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25/07/2012

Romney-Obama : très médiocre compétition

...quoique cette campagne 2012 soit la plus chère de l'histoire :

 obama,romney,états-unis,libéralisme

 


Refusant quant à lui de publier le montant de ses impôts avant 2009 (surtout à l'époque où il dirigeait le fonds Bain Capital, destructeur de milliers d'emplois), Mitt Romney accuse Barack Obama de diffuser « une philosophie très étrange, et par certains aspects étrangère à l'expérience américaine » : en clair, de raisonner à l'européenne – voire à la française, grief épouvantable aux Etats-Unis. Comment le démontre-t-il ? A l'aide de cette phrase tirée d'un discours d'Obama : « Quelqu'un a investi dans des routes et des ponts... Si vous avez une entreprise, ce n'est pas vous qui avez construit cela. » Commentaire de Romney : « Si vous avez une entreprise, c'est vous qui l'avez construite, pas le gouvernement ! M. Obama diffuse une idéologie selon laquelle la prise de risque et le succès ne doivent pas être récompensés comme ils l'ont été dans le passé ! »

Romney fait donc dire à cette phrase beaucoup plus qu'elle ne dit. Surtout remise dans son contexte... Obama avait dit : « Si vous avez eu du succès, quelqu'un vous a aidé. Il y a eu un enseignant formidable dans votre vie. Quelqu'un a aidé à créer ce système américain fantastique qui vous a permis de prospérer. Quelqu'un a investi dans des routes et des ponts... » C'était juste souligner que l'individu tire profit de biens et de services communs dont les pouvoirs publics sont l'instrument ; mais ce constat (connu depuis Aristote) n'est pas admis par l'idéologie libérale, qui rabat tout sur la performance individuelle.

Le bien commun, la justice sociale et la mise au pas des banksters devraient compter aussi, mais sur ce plan Obama est déficient et Romney pervers. Gardons-nous de faire de cette présidentielle US le symbole de quoi que ce soit – sinon de la médiocrité du politique à l'ère du capitalisme tardif.

 

 

"Nous, les conservateurs, ne sommes pas seulement fiers de nous cramponner à nos pistolets et à notre religion. Nous sommes fiers de nous cramponner à notre Constitution"  Mitt Romney, 10/02

Il l'a dit : "our guns and our religion"

 

Commentaires

LAQUELLE

« NOTRE religion » ! De quelle religion parle-t-il ?

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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 25/07/2012

LA RELIGION AMERICAINE

> La religion américaine : ni celle des mormons, ni celle des chrétiens, ni celle des juifs, ou des musulmans, ou des bouddhistes, mais toutes à la fois, réunies pour sacraliser l'American Way of Life. C'est l'équivoque de la fameuse "religiosité américaine" : un dépassement de toutes les religions connues. Le "God" américain est un concept indéfinissable. Ca explique bien des abus.
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Écrit par : churubusco / | 25/07/2012

NON NEGOCIABLE

> Quand Bush - le fameux "born again" tellement chrétien - disait : "le mode de vie américain n'est pas négociable", il signifiait au reste du monde que les USA étaient prêts à tout pour garder leur confort, y compris des guerres et des saccages environnementaux irréversibles. Et on appelle ça 'l'Amérique religieuse" ?
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Écrit par : Sara / | 25/07/2012

N'IMPORTE LAQUELLE

> On prête ces mots à Eisenhower : « Notre politique n'aurait aucun sens si elle n'était pas fondée sur une foi religieuse profondément vécue, et peu m'importe laquelle. »
Quand on pense au mormonisme, qui est polythéiste et promeut une véritable technique de la déification, on se dit que la « foi religieuse » des Américains est très arrangeante...
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 25/07/2012

PAS SI INDEFINISSABLE

> à Churubusco - Le "God" US n'est pas si indéfinissable que ça : il est incarné sur papier-monnaie (vert), dans la devise "In God we trust" et sous l'apparence d'un oeil sur une pyramide. GADLU ?
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Écrit par : gostram city / | 25/07/2012

@ gostram city

> In Gold ($) we trust ?
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Écrit par : Benoit G / | 26/07/2012

UN "GOD" FLOU CAPITALISTE

> L'évolution du "God" Américain de la création de Jamestown (1619) à nos jours est assez facile à suivre.
Dès la première installation de colons anglo-saxons au XVIIème siècle, "God" est l'incarnation du rapprochement fragile entre les anciens persécuteurs anglicans et persécutés puritains calvinistes autour du plus petit dénominateur commun : leur anti-catholicisme violemment intolérant. Au XVIIIe siècle, l'esprit du siècle fait basculer une large partie de l'intelligentsia dans le déisme (unitarianisme pour John Adams, franc-maçonnerie pour George Washington, déisme des Lumières pour son compatriote de Virginie et collège esclavagiste Jefferson) : tous ces courants incarnés par ces divers glorieux "Founding Fathers" se retrouvent sans problème dans un "God" Américain qui perd encore en cohérence, gagne encore en "flou" mais conserve son caractère violemment anti-catholique (les très rares Pères Fondateurs catholiques devront faire face aux "prejudices" clairement affichés par leurs collègues), même si la liberté religieuse est (heureusement) instaurée, avec la certitude qu'elle conduira à la disparition des 1% de catholiques et la dissolution du christianisme croyant au Credo (Jefferson écrit qu'il est persuadé que la future génération sera intégralement unitarienne ou déiste).
Les décennies qui suivent vont bouleverser ce consensus autour du "God" flou, 1/3 déiste, 1/3 unitarien, 1/3 protestant, 100% anti-catholique.
D'abord, par l'apparition de religions nouvelles, comme le mormonisme qui semble difficile à fondre dans ce consensus puisque en plus d'être anti-catholique, ce qui ne pose pas de problème, il est également clairement incompatible avec le déisme (doctrines et pratiques disons "étranges"), l'unitarianisme (polythéisme) et le protestantisme (imperfection de la Bible). Mais après avoir défendu sa spécificité pendant quelques décennies de persécutions, le mormonisme va effectuer un spectaculaire virage à 180° en se soumettant à l'ordre civil (abandon de la polygamie) et en se ralliant à la religion civile du "God" américain qui démontre encore son inconsistance.
Ensuite, l'explosion de la population catholique américaine sous l'effet de l'immigration irlandaise, italienne, polonaise, etc, qui fait passer le pourcentage de catholiques de moins de 1% en 1776 à plus de 25% à la fin du XIXe siècle-début du XXème siècle. La population catholique immigrée, concentrée dans le Nord-Est, va faire l'objet de discriminations plus ou moins violentes de la part des démocrates esclavagistes (puis ségrégationnistes) du Sud et des républicains WASP du Nord, ne trouvant d'appui qu'auprès des démocrates du Nord, pour lesquels ils voteront massivement jusqu'à la fin des années 1960. Le catholicisme éprouvera beaucoup plus de difficultés que tous les courants protestants et "originaux" (mormonisme) à se fondre dans le "God" américain qui est, on l'a vu, essentiellement anti-catholique mais aussi ultra-libéral (mélange de l'anti-paupérisme calviniste ("Gospel of Prosperity) et du libéralisme déiste des "Lumières") alors que la population catholique immigrée appartient aux classes moyennes inférieures ou populaires. En 1960, malgré ses milliards, Kennedy aura encore énormément de mal à faire accepter à une grande partie de l'électorat qu'il ne cherche pas à instaurer une dictature de Jean XXIII aux Etats-Unis. Mais le catholicisme finira cependant par se fondre en partie, hélas, dans la religion civile du "God" Américain individualiste libéral malgré des moments héroïques : stupéfaction des médias américains quand les évêques, décrits comme des soutiens indéfectibles du parti républicain car opposés au financement public de l'avortement et de la contraception, condamnent les discours et les mesures républicaines anti-immigrés et soutiennent (avec prudence) Obama sur ces questions.
Enfin, le bouleversement du protestantisme américain (effondrement des églises "mainstream" (luthériennes, épiscopaliennes, etc) qui se sont ralliés au modernisme doctrinal (indifférentisme gnangnan) et aux nouvelles mœurs, explosion du protestantisme évangélique "conservateur" doctrinalement (c'est à dire croyant au Christ Ressuscité et opposé aux nouvelles mœurs) ne posera aucun problème à la religion civile du "God" américain, les évangéliques se ralliant sans difficulté à celui-ci.
Ainsi, aujourd'hui, le "God" américain a conservé certaines de ses caractéristiques originelles, mais en devenant encore plus flou et incohérent. On pourrait dire qu'il a 2 faces : d'un côté, une face assez positive : plus de 95% des Américains peuvent se reconnaître au moins en partie en lui, chrétiens, juifs, musulmans, déistes et même certains athées (un gros tiers des Américains se déclarant "athées" déclarent croire en Dieu (sic ! signe parmi tant d'autres de l'extraordinaire capacité des Américains à maintenir deux idées mutuellement exclusives en matière religieuse), ce qui permet l'union nationale dans des périodes difficiles (guerres, drames nationaux, etc) : il est ainsi invoqué sans distinction par les démocrates et les républicains (certes, avec un peu plus d'insistance de leur part) ; d'un autre côté, une face sombre, le "God" des puritains, des Pères Fondateurs adeptes des "Lumières" et esclavagistes et des billets de banque, le "God" aujourd'hui moins anti-catholique, mais toujours aussi individualiste, gardien du capitalisme et du libéralisme.

Thibaud


[ De PP à Thibaud - Bravo pour cette synthèse. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Thibaud / | 26/07/2012

UN LIVRE PASSIONNANT

> A ce propos, je souhaiterais recommander la lecture de "Une caste américaine" de John R. McArthur, rédacteur en chef de Harper's. En dépit d'un sous-titre un peu idiot qui sent le manuel d'instruction civique pour primaire ("Les élections aux Etats-Unis expliquées aux Français") et d'une construction générale un peu chaotique, c'est un bouquin passionnant et corrosif, mais parfaitement documenté, sur la confiscation du pouvoir et des médias par l'argent, et sur l'inexistence totale du "rêve américain" : qui naît pauvre, statistiquement, reste pauvre. On apprend des choses ahurissantes, du producteur de cinéma qui est condamné sous Wilson à 10 ans de pénitencier pour avoir financé un film hautement patriotique sur la Guerre d'Indépendance - hélas, au moment où les USA entrent en guerre et doivent clamer officiellement leur amitié indéfectible à l'Angleterre, à la décision de la Cour Suprême de 2007 qui démantèle la fameuse législation Brown vs. Board of Education qui mettait fin à la ségrégation raciale dans les écoles. Quant au descriptif du fonctionnement des dynasties politiques locales, il fait apparaître "Le Parrain" de Coppola comme une bluette pour patronage...

Christian


[ De PP à tous - Ce livre est paru en 2008, éditions Les Arènes. ]

ajout au commentaire

Écrit par : Christian / | 06/08/2012

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