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04/11/2014

Invoquer "la démocratie" pour imposer le (très discutable) projet de barrage de Sivens est absurde...

 politique

...car le "légal" n'est pas forcément "légitime" ! 

Certains jugent même qu'il l'est de moins en moins :


 

Mise au point de Frédéric Denhez, ce matin*, en réponse à l'argument (répété en boucle par les radios) selon lequel s'opposer à un projet de BTP « voté par un conseil général » relèverait de l'outrage à la démocratie.

L'argument serait recevable si la démocratie se réduisait à des procédures : idée officielle aujourd'hui. Mais idée dangereuse. Les procédures définissent une légalité ; définissent-elles la légitimité ? Oui, si l'on réduit le légitime au légal : et c'est ouvrir la porte au pire, on l'a vu naguère.

Est légitime ce qui est fondé en  justice ou en équité, fondation qui suppose des bases éthiques. Mais le légal est devenu le jouet des marchés : cette situation contraire à toute éthique fait qu'aujourd'hui la réduction du légitime au légal est contestée.

1- Elle est contestée par les défenseurs de la nature/culture humaine : on l'a vu dans la rue, en 2013, contre une loi votée à grand tapage et marche forcée ; loi dont l'origine et la logique amèneront d'autres lois, non moins légalement votées, qui autoriseront la GPA et la marchandisation du vivant.

2 - La réduction du légitime au légal est contestée par les défenseurs de la nature tout court. C'est l'article de Denhez au sujet de Sivens. Extraits : « Un vote n'offre que la légalité ; la légitimité, c'est autre chose. Il s'agit de la mériter, par la justesse et l'équité de l'exercice du mandat... » - « Ce genre de projet, ici et ailleurs, est décidé en vase clos, entre amis du même monde d'élus professionnels... » Les mêmes élus du Tarn avaient voté la construction du barrage de Fourogue, surdimensionné lui aussi et confié à la même société privée chargée à la fois de l'étude d'impact, de la construction et de l'exploitation ! C'est ce précédent qui a suscité la colère de la population tarnaise, quand elle a découvert sa récidive dans le projet Sivens. Et au profit de qui, ces projets : « des agriculteurs », comme disent les radios ? Non, mais d'une « vingtaine de céréaliculteurs déjà largement bénéficiaires des aides publiques » et membres, comme par hasard, de la FNSEA de l'agro-chimiste Xavier Beulin  :  les tenants d'un modèle de surexploitation-pollution des sols, contesté aujourd'hui par les agronomes lucides.

« Ainsi le barrage de Sivens n'est-il que l'enfant ultime d'une féodalité élective et productiviste qui ne représente qu'elle-même », observe Denhez. Il conclut que ce projet sera « le dernier », car (croit-il pouvoir annoncer) «  une double révolution, sympathique et calme, est en cours, agricole et politique. Celle de la légitimité. Qu'a-t-on le droit de faire aujourd'hui ? Ce qui est juste pour demain. »

Un raisonnement comme celui-là vaut qu'on s'y arrête. Il est le signe d'une évolution fondamentale dans les esprits.

Depuis les années 1970-1980 (celles des pseudo « nouveaux philosophes » amis du business), « l'éthique procédurale » s'était substituée au politique : plus question de chercher le bien commun objectif, il fallait s'en remettre aux « procédures » et fêter leurs produits, quels qu'ils soient. Ce sabordage du bien commun s'opérait bien entendu au nom de « l'anti-totalitaire » : était décrété « totalitaire » tout ce qui prétendait établir une norme supérieure au marché. C'était une défaite de l'esprit. Elle nous a menés là où nous sommes. Et c'est en voyant « où nous en sommes » que certains, à gauche et à droite, se réveillent brusquement. Ils découvrent que l'éthique procédurale mène à justifier ce qui meurtrit l'homme et la nature... Vont-ils aller plus loin dans leur analyse ? Vont-ils rompre avec le turbocapitalisme et son arme fatale, le soi-disant « progressisme »  qui justifie l'artificialisation commerciale de tout ?

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* Libération Rebonds.  

 

 

Commentaires

MANIPULATION

> Je dirais même qu'invoquer la démocratie dans cette situation , est de la manipulation des citoyens puisque la méthode de décision de ce genre de projet est loin d'être démocratique, et que la soi disant enquête publique n'a provoqué que des non et n'a pas été pris en compte.
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Écrit par : Nathalie Larnicol / | 04/11/2014

"UN POINT C'EST TOUT"

> Rappelez-vous les propos historiques du rapporteur du projet Taubira, Jean Pierre Michel :
"ce qui est juste, c’est ce que dit la loi, c’est tout ! Et la loi, elle ne se réfère pas à un ordre naturel, elle se réfère à un rapport de force à un moment donné... c’est le point de vue marxiste de la loi. Un point c’est tout."
Au moins, les choses sont claires : la vérité et la justice sont dictées par les forts. Dieu n'a qu'à bien se tenir !
Je préfère quand même le psaume 84 : "Amour et Vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent. La vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice...".
http://www.dailymotion.com/video/xxk0ss_jean-pierre-michel-le-fondement-du-juste-c-est-le-rapport-de-force_news
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Écrit par : isabelle / | 04/11/2014

ANTIPODES

> Invoquer la "démocratie" est absurde tout court, et finalement sans doute moins dans l'histoire de Sivens que dans tout le reste.
Notre système électoraliste, de partis, de castes et d'énarchie est strictement aux antipodes de la démocratie.
Et selon le vieil adage "ceux qui en parlent le plus le font le moins"... il suffit de compter le nombre de fois où ce mot est prononcé en une soirée de télé ou en une journée de débat à l'Assemblée pour se rendre compte à quel point on en est éloigné.
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Écrit par : RH / | 04/11/2014

EN SUISSE

> La pression de l'agro-bizness n'existe pas qu'en France. Même les Suisses, pourtant bien armé institutionnellement pour y résister, grâce à la pratique de la démocratie directe, sont inquiets.
Réflexions et inquiétudes d'un (vrai) paysan suisse, dans l'excellent périodique et site web coopératif et bénévole Zeit-Fragen / Horizon et Débat :
http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=4424
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Écrit par : Pierre Huet / | 04/11/2014

LA VERSION WOODY

> Dommage que vous n'étiez pas au Débat de la semaine de RND de vendredi dernier, le pasteur James Woody invité ce jour-là avait de quoi vous mettre en verve ! Je le cite :

"...ce phénomène de contestation est extérieur à la zone concernée, c'est-à-dire que ce ne sont pas des habitants du Tarn qui sont venus manifester ; les habitants du Tarn semblent plutôt favorables à la construction de cette retenue d'eau. Ce matin encore, j'entendais l'élue du conseil général de Lisle-sur-Tarn qui rappelait que toutes les concertations avaient eu lieu, qu'elle-même y était très favorable, que ça allait rendre service aux agriculteurs."

"Ce sont en fait des personnes de l'extérieur qui sont venues manifester d'une façon outrageusement violente, et d'autant plus violente que comme ils ne sont pas chez eux, ils se sont sentis libres de faire toutes les dégradations possibles."

"...au final un mort... voilà, c'est on ne peut plus désolant. On comprend le drame et du coup la désolation de cette situation. Pour autant, les membres du conseil général, les habitants du Tarn ne sont pas du tout décidés à mettre un terme à cette construction, parce que pour eux c'est nécessaire. Donc, suspendre, c'est la première façon d'honorer la mémoire de Rémi Fraisse. En revanche, revenir sur cette décision parce qu'il y aurait eu une déflagration de violence, ce serait céder à la violence."

AC


[ PP à AC - Oui. Si je n'avais pas été dans le train pour Lyon, j'aurais dit (amicalement) au brillant pasteur Woody que sa version des faits était sérieusement biaisée. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Albert Christophe / | 04/11/2014

VOTER

> Quitte d'ailleurs à recourir à la démocratie, on pourrait faire voter la population. Pas sûr qu'elle, qui n'a pas les intérêts des élus dans la gestion du projet, soit pour.
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Écrit par : JG / | 04/11/2014

POUR TOUS

> Le rapprochement entre ce "barrage pour tous" et le "mariage pour tous" est tout à fait pertinent : non seulement dans la confusion entretenue par les autorités entre le "légal" et le "légitime", mais aussi du fait de certaines méthodes probablement utilisées pour discréditer la contestation, comme celle consistant à laisser des extrémistes s'infiltrer dans les manifestations (sans aller jusqu'à parler d'éventuels "agents provocateurs").
Dans le cas du barrage de Sivens, on a pu malheureusement voir à quoi peuvent mener de telles "bidouilles".
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Écrit par : Sven Laval / | 04/11/2014

POSTDÉMOCRATIE

> La démocratie vue par la porte-parole de ce qui reste du PS :
"Ne nous leurrons pas, si une avancée technologique est possible, quelqu'un la mettra en œuvre, que nos sociétés y soient prêtes ou pas."
http://www.huffingtonpost.fr/corinne-narassiguin/humanisme-transhumanisme-_b_6093974.html
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Écrit par : Pierre Huet / | 04/11/2014

PAULVI

> Vous avez parfaitement raison de souligner que le "légal" n'est pas forcément "légitime" : en morale, évidemment, mais aussi en politique. J'espère ne pas réveiller de fâcheuses polémiques en rappelant que Pétain a bien obtenu le pouvoir par un vote massif du Parlement en juillet 1940. Et que Napoléon III a fait "légitimer" son coup d'Etat par un plebiscite, en 1852.
On pourrait trouver bien d'autres exemples dans l'histoire : Hitler lui-m♪me et Mussolini, etc.
De meme, dans un autre ordre d'idée, que la loi Taubira que vous évoquez.
Oh, que Paul VI avait raison en 1968 !
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Écrit par : Jean-Claude Alleaume / | 05/11/2014

ESPÉRANCE

> bien vu sur la légitimité qui rappelle qu'il existe une éthique, nous interrogeant sur la qualité de notre relation à l'autre, à la nature. Frédéric Denhez nous parle du sol, et je poursuivrai en nous interrogeant sur notre relation à la vie du sol, à l'humus, à l'humain, ou à l'humanité, à notre humanité.
J'aime ces chemins qu'emprunte l'Esprit Saint incarnés dans la glaise, pour nous ramener au Père. Les chrétiens ont le devoir d'ouvrir leurs oreilles pour être à l'écoute de ces appels.
L'appel d'air (Benoit XVI) apporté par ces jeunes écolos engagés doit nous interroger sur les pratiques de notre société, mais aussi gonfler nos voiles d'espérance car nous ne sommes pas seuls pour remettre l'homme au coeur d'une création qu'il a pour mission de respecter et de rendre belle.
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Écrit par : ESTIV / | 05/11/2014

DÉCALER LE CONFLIT

> Si l'on se refuse à évoquer la loi naturelle ou un intérêt supérieur abstrait comme seul horizon de la légitimité (au delà des procédures, ce que je ne conteste pas), reste un autre piste de réflexion intéressante, malgré toutes les limites qu'elle peut avoir, développée par les penseurs "cosmopolitiques", Bruno Latour, Callon et Cie: il faut faire rentrer dans le processus démocratique ceux qui n'y ont pas accès. A fortiori, le non-humain, les générations futures, etc.
Rien ne résoudra définitivement le conflit (et heureusement), on peut néanmois essayer de le décaler vers une marge plus soutenable: dans l'hypothèse d'un bassin agricole complétement acquis à l'idée d'un barrage pour le développement économique local (sic), difficile de maintenir que ce développement sera bénéfique aussi pour les générations futures ou les espèces autochtones disparues (ce qui reviens in-fine à la même chose si on a une vision cosmologique de l'Homme).
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Écrit par : Joseph D. / | 05/11/2014

"ARCHAÏSME THÉOCRATIQUE"

> C'est un fait. L'objection de conscience est un principe de plus en plus contesté, et ce au nom de la « démocratie ».
La dénonciation de l'illégitimité d'une loi ou d'une décision politique est très souvent assimilée à un archaïsme théocratique, puisqu'elle implique la croyance dans un ordre moral transcendant, donc supérieur aux législations humaines.
C'est le pont-aux-ânes des ennemis déclarés du "monothéisme" : les juifs, en créant un hiatus entre ce qui est légitime et ce qui est légal, auraient été les fourriers du totalitarisme.

Blaise


[ PP à Blaise - D'où étrange cousinage entre l'idéologie dominante et le courant "nouvelle droite" qu'elle a cru (et croit encore parfois) honnir ! Comme quoi certains dénonciateurs du "système" lui sont apparentés... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Blaise / | 05/11/2014

LE MODE D'ACTION

> Trouvé un article intéressant par ses nuances, de Philippe Boggio.
http://www.slate.fr/story/94369/sivens-barrage-camps
Toutefois, on peut penser que le mode d'action de certains contestataires et leur vocabulaire guerrier "Zone à Défendre" n'a pu que donner un sentiment d'intrusion aux Tarnais, d'ou le vote monolithique du Conseil Général en faveur d'un nouveau projet. Avoir raison ne dispense pas d’avoir un bon mode d’action. Et quand on va à l’encontre de la légalité formelle en se réclamant d’une légitimité supérieure, il faut un minimum de tact.
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Écrit par : Pierre Huet / | 09/03/2015

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