23/02/2011
"La voix de la France a disparu dans le monde" : sévère analyse d'un groupe de diplomates
...dans Le Monde daté d'aujourd'hui, sous la signature du "groupe Marly". "Un groupe de diplomates français de générations différentes, certains actifs, d'autres à la retraite, et d'obédiences politiques variées, a décidé de livrer son analyse critique de la politique extérieure de la France sous Nicolas Sarkozy. En choisissant l'anonymat, ils ont imité le groupe Surcouf émanant des milieux militaires, dénonçant lui aussi certains choix du chef de l'Etat" :
Extraits :
<< l'Europe est impuissante, l'Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore ! ...Plus grave, la voix de la France a disparu dans le monde. Notre suivisme à l'égard des Etats-Unis déroute beaucoup de nos partenaires... Aujourd'hui, ralliés aux Etats-Unis comme l'a manifesté notre retour dans l'OTAN, nous n'intéressons plus grand monde car nous avons perdu notre visibilité et notre capacité de manœuvre diplomatique...>>
Déplorant l'impulsivité des initiatives élyséennes, les diplomates du groupe Marly – ils citent Alain Juppé et Hubert Védrine [1] – plaident pour un retour aux fondamentaux de la Ve République en politique internationale. Ils demandent une politique étrangère "réfléchie et stable", dont le contenu se définirait autrement que par la docilité envers Washington.
Une politique se juge à ses résultats, non aux bouffées d'excitation médiatique qu'elle suscite ; les résultats de la politique étrangère française depuis 2007 sont accablants de nullité. On pourrait d'ailleurs en dire autant des résultats de la politique internationale américaine. Or les Etats-Unis ont des moyens plus puissants que la France. Donc la nullité des résultats, des deux côtés de l'Atlantique, est imputable aux orientations (à l'aveuglement) de cette politique, plutôt qu'à ses moyens respectifs. C'est clair au Moyen-Orient, mais aussi dans le reste du monde. Une politique qui se résume au bourbier afghan et à la dénonciation obsessionnelle du "terrorisme" n'est pas une politique... Du point de vue du "jeu de la France dans le monde" (comme on disait naguère), c'est atterrant. [2]
Mais ça l'est aussi du point de vue chrétien. En effet, la politique de "l'Occident", aveugle et nulle sur la plan de la compréhension des peuples et de l'histoire, a une face cachée : la rapacité envers les matières premières, notamment énergétiques, pour faire fonctionner le système productiviste du capitalisme tardif. Cette rapacité conduit à des guerres du type irakien et afghan : autrement dit, des guerres de riches contre les moins riches, ou carrément contre les pauvres ; ces guerres envers lesquelles l'Eglise catholique ne cesse de mettre en garde depuis les années 1990. Et c'est l'une des raisons [3] pour lesquelles cette Eglise est si mal vue des médias, centre nerveux du capitalisme tardif...
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[1] "L'instrument (diplomatique) est sur le point d'être cassé", Le Monde, 7 juillet 2010. Aujourd'hui c'est fait : l'Elysée nous fait entrer dans l'ère Boillon. Désormais le langage des ambassadeurs est : "mais qu'est ce que c'est que ça ? ça veut dire quoi ? c'est quoi ça ? Terminé !"
[2] Ne parlons pas de l'Europe, qui refuse d'exister dans ce domaine (comme dans d'autres).
[3] Non la seule, hélas.
10:29 Publié dans Europe, L'Afghanistan, La crise | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
LECTURE INSTRUCTIVE...
http://calvaryandmore.blogspot.com/2011/02/john-macarthur-interview-john-macarthur.html
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Écrit par : Pierre-Aelred/ | 23/02/2011
DOIGT DANS L'OEIL
> Je pensais qu'il n'était pas possible de se mettre plus "le doigt dans l'oeil" que François Mitterrand au moment de la chute du communisme et de la réunification allemande. Et bien si, nous sommes en train de vivre une performance supérieure avec la diplomatie de Nicolas Sarkozy en ces temps de printemps des peuples dans le monde arabe. Certes, tout n'a pas commencé avec lui et les socialistes perdent la mémoire (tous les régimes dictatoriaux et corrompus qui chutent dans le sang faisaient - voire font encore - partie de l'Internationale socialiste): le moment venu il sera bon de le leur rappeler tant leur posture actuelle de donneur de leçon est odieuse (il faudra aussi rafraîchir la mémoire de Dominique de Villepin). Il reste que les bourdes du trio Sarkozy - MAM - sans oublier le petit Boris de Tunis (le nouvel ambassadeur calamiteux envoyé par la France au nouveau régime tunisien) - nous coupent le souffle! Digitus in oculo usque ad claviculum.
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Écrit par : B.H./ | 23/02/2011
TERRIBLE
> "Quelle terrible époque que celle où des idiots gouvernent des aveugles"
William Shakespeare
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Écrit par : bardolph/ | 24/02/2011
DELCASSE
> Comme beaucoup, je pensais qu'il n'y avait que cinq choses que Dieu lui-même ne savait pas.
Il y en a au moins une sixième : le point de savoir si, à ce force de se retourner dans sa tombe, la dépouille mortelle de Théophile Delcassé est à l'envers ou à l'endroit.
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Écrit par : Feld / | 24/02/2011
CAMP DES SAINTS
> Dans mon immense naïveté, je pensais que la célèbre prophétie de Marthe Robin devait s'entendre comme "la France tombera très bas, plus bas que les autres GRANDES nations". Or, l'inconcevable - une France aussi influente sur la scène internationale que le Niger ou le Costa Rica- est en train de se concrétiser. Parfois, je me dis que je vais me réveiller, que ce n'est qu'un mauvais rêve...mais force est de constater que j'ai le sommeil lourd.
PS : dans le registre "déclinisme/catastrophisme", j'attends avec impatience de pouvoir lire "Le camp des saints" de Jean Raspail. Un roman, écrit en 1973, semble-t-il prophétique. L'un d'entre vous l'a-t-il déjà lu ?
F.
[ De PP à F. :
- Oui : moi par exemple, en 1974, et des dizaines de milliers d'autres depuis...
- J'ai amitié et respect pour l'homme Raspail, et j'ai pris part naguère à la première invasion des Minquiers !
- Mais depuis ma conversion, à partir de 1985, je trouve que 'Le Camp des saints' (excellent en tant que roman) devrait, sur le plan théologique et pastoral, poser quelques problèmes de discernement aux catholiques. Pressentiment et prophétie sont deux choses différentes : le pressentiment vient de l'homme, la prophétie vient de Dieu. Une catastrophe "pressentie" peut être ce que Dieu nous donne "prophétiquement" à vivre pour y témoigner. Le martyre des chrétiens sous l'Empire romain fut "prophétique", et l'on ne peut pas dire que ce qui leur arrivait au Colisée était gratifiant. Les drapeaux, les trompettes, les armes astiquées, les belles cuirasses et la monarchie sacrale étaient bien là... mais du mauvais côté.
- Amorcé de longue date et sans doute irréversible, l'affaissement des pays riches (sous le poids de leur malthusianisme et de leur matérialisme mercantile) est de leur propre faute. L'afflux des jeunes immigrés venant des pays pauvres est la conséquence du désert démographique européen, dont les Européens sont les seuls responsables. Dire "right or wrong, my country" - ou "my ethnic group" - est l'antithèse du christianisme.
- Nous n'avons pas sur terre de cité permanente : nous sommes un peuple en marche à travers les âges vers la Jérusalem céleste. Marcher à travers les âges ne se fait pas à reculons.
- Quant à idéaliser le passé... Un des héros positifs du 'Camp des Saints' est commandant de bord et porte le nom de Notaras, en hommage au mégaduc Notaras de Byzance. Mais en réalité ce Notaras, juste avant la chute de la ville, avait empêché l'alliance Byzance-Rome au cri de : "Plutôt le turban que la tiare du pape." C'était le symptôme de l'épuisement du système byzantin. Quand un système est épuisé, il s'effondre. C'est un signe des temps, donc un signe de la Providence, et le monde ne s'arrête pas de tourner.
- C'est dans le monde de demain quel qu'il soit, non dans celui d'avant-hier, que Dieu nous demande d'être ses témoins. Et ce n'est pas le Dieu des boucles de ceinturon : c'est le Dieu chrétien, celui des martyrs imitateurs de Jésus crucifié. Le vrai rôle de "levain chrétien dans l'histoire" est d'imiter Jésus, et - que je sache - celui-ci n'a pas recherché l'opulence et la domination, et il n'a pas dit aux disciples : "allez et fondez des Etats". Un chrétien croyant ne peut voir les choses autrement, si j'en crois la 'Théologie de l'histoire selon saint Bonaventure', maître-livre de Joseph Ratzinger. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Feld/ | 25/02/2011
LE RETOUR DE SAINT BONAVENTURE
> Juste un mot, cher PP, pour vous signaler, à l’appui de votre réponse à Feld, que saint Bonaventure fait son grand retour. Entre « usage droit des choses sensibles » et concept de « minorité », le docteur séraphique a beaucoup à dire aux chrétiens et aux écologistes du nouveau siècle, ainsi qu’aux puissants de toutes espèces. Une normalienne de 30 ans, Laure Solignac, vient de lui consacrer une thèse de doctorat en philosophie, non encore éditée, mais dont un extrait est livré chez Parole et Silence (collection Collège des Bernardins-Ecole cathédrale) sous le titre : « La théologie symbolique de saint Bonaventure ».
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Écrit par : Denis/ | 25/02/2011
A PP:
> Il est vrai que ma conception du christianisme a toujours été polluée par une idée que l'on pourrait résumer comme suit : le Christ, l'Eglise, la France, l'Armée, c'est tout un. Avec à la clé un certain nombre de choix, personnels et professionnels (même si j'ai dû, pour un certain nombre de raisons, renoncer à la carrière des armes).
J'ai un peu de mal à "décoloniser mon imaginaire", pour reprendre la célèbre expression décroissante. Je pense que c'est quelque chose qu'il faut demander à l'Esprit Saint ?
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Écrit par : Feld/ | 26/02/2011
@ Feld
> A mon avis, c'est bien la personne qui est appelée à être "tout un". Sur le chemin de "l'unité de vie", c'est toute la personne - y compris sa culture, ses racines, son histoire, ses goûts et préférences - qui est appelé à être tournée vers le Christ. A mon sens, il ne s'agit pas tant de "décoloniser son imaginaire" que de l'ordonner au Christ, de l'évangéliser.
Le Christ a "partagé notre condition humaine en toutes choses" : il avait une culture (celle d'Israël, mais aussi une culture familiale), une généalogie humaine faite de justes et de pécheurs, une éducation, un imaginaire, des habitudes, des accents de son père et sa mère, un tempérament, des goûts et préférences, des amis préférés etc.
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Écrit par : Guillaume de Prémare/ | 26/02/2011
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