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21/01/2013

La gauche d'un "pays qui consent à son propre abaissement et refuse de faire des sacrifices"

"La gauche est redevenue, depuis la chute du mur de Berlin, le parti de l'individu qu'elle était à ses origines. La mue n'a rien d'évident. Peut-on prétendre refonder le socialisme en combinant l'économie de marché avec l'individualisme moral ? Je ne le crois pas. Il manque une dimension d'aventure collective dans le projet de François Hollande..." Diagnostic de Jacques Julliard, extraits :

   françois hollande,libéralisme

 


Hollande peut-il réussir ?

Soyons honnête : il a plus de chances d'échouer que de réussir. La tâche qu'il s'est assignée est prométhéenne : inverser le cours d'un pays qui a accepté de ne plus être au premier rang, qui consent à son propre abaissement et qui refuse de faire des sacrifices. Je fais crédit à François Hollande d'avoir conscience, plus que ses trois prédécesseurs, de cet abaissement français et, en même temps, il n'a pas les habits d'un personnage prométhéen. Il n'est pas suffisamment prophétique ou aventureux pour incarner ce projet. On voudrait qu'il ait des accents gaulliens pour réussir à mobiliser les Français sur le projet qu'on lui prête.

Ne bute-t-il pas sur des contradictions insurmontables ? Comment industrialiser le pays en donnant au patronat le sentiment qu'il lui fait la guerre ?

Il a essayé de faire la distinction entre le capital et l'argent qui corrompt. Il a donné 20 milliards d'euros au capital sous la forme d'un crédit d'impôt et, en même temps, il a tenté d'imposer à 75 % les revenus supérieurs à un million d'euros. La distinction n'a pas été bien perçue, car les patrons ont fait le choix de l'enrichissement personnel. Il y a aujourd'hui une corruption des riches par obsession de leur propre enrichissement.

Candidat, François Hollande avait déclaré la guerre à la finance, mais, une fois élu, il évite l'affrontement avec les banques...

Cet évitement est difficilement compréhensible pour la gauche. S'il y avait des nationalisations à faire, c'était dans le secteur bancaire. Hollande ne l'a pas fait, car il est très content de voir que les banques prêtent à presque rien. Son drame est qu'il y a un préalable à tout ce qu'il entreprend : avant de faire du social, il doit restaurer l'économie, mais avant de relancer la machine, il doit réussir le désendettement.

Cela suppose des deals. Il achète la paix sociale par tous les moyens. De ce point de vue, l'accord passé, vendredi 11 janvier, sur la réforme du marché du travail est important. Il engage une partie des salariés et la totalité du patronat. Reste à savoir si la CGT et FO, qui ne l'ont pas signé, vont laisser passer ou engager la guerre à mort.

La gauche de la gauche dénonce le "social-libéralisme"...

Franchement, je peine à voir la différence entre sociale-démocratie et social-libéralisme. Lionel Jospin avait bien résumé les choses en disant "oui à l'économie de marché et non à la société de marché". La France est en train de s'aligner sur le modèle social-démocrate européen à cette différence près qu'existe depuis le XVIIIe siècle une gauche utopique qui croit que l'Etat peut changer la société. Elle représente aujourd'hui 10 % à 12 % du corps électoral, sans grande marge de progression.

Il est confronté à ce que vous appelez "la démocratie du public"...

Il doit apporter une réponse quotidienne aux sollicitations de l'opinion. Renan disait : "On peut résister à l'opinion quelquefois mais pas toujours." Le choix de Hollande est de donner à l'opinion de gauche des satisfactions de type symbolique et sociétal pour faire accepter une politique sur laquelle il y a eu un malentendu : sortir de l'endettement, relancer l'industrie, puis, seulement, redistribuer.

Est-ce pour cela qu'il néglige autant le projet européen ?

L'Europe est un sujet très clivant pour la gauche, donc il en parle le moins possible. Il cherche à gagner du temps, quitte à laisser à Angela Merkel l'initiative des propositions. Je le déplore profondément car, historiquement, en France, c'est la gauche qui a fait l'Europe.

Pourquoi le socialisme français reste-t-il si difficile à expliquer et à assumer ?

La gauche, qui était devenue collectiviste à la fin du XIXe siècle sous l'influence du mouvement ouvrier, est redevenue, depuis la chute du mur de Berlin, le parti de l'individu qu'elle était à ses origines. La mue n'a rien d'évident. Peut-on prétendre refonder le socialisme en combinant l'économie de marché avec l'individualisme moral ? Je ne le crois pas. Il manque une dimension d'aventure collective dans le projet que porte François Hollande.

 

Commentaires

> Dommage qu'on ne puisse pas lire la totalité de l'article sans avoir à payer...

F.

[ De PP à F. - Il sera sans doute en accès gratuit dans les jours qui viennent. Si ce n'était pas le cas, j'en donnerai un résumé. ]
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Écrit par : Feld / | 21/01/2013

DEUX GAUCHES

> "La gauche est redevenue, depuis la chute du mur de Berlin, le parti de l'individu qu'elle était à ses origines"
Tout est dit...à 50% car il y a en vérité deux gauches, celle de l'individualisme et celle du rationalisme, qui se combinent ou se combattent et qui toujours combattent Le Christ et son Eglise.
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Écrit par : Pierre Huet / | 21/01/2013

IN THE OLD, OLD DAYS

> Allez lire Michea. Il n'est pas catho mais raconte une histoire que je crois vraie. Il pense que la gauche est devenue le truc actuel à partir de l'affaire Dreyfus. Avant, il y avait le mouvement socialiste (le truc du bonheur scientifique à la Marx) et un autre mouvement basé sur ce que son cher Orwell nommait "common decency". Ces deux mouvements ont fusionné pour ne pas être emportés par cette affaire. Cela a, entre autres, mis en selle la figure tutélaire de l'intellectuel qui éclaire le peuple de son savoir supérieur conçu dans une chambre et sur un bureau.
Je trouve que Zola a eu raison de s'engager pour Dreyfus. Le drame est qu'il l'a fait sur une image complètement fantasmée de Voltaire.
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Écrit par : DidierF / | 21/01/2013

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