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26/07/2014

"Tragique exode des chrétiens du monde arabe..."

...titre l'éditorial du Monde (26/07), qui a la mémoire courte :


<< Pour la première fois depuis près de 2 000 ans, il n’y a quasiment plus de chrétiens dans l’antique cité de Mossoul, dans le nord de l’Irak, l’un des premiers lieux d’implantation du christianisme. Ce n’est qu’un pas de plus dans une tragédie que rien, depuis trente ans, ne semble devoir arrêter : l’extinction des chrétiens dans ce Proche et Moyen-Orient qui vit naître le deuxième grand monothéisme. Cette disparition se fait dans l’indifférence, dans l’impuissance, notamment de l’Union européenne. Une part d’histoire est gommée, emportée dans la tourmente de ce siècle, dans un Proche-Orient en proie à une crise de régression politico-religieuse aiguë... >>

L'éditorialiste souligne la stratégie d'épuration religieuse, mise en oeuvre avec une méthode glaciale qui rappelle d'autres heures de l'histoire : trois semaines de faux calme ; puis marquage des maisons chrétiennes (le 'N') ; puis  ultimatum par tracts et haut-parleurs : ou la conversion, ou la dhimmitude fiscale, ou l'exil, ou la mort ; puis les confiscations de bien. Les chrétiens ont fui de Mossoul et des localités alentour, constate Le Monde, non sans être dépouillés de leurs bagages aux check-points djihadistes... Ils se sont repliés sur le Kurdistan :

 <<  Irbil, la capitale du gouvernement régional du Kurdistan, est sans doute la dernière ville du Proche-Orient où l'on construit des églises. >>

Le Monde prend acte de la disparition programmée des chrétiens arabes de toute la région (sauf au Liban, pour combien de temps ?).

Mais quand il s'agit d'analyser les causes de ce drame, l'éditorial devient lacunaire. Certes il note que l'émigration des chrétiens a commencé dans les années 1990, sous l'effet de l'embargo contre l'Irak de Saddam Hussein. Mais Le Monde écrit que les chrétiens irakiens, tombés à 800 000 à la veille de l'invasion américaine de 2003, furent ensuite « ...la cible privilégiée de violences commises au nom de la lutte contre l'occupant »et cela, affirme l'éditorial, parce que ces chrétiens étaient considérés comme... « pro-américains » !

C'est oublier que le bras droit (et porte-parole international) de Saddam était le chrétien Tarik Aziz, et que le régime baasiste, bête noire des Américains,  considérait les chrétiens comme des citoyens irakiens comme les autres.

Ce qui se passe à partir de 2003, c'est que l'inexorable stupidité de Washington plonge l'Irak dans le chaos, et que le chaos se mue en guerre des chiites contre les sunnites ; et que les chrétiens, pris entre ces deux feux, sont considérés comme « traîtres » par les deux – et nullement protégés par les Américains ! Dans un article de 2005, Gérard-François Dumont note par exemple :

<<  À Baquba (au nord de Bagdad), des fabriques de liqueurs tenues par des chrétiens ont été attaquées par des militants armés. Et lorsque le propriétaire s'est plaint auprès des autorités américaines à Bagdad, il s'est vu répondre : "Il va falloir vous protéger vous-mêmes". La seule issue qui nous reste, conclut ce chrétien, c'est de prendre le chemin de l'exil. Pour la seule année 2004, environ 60 000 chrétiens d’Irak ont fui, soit près de 10% de l’ensemble. Facteur aggravant, ce sont les personnes les plus jeunes et les plus éduquées qui partent. Sur sans doute un million de chrétiens dans les années 1980, environ le quart a d'ores et déjà pris le chemin de l'exil à destination de l'Europe occidentale (y compris la France), les États-Unis, le Canada, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande. Des villes comme Chicago et Detroit comptent chacune 80 000 Assyro-Chaldéens venus pour la plupart d'Irak, mais aussi de Syrie, du Liban, d'Iran et de Turquie. L’Europe compte en 2005 environ 200 000 chrétiens assyro-chaldéens, dont seize mille en France, et 30% environ d’origine irakienne. Plus de 150 000 chrétiens irakiens vivent désormais aux États-Unis, plus de 50 000 au Canada et plus de 30 000 en Australie. Il faut donc bien constater que la guerre d’Irak de 2003 a relancé une sorte de processus de ''purification ethnique'' […] dont les chrétiens semblent les premières victimes. >>

C'est ce que l'on aurait aimé lire dans l'éditorial du Monde. Mais ce journal est aligné de longue date sur les positions de Washington. Peut-il désavouer aujourd'hui ce qu'il écrivait en 2003 ?

Le même reproche peut d'ailleurs être fait à la droite, qui était tout aussi irritée en 2003 par la position de Jacques Chirac et Dominique de Villepin... C'était l'époque où Philippe Tesson traitait Saddam Hussein de « salaud » : comme si les pétroliers et les robots de Washington (avec leur serial liar Blair) avaient mieux valu.

Nos médias, en 2014, s'affligent du drame irakien ? Ils ont la mémoire courte.

 

 

Commentaires

SI ASSAD AVAIT CAPITULÉ ?

> Que serait-il advenu des chrétiens de Syrie si Bachar al Assad avait capitulé ? Déjà en 2013 dans ce superbe documentaire : le combat des chrétiens du Levant. Voir ici à 27.20 : "La France et l'Occident soutiennent la révolution en Syrie une position incomprise pour beaucoup de chrétiens arabes porteurs dans la région de valeurs de liberté et d'ouverture si chers au vieux continent...".
http://www.youtube.com/watch?v=QOOSXadY_24
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Écrit par : isabelle / | 26/07/2014

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