26/02/2012
À Notre-Dame de Paris, le cardinal Angelo Scola (Milan) définit les tâches du catholique dans la société
Sur l'éthique chrétienne et la vie en société, l'archevêque de Milan (proche de Benoît XVI) a donné une leçon de réalisme chrétien – en mettant notamment en cause " la logique obsessionnelle du profit " :
Archevêque de Milan depuis 2011, le cardinal Angelo Scola est l'un des pasteurs les plus dynamiques et les plus écoutés de l'épiscopat italien. On trouvera sur les sites de la CEF l'intégralité de sa conférence de cet après-midi à Notre-Dame de Paris, ainsi que ses réponses aux questions de l'assistance. Ici quelques notes cueillies au vol en écoutant KTO :
L'économie – « la recherche du profit ne peut être le but unique de l'entreprise » ; elle doit être équilibrée par la solidarité et le bien commun, et l'entreprise doit admettre le « primat du sujet du travail ». Ce primat de l'homme est mis en cause par la domination des marchés financiers : or « le marché n'est pas un fait de nature mais un fait de culture : on peut intervenir sur lui », a souligné le cardinal, se plaçant sur tous ces points au contrepied de l'idéologie libérale.
Question d'un membre de l'assistance au cardinal : « Le transfert de la solidarité à l'Etat est-il compatible avec ce que propose l'éthique chrétienne ? » Réponse (peu libérale) du cardinal : « En principe, oui 1. L'Etat doit faire sa part. Et les chrétiens doivent faire la leur, en partageant, et en témoignant pour Qui ils partagent : reflet du partage qu'accomplit le Christ sur la croix... Ce qui serait grave serait que les chrétiens ne pratiquent pas pour leur part la solidarité en la plaçant au niveau de la charité. »
Dans le même esprit : « la solidarité consiste à donner à autrui quelque chose qui nous appartient, et c'est le bon usage de l'argent selon saint Thomas d'Aquin », souligne aussi le cardinal.
La politique – Citant plusieurs fois le document des évêques français sur le contexte de la campagne présidentielle, le cardinal a défini la tâche catholique d'aujourd'hui : elle s'inscrit dans une société « plurielle et contradictoire », où « le bien social à rechercher est le vivre-ensemble », donc « la reconnaissance réciproque ». Chacun a le devoir de donner son témoignage et son évaluation des enjeux : l'objectif est de trouver ensemble ce qu'en italien on appelle le « compromis noble », un compromis aussi éclairé que possible par les témoignages tâchant de communiquer une vérité. Si ce compromis ne peut être obtenu et si des questions de principe sont en cause, il faut la liberté de l'objection de conscience. Telle est la démarche catholique2 dans la cité de notre temps.
La nouvelle évangélisation - A une question sur le « manque d'espérance » qui sous-tend les symptômes de la société actuelle (notamment « les hystéries médiatiques et les replis identitaires »), le cardinal répond qu'on ne se donne pas l'espérance à soi-même. L'espérance vient « de la rencontre avec Quelqu'un dans une relation vivante, non par nos propres mérites » : ainsi dans l'eucharistie qui communique « la contemporanéité du Christ à ma liberté ». Et « la mission (l'évangélisation que je peux porter) n'est pas une question de stratégie, mais l'explosion pleine de gratitude de l'espérance que j'ai reçue. » Témoigner de notre foi, c'est communiquer dans nos rencontres sociales le Christ vivant ; et notre société en crise – ou plutôt en profond « travail (obstétrique) de changement » – sera toujours plus l'occasion de ces rencontres.3
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1. Réponse qui élimine la thèse libérale (hostile à la solidarité garantie par l'Etat).
2. Elle exclut le fantasme du « bunker » et celui de la « reconquête ». Le catholicisme n'est ni une secte ni un parti.
3. C'est l'intuition de la naissante Fraternité des chrétiens indignés.
19:53 Publié dans Chrétiens indignés, Eglises, En 2012, La crise, Social, Société, Témoignage évangélique | Lien permanent