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12/10/2014

Journaux vides, radios ivres

Social-Media-Marketing.jpg

       Avant de tuer les journaux, le Net les rend malades :


 

Le lecteur ne prend plus « ses infos » dans les journaux mais (à ses risques et périls) chez Twitter ; pour essayer de ressembler à Twitter, les journaux  se mettent  à faire ludique [1]. Ils s'éloignent de l'information pour tomber dans l'entertainment. D'où la nouvelle maquette du Monde : confortable et moëlleuse, vastes blancs, grandes pubs et  moins d'articles. Exemple, le 11/10 : à la une, un titre sur six colonnes (Ecologie - les renoncements de Hollande)avec cinq sous-titres (écotaxe, pertes financières, transports publics, abandon des principes, persistance du nucléaire) paraissant annoncer cinq volets d'enquête... Mais à l'intérieur, quoi ? presque rien : page 8, une grande photo entourée d'un court texte suivi d'un « profil » de la ministre ; page 13, une mini-chronique sur les désaccords à gauche. Point. Nous voilà informés !

C'est dans son magazine (couverture : « Les figures de style du skater Alex Olson ») que Le Monde nous explique cette évolution : « Avec une maquette plus aérée, le quotidien met en scène les nouvelles... » Il veut ainsi nous convaincre que « l'objet papier a encore toute sa raison d'être avec et à côté d'un site devenu lui aussi ''de référence''. » [2]

Au prix où se vend un numéro de quotidien français (notre presse étant la plus chère de la planète), l'acheteur attendrait autre chose qu'un « objet papier » faisant de la mise en scène, c'est-à-dire de l'info-divertissement. Qu'attendrait-il ? Que le journal donne ce que l'audiovisuel ne donne pas : du recul et de la profondeur, c'est-à-dire les moyens d'évaluer l'événement... (Tandis que la plupart des radios et des chaînes se contentent de nous placer - comme elles disent presque chaque jour - « sous le choc » : pure technique de marketing).

 

Fabienne%20Sintes.jpgA ce propos, France Info aussi évolue. Vous l'avez constaté (et Le Monde du 12/10 s'en réjouit) : la radio des infos devient... un peu moins radio des infos. Selon Fabienne Sintes qui est « sa nouvelle anchorwoman » [3], il s'agit désormais d'avoir « une certaine rondeur pour passer les plats, et aussi du bonheur et de la douceur ». Les infos ne servent plus que de support à « la gouaille » (dit Le Monde) de « l'anchorwoman » : grâce à cette « gouaille » d'humeurs personnelles, France Info prend désormais le ton « d'une radio musicale s'adressant aux ados ». C'est ce que les Français appellent humour, c'est-à-dire la grosse vanne nombriliste. Ainsi Mme Sintes est capable de lancer : « Quand un avion tombe, c'est tragique, mais ce n'est pas sur mes pieds qu'il s'écrase ! »  Et de rire... On rit d'ailleurs beaucoup dans les radios de service public, sous le règne d'un post-journalisme détourné par le narcissisme péremptoire. Au 7/9 de France Inter il y a trois mois, à propos de débats sociétaux, Charline Vanhoenacker (qui est à l'information ce que Mme Duflot est à l'écologie) a été capable - quant elle - de lancer : « les catholiques éperdus de repentir devraient installer les foetus dans un bocal sur leur cheminée. » Hilarité dans la newsroom !  Voilà où en sont les « tranches d'info », à force de vouloir concurrencer Twitter.

 

 

médias

 

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[1] Comme si le payant (et trop cher) pouvait concurrencer le gratuit.

[2] « Avec et à côté d'un » : tournure hardie. De même que « devenu lui aussi de référence ».

[3] Anchorwoman au lieu de présentatrice d'édition. C'est du globish. Déjà en 2013, Le Monde écrivait dans un sous-titre : « Il y a maintenant cette assomption que le Moyen-Orient n'a plus la même importance »...  Assumption en anglais veut dire « supposition » ou « hypothèse ». On ne traduit plus, on importe.

 

16:31 Publié dans Médias | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : médias

Commentaires

MYSTÈRES

> "notre presse étant la plus chère de la planète" dites-vous.
Et une des plus subventionnées car lourdement déficitaire.
Il y a des mystères en notre beau pays.

Coûts d'impression? Mainmise de syndicat du livre? sureffectifs?

Sans dire que c'est directement comparable, j'ai remarqué chez nos voisins suisse une coopérative éditant un bimensuel 'Zeit-Fragen' / 'Horizon et Débats', rédigé par des bénévoles, imprimé en deux langues en Suisse avec des coûts correspondant aux salaires suisses et de maquette franchement pas ludique. Et ça marche. Il faut dire que le contenu est intéressant et non conformiste. En plus il est aussi accessible gratuitement sur l'Internet, en 4 langues!

Cherchez l'erreur, ou les erreurs.

http://www.horizons-et-debats.ch/
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/10/2014

ORSAY

> La décadence continue avec l'expo du musée d'Orsay : Sade, attaquer le soleil ou l'Hybris de la petite caste des privilégiés. http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/au-musee-dorsay/presentation-generale/article/sade-41230.html?tx_ttnews[backPid]=254&cHash=3f6f98c92b

La vidéo introductive vaut son pesant d'or : un pseudo raffinement sur fond de clavecin. Cette nouvelle "élite" prétendument initiée, se croit délicate et subtile, elle n'est que vulgaire, triviale et obscène.
Omfray avait bien ciblé le lien entre Sade et le consumérisme absolutiste de notre époque auquel n'échappe même pas l'humain (justification de la GPA, bientôt de l'inceste et de la pédophilie):
"La littérature n'est pas une catharsis chez (Sade), thèse freudienne et courante. Il suffit de lire ses biographies: même quand elles sont des hagiographies, c'est à dire neuf fois sur dix, elles rapportent qu'il écrivait des scènes sadiques et qu'il les créait aussi pour les vivre en les infligeant à autrui (...) Le Sade d'Apollinaire et consorts est le libertin consumériste et féodal qui consomme sans souci d'autrui. En ce sens, il est une figure emblématique de notre modernité au-delà de Mai 68: celle du capitalisme dans sa version libérale. "

http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/09/26/31001-20140926ARTFIG00442-michel-onfray-sade-marine-le-pen-l-ecole-et-moi.php
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Écrit par : isabelle / | 13/10/2014

Les commentaires sont fermés.