'ai choisi depuis de nombreuses années pour m'exprimer sur des forums, en faisant je l'espère sourire quelques personnes au passage.
Je concède bien facilement que la critique publique et injuste du pape auxquels se livrent certains est un danger de tout premier ordre, et ne peut être comparé aux autres mécompréhensions des propos de François.
Je tenais simplement à souligner un autre penchant néfaste : celui de croire simplement que le pape est d'accord avec nous, qu'on est sur la même longueur d'onde, et de n'écouter plus ses messages que d'une oreille distraite, certain qu'ils sont favorables à notre façon de voir : que ce pontificat est fait pour secouer les tradis perchés sur leurs branches trop aériennes, secouer l'Église des rites poussiéreux et des conventions, retrousser les manches.
Cela anesthésie les esprits aux propos incisifs du pape qui sont une opportunité pour nous TOUS de faire de grands progrès dans la vie chrétienne !!
On garde le buzzword "périphérie", on garde deux trois citations qui arrangent, et on met la poussière sous le tapis : simplement dommage. Attitude qui induit d'autres en erreur, qui ensuite pensent que le pape est authentiquement "prog'", comme on dit dans certains milieux. Autrement dit : les médias ne sont pas les seuls à colporter des raccourcis.
Mais on ne devrait pas s'étonner : c'est humain dans une structure hiérarchique de tirer la couverture à soi et d'interpréter les propos de son chef avec son prisme d'analyse propre. Tendance humaine qui se retrouve dans l'Église même si l'Église n'est bien sûr pas que cela.
J'en profite pour vous recommander cet excellent article d'analyse à propos du mécontentement des LibCons : http://www.lerougeetlenoir.org/les-controverses/eglise-l-esprit-saint-regrette-t-il-son-choix
perlapin
[ PP à P. - Lorsque notre blog cite le pape, c'est dans le texte intégral : cf hier par exemple. Nous sommes donc (vous et moi) absolument d'accord, alleluia. ]
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Écrit par : perlapin / | 15/02/2015
ANONYME
> Vous vous prenez pour un justicier de l'Eglise et vous osez traiter un cardinal de " cas ".
Cette irrévérence traduit l'état d'esprit qui vous anime; celui d'un progressiste belliqueux !
Vous devriez relire votre catéchisme avant de commenter le malaise ecclésial actuel.
Sincères salutations,
MP
[ PP au "panetier" - Je vous répondrai quand vous m'écrirez sous votre nom, courageux anonyme. ]
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Écrit par : panetier / | 16/02/2015
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