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18/11/2011

La "royauté sociale du Christ" (2)

Fin de la note de synthèse du P. Culat :


 

De Michel Gitton

à propos de la signification de la fête du Christ Roi :

 

" On ne peut pas reprocher à l’Eglise catholique d’avoir cessé, dans la fin du 20e siècle et au début de ce millénaire, de revendiquer pour le Christ et son Eglise un rôle d’inspiration à l’égard des sociétés autant que des individus. Depuis Paul VI parlant de l’Eglise, à la tribune de l’ONU, comme « experte en humanité », jusqu’aux trois encycliques « sociales » de Jean-Paul II [et à celle de ] notre Saint Père Benoît XVI, le Magistère de l’Eglise a constamment refusé de se borner à un enseignement intemporel et purement spirituel. On le lui a même assez reproché.

Sans doute, ce que l’Eglise n’a pas poursuivi, c’est la revendication d’une mainmise de la religion chrétienne sur les institutions étatiques. Mais celle-ci n’était pas sans ambiguïtés, comme l’histoire l’a montré.

La Royauté du Christ n’est pas une théocratie, qui se ramènerait à la soumission du pouvoir temporel par rapport à l’autorité ecclésiastique : situation qui, outre son invraisemblance dans les circonstances actuelles, relèverait d’une confusion des rôles des plus regrettables. En plaidant pour une « laïcité ouverte », le pape  préserve l’essentiel de la revendication qui a inspiré l’établissement de la fête du Christ Roi au 20e : pas de société digne de ce nom qui mette le religieux en dehors du jeu social, pas de société juste qui force le seuil de la conscience et encourage par le biais des lois des comportements contraires à la loi naturelle.

 Reste que tout cela est de l’ordre du relatif, car le christianisme garde une finalité qui dépasse ce monde et c’est là que la référence au Jugement dernier est capitale pour nous empêcher d’absolutiser des ajustements, dont les meilleurs ne sont jamais que des équilibres provisoires1."



Dans la Lettre des évêques aux catholiques de France

(rapport Dagens)


" Face à la tentation du ressentiment, qui conduit à chercher et à dénoncer des responsables de cette crise, nous tenons à réaffirmer ce que le rapport sur la proposition de la foi a déjà manifesté: nous acceptons sans hésiter de nous situer, comme catholiques, dans le contexte culturel et institutionnel d'aujourd'hui, marqué notamment par l'émergence de l'individualisme et par le principe de la laïcité.

 Nous refusons toute nostalgie pour des époques passées où le principe d'autorité semblait s'imposer de façon indiscutable. Nous ne rêvons pas d'un impossible retour à ce que l'on appelait la chrétienté.

 C'est dans le contexte de la société actuelle que nous entendons mettre en œuvre la force de proposition et d'interpellation de l'Evangile, sans oublier que l'Evangile est susceptible de contester l'ordre du monde et de la société, quand cet ordre tend à devenir inhumain.

 Bref, nous pensons que les temps actuels ne sont pas plus défavorables à l'annonce de l'Evangile que les temps passés de notre histoire.

La situation critique qui est la nôtre nous pousse au contraire à aller aux sources de notre foi et à devenir disciples et témoins du Dieu de Jésus Christ d'une façon plus décidée et plus radicale. » (page 20)

De l'héritage à la proposition

« Au temps où l'Eglise faisait pratiquement corps avec la société globale, malgré bien des contradictions et des affrontements, la transmission de la foi s'opérait d'une façon quasi automatique, les mécanismes de cette transmission étant d'ailleurs intégrés aux fonctionnements normaux de la société. Il était devenu difficile de vérifier l'adage selon lequel on ne naît pas chrétien, mais on le devient.

 Avec le recul du temps, nous devons reconnaître les inconvénients de cette situation ancienne : quand l'annonce de la foi se trouve plus ou moins réduite à la mise en œuvre de procédures quasi automatiques de transmission, des infléchissements imperceptibles peuvent se produire. Certains ont de fait conduit à une sorte de mondanisation de la foi, dans la mesure même où la religion catholique tendait à devenir une fonction de la société, et l'Eglise à être conçue comme un simple service de la société.

 La situation présente comporte des difficultés nouvelles. C'est en effet la communication de la foi qui est aujourd'hui compromise ou rendue très difficile dans de larges secteurs de la société française.

 Paradoxalement, cette situation nous oblige à prendre la mesure de la nouveauté de la foi et de l'expérience chrétienne.

Nous ne pouvons plus seulement nous contenter d'un héritage, si riche qu'il soit. Nous avons à accueillir le don de Dieu dans des conditions nouvelles et à retrouver en même temps le geste initial de l'évangélisation : celui de la proposition simple et résolue de l'Evangile du Christ.

 En même temps, du côté des auditeurs de la Parole, se vérifie un aspect corrélatif de la foi : ils sont amenés à accueillir cette Parole par un acte personnel d'adhésion. » (pages 36/37)

 « Affirmer cela revient à reconnaître le caractère positif de la laïcité, non pas telle qu'elle a été à l'origine, lorsqu'elle se présentait comme une idéologie conquérante et anti-catholique, mais telle qu'elle est devenue après plus d'un siècle d'évolutions culturelles et politiques : un cadre institutionnel, et, en même temps, un état d'esprit qui aide à reconnaître la réalité du fait religieux, et spécialement du fait religieux chrétien, dans l'histoire de la société française.

 Mais, à titre de réciprocité, en tant que catholiques qui héritons de cette histoire longtemps conflictuelle entre l'Eglise et l'Etat, et aussi entre la tradition catholique et la tradition laïque, il nous revient de tirer les conséquences de ces évolutions pour les temps actuels.

 - D'abord, il est toujours important de faire un bon usage de notre mémoire et de notre histoire. Faire un bon usage veut dire respecter la réalité des événements, les situer dans leur contexte, ne pas les projeter artificiellement à notre époque. A cet égard, les rappels historiques ne suffisent pas. Une théologie de l'histoire peut être aussi très utile pour comprendre comment notre histoire demeure une histoire du salut, où les crises elles-mêmes peuvent devenir des moments de renouveau missionnaire, qu'il s'agisse de l'époque des invasions barbares ou de la période révolutionnaire.

 Déchiffrer notre histoire avec le regard de la foi permet d'affronter dans la foi les difficultés actuelles.

 - Quant à ce qui concerne l'importance du fait chrétien à l'intérieur de notre histoire nationale, nous devons rester vigilants. Car la foi ne peut pas être réduite à une tradition religieuse que l'on pourrait utiliser à des fins culturelles, sociales ou politiques. La tradition catholique est inséparable de l'Evangile du Christ qui l'inspire, et du peuple des croyants qui s'en réclame.

En d'autres termes, nous tenons à être reconnus non seulement comme des héritiers, solidaires d'une histoire nationale et religieuse, mais aussi comme des citoyens qui prennent part à la vie actuelle de la société française, qui en respectent la laïcité constitutive et qui désirent y manifester la vitalité de leur foi.

 - Enfin, nous avons un désir fort à exprimer : [...] après deux siècles d'affrontements parfois violents entre la tradition catholique et la tradition laïque, nous souhaitons que l'on parvienne à surmonter les ressentiments et les ressassements réciproques.

 Ne sommes-nous pas plus libres aujourd'hui pour reconnaître que beaucoup des valeurs de nos deux traditions étaient et demeurent des valeurs communes, en particulier le souci de la justice pour tous et le sens de la droiture dans les comportements personnels et sociaux?

 N'avons-nous pas aussi à reconnaître que, face aux fractures sociales et à la crise de transmission généralisée, nous sommes confrontés à un défi commun qui consiste à éveiller les jeunes générations à ces valeurs dont nos deux traditions sont porteuses?

A chacun de nous de prendre ses responsabilités, en cherchant à ne pas réveiller des querelles anciennes, et en faisant un bon usage de la laïcité elle-même.

Pour notre part, au titre de notre citoyenneté et de notre foi, nous voulons contribuer au vouloir-vivre de notre société, et y montrer activement que l'Evangile du Christ est au service de la liberté de tous les enfants de Dieu. » (Pages 27-29)

Nous voilà appelés à proposer l'Evangile non pas comme un contre-projet culturel ou social, mais comme une puissance de renouvellement qui appelle les hommes, tout être humain, à une remontée aux sources de la vie. " (page 25)

 

 _________


A la lecture de ces textes il apparaît clairement que la direction dans laquelle Civitas et la Fraternité Saint Pie X veulent entraîner les catholiques de France, au nom de "la royauté sociale du Christ", est totalement opposée aux consignes des évêques de France en vue de la proposition de la foi dans notre société actuelle. Il n’est donc pas étonnant que les catholiques français se soient déchirés suite aux affaires Piss Christ et Castellucci. On ne peut pas suivre en même temps les consignes de Civitas et l’enseignement de nos évêques : vient un moment où il faut choisir clairement dans quelle direction l’on veut avancer.

                                                                                                                      R.C.

 

 

 ________

 1 http://www.scholasaintmaur.net/Apprendre_a_prier/Christ-Roi_la_raison_d_un_changement_de_date.html



 

Commentaires

LE PARTAGE

> le premier problème de la france n'est pas la laicité mais la primauté du partage matériel et spirituel, spirituel et matériel.
CORDIALEMENT
ps j'avoue que tous les autres sujets m'énervent ces temps ci, pour ne pas dire me blessent.
______

Écrit par : marc-olivier Faisy / | 18/11/2011

TOUT DE MÊME UNE CITATION

> Question. Je suis étonné de voir que le père Culat s'abstient de citer une note doctrinale issue de notre pape actuel (quand il était préfet de la doctrine de foi) et qui ne date que de 2002 après tout. Serait-ce déjà dépassé selon lui, ou bien est-ce que ça lui a échappé? Pourtant c'est très proche du sujet traité, puisqu'il y est question d'action sociale et politique des laïcs, et que Quas Primas y est cité en note tout comme Quanta Cura (de Pie IX, le pape du Syllabus!).
http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20021124_politica_fr.html
______

Écrit par : Claude Gilbert / | 19/11/2011

EXCELLENT ECLAIRAGE

> Merci, excellent éclairage.
Le rapport de l'Eglise avec la société en général est une vaste question et je pense que nous n'avons pas fini d'en débattre.
Je dois avouer que je suis perplexe lorsque je regarde les résultats des 30 ou 40 dernières années en France. Des questions de société comme l'avortement, la stabilité familiale, le respect du corps, ou même celle de l'environnement, que vous évoquez régulièrement, ont la plupart du temps débouché sur des combats perdus, ou démontré chez les catholiques une absence d'esprit d'initiative (au sens où nous n'avons fait que réagir aux initiatives des autres) ou ont pu révéler que les idées chrétiennes ne venaient sur le devant de la scène que lorsqu'elles étaient portées par d'autres (ex de l'écologie).
Pour d'autres sujets, la position chrétienne est globalement ignorée. Le travail par exemple, considéré comme source de profit par les libéraux, comme asservissement par les marxistes : qui aurait l'idée aujourd'hui de considérer le travail avec l'oeil de saint Paul ? Travailler pour la gloire de Dieu, par amour, avec un sens du beau, de l'inutile parfois, du devoir toujours ? Personne n'en parle.
Je pose donc la question :
- la position de principe de base est-elle bonne ?
- si oui, avons nous de bonnes méthodes pour faire passer les messages?
- ou ne manquons nous tout simplement pas d'audace?
Je n'ai pas la réponse...
______

Écrit par : Clément Cassiens / | 21/11/2011

QUAND IL Y A DES SAINTS

> Je crois surtout que nous manquons encore et toujours de sainteté, qui est LA question de la vie chrétienne authentique. Quand il y a des saints, les initiatives prennent et portent beaucoup de fruit (Bx Frédéric Ozanam, St Jean Bosco, et tant d'autres...)
Alors oui, il y a des questions pratiques de communication, de méthodes, etc. Mais surtout, est-ce que nous faisons des choses POUR Dieu (qu'Il le veuille ou non, pour paraphraser Frossard), ou est-ce que notre action s'enracine dans la prière, et que nous Le laissons agir à travers nos mains ?
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Écrit par : Pema / | 21/11/2011

EPOUSER LA DERISION

> Je crois que nous avons surtout péché en cherchant l'efficace et en calquant nos "méthodes" d'évangélisation sur les techniques de marketing et de lobbying. Avec le culte de l'image au détriment de l'authenticité, du sensationnel au détriment de l'essentiel. Bref au fond un vernis bien brillant et ostentatoire de cathos-dynamiques qui s'auto-motivent dans des retraites bâties comme des séminaires, luxe y compris, qui ne résiste pas au temps, et qui aujourd'hui se craquelle un peu partout. Le monde qui s'effondre emporte dans sa chute tout ce qui de l'Eglise lui est inféodé, Dieu en soit loué!.
Ce qu'il y a de petit,de fragile, voilà ce qui alors va apparaître. Cinq pains, deux poissons pour nourrir la foule des affamés, une cabane pour loger les sans-abris(comme celle de ce cancre belge, la bonne blague!disciple de saint François),notre prière de publicain et notre piécette de veuve, feront très bien les affaires du Bon Dieu. C'est en tous cas ma conviction intime. Royauté dérisoire. Epouser la dérision: je crois que c'est notre chemin pour aujourd'hui, non?
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Écrit par : Anne Josnin / | 21/11/2011

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