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05/03/2012

À Notre-Dame de Paris, deuxième conférence de Carême : la pensée catholique se libère du libéralisme

 conférences de carême,catholiques,christianisme,social,économie,la crise,libéralisme

Sr Cécile Renouard (Essec) et Emmanuel Faber (Danone)

à la recherche d'une autre économie :


 

L'heure vient de « regarder sans peur des chemins nouveaux », a dit le cardinal Vingt-Trois en accueillant à Notre-Dame les deux intervenants de cette deuxième conférence de Carême.

La pensée sociale catholique, en France, commence à rompre avec l'idéologie dominante. Le néolibéralisme n'est pas « christo-compatible » : c'est ce que Sr Cécile Renouard (assomptionniste et professeur à l'Essec) et Emmanuel Faber (vice-président du groupe Danone) ont fait comprendre, chacun à sa manière.

conférences de carême,catholiques,christianisme,social,économie,la crise,libéralismeAssigner pour « finalité ultime » à à l'économie « la justice et le bien commun » et réclamer l'application concrète de « l'option préférentielle pour les pauvres », comme le fait Cécile Renouard, c'est vouloir mettre l'économique au service de buts non marchands : c'est donc une rupture frontale avec le libéralisme. La religieuse-économiste qualifie d'« impasse socialement nuisible » la financiarisation, résultat du capitalisme dérégulé, et son effet sur un monde actuel divisé entre « ceux qui ont » et les « hommes jetables ». Avec Jean-Paul II, elle appelle « structure de péché » ce qui tient à la soif exclusive de profit. Elle dénonce « les pratiques d'optimisation fiscale dommageables, fussent-elles avantageuses pour sa propre organisation », et elle réclame « la justice comptable et fiscale ». Elle appelle à « prendre les moyens de corriger les rapports de force et les structures de pouvoir dans l’entreprise, et entre entreprises et parties prenantes, pour redonner à chacun sa place et sa juste part... »

Et elle prône « une vie où les liens compteront plus que les biens », une économie (« peu gourmande en énergie et faite de maillages multiples ») qui reposerait « sur l'usage partagé des biens plutôt que sur la propriété privée »... Il s'agit de « transformer radicalement nos systèmes de production et de consommation », d'en finir avec le culte d'une « croissance suicidaire pour l'humanité », de consommer « moins et autrement », d'inventer un art de « vivre avec mesure » et en harmonie avec « les limites de notre monde commun »... Autrement dit la « tempérance solidaire », en des termes que ne renieraient pas les objecteurs de croissance :

<< ...Nous nous illusionnons en espérant la reprise de la croissance selon les modalités que nous avons connues au cours des décennies passées. Il faut savoir regarder la réalité et admettre que la croissance, telle qu’elle est encore conçue aujourd’hui, est suicidaire pour l’humanité. Parler de tempérance solidaire, c’est d’abord parler d’un mode de vie et d’une façon d’être en société ; et c’est peut-être dans les temps de crise, comme en temps de guerre, que l’appel à la créativité en vue d’une transformation radicale de l’appareil économique est le plus fort. Tempérance semble s’opposer à passion. C’est une erreur ! Il s’agit, au contraire, d’être des passionnés de la solidarité, et c’est bien dans cet élan que nous apprendrons à être tempérants. Tempérance pour consommer moins et autrement ; tempérance pour mettre de la mesure face à l’hybris de nos comportements prédateurs, et pour identifier les limites de notre monde commun. Elle est possible ! Nous disposons d’un trésor inouï : un évangile qui nous invite à la béatitude de la pauvreté, à l’équilibre, au partage, tout en faisant sans cesse éclater, dans le champ théologal, dans le champ du Royaume, toutes nos jauges : n’est-il pas dit dans l’Évangile de Saint Luc : "donnez et on vous donnera, c’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante qu’on versera dans le pan de votre vêtement, car c’est la mesure dont vous vous servez qui servira aussi de mesure pour vous." (Luc 6,38) ? Derrière l’obsession de la maximisation du profit et la fuite éperdue vers le toujours plus, que de peurs et que de manques d’audace ! Il nous faut apprendre à nous saisir des capacités offertes par les nouvelles technologies, par les innovations techniques, comme un tremplin vers une économie à la fois locale et reliée ; porteuse de sens, peu gourmande en énergie et favorable à des maillages multiples. Il nous faut apprendre aussi à privilégier des styles de vie qui évitent de dépenser des sommes folles pour réparer les dommages que nos prétendus "progrès " ont engendrés. Il nous faut donc maintenant consentir à la remise en cause radicale de notre modèle de croissance pour parvenir à une meilleure qualité de vie. "Tout ce qui est à moi est à toi", dit le Père prodigue à son fils – à ses fils. Avons-nous l’audace aimante de croire que tout nous est donné pour tous ?  >>

Entendre expliquer ces choses au micro de la cathédrale de Paris, donnait un sentiment de libération (même s'il reste à démontrer que toutes les nouvelles technologies peuvent devenir « peu gourmandes en énergie »).

Quand est venu le moment des questions, on a pu voir que certains dans l'assistance n'étaient pas encore au diapason. C'était la voix de ceux qui ne marchent qu'à l'inquiétude. Quelqu'un s'est inquiété d'avoir entendu mettre en cause la propriété privée : n'était-ce pas là « du marxisme » ? « C'est la pensée sociale de l'Eglise », a expliqué paisiblement Sr Cécile. Une autre personne s'est inquiétée d'avoir entendu le mot « décroissance », alors que « la décroissance est une idéologie qui manque singulièrement d'espérance... » (dans la bouche des inquiets, le mot « espérance » masque l'angoisse de voir le capitalisme tardif finir par imploser1). Soeur Cécile Renouard a répondu que l'idée actuelle de « croissance » est « insoutenable », qu'il y faudrait les ressources de plusieurs planètes, et qu'il faut trouver d'autres manières de vivre  : a) faire « décroître » notre consommation, b) faire croître la diversité des ressources, la qualité et la durabilité des biens. Si décroissance est en fait synonyme de tempérance, comment un chrétien pourrait-il y être hostile ?

Répondant à d'autres questions, la religieuse-économiste a souligné qu'il faut aider les jeunes à comprendre que vivre mieux ne veut pas dire avoir plus. Ils y sont plus disposés qu'on ne croit : « Il voient que le marché ne répond pas à leurs attentes 2», a-t-elle constaté. Avant de conclure sur une idée en résonance avec l'encyclique de Benoît XVI Caritas in veritate : « Une mondialisation organisée, régulée, orientée par le souci de l'équité. »

 

conférences de carême,catholiques,christianisme,social,économie,la crise,libéralismeLe témoignage d'Emmanuel Faber (le vice-président de Danone !) fut à la fois émouvant et « tâtonnant », comme il le dit lui-même. Lucide, il souligne l'inévitable : les Européens vont devoir apprendre à vivre avec des taux de croissance faibles et une population active qui diminue. Ils vont aussi devoir reprendre conscience du fait que l'activité de l'individu dépend du réseau des biens et des services collectifs. C'est l'heure, a dit Faber, de lire les travaux de Marcel Mauss « sur l'économie du don », et de mesurer « quelle perte nous avons subie » dans ce domaine en nous soumettant au système économique actuel, qui mutile la société. C'est donc l'heure de rompre avec l'individualisme et « d'investir dans une société relationnelle » : « qui sera prêt à verser une partie de son surplus pour investir dans l'économie de demain ? ». Emmanuel Faber s'est déclaré en faveur d'une économie « d'usage » plus que « de propriété exclusive », idée de partageux qui eût donné la jaunisse aux aïeux des inquiets, en 1871 :

<< ...Ce partage de l’aujourd’hui pour demain implique tout d’abord de recourir massivement à l’économie d’usage plutôt qu’à la propriété exclusive. Les fonctions essentielles telles que « j’habite », « je me nourris » et « je me déplace » représentent plus de la moitié des dépenses des ménages en France et des études récentes menées à HEC ont montré qu’il serait envisageable que 20 à 40% de ces dépenses soient fonctionnalisées. Quelle place ferons-nous dans nos modèles d’entreprise, d’artisanat, de commerce, de consommation, à l’économie de fonctionnalité pour partager l’usage des biens et des services concernés, et en réduire le coût et l’impact écologique ? Et dans le prolongement, quelle place sommes-nous prêts d’ailleurs à faire de nouveau, par choix de société, à la commensalité, à la convivialité, à l’hospitalité ? >>

Puis il a demandé que soit introduit, dans la production et la consommation, « le discernement entre l'utile et l'inutile », idée qui condamne la société productiviste-consumériste, c'est-à-dire l'ensemble du système actuel :

<< Pour aller plus loin, dans un contexte de rareté des ressources, se posera bien sûr la question de leur propriété, qui devrait ne pas nuire à l'optimisation de leur usage. Pour cela, il semble incontournable de réintroduire dans l'agir économique le discernement entre l'utile et l'inutile. Contrairement aux théories sur la vitesse de circulation de la monnaie qui serait facteur de richesse, j'affirme que l'échange ne crée pas de richesse en soi. Il ne génère que les conditions d'une création de valeur, en permettant la réallocation des ressources. Mais ce qui crée de la valeur, c'est seulement la modification du taux d'usage de ces ressources à l'issue de l'échange. Le mobile de l'échange est donc essentiel pour asseoir son utilité. On voit bien du coup que faire de la finance la finalité de l'économie est dangereusement absurde... >>

Après quoi il a plaidé pour deux normes non économicistes : la bonne foi et l'équité (« sans quoi pas d'économie durable »), ce qui le plaçait au contrepied de la philosophie libérale selon laquelle les vices privés font la prospérité publique. La suite coulait de source : « Il faut refuser la régression néolibérale qui exclut la gratuité... L'idée de ''main invisible du marché'' est une très dangereuse tautologie... L'individu ne peut justifier le totalitarisme de son comportement par une quelconque ''loi du marché''... »

Question venue de l'assistance : « Que pensez-vous du mouvement des indignés ? » Réponse d'Emmanuel Faber : « Il y a un moment où il faut passer à la révolte... Si le mot ''libéralisme'' veut dire ''égoïsme et culte du marché'', alors je ne suis pas un libéral... Il faut remettre profondément en question le néolibéralisme. »

Et le politique en soi ? Il en fut peu question (c'était une conférence spirituelle de Carême), mais soeur Cécile Renouard a tenu à préciser son rôle nécessaire : « Nous sommes tous co-responsables de changer le système vers une société plus juste, y compris dans les conséquences politiques. » On le dit souvent ici : le politique est mort3, il faut en susciter un nouveau. Seul un mouvement de masse international peut parvenir à ce résultat. Vaste programme...

 

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1. Sur cette confusion injustifiable entre « croissance » et « espérance », je me permets de citer ce que j'écrivais dans La Nef de février dernier :

 << Depuis mai 2011, le prix du baril de Brent est installé au dessus des 100 dollars... Or le carburant cher va condamner les circuits planétaires du libre-échangisme, et condamner du même coup ce qui formatait notre mode de vie : le productivisme et la consommation-gaspillage. Dans le monde du pétrole cher il n'y aura plus d'hypermarchés à prix cassés made in China, ni de tourisme aérien de masse, ni de tout-autoroutes. Le mythe de la croissance illimitée aura vécu : c'était une utopie, puisque nous vivons sur une planète aux ressources limitées. Quant à croire que « la technologie » va résoudre ce problème-là, c'est une autre utopie. Notre mode de vie va donc changer par la force des choses.

Au lieu de subir ce changement et de le voir comme une catastrophe, nous pouvons en faire un nouvel art de vivre : inventer une civilisation de la sobriété heureuse. La relocalisation de l'économie, l'autosuffisance locale et régionale en matière énergétique et alimentaire, la décentralisation géographique des pouvoirs, n'ont rien pour déplaire (en principe) à des chrétiens lecteurs de Chesterton ou de Schumacher... Mais face à cette perspective, un certain nombre de catholiques français ont une réaction de refus d'obstacle. Leur réflexe est d'esquiver les faits. Pour cela ils invoquent un prétexte religieux : « nous préférons choisir l'espérance... » C'est une fausse espérance, détournée de son sens et prostituée à la défense d'un état de choses – comme si la croyance au confort faisait partie du Credo. Certains dérivent encore plus loin, vers une posture répandue dans la blogosphère : la dénégation sarcastique, le refus de prendre au sérieux la situation pour pouvoir continuer à tenir le discours libéral. Le devoir des chrétiens, au contraire, n'est-il pas de se préparer au changement ? Mieux vaut assumer l'inéluctable plutôt que devoir le subir après l'avoir nié. Dieu nous donne à évangéliser et à transformer ce monde-ci : non un autre.  >>

 

2. « Ils sont prêts à faire des expériences beaucoup plus larges que la génération précédente », a témoigné pour sa part Emmanuel Faber.


3. On ne peut appeler « politique » le théâtre d'ombres de la présidentielle 2012.

 

 

Commentaires

REMARQUABLE SIGNE DES TEMPS

> Qu'il y ait de telles conférences de carême est très positif et surtout c'est un remarquable signe des temps.
Sur les commentaires affolés de quelques auditeurs voyant en cela du "marxisme", c'est hélas un réflexe courant. Tout le néolibéralisme dominant dans les milieux cathos a pour origine la lutte contre le communisme telle qu'elle était au temps de la guerre froide. Il faut lire les propos des néolibéraux qui eux-même parlent encore de dérive marxiste, de danger communiste...on se croirait au temps de Brejnev !
Enfin est-il besoin de rappeler que le néolibéralisme tel que conçu par Hayek, et appliqué par la très hayekienne Thatcher, n'est rien de moins qu'un programme de lutte contre le communisme ? Son livre "les chemins de la servitude" est un manifeste anticommuniste voyant dans chaque intervention étatique un pas de plus vers le communisme... absurde idéologie qui n'est que réponse à une autre idéologie. Il est grand temps de se libérer des réflexes de la guerre froide.
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Écrit par : Charles Vaugirard / | 05/03/2012

REMARQUE

> Merci pour ce très beau compte-rendu.
Une remarque : si on ne peut appeler politique ce "théâtre d'ombre", cela ne veut-il pas dire au contraire que le politique n'est pas mort, mais se situe ailleurs que là où l'on nous a habitués à le chercher ?
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Écrit par : JG / | 05/03/2012

EXPLORER ET PRECISER

> Cette autre économie qui invite la gratuité comme terme de l'échange mérite d'être explorée et précisée.
Peux t'on trouver un intérêt à la gratuité? Certains esprits radicaux disent que non, mais pour Danone, pour Veolia et même pour Total une certaine gratuité apparente peut être bénéfique à leurs implantations industrielles ou à la bonne acceptation de leurs activités par leurs parties prenantes. Si la gratuité est inscrite au coeur de la création par la loi naturelle, toute activité humaine peut y trouver son intérêt. N'est-ce pas cette articulation qu'il faut révéler plutôt que d'opposer l'échange marchand à la gratuité? La gratuité vient féconder l'acte marchand et lui donne vie. Sans gratuité, l'économie est vouée à dépérir.
Merci à Cécile Renouard et Emmanuel Faber d'avoir lancé (relancé?)le débat.
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Écrit par : Marc Jozan / | 05/03/2012

EMMANUEL FABER... ET DANONE

> C'est très bien qu'un vice-quelque chose de Danone soit sensible à cette question, mais il n'est pas très heureux qu'il parle à ce titre. Il aurait pu parler en tant qu'humain, tout simplement. La présence de Danone (dont l'ultralibéralisme et l'entière "absolu-rien-à-foutre" aux questions de décroissance et d'écologie - quelle industrie pourrait soutenir la décroissance et l'écologie? - ne sont plus à démontrer) sent la justification et la publicité. C'est dommage. Parce que la personne de M. Faber peut très bien être sincère et de bonne foi dans cette histoire. Mais je ne crois pas en Danone. Parce qu'une personne morale (une entreprise) n'est précisément ni une personne, ni morale.
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Écrit par : lionel / | 05/03/2012

LA VERITE COMMENCE À SE FAIRE JOUR

> En vous lisant et en partageant votre sentiment de libération, je songeais à Jean-Paul II qui écrivait en 1991 dans son encyclique sociale : « Il n’est pas mauvais de vouloir vivre mieux, mais ce qui est mauvais, c’est le style de vie qui prétend être meilleur quand il est orienté vers l’avoir et non vers l’être, et quand on veut avoir plus, non pour être plus mais pour consommer l’existence avec une jouissance qui est à elle-même sa fin. Il est donc nécessaire de s’employer à modeler un style de vie dans lequel les éléments qui déterminent les choix de consommation, d’épargne et d’investissement soient la recherche du vrai, du beau et du bon, ainsi que la communion avec les autres hommes pour une croissance commune ».
Et Jean-Paul II ajoutait que si « la liberté économique [qui] n’est qu’un élément de la liberté humaine (…) se rend autonome, [si] l’homme est considéré plus comme un producteur ou un consommateur de biens que comme un sujet qui produit et consomme pour vivre, alors elle perd sa juste relation avec la personne humaine et finit par l’aliéner et par l’opprimer ».
Que de temps il faut pour que la vérité commence à se faire jour !
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Écrit par : Arbert Féront / | 05/03/2012

VRAIMENT ROBORATIF

> C'est vraiment roboratif ces changements de discours dans le monde catho (Homme Nouveau, FC qui parle des chrétiens indignés, les conférences de carème..) Certes, il y toujours des gens bloqués en 1950 (cf certaines questions sur l'idéologie de la décroissance ou sur le marxisme ).
A Lionel : j'ai moi aussi tendance à être sceptiques sur ces "riches" qui se convertissent mais ne changent guère leur mode de vie (je suis plutôt du côté saint François qui plaque tout), mais M. Faber m'intrigue et m'étonne. Attendons et voyons. Manifestement, il croit ce qu'il dit et il me semble qu'il n'est qu'au début de son chemin. A mon avis, il ira plus loin, mais le sait-il ?
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Écrit par : VF / | 05/03/2012

DANS 'LA NEF'

> La prise de conscience progresse de tous côtés chez les catholiques. Des tradis se mettent à parler comme le CCFD ! Le numéro de mars de 'La Nef' est une vraie déclaration de guerre au libéralisme. Article de Christophe Geffroy : "l'impasse du libéralisme". Article de Jean-Luc Gréau (économiste, ancien expert du Medef) : "Sortir de la logique libérale". Article de Jacques Sapir (EHESS) contre le modèle libéral anglo-saxon. Article de Jacques de Guillebon donnant le vrai éclairage de la DSE... Naudet va se retrouver tout seul avec un ou deux clowns.
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Écrit par : ermance / | 05/03/2012

PLUS DE LIENS

> Quel beau carême nous vivons là!
Pour ce qui est de développer plus de liens, je vous invite à venir dans notre Nord-Pas-de-Calais expert en entraide: l'avenir ne s'écrit pas à la Défense , mais chez nos humbles,et loin des promesses grandiloquentes: sans ostentation, en gestes qui engagent plus que toutes les promesses.
"Les pauvres sont nos maîtres": comme il m'a fallu de temps pour comprendre que ce n'était pas là une invitation à la condescendance, mais un impératif pour accéder à la vraie sagesse! Alors oui, merci mille fois à soeur Cécile et à M. Faber, et merci dix mille à ces obscurs compatriotes qui vivent tout cela, que nos deux savants disent si joliment: non par idéal théorisé, mais, en vraie noblesse oublieuse d'elle-même: parce que c'est ainsi.
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Écrit par : Anne Josnin / | 05/03/2012

IL VA FALLOIR FAIRE FACE À DE FORTES PARTIES

> Oui, il est très important de ce se libérer de la forme encore subsistant du toujours plus.
Il va falloir faire face à de fortes parties qui vont vouloir sauver l'esprit de domination prométhéenne dans des fuites en avant tant vers des aventures industrielles de plus en plus folles (gaz de schiste par ex.) que vers des monstruosités de génie génétique.
La bataille ne fait que commencer, il est bon que les chrétiens y voient clair.
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Écrit par : Pierre Huet / | 05/03/2012

L'AFFLIGEANT NAUDET

> J'ai lu la prose de Naudet ; elle est affligeante de médiocrité! il ne suffit pas de piocher quelques expressions prises à la va-vite dans les encycliques des papes; encore faudrait-il en comprendre le sens exact - et surtout lire les textes dans leur intégralité.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 06/03/2012

@ Blaise Join-Lambert

> La prose de Naudet est en effet très moyenne et ultracontestable. Constamment il en revient au même sujet : le communisme. Comme si l'intervention de l'Etat était la voie vers le communisme, comme si une option qu'il ne reconnait pas était crypto-marxiste. C'est un vrai problème car on ne peut construire une argumentation politique ou économique uniquement sur la menace communiste...et a fortiori quand cette menace n'existe plus depuis vingt ans !!!
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Écrit par : Charles Vaugirard | 06/03/2012

BERCEUSE ?

> Emmanuel Faber a touché plus de 2,5 millions d'euros en 2009 : http://www.edubourse.com/remuneration/emmanuel-faber.php
Son entreprise multinationale engraisse les enfants comme des porcs et des poulets depuis plus de 20 ans avec des probiotiques. Responsabilité sociale de l'entreprise...
http://amapdumoun.over-blog.com/pages/le-mensonge-activia-de-danone-6143755.html
L'idéologie capitaliste a récupéré les mouvements issus de Mai 68, en utilisant leur langage pour le formater à sa convenance. Ca a donné Daniel Cohn-Bendit au parlement européen, Bernard Kouchner dans le gouvernement Sarkozy et l'incivilisation libérale-libertaire.
Toujours dans le but d'asseoir sa légitimité dans les esprits, il a ensuite instrumentalisé la sensibilité collective à l'écologie. Ca a donné le mythe du développement durable, le grenelle des dupes de Jean-Louis Borloo, les sénateurs d'EELV et les combats fougueux de Nicolas Hulot sponsorisés par TF1 et l'Oréal.
Nous entrons dans la dernière étape, celle où les rapaces parleront avec le langage et la douceur des prophètes.
Pour une entreprise multinationale, ce sera un plus inestimable, un incontestable surcroît de valeur ajoutée, que de pouvoir faire prévaloir en son sein, un dirigeant au physique et à l'allure évoquant saint François d'Assise.
Avançant avec le label sainteté, qui pourra soupçonner une telle entreprise, c'est sa substance même, d'être guidée par le calcul et l'intérêt? La logique du don et de la gratuité, devenue berceuse au service d'une multinationale avide de conquêtes, qui l'a toujours été et qui le sera toujours. Terrifiant.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 06/03/2012

ATTENTION

> à Serge Lellouche - Attention, on ne peut pas juger des intentions des gens, l'Evangile nous l'interdit. Rien ne dit que Faber ne soit pas sincère, et il dit des choses incompatibles avec le néolibéralisme donc avec le capitalisme que vous rejetez.
Vous avez raison sur Danone : Faber n'est qu'un v-p (même surpayé : mais là aussi attention à nos propres réactions) au sein d'un des rouages de la "méga-machine" comme disait Latouche. Ce qui compte n'est pas seulement l'individu mais aussi et surtout la machine dont il est un des servants. Quels sont les effets de cette machine ? Les effets antidiététiques de la machine Danone sont bien décrits par le site dont vous donnez le lien. Ils sont connus depuis dix ans au moins. On aimerait savoir ce que Faber pense de ce problème, et qu'il en fasse la critique. Sinon c'est du Camdessus, amélioré mais quand même.
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Écrit par : michel-marie donon / | 06/03/2012

à Blaise Join-Lambert et Charles Vaugirard

> On est atterré devant cette persistance du mythe du "communisme" en 2012 chez quelques catholiques. Ils ont pourtant le monde réel sous les yeux : la Chine devenue dictature caricaturalement capitaliste. Le folklore rouge réduit à deux décors surréalistes : le Venezuela de Chavez (musée du castrisme) et la Corée du Nord (musée du stalinisme),promis tous deux aux poubelles de l'histoire à brève échéance. Et en Russie le débile Ziouganov, "opposition de Sa Majesté" du tsar Poutine. Alors il est où aujourd'hui, le danger communiste ? Uniquement dans les têtes de cathos français genre Naudet et quelques autres, comme le jeune monsieur qui proposait en 2011 que "l'anticommunisme" soit le socle commun de "toutes les droites". Et aux USA dans l'aile la plus pesante du lourdaud Tea Party. Pour ces Américains-là, tout Etat est potentiellement communiste ! C'est le contraire de la tradition européenne, et surtout française, la France étant la création d'un Etat comme l'expliquerait n'importe quel historien. Voilà la clé du mystère : nos super-cathos super-français sont en fait des clones des pires ultralibéraux d'outre-Atlantique.
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Écrit par : louis rossel / | 06/03/2012

à michel-marie,

> Début d'un entretien d'Emmanuel Faber sur KTO:
-Emmanuel, bonjour...
-Bonjour.
-Vous avez un très joli prénom!
-Vous aussi.
-Un prénom qui signifie en hébreu ?
-Dieu avec nous.
-Ca vous touche de porter ce prénom là?
-Euhh, j'espère que ça m'est utile...
http://www.ktotv.com/videos-chretiennes/emissions/nouveautes/v.i.p.-emmanuel-faber/00062477
Je pense que ce qui est le plus parlant dans le langage, se sont souvent ses lapsus, ses accidents, ce qui passe furtivement inaperçu...
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Écrit par : Serge Lellouche / | 06/03/2012

à SL

> que voulait-il dire par "utile" ? Surtout si c'était VIP, émission qui se veut un peu décalée quant au ton.
Je reste sur mon idée : on doit mettre les gens devant leurs responsabilités concrètes objectives, devant les faits (et ça suffit largement à leur donner un malaise), mais on ne peut pas leur faire de procès d'intentions.
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Écrit par : michel-marie donon / | 06/03/2012

Serge,

> Emmanuel Faber a vécu quelque chose. Il a déjà le courage, en tant que leader de Danone, de parler comme il le fait. Je pense qu'il va évoluer et ira plus loin. Même saint François à mis un peu de temps avant se suivre sa voie. Maintenant, il se peut que je me trompe et que M. Faber soit un magnifique comédien. On verra bien, le temps nous le dira. Je pense qu'il imagine pouvoir changer les choses de l'intérieur, par la haut. A mon avis, c'est une erreur. mais "wait and see". L'Esprit appelle tous le monde et partout. Mais il faut laisser le temps à la maturation des choses. Et puis Kouchner ou Dany, bien qu'ancien maoïstes, tiennent un discours ouvertement libéral. Ce qui n'est pas le cas de M.Faber. Non, je pense qu'il y a quelque chose chez lui. Il n'est pas encore au bout. La prudence n'est pas l'exclusion.
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Écrit par : VF / | 06/03/2012

LUMINEUX

> Le texte de la conférence et les réponses de sœur Cécile Renouard sont lumineux. Cela fait du bien d'entendre rappeler que la doctrine sociale de l'Église ne défend pas un droit absolu à la propriété privée et qu'elle y pose des limites. Trop de catholiques, sincèrement ou pas, affirment le contraire et ergotent, pour certains, sur les textes magistériels qui sont pourtant très clairs. Et savoir qu'à Notre-Dame de Paris, des propos tels que "il faut savoir regarder la réalité et admettre que la croissance, telle qu’elle est encore conçue aujourd’hui, est suicidaire pour l’humanité" ont été prononcés est bien plus porteur d'espérance que la technique de l'autruche consistant à refuser de regarder la situation en face au nom de l'espérance chrétienne. Oui, vraiment, les choses bougent peu à peu. Grâce en soit rendue à Dieu !
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Écrit par : Mahaut / | 06/03/2012

LES STRUCTURES

> D'accord avec toi, Serge, quand tu parles des structures, et en particulier des ravages des multinationales.
Mais ce faisant, nous ne pouvons pas juger les personnes, les enfermer complètement dans ce que nous pouvons voir de négatif en elles, en l'espèce: une participation au sommet à la gouvernance d'une entreprise critiquable.
D'accord avec toi, aimer ce n'est pas "être gentil", pour aimer en vérité, il faut parfois dires des choses peut-être dures à entendre, avec tact et discernement. Mais nous ne pouvons jamais démoniser quelqu'un. Cela me rappelle l'évangile d'hier: "Jésus disait à la foule : " Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés".
Nous ne pouvons pas tout savoir d'une personne. Il y a bien entendu des "tartuffes" et des "faux-dévôts", une prétendue "charité" ou un discours sur la "responsabilité sociale de l'entreprise" peut n'être qu'une vulgaire opération de com'.
Mais juger quelqu'un, c'est nier la pauvreté fondamentale que nous avons en commun avec lui, et le fait que où que nous en soyons, nous dépendons totalement de l'infinie miséricorde du Christ, le truand, le trader, comme la carmélite éblouissante de sainteté. Ste Thérèse avait le sentiment d'être anthropologiquement et spirituellement dans la même situation que le pire des criminels. Ce n'était pas de sa part une simple coquetterie.
Par ailleurs, si nous ne pouvons pas juger, nous connaissons encore moins toute la vie d'Emmanuel Faber, on ne peut pas exclure totalement a priori que quelqu'un puisse faire davantage pour la transition vers une économie plus juste et moins inique, en étant "dans le système" qu'en étant "en dehors", même si cela semblerait un peu surprenant. Et tout à fait accessoirement, peut-être utilise-t'-il l'essentiel de ses revenus à faire le bien (ce qui n'enlève rien à la nécessité de supprimer les échelles de salaires délirantes, nous sommes d'accord).
Et qui parmi nous peut se targuer d'être complètement "en dehors" du système, quand bien même nous le souhaiterions ardemment ?
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Écrit par : J. Warren / | 06/03/2012

@Blaise Join-Lambert

> "il ne suffit pas de piocher quelques expressions prises à la va-vite dans les encycliques des papes; encore faudrait-il en comprendre le sens exact - et surtout lire les textes dans leur intégralité."
Tout à fait, et ce d'autant plus que, si j'ai bien compris, Benoît XVI dans 'Spe Salvi' (qui n'est certes pas une encyclique sociale) cite des auteurs marxistes (Adorno...) Probablement, bien de braves catholiques, ont du avoir du mal à l'avaler. Et pourtant Benoît XVI n'est pas marxiste. J'imagine bien un auteur catholique libéral nous expliquer que Benoît XVI n'a pas écrit ce qu'il a écrit sur Adorno et Horkheimer... parce que c'est le pape et que le pape ne peut pas être marxiste parce qu'eux mêmes ne le sont pas...
C'est que ce qui manque le plus aux "catholiques libéraux":la nuance.
Pour eux, si vous êtes anti-libéral, c'est que vous êtes marxiste. On peut tout à fait reconnaître que Marx n'a pas écrit que des âneries sans pour autant être marxiste; on peut tout autant reconnaître que Kant n'a pas écrit que des âneries sans pour autant être kantien (cf 'Amour et responsabilité' de Karol Wojtyla).
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Écrit par : Nicolas Dangoisse / | 06/03/2012

MACHINES DEVOREUSES DE VALEURS

> D'accord avec J.Warren. Mais il faut s'efforcer de regarder au travers ses camouflages le pouvoir sans mesure des structures de péchés. Il y a ainsi derrière le mouvement sans précédent de l'indignation et de la remise en cause de la croissance économique un potentiel de marchés nouveaux où investir, une nouvelle bulle pour qui ne voit qu'au travers le marché, et on nous sonde les reins (notamment grâce à leurs logiciels qui tracent en temps réel tous nos mots, achats, déplacements,...pistés sur nos écrans ) pour inventer aujourd'hui les marchés de demain. On se prépare à nous vendre de la sobriété, du partage, du don, comme aujourd'hui de l'éthique et du durable, avec les mots et les images que l'on invente en ce moment sur les forums innovants; plus même besoin de think tanks; du moins c'est ainsi que je sens les choses: et vous? On peut faire le test: lancer un mot qui fait mouche, qu'on retrouvera bientôt dans la bouche d'un politicien ou dans une publicité. Comment ne pas être happés par ces machines dévoreuses de valeurs et symboles non marchands qui ramènent un révolutionnaire à un t-shirt, un crucifix à un bijou gothique comme un tchador en Hermès , demain un Hessel en label pour rebelle ou un indigné en nouveau Cohn-Bendit? On peut peut-être résister en choisissant, jusqu'à l'héroïsme s'il le faut, toujours les moyens les plus humbles, comme nous y invitait le grand conquérant Maximilien Kolbe, tout en cultivant l'ambition la plus haute. Bref appeler le Ciel à la rescousse. Autrement dit pour Emmanuel Faber, ce n'est pas le grand monsieur Danone séduisant par sa fonction, mais l'homme dans son cheminement que nous désirons rencontrer. D'ailleurs il y a fort à parier que, s'il ne s'arrête pas en chemin,- et qu'il doit falloir d'héroïsme pour cela! Pardon, de grâces!C'est beaucoup plus facile pour nous qui avons infiniment moins à perdre-; il ne sera bientôt plus rien pour ce monde. Mais pas pour le Christ. Et avec Lui, tout est possible!
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Écrit par : Anne Josnin / | 06/03/2012

QUESTIONS

> Dans la vidéo proposée par Serge, Faber dit :
« Il y a eu une dérive des dogmes et des pratiques de l’économie depuis une cinquantaine d’années, très marquée depuis 25 ans, vers la finance. Et avec une idée qui est que, grosso modo, le rôle de l’entreprise, son but, c’est de maximiser la valeur qu’elle crée pour ses actionnaires. Cette phrase, elle enferme l’entreprise dans une logique qui est contre-nature, qui ne respecte pas la vie, tout simplement, parce qu’on peut démontrer très facilement qu’une entreprise qui chercherait uniquement à maximiser le dividende ou la valeur pour ses actionnaires s’arrêterait très vite. Une entreprise, elle existe parce qu’il y a des équilibres et que les parties prenantes de l’entreprise, ses fournisseurs, ses clients, ses consommateurs, l’Etat lorsqu’il prélève des taxes, les salariés bien entendus, et ultimement les actionnaires, trouvent tous dans leur relation avec l’entreprise une satisfaction suffisante et durable. Une satisfaction « suffisante et durable » et la « maximisation », c’est très différent »
Ce qui peut être ajouté, à mon avis, au raisonnement, c’est que la « satisfaction suffisante et durable » que trouve chacun ne doit pas tenir seulement à la relation des parties prenantes avec l’entreprise, mais aussi aux relations entre les parties prenantes, dans leur dimension humaine, et pas seulement technique et économique. S’il ne s’agit que d’équilibre entre les intérêts de chacun, ce n’est pas suffisant, et cela est difficilement durable ; chacun doit aussi, au plan personnel, trouver une « satisfaction suffisante et durable » comme être de relation. Car la relation économique s’inscrit dans la relation au sens large, qui est une dimension majeure de l’homme. C’est donc la dimension de « l’être » qui est ici en jeu, face à une dimension de « l’avoir ».
Et la présentatrice de citer une phrase de Faber dans son dernier bouquin : « L’absence d’être, voilà ce don meurt l’économie ». C’est intéressant : ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’éthique, mais aussi l’efficacité. Sans « l’être », c’est la mort qui est au rendez-vous. Voilà ce que, semble-t-il, Faber observe du point de vue où il se trouve.
Autre élément intéressant : Faber raconte qu’il y a 20 ans, il ne croyait pas aux actions éthiques de l’entreprise. Pour lui, qu’une entreprise se lance dans l’éthique revenait à « mercantiliser le don », donc à le salir. Il séparait donc les choses, au nom d’une morale très rigide où, paradoxalement, le monde de l’entreprise devait rester amoral. Il s’est rendu compte que cela ne tenait pas de passer 15h par jour, donc le plus gros de sa vie, dans un univers amoral. Ensuite, il a monté le « social business de Danone » avec Mohamed Yunus.
Monter un « social business » qui ne repose pas sur la maximisation de la valeur pour l’actionnaire mais sur un équilibre entre les parties prenantes et sur une utilité sociale qui va au-delà de l’entreprise, est-ce une manière d’introduire le « don » et la « gratuité » dans les rapports économiques ?
Par exemple, j’ai assisté récemment, pour des raisons professionnelles, à une réunion où était exposé le programme d’une ONG (mon client) dans un pays d’Afrique, soutenu par un pétrolier français. Le programme n’est pas seulement « technique », il comporte une dimension de promotion humaine, familiale et sociale. La présentation était faite conjointement par le responsable local de l’ONG et un représentant du pétrolier. J’ai été frappé par l’identité de vue entre les deux intervenants sur la question de la promotion humaine. Et je me suis posé une question saisissante : ai-je en face de moi une entreprise multinationale ou une personne qui met en œuvre un certain niveau de liberté et de responsabilité personnelles en s’appuyant sur la compétence et le prestige professionnels qui l’ont porté à se trouver, là où il se trouve, en position d’agir pour le bien commun ?
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 07/03/2012

Cher J. Warren,

> Disons que devant un tel concert d'éloges adressé à un haut dirigeant d'une multinationale connue pour engraisser les corps à coups de probiotiques tout en gavant les esprits de ses berceuses enchanteresses sur la responsabilité sociale de l'entreprise et sur l'esprit de don et de gratuité qu'il s'agit de réhabiliter face aux dégâts du libéralisme, il m'est en effet apparu assez juste de venir jouer le mauvais rôle du trouble-fête, mettant les pieds dans le yaourt blanc comme neige, pour non pas juger une personne dans sa réalité intime, mais souligner l'abjecte indécence de tels salaires, rendus finalement très acceptables et justifiés dans la grande opération de charme qui les camoufle.
En cela oui, comme tu le soulignes à juste titre, je suis indéniablement un indigne chrétien indigné.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 07/03/2012

PAS TANT QUE CA

> Je relis les commentaires et je ne vois pas "un tel concert d'éloges" : le premier message consacré à Faber est celui de Lionel, très critique envers Danone. Puis VF dit "Faber m'intrigue et m'étonne, attendons et voyons". Ensuite il y a MMDonon et VF de nouveau, vraiment circonspects. Ils laissent à Faber la sincérité, mais tous sont lucides sur Danone.
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Écrit par : Amicie T. / | 07/03/2012

MATTHIEU ET ZACHEE

> C'est un peu un écran de fumée que de polémiquer sur Faber...
On pourrait gloser encore pour savoir si Matthieu ou Zachée étaient des personnes libres ou intègres dans la grande machine capitaliste collaboratrice qu'étaient les collecteurs d'impôt à l'époque...Jésus, lui, a su voir les énergies qui pouvaient être mises en branle dans le coeur de chacun...
Moi, je n'en sais rien des énergies du coeur de Faber...comme dans le mien et le tien il doit y avoir du bon grain et de l'ivraie.
Et bien donc, rien de nouveau sous le soleil...
Il est bon de voir qu'à chaque bouleversement de l'histoire, ce sont bien des coeurs d'hommes et de femmes qui se sont révélés dans la tourmente et non pas des institutions ou des groupes.
enfin, une citation pour finir :
"le vrai repos de l'intelligence, c'est la vérité,
le vrai repos des sens, c'est la beauté,
le vrai repos de la volonté, c'est l'amitié".
Et Dieu sait si cette dernière phrase me garde de nombreux tourments chaque jour.
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Écrit par : Antoine / | 07/03/2012

ON ARRÊTE LÀ

> Je pense que cela ne sert à rien de continuer de parler de M.Faber sans qu'il ne nous donne son point de vue. Que fait-il de son salaire énorme? Est-il cohérent entre ce qu'il dit et les décisions qu'il prend dans l'entreprise? Est-ce que rien ne le choque dans le fonctionnement de Danone? Etc. Il n'y a que lui pour y répondre.

VF


[ De PP à VF - Bien d'accord sur ce point : halte aux échanges de vues autour de la personne d'Emmanuel Faber. ]

réponse au commentaire

Écrit par : VF / | 07/03/2012

> Pardon, mais - comme on l'a dit plus haut - les commentaires sur la personne d'Emmanuel Faber ont pris fin.
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Écrit par : PP à Pierre / | 08/03/2012

A Guillaume (à propos de votre commentaire du 07/03)

> Ce qui importerait selon vous, ça n'est pas « la multinationale » en tant que telle, mais la collection d'individus qui la composent, certains d'entre eux étant animés par les meilleures volontés en faveur de l'amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. Par là, vous signalez à juste titre que chaque personne, quelque soit sa position sociale et professionnelle, peut être porteuse d'une éthique du bien commun. Par extension, en effet, il serait enfermant de ne pas reconnaître en chaque personne, comme enfant de Dieu, la possibilité et la liberté intime de faire le choix de la conversion.
Et ce, qu'il s'agisse du vice-président d'une multinationale, autant que de vous ou de moi.
La question de la personne demeure première, nous en sommes bien d'accord Guillaume. Pour autant, en s'y cantonnant de façon exclusive, ne risque-t-elle pas de participer d'un déni, en devenant ainsi le prétexte à éluder la question des structures de péché?
La DSE souligne avec une grande insistance que « la priorité reconnue à la conversion du cœur n'élimine nullement, elle impose, au contraire, l'obligation d'apporter aux institutions et aux conditions de vie, quand elles provoquent le péché, les assainissements convenables pour qu'elles se conforment aux normes de la justice, et favorisent le bien au lieu d'y faire obstacle » (compendium, 42). Ou encore, que « l'œuvre de miséricorde grâce à laquelle on répond ici et maintenant à un besoin réel et urgent du prochain est indéniablement un acte de charité, mais l'engagement tendant à organiser et à structurer la société de façon à ce que le prochain n'ait pas à se trouver dans la misère est un acte de charité tout aussi indispensable. » (Compendium, 208)(http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/justpeace/documents/rc_pc_justpeace_doc_20060526_compendio-dott-soc_fr.html)
Au-delà des actions individuelles, ne sont-ce pas là des appels clairs à nous positionner en vue d'une politique de la charité, donc aussi dans la reconnaissance des intérêts et des forces qui y font obstacle ?
Ce qui en effet me pose un gros problème dans votre argument, c'est qu'il traduit un refus de mettre le doigt sur la contradiction indépassable entre la volonté individuelle, par exemple de cette personne bien intentionnée dont vous parlez, et la logique capitaliste qui guide de façon irréductible (il n'en sera jamais autrement !) le « système multionationales », dans lequel s'inscrit cette action individuelle, dont il n'y a pas à douter, selon votre témoignage, qu'elle soit sincèrement inssuflée par un élan généreux.
En cela, cette personne, oeuvrant au sein d'un système et d'une culture d'entreprise qui de part sa substance même, ne sera jamais guidée par une autre finalité que celle de la conquête effreinée de nouveaux marchés, en vue d'une accumulation sans limite du profit, est condamnée (dans ce cadre) à jouer le rôle « porteur » de l'alibi : celui de la « conscience ethique et durable », point cardinal aujourd'hui de la stratégie d'entreprise...en vue d'une optimisation capitaliste.
Contradiction intrinsèque et sans issue. Les mêmes mots masquent un gouffre entre l'esprit du don que l'on revendique, inavouablement mis au service d'une stratégie de conquête commerciale, et celui qui se déploie comme la vie en un acte d'amour gratuit, inconditionnel, irréductible au bénéfice matériel ou symbolique qu'on pourrait en tirer.
Ce gouffre sépare une anthropologie du don trinitaire (telle que déjà évoquée sur ce blog : http://plunkett.hautetfort.com/archive/2011/02/25/le-grand-probleme-de-l-occident.html) d'une anthropologie de l'homo oeconomicus dans laquelle le calcul est l'épicentre d'une stratégie au service de l'intérêt individuel ou d'un groupe particulier, dont, dans cette optique, l'esprit du don peut parfaitement venir jouer un rôle efficace.
Dans l'ordre économique, ce gouffre sépare l'activité convertie, en acte, au service du bien commun, d'une entreprise capitaliste, par définition orientée in fine vers la recherche du profit, enrobée dans l'illusion d'une action au service du bien commun. En cela, Danone, comme toutes les multinationales de notre temps, est une pieuse pilleuse.
Le « capitalisme éthique », comme structure de péché, se situe donc d'un côté du gouffre qu'elle ne franchira jamais, et au delà duquel nous est donné de contribuer à une mutation radicale de l'imaginaire et de la sensibilité humaine, et à une transformation révolutionnaire du sens et de la nature de l'activité économique.
C'est ce gouffre que l'idéologie a pour fonction de voiler...
Les hauts stratèges démoniaques de l'idéologie capitaliste ont parfaitement compris, et ce depuis bien longtemps, que pour défendre les intérêts de la caste capitaliste et entretenir la pulsion mortifère qui est à la source de son action, il ne s'agissait surtout pas de s'opposer aux thèmes révolutionnaires des mouvements d'indignés ou aux sensibilités prophétiques qui s'expriment, mais bien au contraire de s'engouffrer dans ces brèches pour y distiller le poison mortel du consenssus, en affichant en douceur leur pleine et entière adhésion à cet élan de vie qui rouvre le chemin de la sobriété et du partage, de l'esprit de don et de gratuité.
Ces stratèges, dans un étourdissant tintamare médiatico-publicitaire, sont les metteurs en scène d'un unanime sursaut collectif, auquel, nous font-ils croire, les grandes multinationales, prendraient une part active et enthousiaste.
Le « tous ensemble, main dans la main, pour sauver la planète », est le grand mensonge politique et économique de notre temps, l'expression d'une pseudo-espérance, le mirage d'une fausse paix à laquelle il nous est demandé à tous de prendre part, sous peine de se voir exposé à la terrible sentence :  Et vous monsieur, vous êtes un pur ? 
Il me semble, plus que jamais, que notre conscience chrétienne nous appelle aujourd'hui à nommer ce mensonge, à y reconnaître ce signe des temps qu'est la révélation du visage de l'antéchrist et de sa fausse douceur.
Par dessus tout, elle nous appelle à y voir le grand enfumage des esprits qui nous détourne des grands signes de Celui qui vient, vers lesquels se rue sans relâche le faux agneau de Dieu.
L'annonce de la Bonne Nouvelle à nos contemporains ne va pas sans la dénonciation de l'imposture qui travaille à la confondre. Le Sermon sur la montagne de Jésus n'est-il pas précédé de l'épreuve face au tentateur-séducteur, dont Il reconnaît le visage et devant lequel Il ne transige pas ?
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Écrit par : Serge Lellouche / | 12/03/2012

MICROCREDIT EN INDE

> Puisqu'on parle de Yunus, il n'est pas inintéressant à mon avis de se pencher sur cette hypothétique réalité-là, à prendre tout de même avec des pincettes : http://www.atlantico.fr/decryptage/inde-microcredit-pousse-indiens-suicides-muhammad-yunus-298066.html

JG


[ De PP à JG - Une partie du circuit du microcrédit indien a été phagocytée par la finance prédatrice. Vouloir changer la société sans (voire contre) le politique, revient à faire de l'architecture sous un bombardement. ]

réponse au commentaire

Écrit par : JG / | 13/03/2012

UN PARTAGE

> Merci Serge. Ce que j'ai mis en avant était davantage un partage d'expérience et de réflexion qu'un argument au service d'une opinion. Mon opinion n'est pas arrêtée sur tous les sujets, loin de là ! D'autant que tous ces éléments sont très complexes à analyser. Je retiens de votre contribution que la personne est première, en effet (et il faut toujours valoriser le bien, même imparfait, que font les personnes concrètes), mais qu'on ne fera pas l'économie d'une refondation structurelle. De quelle ampleur ? A quel rythme ?
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 14/03/2012

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