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18/05/2010

Golfe du Mexique : Washington va (enfin) enquêter sur les compagnies pétrolières et leurs comparses fédéraux

...mais Obama est assis entre deux chaises :


 

Barack Obama instaure une commission présidentielle d'investigation sur la marée noire dans le golfe du Mexique. Objet : « enquêter sur les pratiques de l'industrie pétrolière, le rôle du contrôle gouvernemental et la protection de l'environnement ». Cette commission, sans élus ni fonctionnaires gouvernementaux, sera similaire à celles de 1986 (sur la navette Challenger) et de 1979 (sur la centrale nucléaire de Three Miles Island. Elle enquêtera sur : la fuite sous-marine de brut et ses conséquences ; la sécurité de la plate-forme de forage ; les dispositions réglementaires au niveau local, au niveau de l'Etat et au niveau fédéral.

Cette annonce intervient alors que la compagnie BP, exploitant du forage, affirme qu'elle était parvenue à siphonner un cinquième des « 5.000 » (selon elle) barils qui s'échappent chaque jour depuis près d'un mois dans le golfe du Mexique. «  J'ai le sentiment que nous avons pour la première fois franchi un cap dans ce défi », dit (en pure langue de bois corporate) Tony Hayward, directeur général de la compagnie pétrolière. Cette annonce est accueillie avec scepticisme par le gouvernement : ni le chiffrage ni la méthode allégués par BP n'inspirent confiance.

La complicité avec les géants du pétrole était la vraie religion de la Maison Blanche à l'époque de Bush. C'est moins vrai aujourd'hui. Pour preuve, l'éviction – ces jours-ci – d'un haut responsable (en charge des forages en mer) de l'Agence des ressources géologiques, dépendant du département de l'Intérieur : agence accusée par Obama de s'être montrée trop « coulante » avec les compagnies pétrolières. Obama avait tempêté la semaine dernière contre les trois compagnies pétrolières impliquées : BP, Halliburton [1] et Transocean, les accusant d'avoir cherché à se renvoyer la responsabilité de la catastrophe. «Les Américains n'ont pas été dupes, et moi non plus» , avait-il proclamé. Tout en soulignant la culpabilité du gouvernement fédéral, qui a «échoué gravement» dans ce domaine à l'époque Bush... «Depuis trop longtemps, une relation de proximité a existé entre les compagnies pétrolières et l'agence fédérale qui leur permet de forer» , avait indiqué Obama. Ce qui laissait présager une refonte de l'agence.

Mais cet effet d'annonce est contrecarré par un autre élément : Obama a récemment annoncé son soutien à l'extension des forages en mer, auxquels il s'était dit opposé pendant sa campagne...

 

 

Le golfe assassiné



Pendant ce temps, la catastrophe dans le golfe du Mexique ne cesse de s'amplifier malgré le pompage annoncé par BP. Une quantité illimitée de pétrole se déverse dans les fonds sous-marins. Des scientifiques viennent d'annoncer que la fuite pourrait être 14 fois supérieure à l'estimation officielle (800 000 litres de brut déversés par jour). Ils ont en effet découvert d'importantes nappes de pétrole en grande profondeur, étagées sur plusieurs niveaux, qui seraient en train de priver le golfe du Mexique d'oxygène : ce qui tuerait la faune marine dans toute la zone.

Pour mesurer la gravité du désastre, il faut se rappeler que, dès avant la pollution BP, le golfe du Mexique était déjà une zone menacée de mort biologique. C'est ce que j'indiquais dans mon enquête L'Ecologie de la Bible à nos jours (L'Oeuvre, 2008) :



« Qu'est-ce qu'une zone morte ? C'est un espace aquatique où il n'y a plus assez d'oxygène pour les coraux, les poissons, les huîtres, ou les herbiers qui sont des habitats naturels. Ces formes de vie disparaissent alors : ne survivent que des bactéries, comme il y a plusieurs milliards d'années. C'est de la ''décréation'' à l'état pur. On en a des exemples frappants en mer Baltique ou dans le golfe du Mexique, et les cas se multiplient : en 2004, les mers du monde recélaient déjà plus de 150 zones mortes, dont certaines atteignaient 170 000 km2. Ce phénomène aquatique d' ''anoxie'' (absence d'oxygène) ''existe çà et là dans la nature, mais à une échelle réduite et saisonnière. Il a commencé à prendre une ampleur anormale à partir des années 1970, et il va s'intensifier'', explique Klaus Toepfer [2] en 2004. […] Dans le golfe du Mexique, toute la pollution agro-industrielle du Middle West américain se déverse ; l'espace de la zone marine morte a doublé entre 1985 et 1987 ; un sommet d'anoxie a été atteint en 2007. Or l'année 2007 dut aussi celle du record de surface plantée en maïs aux Etats-Unis... La corrélation saute aux yeux, constate le groupe d'études marines de l'université de Louisiane. En effet, ce maïs OGM, massivement subventionné par Washington, sert à produire de l'éthanol : le pseudo ''biocarburant'' sur lequel mise l'industrie américaine. Les écologistes américains avaient donné l'alerte : ''Ce maïs transgénique nécessite des engrais azotés et du désherbant chimique en quantité croissante, il émet la toxine ''Bt'' dans le sol autour de ses racines, et tout ça est lessivé vers les rivières et la mer par l'érosion des sols.'' En 2007, les spécialistes évaluent la zone porte du golfe du Mexique à plus de 20 000 km2. Le plus amer est que les zones mortes émettent des gaz à effet de serre : précisément ce contre quoi les ''biocarburants'' étaient supposés remédier... »



Qu'en retenir ? D'une part, le fait que tous les problèmes d'environnement se tiennent et s'impliquent mutuellement. D'autre part, l'ambiguité de l'attitude d'Obama. Enfin, la culpabilité éclatante du système productiviste : comme dit Benoît XVI, « il faut changer le modèle de développement global ».

Dernier point : selon les sondages de la semaine dernière, la confiance dans les compagnies pétrolières s'effondre chez les Américains. De même que leur appui aux forages dans les eaux territoriales. [3]

 

 

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[1]  Se souvenir que la guerre d'Irak fut déclenchée notamment dans l'intérêt de Halliburton.

[2]  Dans le premier Global Environment Outlook (GEO 1). Klaus Toepfer était le directeur exécutif du PNUE.

[3]  Sauf chez les républicains, plus partisans que jamais de forer en mer à outrance... et toujours persuadés que les défenseurs de l'environnement sont « des agents de la subversion communiste ».

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11:00 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : golfe du mexique

Commentaires

OBAMA ET BP

> Heureux de vous voir de retour.
Ceci dit si je ne m'abuse (j'ai lu cette info voici deux-trois semaines et je ne l'ai pas conservée malheureusement) Mr. Obama était le premier bénéficiaire des largesses financières de BP lors de la dernière campagne... ceci peut sans doute - en partie - expliquer cela.
Sinon vous pouvez toujours lire ceci : http://www.internationalnews.fr/article-obama-administration-blocked-efforts-to-stop-bp-oil-drilling-before-explosion-50179264-comments.html ou cela http://www.wsws.org/articles/2010/may2010/obam-m11.shtml
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Écrit par : Pierre-Aelred / | 18/05/2010

ALLELUJA !

> J'ai retrouvé le fameux article sur les contributions reçues de BP :
http://www.politico.com/news/stories/0510/36783.html
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Écrit par : Pierre-Aelred / | 19/05/2010

Les commentaires sont fermés.