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13/05/2014

France Télévisions va nous guérir de la souffrance du "doute" (mais en procédant "avec légèreté")

 médias

Invité du Buzz média Orange-LeFigaro, Thierry Thuillier  déclare que le service public va tout nous ''expliquer"...  en dehors des débats :

 


Directeur de l'antenne de France 2 et directeur général délégué à l'information de France Télévisions, Thierry Thuillier déclare à son confrère intervieweur : « Dans une société qui doute, qui souffre, il faut des débats mais il faut aussi expliquer davantage, sans surplomb, sans idées professorales, avec plus de légèreté, en veillant au lien avec le public. » Cette phrase est un symptôme exemplaire. Disséquons-la.

- M. le directeur général constate que la société « doute » et « souffre ». C'est exact. En cela au moins il est lucide.

- Mais quel remède propose-t-il ? Des « débats » ? Oui et non, semble-t-il dire, car le débat ne lui suffit pas : il veut aussi (surtout ?) « expliquer davantage ».

- En quoi « expliquer » est-il différent de « débattre » ? Il le dit : le débat « n'explique » pas.

- En quoi consiste, selon lui, l'explication En ceci : lever le « doute » qui cause de notre « souffrance ».

- Car nous avons tort, paraît-il, de douter de ce vers quoi on nous mène ! Les médias savent mieux que nous, et ce sont eux qui peuvent nous expliquer les choses.

- Mais parce que nous sommes des cancres (et que les cancres fuient le prof), les médias, qui sont notre prof,  doivent procéder en voilant leur fonction « professorale »et « sans surplomb » : de façon apparemment égalitaire, « avec plus de légèreté, en veillant au lien avec le public ». Voilà des notions significatives. Fausse horizontalité, ludisme, normativité douce et souriante : c'est le Nouvel esprit du capitalisme décrit naguère par Boltanski et Chiapello.

- Les mots de Thuillier révèlent que la machine médiatique appartient à un univers autre que celui des gens, puisqu'il lui faut « veiller » à établir le lien avec eux... Et si l'on veut que l'explication passe bien, ce lien doit avoir les apparences de la « légèreté » (sinon nous zapperions) ! Voilà en quelle estime on nous tient.

- Mais pour qu'il y ait « lien », il faudrait que les servants de la machine aient quelque chose de commun avec le public. Or leur langage se révèle incompréhensible dès que leur contrôle interne se relâche... Par exemple quand Thuillier déclare : « à la rentrée nous dévoilerons une nouvelle signature de communication de la chaîne »... « Signature de communication » est une formule creuse pour la plupart des lecteurs, parce que c'est le vocabulaire propre au milieu de la com'. Notre temps est celui où le langage général se disloque en idiomes technico-sectoriels ; se comprendre devient de plus difficile de jour en jour.

- Ce problème a un autre aspect : les axiomes politiques, économiques et sociétaux que partage la quasi-totalité du milieu des médias, sont loin d'être partagés par les autres gens.  C'est pourquoi il veut nous les infuser : c'est-à-dire nous les « expliquer » avec « légèreté », dans des émissions ludiques, hors des « débats » où ces axiomes risqueraient d'être controversés. Sur l'Union européenne, par exemple, et son libre-échangisme euro-américain.... Ou sur la perspective souhaitée d'une guerre contre la Russie... (« les dirigeants occidentaux sont timides », déplorait ce matin un chroniqueur du service public).

Pourquoi les médias parisiens sont-ils enfermés dans une idéologie que ne partagent pas les gens ? La réponse est multiple, mais principalement financière.

 

 

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17:22 Publié dans Idées, Médias | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : médias

Commentaires

"PÉDAGOGIE"

> "Expliquer davantage, sans surplomb, sans idées professorales, avec plus de légèreté", ce ne serait pas ce que nos médiapols* avaient naguère coutume d'appeler "plus-de-pédagogie" ("Les Français réclament/ont besoin de...") ?

(*)néologisme que je pique sans vergogne à LCP
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Écrit par : Albert Christophe / | 13/05/2014

> N'y avait-il pas une époque ou on parlait de propagande? Au moins, c'était franc.
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Écrit par : Pierre Huet / | 13/05/2014

PONTIFES

> Bon, rien ne change vraiment, si ce n'est que les pontifes des médias font savoir aux pontifes de la politique et du fric : attention, vous avez réellement besoin de nous pour une propagande efficace car le peuple se réveille.
Alors que jusqu'ici les pontifes de la politique et du fric disaient (en coulisse) aux pontifes des médias : vous avez intérêt à filer doux car c'est nous qui tenons les cordons de la bourse.
Ici la déclaration se fait sur la place publique pour donner plus de poids avec ce non-dit clairement audible : attention, sans égards de votre part, nous pourrions changer de camp.
Dans l'étape suivante, les pontifes de la politique et du fric diront aux pontifes des médias qu'ils ne peuvent plus changer de camp car le peuple a définitivement perdu toute confiance en eux.

Et c'est à ce moment-là que les choses se joueront.
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Écrit par : Barbara / | 14/05/2014

Les commentaires sont fermés.