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25/05/2014

Raconter n'importe quoi sur le christianisme...

...est une norme franco-française. En voici deux exemples, à propos du voyage du pape en Terre Sainte : 

 


1. << Il faudra attendre la fin du concile Vatican II, en 1965, pour que l’Eglise catholique condamne définitivement tout antisémitisme, mette fin à ses stéréotypes blessants pour les juifs (''peuple déicide''), et reconnaisse l’antériorité de la "promesse" faite par Dieu au peuple d’Israël... >>

C'est le début de l'article par lequel un expert reconnu, sur un site célèbre, met en perspective le voyage du pape... L'expert reconnu semble ignorer : a) que l'antisémitisme a été condamné ex cathedra, vingt-huit ans avant ''la fin du concile Vatican II'', par le pape Pie XI dans son encyclique de 1937 contre le nazisme ; b) que l'expression ''peuple déicide'' n'a jamais été un stéréotype ''de l'Eglise'' puisqu'il s'agit d'une hérésie : relisons saint Paul, les Actes des apôtres ou le concile de Trente ; c) que ''l'antériorité de la promesse faite par Dieu au peuple d'Israël'' est une évidence fondatrice du christianisme : voir les évangiles, le corpus paulinien ou les Pères grecs et latins, qui, eux, ne mettent pas entre guillemets le mot promesse.

Certes il y eut un antijudaïsme répandu chez les chrétiens. Cet antijudaïsme populaire contredisait la théologie. L'Eglise aurait pu – et dû – faire comprendre à tous que contredire saint Paul n'était pas une attitude chrétienne... Qu'elle ne l'ait pas fait (ou qu'elle l'ait fait sous des formes trop lointaines pour toucher l'opinion courante), c'est l'une des choses dont le concile Vatican II a pris acte, et l'un des objets de la repentance historique de Jean-Paul II en l'an 2000.

Mais qu'un expert reconnu fasse semblant de ne pas le savoir, qu'il confonde une faute historique avec la théologie fondamentale, et qu'il déforme des faits établis alors qu'il connaît la question : ça, c'est un signe du niveau où est tombé la presse commerciale en Occident.

2. Interviewé (dans un quotidien de référence) à propos de la rencontre du pape et du patriarche de Constantinople, un''spécialiste du monde orthodoxe'' déclare que''les deux Eglises sont traversées par des mouvements de sécularisation qui les portent au repli identitaire'', et que ce repli nuit à l'oecuménisme car désormais ''tout rapprochement est vu comme une possible dilution de sa propre identité et de ses dogmes''.

Cette phrase contient des tics verbaux en usage dans la presse commerciale. L'expression ''repli identitaire'' est l'un de ces tics. Ce qu'elle désigne existe sans doute : le réflexe de repli identitaire est l'un des effets de la dissociété néolibérale ; mais ce réflexe n'existe pas au niveau de profondeur où le spécialiste semble vouloir le situer en incriminant, ensuite, les ''dogmes'' !

Le christianisme professe un très petit nombre de dogmes, qui sont la tentative de mise en forme, en langage conceptuel, de mystères divins dont la Révélation (abrahamique puis christique) a donné l'intuition à l'homme. Une Eglise chrétienne qui renoncerait à professer ces dogmes, ne serait plus chrétienne. Quels que soient les ''courants séculiers'' qui ''traversent'' les Eglises, ils ne peuvent rien contre le noyau de la foi ; le fait de professer cette foi n'est pas un ''repli'', mais simplement l'élan vital du chrétien... s'il persévère dans son être-chrétien.

Tous les dogmes professés par l'Eglise orthodoxe le sont aussi par l'Eglise catholique : les craintes de certains orthodoxes quant au rapprochement avec les Latins ne portent donc pas sur les dogmes. Quant aux Latins, ils ne craignent pas le rapprochement avec les orthodoxes : ils le souhaitent, au contraire !

Ce que le spécialiste appelle ''identité'' concerne donc autre chose  : du culturel, de l'historique, les pesanteurs du passé... Si c'est cela qu'il appelle ''dogme'', le spécialiste ignore ce qu'est un dogme : ce n'est donc pas un spécialiste du religieux, et l'on voit mal comment il pourrait être spécialiste de l'orthodoxie.

Ou bien il fait comme l'expert mentionné plus haut : il feint de ne pas savoir, parce qu'il sait que ''dogme'' est un mot-épouvantail dans le langage médiatique et commercial ; et qu'il faut toujours brandir cet épouvantail, parce que le médiatico-commercial est programmé contre les religions en tant que religions.

  

 

Commentaires

DOGME

> Les catholiques et les orthodoxes sont, pourtant, en désaccord sur le dogme de l'Immaculée Conception, refusé par les seconds, sans compter la vieille affaire du filioque, même si ce point n'est pas un dogme. Il est vrai, qu'il n'en reste pas moins que les autres dogmes sont les mêmes.

Aurélien Million

[ PP à AM :
J'ai bien précisé : "tous les dogmes professés par l'Eglise orthodoxes sont partagés par l'Eglise catholique". (L'inverse n'est pas exact à cause du dogme de l'Immaculée Conception).
Mais ce sont les orthodoxes (certains d'entre eux) qui redoutent un rapprochement avec les catholiques, non le contraire.
Donc le raisonnement de l'expert est sans fondement. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Aurélien Million / | 25/05/2014

LLES EXPERTOLOGUES

> Au vu de leurs erreurs, ces soi-disant expert et autre spécialiste ont-ils été vertement semoncé par leurs lecteurs ? Ou, au moins par l'auteur de ce pertinent billet ?
En fait, il est en effet probable que l'un "fasse semblant" et que l'autre "feint de ne pas savoir" : manipulations médiatiques, qu'ils nieront d'évidence !
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Écrit par : Fondudaviation / | 25/05/2014

Sacré Riton ...

> "Tu es le docteur d'Israël, et tu ignores ces choses !?"
St Jean 3-10
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Écrit par : E Levavasseur / | 26/05/2014

SOURDS

> Parler de repli identitaire alors qu'on a un pape qui nous exhorte à "aller aux frontières", c'est signe d'une grande surdité.
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Écrit par : franz / | 26/05/2014

> Non, pas surdité mais volonté de disqualifier la foi en l'amalgamant à "l'identitaire".
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Écrit par : Quiniou / | 26/05/2014

ANTISÉMITISME

> Le premier cas que vous pointez concerne essentiellement un problème de catégorisation. Beaucoup de Juifs, par exemple, n’acceptent pas la distinction faite par les catholiques entre l’antijudaïsme à caractère « religieux » et l’antisémitisme biologique ; pour eux, il s’agit de deux variantes de la même espèce. En ce sens, l’adverbe « définitivement » peut se comprendre ainsi : au Concile Vatican II, l’Eglise ne se contente plus de condamner seulement la haine raciste visant les juifs mais aussi toute hostilité dont la justification serait d’ordre culturel et théologique.
Autre fait notable : Alors que quelqu’un comme Pie XI considérait que les chrétiens devaient être mis à l’abri de l’influence et de la propagande juives, Vatican II appelle explicitement au dialogue. Aussi, pour des gens qui n’utilisent pas le même vocabulaire que les catholiques, c’est avec Vatican II que l’Eglise « condamne définitivement tout antisémitisme » et inaugure un nouveau type d’échanges entre Juifs et Catholiques. Auparavant, la condamnation n’était que partielle. En fait, tout dépend de l’acception du mot : l’antisémitisme doit-il être compris comme un racisme touchant spécifiquement les juifs ou comme la désignation de toute forme d’hostilité à l’égard des juifs ?

Dans la citation que vous faites de ce journaliste je ne vois pas en quoi celui-ci confondrait « une faute historique avec la théologie fondamentale ». L’antijudaïsme, même s’il ne pouvait être déduit des Ecritures, non plus que des Conciles, a pourtant existé dans les écrits des théologiens – et pas seulement chez le « peuple ». Pour s’en convaincre il suffit, entre autres, de lire « La peur en Occident » de Jean Delumeau et « La persécution » de Robert I. Moore. Les élites cléricales ont une lourde responsabilité dans la montée de l’antijudaïsme à partir du IXe siècle. Le plus troublant peut-être, ce sont les cas répétés où une prédication en chaire a précédé un massacre de juifs, quand elle n’a pas sciemment encouragé les foules au passage à l’acte. Malheureusement, tous ne pensaient pas à la manière d’un saint Bernard ou d’un saint Ignace de Loyola.

Bmlaise


[ PP à B. - Sur la différence entre le problème juifs-chrétiens et l'antisémitisme, je vous suggère de lire :
- 'Les origines de l'antisémitisme moderne', par Arthur Herzberg, alors président du Congrès juif américain et professeur à l'université de New York (Presses de la Renaissance, 2004)
- 'La Révolution française et les juifs', par Patrick Girard, alors journaliste à Judaïques-FM (Laffont, 1989).
On y constate que la question est complexe.
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Écrit par : Blaise / | 27/05/2014

DISCERNEMENT

> Le livre d'Arthur Hertzberg figure déjà dans ma bibliothèque; mais ce qu'écrit ce chercheur ne modifie pas le problème: certains utiliseront le mot "antisémitisme" dans le sens large de "haine du juif", depuis l'Antiquité païenne jusqu'à ses expressions les plus contemporaines. De plus, l’originalité du phénomène antisémite tel qu’il se constitue au XVIIIe siècle, n’exclut pas l’héritage, la survivance de sa forme plus ancienne.

B.


[ PP à B. - Bien d'accord. Mais mélanger les deux, c'est ne pas se différencier d'un éditorialiste du 'Monde' ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : Blaise / | 27/05/2014

VOLTAIRE ANTISÉMITE

> Quid de Voltaire et de son dico philosophique ? (certes c'étaient des attaques destinées à saper les fondements judaïques du christianisme, donc l'Eglise, mais c'était directement tourné contre les juifs)
Il était le maître à penser du XIXe

Pie XI : "spirituellement nous aussi nos sommes sémites"
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Écrit par : E Levavasseur / | 28/05/2014

Les commentaires sont fermés.