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14/09/2014

Dimanche de la "Croix glorieuse"

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L'Evangile nous évite les contresens sur la gloire de la croix :


 

« Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en Lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pour juger le monde, mais pour que, par Lui, le monde soit sauvé » : Jean 3.16, traduction AELF. (Traduction Semeur : « Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils, son unique, pour que tous ceux qui placent leur confiance en Lui échappent à la perdition et qu'ils aient la vie éternelle »).

On sait que la « vie éternelle » (« royaume de Dieu ») est en Jésus-Christ et qu'elle est un don fait par Dieu aux hommes : « Dans son corps, le Christ ressuscité nous porte au ciel avec puissance... Ayant en Lui nous tous, qu'Il sauve, Il fait don de nous à son Père céleste » (Julienne de Norwich - XIVe siècle).

Ce don nous fait entrer dans la vie divine. C'est le « mystérieux échange » opéré par Jésus à travers sa mort-et-résurrection.

La foi en Jésus n'est donc pas une petite morale pour améliorer notre petite vie, mais le canal de notre divinisation pure et simple. Dieu s'est fait homme pour que l'homme soit en Dieu, et dans cette notion réside le christianisme. « Jésus est mort pour nous. Il est donc mort pour moi. Voilà la grandeur de l'homme : Dieu est mort pour lui. Personne n'a jamais eu autant de considération pour l'homme que Dieu, qui l'a aimé jusqu'à mourir pour lui... » (Chiara Lubich*).

Dans le Nouveau Testament, la gloire de Dieu – la gloire du Christ – signifie le rayonnement de sa puissance de salut ; la gloire du chrétien est de suivre le Sauveur dans sa Passion-Résurrection, qui nous introduit dès maintenant dans la vie divine.

Voilà pourquoi la croix est glorieuse au sens du mot hébreu « kabod » (« gloire ») qui étymologiquement renvoie à la racine kbd, « être lourd » : 

« La Croix vient la dernière, vers midi, mais elle était là dès le début. C'est sur ce radeau nu qu'Il passera le triste fleuve : Il s'y était couché à Bethléem. Cette crèche de bois étroite où Sa Mère Le dépose, c'est Son premier gibet. [...Il faudra toujours en revenir là : à cet échafaud, à cet écartèlement, à ce poids, sur des mains clouées, de tout le corps, à ce sang. Chair qui souffre pour une autre chair. La sublime transmutation du mal en bien, la céleste alchimie du grand Oeuvre, que la sagesse aurait pu ordonner de Son immobile sabbat, s'est faite aux flammes d'un feu très cruel. Pour extraire cet or victorieux, le Logos s'est mêlé à la matière et s'est jeté Lui-même au creuset. [...] Il oppose une expiation universelle à un péché universel, ce n'est pas un homme qui pâtit, mais l'Homme. Il est le second Adam. [...] Pour nous faire aimer la limite, l'Être infini S'est fait limite. Trop peu à Sa Charité de se faire homme, Il s'est fait homme-en-croix. La liturgie de la Semaine Sainte emploie des jours entiers pour distinguer les degrés de cet abaissement, pour faire entendre le pas pesant de YHWH descendant l'escalier qui mène aux ténèbres de la matière première : Christus / factus est / pro nobis obediens / usque ad mortem / mortem autem crucis. C'est là que le Christ touche le lieu précis d'où Il pourra soulever l'univers : ''Moi, quand je serai élevé en Croix, Je tirerai toutes choses à Moi.'' À l'intersection douloureuse de ces deux lignes, Il est devenu le centre de tous les temps et de tous les lieux, le point où converge toute lumière. » (Raymond Dulac)**

 

Le christianisme n'est pas une morale bourgeoise, souligne le pape François. Le christianisme est une chose sérieuse, écrivait encore Chiara Lubich : « il est exigeant » parce qu'il est « plénitude de vie », il mène le croyant à se mettre « au service de tous », quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent. « L'amour parfait montre ses fruits à tous les hommes également », dit saint Maxime le Confesseur (VIIe siècle), parce que le Christ en croix a versé son sang pour la totalité du genre humain.*** 

Se mettre au service de tous, considérer comme mon prochain « quiconque passe près de moi, compatriote ou étranger », heurte ce qu'on appelle le sens commun – euphémisme pour dire : notre instinct païen. D'où la phrase de saint Bernard  dans une méditation sur la Passion : « La croix, qui fait peur aux infidèles, est pour les fidèles plus belle que tous les arbres du Paradis. »  Phrase terrible pour le chrétien, car elle dit autre chose que ce qu'une lecture rapide laisserait croire ! Dans le contexte de cette méditation, les « infidèles » ne sont pas des Turcs ou des Sarrasins (bien que Bernard ait prêché la croisade au XIIe siècle) : ils sont nous-mêmes, qui ne manquons pas la messe mais qui nous glorifions, dit-il, « ailleurs que dans la croix de Notre Seigneur ». Nous parlons de la croix mais elle nous fait peur ; notre conversion est inachevée.

Saint Bernard ne nous dit pas d'aller faire « peur » en brandissant la croix comme une arme, et de nous donner ainsi une bonne conscience compacte (donc non-évangélique) : il nous dit de nous convertir pour suivre le Christ là où nous ne voulions pas aller, auprès de ces « périphéries » dont parlera un pape du XXIe siècle. Il ne s'agit pas de parler de la Croix, mais de la vivre en se renonçant. « Nous reflétons la gloire du Seigneur et nous sommes transformés en son image avec une gloire de plus en plus grande, par l'action du Seigneur qui est Esprit » (2Corinthiens 3,18) : cela n'est possible que par grâce, et ne s'obtient pas en paradant. Concluons avec Parole et Prière de septembre, p. 160 :

« Le prochain est celui dont je consens à me faire proche, quel que soit son état physique, moral ou spirituel. De même que "nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils alors que nous étions ses ennemis" (Romains 5.10), nous devons à notre tour prendre l'initiative et rejoindre ceux qui sont aux "périphéries" pour leur proposer notre amitié au nom de Jésus-Christ. »

 

__________ 

* Pensée et spiritualité, 2003.

** La fleur de la Passion, 1938.

*** Le Christ n'est pas mort pour le salut de "beaucoup", mais pour tous. Ceux qui chicanent la traduction des paroles de la consécration ("multis" : "la multitude") dans la liturgie de la messe, sont non seulement blasphémateurs mais hérétiques. L'enfer est pavé de fausses traditions.

  

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