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23/10/2012

L'allergie des médias au fait religieux finit par troubler certains de leurs lecteurs

...comme le montre cette lettre :


D'une lectrice du Monde réagissant à un article très impérieux*, ces réflexions (courrier du 20/10) :

<<...Je ne suis pas « d'Eglise », je n'ai aucune sympathie pour les « intégristes » et je ne fais pas partie du troupeau de ces croyants « tièdes et hésitants ». Mais je me demande s'il est bien raisonnable de demander à l'Eglise de se vouloir toujours plus engagée dans ce processus de sécularisation, dont le but serait de réconcilier les fidèles récalcitrants. Le philosophe Jean Baudrillard se demandait naguère avec humour quelle pourrait bien être l'utilité d'un pape « en accord avec le monde », d'une « religion dans le monde ». De fait, avec ce type de raisonnement, pourquoi ne pas finir par trouver « ringarde » la transsubstantiation, y voir un obstacle insurmontable à l'aggiornamento indispensable martèle-t-on, du message chrétien... Certes, je me garderai bien de faire des propositions pour sortir l'Eglise d'une situation de fait, pour elle, très préoccupante. Mais si j'avais la vigilance et la méfiance d'un Bossuet, je ne manquerais pas de me demander si tant d'insistance à réclamer plus de souplesse, plus d'ouverture, ne vise pas à obtenir de l'Eglise qu'elle programme tout bonnement elle-même sa propre fin. >>

La réponse est contenue dans la dernière phrase qui est une fausse question. Bien entendu la « libéralisation » (dérégulation ?) du catholicisme exigée par les médias signifie pour eux sa décatholicisation : et, au fond, sa déchristianisation.

En effet, qu'est-ce que le christianisme ? Ce n'est pas un « système de valeurs » à indexer sur les tendances successives du marché psycho-culturel. C'est la foi en Jésus-Christ Fils éternel du Père, incarné dans l'histoire, crucifié et ressuscité : événement unique qui a ouvert aux hommes le chemin vers leur Créateur. Cette foi fonde la religion chrétienne.

Mais, dans une religion, ce qui n'intéresse pas les médias est l'aspect... religieux**. D'où leur acharnement depuis cinquante ans à vouloir que l'Eglise catholique se « déreligionnise » pour devenir un simple fait sociologique, entièrement saisissable par les journalistes d'informations générales. La crise actuelle du catholicisme européen tient en ceci : une partie des catholiques ont quitté l'Eglise, sous l'influence des médias, en imaginant que leur « identité catholique » serait plus facile à vivre si elle s'alignait sur le marché psycho-culturel. Or il n'existe aucune « identité catholique » sinon la foi au Christ. Et comme il le dit lui-même dans l'évangile, « nul ne peut servir deux maîtres »... L'identité catholique ne peut pas (ne doit pas) être facile à vivre, et la nouvelle évangélisation doit faire comprendre cette difficulté, non seulement par les foules agnostiques, mais par des chrétiens qui ont oublié en quoi consiste le christianisme. S'ils ne l'avaient pas oublié, ils seraient restés chrétiens.

Voilà ce que nous essayons d'expliquer aux journalistes, et c'est encore moins facile que le reste : non parce qu'ils seraient bouchés, mais parce que leur métier est d'être les traders du marché psycho-culturel...

Je termine par trois petites critiques envers la lectrice du Monde. Sa lettre est profondément juste, sauf en ceci :

1. la religion catholique ne vient pas du « monde » mais elle est par vocation « dans le monde », comme dit l'évangile selon saint Jean. Imaginer le christianisme comme un travail de désincarnation, serait retourner à l'hérésie gnostique du IIe siècle de notre ère.

2. Bossuet n'a certes pas manqué de « méfiance » (surtout envers le malheureux Fénelon) : mais il a manqué de « vigilance » en adhérant au vertige prométhéen du XVIIe siècle, précurseur du post-cartésianisme et de la face sombre des Lumières. Ce dérapage a toujours été inaperçu des catholiques réactionnaires, mais les catholiques écologistes le voient très bien. Ils appartiennent à l'avenir.

 

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* Une Eglise catholique à décrisper, par Stéphanie Le Bars, numéro du 8/10.

** cette indifférence s'adresse autant au contenu religieux du judaïsme ou de l'islam qu'à celui du christianisme.

 

Commentaires

> Très juste.
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Écrit par : Christine / | 23/10/2012

CHESTERTON

> Comment ne pas penser ici au texte de chesterton (désolé pour le long extrait) :

"Un mot qui nous dit ce que nous ne savons pas surpasse un millier de mots nous racontant ce que nous savons."
"Nous ne cherchons pas réellement une religion qui ait raison quand nous avons raison. Nous voulons une religion qui ait raison quand nous avons tort. Dans les modes actuelles, il n’est pas réellement question d’une religion qui nous permet une liberté, mais (au mieux) de la liberté qui nous permet de choisir une religion. Ces gens prennent simplement de l’état d’esprit moderne une grande partie de ce qui est aimable, mais aussi beaucoup de ce qui est anarchique, beaucoup de ce qui est simplement émoussé et évident, et exigent alors que tout credo se réduise à cet état d’esprit. Mais les états d’esprit existeraient sans les credo. Ils disent qu’ils veulent une religion qui soit sociale, quand ils voudraient être sociables sans aucune religion. Ils disent qu’ils veulent une religion qui soit pratique, quand ils voudraient être pratiques sans aucune religion. Ils disent qu’ils veulent une religion acceptable pour la science, alors qu’ils accepteraient la science même s’ils n’acceptaient pas la religion. Ils disent qu’ils veulent une religion comme ceci car ils sont déjà comme ceci. Ils disent qu’ils veulent une chose, alors ils veulent dire qu’ils pourraient vivre elle.
C’est quelque chose de très différent quand une religion, dans le sens concret d’une chose qui oblige, oblige les gens à une moralité quand elle n’est pas superposable à leur état d’esprit. C’est très différent quand certains des saints ont prêché la réconciliation sociale à des factions fières et coléreuses qui pouvaient à peine supporter de se voir les unes les autres. C’était une chose très différente quand la charité était prêchée aux païens qui réellement ne croyaient pas en elle ; exactement comme c’est une chose très différente aujourd’hui quand la chasteté est prêchée aux nouveaux païens qui ne croient pas en elle. C’est dans ces cas que nous saisissons le triomphe particulier et solitaire de la foi catholique. Ce n’est pas seulement avoir raison quand nous avons raison, comme quand nous sommes joyeux, ou pleins d’espoir ou humain. C’est en ayant raison quand nous avions tord (...). Un mot qui nous dit ce que nous ne savons pas surpasse un millier de mots nous racontant ce que nous savons. Et ceci est d’autant plus frappant que non seulement nous ne le savions pas, mais qu’en plus nous ne pouvions pas le croire."

SOURCE / L'Eglise catholique et la conversion
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Écrit par : Gégé / | 24/10/2012

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