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02/02/2015

Washington-OTAN-Paris : vers une guerre "occidentale" contre la Russie ?

US-Minuteman-Missile-1.jpg

Washington et l'OTAN parlent maintenant d'envoyer des armes à l'armée de Kiev en déroute. C'est le deuxième cliquet vers un affrontement militaire de "l'Occident" (?) avec la Russie :


Cette guerre avec une puissance nucléaire, officiellement personne ne la veut. Mais tout se passe comme si l'engrenage de l'attaque "occidentale" tournait déjà. On sait depuis 1914 comment éclate une guerre mondiale : c'est le mécanisme fatal des alliances et la pression d'intérêts économiques enveloppés d'idéologie. Or :

le mécanisme des "alliances" est en place depuis que l'OTAN (au lieu d'être dissoute après la chute de l'URSS et la fin du pacte de Varsovie) fut maintenue et élargie aux dimensions mondiales, devenant ainsi le ban et l'arrière-ban du suzerain washingtonien ;

les intérêts économiques sautent aux yeux : ils sont exclusivement américains. Washington n'a jamais admis que la Russie tente de se ressaisir après le dépeçage eltsinien de son économie : d'où la mise en place d'une stratégie politico-militaire anti-russe dès 1994, stratégie dont l'OTAN est l'outil... et qui contredit de plein fouet les intérêts européens. On sait que la machinerie de l'UE est indifférente aux intérêts de l'Europe : elle roule pour l'hyper-classe globale, ce qui est autre chose.

L'enveloppe idéologique est double, voire schizophrène :

1. à Washington c'est l'impérialisme néoconservateur poursuivi par Obama sous une forme plus sournoise. Cet impérialisme est la vieille ambition de "leadership global", mais qui se crispe au moment où le monde secoue ce leadership : crispation US drapée dans le prétexte de la "lutte contre le terrorisme global"... (Terrorisme dont feraient absurdement partie, par exemple, Poutine et al-Baghdadi en tant que "brutal dictators").

2. En Europe, l'enveloppe idéologique est encore plus absurde... et non moins dangereuse. Une loi russe "homophobe" ne suffisant tout de même pas à légitimer une guerre (quoique ?), on réactive le fantasme de   "Moscou-voulant-asservir-l'Occident". D'où l'apparition plus qu'étrange, dans nos médias, d'un vocabulaire datant de 1942 : "combattants européens", "ours russe", "main de Moscou" ; et une non moins étrange complaisance de nos médias envers les bataillons de "volontaires" ostensiblement nationaux-socialistes qui tiennent lieu d'armée à Kiev.

Ces bataillons nazis se font étriller par les rebelles du Donbass. Les appelés ukrainiens de l'armée régulière, démotivés et désemparés, ne sont pas en meilleure posture. Le pouvoir de Kiev, fabrication américaine à peine dissimulée (voyez la composition du gouvernement) est au bord de la déroute militaire, mais aussi de la catastrophe économique puisqu'il s'est coupé de son marché naturel : l'espace russe.

C'est alors que le Pentagone, qui semble avoir pris les commandes dans cette affaire, hausse le ton et franchit un pas vers la guerre. Le général Dempsey, chef d'état-major américain inter-armées, annonce "d'autres options que diplomatiques". Le général Breedlove, "commander-in-chief" de l'OTAN, annonce l'envoi d'armes aux troupes de Kiev (drones et missiles pour un montant de trois milliards de dollars selon le NYT). La conseillère d'Obama "pour les questions de sécurité", Susan Rice, pousse dans le même sens. Inutile de préciser que les armes américaines sophistiquées qui seront livrées à Kiev seront servies par des spécialistes américains, voire euro-otaniens. Ainsi des Américains et des Européens tireront sur les rebelles du Donbass : l'intention est même de tirer "sur les Russes", puisque l'armée russe est en Ukraine – à en croire l'OTAN. Le premier tir de missile US dans le Donbass visera symboliquement la Russie. On sait comment tournent ces choses.

On vient ainsi de franchir un cliquet dans l'engrenage d'une guerre qui serait effroyable, compte tenu de l'arsenal du pays que l'on veut attaquer.

En ramenant la France dans la vassalité de l'OTAN, M. Sarkozy nous a réenfermés dans la position d'agresseur-cible dont le général de Gaulle nous avait sortis. Le plus beau est que les conseillers politico-militaires d'Obama vouent un mépris total à la France : "un tas de merde", avait dit Mme Rice du plan français d'intervention au Mali... Ce plan était ce qu'il était, et ses résultats sont aléatoires puisque les djihadistes sahariens sont solidement basés (et lourdement armés) en Libye grâce à M. Sarkozy ; mais la phrase de Mme Rice exprimait surtout l'indifférence de Washington envers le problème djihadiste*. Comme sa prédécesseur(e) qui se nommait également Rice, Mme Rice bis ne fait pas la guerre aux djihadistes : elle fait la guerre à... la Russie. Vous savez pourquoi.

Soumis à ces intérêts qui ne sont pas les nôtres, enfermés dans une OTAN où nous n'aurions jamais du revenir, nous voilà dans le convoi d'une guerre qui n'aurait pour nous aucun sens, mais qui en aurait un pour le capitalisme en crise : comme en 1914.

 

ps - C'est peut-être l'une des explications du "soutien" d'Obama au nouveau gouvernement grec. En menaçant d'empêcher l'UE de suivre Washington contre la Russie, Tsipras gêne Obama. En soutenant Tsipras dans l'affaire de la dette, Obama obtient que la Grèce ne mette pas son veto à des opérations européennes anti-russes. Le Premier ministre grec : Ulysse aux Mille Ruses ?

 

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* Sauf dans les cas spécifiques où ce problème menace, ou pourrait menacer, l'Etat d'Israël.

 

 

louise-bourgeois.jpg 

 

Commentaires

GUIGNOLS

> J'espère de tout cœur que vous vous trompez... Ces perspectives sont effrayantes, mais avec les guignols qui nous gouvernent, tout est possible. Leur aveuglement, leur mépris de l'intérêt de la France et leur soumission aux intérêts américains semblent sans limites.
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Écrit par : Gilles Texier / | 02/02/2015

> Bravo, cher PP, votre analyse est éblouissante.
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Écrit par : mcm / | 02/02/2015

PROPAGANDA

> Merci pour ce sombre et triste éclairage. Un chef-d’œuvre de propagande éhontée dans le Figaro hier :
"L'Amérique de retour au chevet de l'Europe: L'Amérique commence enfin à prendre la mesure du danger que représente la puissance agressive de la Russie de Poutine pour le futur de l'Europe [...] Une immense inquiétude et un profond désarroi étreignent Washington sur une question russe qu'elle croyait disparue des écrans radar [...] Pour les experts avertis, pas de doute: Poutine «fait monter les enchères, pour que des choses qui semblaient il y a peu inacceptables puissent être mises sur la table», note le vice-président de l'Atlantic Council, Damon Wilson.
Le chef du Kremlin, note le stratège Walter Russell Mead, «pense que l'engagement de l'Amérique en Europe est tellement faible que les États-Unis ne réagiront pas à temps ou avec suffisamment d'efficacité, alors que la Russie s'efforce de changer l'ordre européen». http://www.lefigaro.fr/international/2015/02/01/01003-20150201ARTFIG00213-l-amerique-de-retour-au-chevet-de-l-europe.php
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Écrit par : isabelle / | 02/02/2015

COMME EN 14

> Sur le jeu de Tsipras avec Obama : se rappeler les contorsions du gouvernement grec entre les Puissances centrales et les Alliés pendant la guerre de 14-18.
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Écrit par : Bolo pacha / | 02/02/2015

LA PAIX

> La paix a besoin de prières , on dirait ...
Tout comme il serait nécessaire d'être sûr de pouvoir interpréter correctement les événement historiques actuels.

Béber


[ PP à B. - On n'est jamais sûr de rien. On peut seulement bâtir des hypothèses avec un plus ou moins grand coefficient de vraisemblance...
C'est après coup, au lendemain des grandes tragédies de l'histoire (1940 par exemple), qu'il est facile de trier - parmi les commentateurs - ceux qui avaient été lucides et ceux qui ne l'avaient pas été. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Béber / | 02/02/2015

NÉOCONS CONTRE ORTHODOXES

> Englobant dans une même détestation les combattants du Donbass et les Grecs ( pour bien des raisons mais particulièrement pour leur refus de s'aligner sur la politique de sanctions contre la Russie ), les milieux néoconservateurs sont en train de nous fabriquer de toutes pièces un nouvel ennemi héréditaire de « l'Occident » : les chrétiens orthodoxes !
Lisez par exemple l'article de D. Moïsi de l'IFRI ( think tank néocons français ) paru dans les Echos ces jours-ci. On peut y lire cette phrase hallucinante :
« La sécurité de l’Europe aujourd’hui n’est-elle pas davantage menacée par les Orthodoxes que par les fondamentalistes musulmans? »
http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0204122419948-leurope-ne-peut-se-resigner-au-depecage-de-lukraine-1088666.php

Je crois qu'en tant que catholiques nous devons être très vigilants et nous préparer à combattre farouchement ce nouvel avatar particulièrement abject de la pensée unique.

Jean-François


[ PP à JF - Ce matin à France Inter, un chroniqueur a relayé - avec beaucoup d'arrogance - le même point de vue. Nous entrons dans un climat de propagande de guerre. ]

réponse au commentaire

Écrit par : jean-francois / | 02/02/2015

POUR LA PAIX

> Un plaidoyer pour la paix. A lire et a faire circuler :
http://arretsurinfo.ch/nous-citoyens-de-russie-un-plaidoyer-pour-la-paix/
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Écrit par : Larnicol / | 02/02/2015

PAS DE RUSSES

> Alors qu'il n'y a toujours pas d'armée russe en Ukraine! (avant dernier paragraphe)

http://blogs.mediapart.fr/blog/segesta3756/310115/troupes-ukrainiennes-la-derive-le-bataillon-aidar-en-revolte-par-marat-grassini
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Écrit par : Pierre Huet / | 03/02/2015

TWEET

> Lu sur Twitter, ce tweet d'Edimbourg :
"For those who read French, an interesting analysis by @dePLUNKETT1 on nasty US game-playing in the #Ukraineconflict: http://plunkett.hautetfort.com/archive/2015/02/02/t-5550370.html …"
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Écrit par : luça / | 03/02/2015

RÉFLEXIONS

> Je vous propose ces quelques réflexions, en réponse aux assertions suivantes :

* « En ramenant la France dans la vassalité de l'OTAN, M. Sarkozy […]. »
- le processus de retour dans la structure du commandement intégré avait commencé bien avant Sarkozy (pratiquement depuis Mitterrand).
- « vassalité » (au sens de l’inégalité) est excessif, car l’Otan fonctionne selon le principe de l’unanimité : chaque membre (fût-il le plus petit) dispose donc du droit de veto. Cette spécificité constitue d’ailleurs une évidente faiblesse, face à une menace immédiate ; c’est pourquoi les USA ne se faisaient (ne se font) guère d’illusion sur son efficacité — réelle — et ne tenaient pas à partager leur pouvoir de décision ultime ; et c’est aussi pourquoi est mis sur pieds le commandement intégré, doté du pouvoir d’action "instantanée" — prédéfinie — , délégué par les membres, en toutes connaissances de cause… (en principe).
Il n’y a donc pas vraiment « soumission », sinon volontaire… Il est vrai que ça n’exclut pas qu’il puisse y avoir des pressions de toutes sortes (économiques, psychologiques…) ; on l’a vu lors de choix de matériel d’armement, notamment.

* « Soumis à ces intérêts qui ne sont pas les nôtres, enfermés dans une OTAN où nous n'aurions jamais dû revenir […] nous a réenfermés dans la position d'agresseur-cible dont le général de Gaulle nous avait sortis. »
- C’était la question de la riposte « graduée » remplaçant la doctrine des représailles massives (de Dulles).
- Il convient de nuancer (ou de relativiser…) quelque peu la vision idyllique que nous avons des clairvoyances ou de la lucidité de De Gaulle vis-à-vis de l’Otan.
De Gaulle a fait sortir la France de la structure du commandement intégré mais (n’étant pas totalement irréaliste) point de l’Alliance. Nous avons alors joué la politique de la chaise vide : notre place existait toujours (dans les Comités) mais sans participation, ou seulement à titre d’observateur. Les relations avec l’Otan n’ont cependant jamais été rompues sur le plan opérationnel et de l’interopérabilité (condition essentielle pour ne pas s’isoler et perdre tout contact avec l’actualité des tactiques, des doctrines d’emploi et de la planification opérationnelle).
Et encore, quelles en ont été ses motivations ?
Dès 1958 (mémorandum du 17 septembre) De Gaulle, président du Conseil (de la IVème République) revendique d’instaurer, au sommet de l’Otan, un directoire tripartite (États-Unis, Royaume-Uni, France) ; façon habile d’étouffer les velléités suzeraines des USA ? Rejet clair et net de nos deux grands partenaires ! Conséquences (et réactions) : retrait en 1959 des forces navales françaises du commandement intégré de la Méditerranée, refus de recevoir en France des dépôts nucléaires US, passage de la défense aérienne sous l’autorité nationale…
En 1966, De Gaulle prétend redouter l’engrenage vers le conflit vietnamien (discours de Phnom-Penh en septembre 1966) ; en fait c’est moins l’Otan que l’Otase qui y aurait été impliqué (puisque le Viêt-Nam était « hors-zone » Otan). Mais c’était oublier le principe de l’unanimité : un simple veto de la France suffisait pour bloquer toute (hypothétique) intervention otanienne dans ce conflit.
Par ailleurs, le retrait français de la structure intégrée était relativement peu risqué : bien que stationnées « à moins d’une étape de Tour de France de Strasbourg », les forces soviétiques auraient bien dû passer par la RFA pour y parvenir… déclenchant par-là même, une réaction otanienne…
En matière stratégique, l’intégration ou non de la France dans l’Otan n’aurait pas changé grand chose au scénario d’un cataclysme nucléaire : elle n’aurait guère été épargnée et aurait allègrement profité de cet échange de « bons procédés », les Soviétiques n’y regardant pas trop aux détails (au risque de recevoir une riposte proprement française — depuis que la France disposait de son propre et autonome arsenal nucléaire). Surtout que la France étant toujours membre de l’Alliance (même hors structure intégrée), l’article 5 du Traité lui était pleinement applicable…
En somme le « génial » retrait gaullien apparaît davantage comme un règlement de compte à l’encontre des anglo-américains. Même si, par ailleurs (au cours de la crise de Cuba, en octobre 1962, et alors que l’Otan n’y a pas été impliquée) De Gaulle a su témoigner de son ferme soutien aux USA.

* « depuis que l'OTAN (au lieu d'être dissoute après la chute de l'URSS et la fin du pacte de Varsovie) fut maintenue et élargie aux dimensions mondiales »
- Exact : à l’origine, la zone d’action de l’Otan était limitée, d’Est en Ouest, du rideau de fer à la côte Ouest de l’Amérique du Nord, via la Méditerranée et l’Atlantique Nord, au nord du tropique du Cancer.
La stratégie de l’Alliance s’est trouvé (au milieu des années 1990) une justification nouvelle (menaces multiformes) et une extension de sa zone d’action (en cohérence avec la mondialisation/globalisation des menaces).
Il est cependant vrai (même en non-dit), que le bloc de l’Est constituait bien, à l’origine (en 1949), la menace principale ; et accessoirement la remilitarisation de l’Allemagne ! Il s’agissait de « garder les Russes à l'extérieur, les Américains à l'intérieur et les Allemands sous tutelle » (Lord Ismay, 1952-57). Cependant la justification initiale (en 1949) était officiellement la sécurité du continent européen — contre toute menace, d’où qu’elle vienne. Et l’URSS — pas plus que le Pacte de Varsovie —n’a jamais été nominativement désignée dans la charte. Donc la disparition de l’URSS n’avait pas de raison objective de provoquer la liquidation de l’Alliance.

- Controverse du « hors-zone » :
La France aurait aimé (au début des années 1950) bénéficier du soutien de l’Alliance en Indochine… mais (outre les réticences — idéologiques — britannique et étasunienne) l’Indochine (comme la Corée) était « hors-zone ». Ce fait a d’ailleurs conduit (en septembre 1954) à instituer l’Otase, pendant asiatique de l’Otan.
Dans son mémorandum du 17 septembre 1958, De Gaulle (en cela, et déjà visionnaire) demandait aussi une extension du champ d’application de l’Alliance : « L’Otan [ne doit pas] être limitée à l’Atlantique Nord, comme si ce qui se passe au Moyen Orient ou en Afrique n’intéressait pas immédiatement et directement l’Europe ».

En somme, si De Gaulle avait obtenu gain de cause auprès de MacMillan et d’Eisenhower sur son mémorandum de 1958, il n’aurait sans doute pas fait « faux-bond » à nos Alliés, et aurait été moins tenté de jouer la carte du Kremlin (voire celle de Pékin ou de Hanoï).
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Écrit par : Fondudaviation / | 04/02/2015

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