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15/06/2009

L'Eglise catholique évolue : une nouvelle génération efface les tabous d'hier

091107_mgr_brugues[1].jpgUn discours crucial de Mgr Bruguès,           secrétaire de la congrégation pour       l'éducation catholique :


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Formation au sacerdoce : entre sécularisme       et modèles d'Eglise (discours aux recteurs des séminaires pontificaux - L'Osservatore Romano, 3 juin)

 

 

<< Il est toujours risqué d'expliquer une situation sociale à partir d'une seule interprétation. Mais certaines clés ouvrent plus de portes que d'autres. Depuis longtemps je suis convaincu que la sécularisation est devenue un mot-clé pour penser aujourd'hui nos sociétés, mais aussi notre Eglise.

La sécularisation représente un processus historique très ancien puisqu'il est né en France au milieu du XVIIIe siècle, avant de s'étendre à l'ensemble des sociétés modernes. Mais la sécularisation de la société varie beaucoup d'un pays à l'autre.

En France et en Belgique, par exemple, elle a tendance à bannir les signes d'appartenance religieuse de la sphère publique et à ramener la foi dans la sphère privée. On remarque la même tendance, mais moins forte, en Espagne, au Portugal et en Grande-Bretagne. Aux Etats-Unis, en revanche, la sécularisation s'harmonise facilement avec l'expression publique des convictions religieuses : on l'a encore vu à l'occasion des dernières élections présidentielles.

Depuis une dizaine d'années, un débat très intéressant s'est ouvert à ce sujet entre les spécialistes. Jusqu'alors il semblait qu'on devait considérer comme acquis que la sécularisation à l'européenne était la règle et le modèle, celle de type américain étant l'exception. Mais aujourd'hui beaucoup de gens - comme Jürgen Habermas, par exemple - pensent que c'est le contraire qui est vrai et que même en Europe postmoderne les religions joueront un nouveau rôle social.



LA NOUVELLE GENERATION N'A PAS LES « PREJUGES NEGATIFS » DE L'ANCIENNE



Quelque forme qu'elle ait prise, la sécularisation a provoqué dans nos pays un effondrement de la culture chrétienne. Les jeunes qui se présentent dans nos séminaires ne savent plus rien ou presque de la doctrine catholique, de l'histoire de l'Eglise et de ses coutumes. Cette inculture généralisée nous oblige à effectuer des révisions importantes dans la pratique suivie jusqu'à présent. J'en citerai deux.

Tout d'abord, il me paraît indispensable de prévoir pour ces jeunes une période - un an ou plus - de formation initiale, à la fois catéchétique et culturelle. Les programmes peuvent être conçus de différentes manières, en fonction des besoins spécifiques de chaque pays. Personnellement, je pense à une année entière consacrée à l'assimilation du Catéchisme de l'Eglise Catholique, qui se présente comme un résumé très complet.

Deuxièmement, il faudrait revoir nos programmes de formation. Les jeunes qui entrent au séminaire savent qu'ils ne savent pas. Ils sont humbles et désireux d'assimiler le message de l'Eglise. On peut travailler vraiment bien avec eux. Leur manque de culture a ceci de positif qu'ils ne traînent plus avec eux les préjugés négatifs de leurs aînés. C'est une chance. Nous sommes donc amenés à construire sur une “table rase”. Voilà pourquoi je suis favorable à une formation théologique synthétique, cohérente et visant à l'essentiel.

Cela implique que les enseignants et les formateurs renoncent à une formation initiale caractérisée par un esprit critique - comme ce fut le cas de ma génération, pour laquelle la découverte de la Bible et de la doctrine a été contaminée par un esprit de critique systématique - et à la tentation d'une spécialisation trop précoce : précisément parce qu'il manque à ces jeunes le background culturel nécessaire.

Permettez-moi de vous confier quelques questions qui me viennent maintenant à l'esprit. On a mille fois raison de vouloir donner aux futurs prêtres une formation complète et de haut niveau. Comme une mère attentive, l'Eglise veut le meilleur pour ses futurs prêtres. Les cours ont donc été multipliés, au point d'alourdir les programmes d'une façon qui me paraît exagérée. Vous avez probablement senti le risque de découragement chez beaucoup de vos séminaristes. Je pose la question : une perspective encyclopédique est-elle adaptée à ces jeunes qui n'ont reçu aucune formation chrétienne de base? Cette perspective n'a-t-elle pas provoqué une fragmentation de la formation, une accumulation des cours et une organisation trop historicisante? Est-il vraiment nécessaire, par exemple, de donner à des jeunes qui n'ont jamais appris le catéchisme une formation approfondie en sciences humaines ou en techniques de communication?

Je conseillerais de choisir la profondeur plutôt que l'étendue, la synthèse plutôt que la dispersion dans les détails, l'architecture plutôt que la décoration. Autant de raisons me portent à croire que l'étude de la métaphysique, si contraignante soit-elle, est une phase préliminaire absolument indispensable à l'étude de la théologie. Ceux qui viennent chez nous ont souvent reçu une solide formation scientifique et technique - c'est une chance - mais leur manque de culture générale ne leur permet pas d'entrer d'un pas décidé dans la théologie.



LA NOUVELLE GENERATION : UNE « EGLISE DE CONVICTION »



En de nombreuses occasions, j'ai parlé des générations : la mienne, celle qui m'a précédé, les générations futures. C'est pour moi le nœud crucial de la situation actuelle. Certes, le passage d'une génération à l'autre a toujours posé des problèmes d'adaptation, mais ce que nous vivons aujourd'hui est tout à fait particulier.

Le thème de la sécularisation devrait nous aider, là aussi, à mieux comprendre. Elle a connu une accélération sans précédent au cours des années 60. Pour les hommes de ma génération et plus encore pour ceux qui m'ont précédé, souvent nés et élevés dans un milieu chrétien, elle a constitué une découverte essentielle, la grande aventure de leur vie. Ils en sont donc arrivés à interpréter l'”ouverture au monde” souhaitée par le concile Vatican II comme une conversion à la sécularisation.

C'est ainsi que nous avons vécu, ou même favorisé, une auto-sécularisation extrêmement puissante dans la plupart des Eglises occidentales.

Les exemples abondent. Les croyants sont prêts à s'engager au service de la paix, de la justice et de causes humanitaires, mais croient-ils à la vie éternelle ? Nos Eglises ont fait un immense effort pour renouveler la catéchèse, mais cette catéchèse n'a-t-elle pas tendance à négliger les réalités ultimes ? Nos Eglises, sollicitées par l'opinion publique, se sont embarquées dans la plupart des débats éthiques du moment, mais dans quelle mesure parlent-elles du péché, de la grâce et de la vie théologale ? Nos Eglises ont déployé avec succès des trésors d'ingéniosité pour faire mieux participer les fidèles à la liturgie, mais celle-ci n'a-t-elle pas perdu en grande partie le sens du sacré ? Peut-on nier que notre génération, peut-être sans s'en rendre compte, a rêvé d'une “Eglise de purs”, une foi purifiée de toute manifestation religieuse, mettant en garde contre toute manifestation de dévotion populaire comme les processions, les pèlerinages, etc.?

Le choc entre la sécularisation et nos sociétés a profondément transformé nos Eglises. On pourrait avancer l'hypothèse selon laquelle nous sommes passés d'une Eglise d'”appartenance”, où la foi était donnée par le groupe de naissance, à une Eglise de “conviction”, où la foi se définit comme un choix personnel et courageux, souvent en opposition avec le groupe d'origine. Ce passage a été accompagné d'impressionnantes variations numériques. On a vu diminuer à vue d'œil la présence dans les églises, au catéchisme, et dans les séminaires. Toutefois, il y a quelques années, le cardinal Lustiger avait démontré, chiffres en main, qu'en France le rapport entre le nombre des prêtres et celui des pratiquants réels était toujours resté le même.

Nos séminaristes et nos jeunes prêtres appartiennent eux aussi à cette Eglise de “conviction”. Ils ne viennent plus tellement des campagnes mais plutôt des villes et surtout des villes universitaires. Ils ont souvent grandi dans des familles divisées ou “éclatées”, ce qui leur laisse des traces de blessures et, parfois, une sorte d'immaturité affective. Le milieu social d'appartenance ne les soutient plus : ils ont choisi d'être prêtres par conviction et ont renoncé, de ce fait, à toute ambition sociale (ce que je dis n'est pas vrai partout : je connais des communautés africaines où la famille ou le village portent encore des vocations nées dans leur sein). C'est pourquoi ils ont un profil plus déterminé, des individualités plus fortes et des tempéraments plus courageux. A ce titre, ils ont droit à toute notre estime.

La difficulté sur laquelle je voudrais attirer votre attention dépasse donc le cadre d'un simple conflit de générations. Ma génération, j'insiste là-dessus, a identifié l'ouverture au monde à une conversion à la sécularisation, pour laquelle elle a éprouvé une certaine fascination. Les plus jeunes, au contraire, sont nés dans la sécularisation, c'est leur environnement naturel, ils l'ont assimilée avec le lait de la nourrice : mais ils cherchent surtout à prendre leurs distances vis-à-vis d'elle et ils revendiquent leur identité et leurs différences.



D'UNE INTERPRETATION DE VATICAN II À UNE AUTRE



Il existe désormais dans les Eglises européennes, et peut-être aussi dans l'Eglise américaine, une ligne de partage, et parfois de fracture, entre un courant de “composition” et un courant de “contestation”.

Le premier nous conduit à penser qu'il y a, dans la sécularisation, des valeurs à forte matrice chrétienne comme l'égalité, la liberté, la solidarité, la responsabilité et qu'il doit être possible de trouver un accord avec ce courant et de définir des domaines de coopération.

Le second courant, au contraire, invite à prendre ses distances. Il considère que les différences ou les oppositions, surtout dans le domaine de l'éthique, vont devenir de plus en plus marquées. Il propose donc un modèle alternatif par rapport au modèle dominant et accepte de tenir le rôle d'une minorité contestatrice.

Le premier courant a été prédominant pendant l'après-concile; il a fourni la matrice idéologique des interprétations de Vatican II qui se sont imposées à la fin des années 60 et pendant la décennie suivante.

Cela s'est inversé à partir des années 80, surtout - mais pas exclusivement - sous l'influence de Jean-Paul II. Le courant de “composition” a vieilli mais ses adeptes détiennent encore des positions clés dans l'Eglise. Le courant du modèle alternatif s'est considérablement renforcé mais il n'est pas encore devenu dominant. C'est ainsi que s'expliquent les tensions actuelles dans beaucoup d'Eglises de notre continent.

Je n'aurais pas de mal à illustrer par des exemples l'opposition que je viens de décrire.

Les universités catholiques se répartissent aujourd'hui selon cette ligne de partage. Certaines jouent la carte de l'adaptation et de la coopération avec la société sécularisée, ce qui les contraint à prendre leurs distances de manière critique à propos de tel ou tel aspect de la doctrine ou de la morale catholique. D'autres, d'inspiration plus récente, mettent l'accent sur l'affirmation de la foi et la participation active à l'évangélisation. Il en est de même pour les écoles catholiques.

Et, pour revenir au sujet de cette rencontre, on pourrait en dire autant à propos du profil-type de ceux qui frappent à la porte de nos séminaires ou de nos maisons religieuses.

Les candidats de la première tendance sont de plus en plus rares, au grand déplaisir des prêtres des générations les plus âgées.

Les candidats de la seconde tendance sont aujourd'hui plus nombreux que les premiers, mais ils hésitent à franchir le seuil de nos séminaires parce que, souvent, ils n'y trouvent pas ce qu'ils cherchent.

Ils sont porteurs d'une préoccupation d'identité (ils sont parfois qualifiés, avec un certain mépris, d'”identitaires”) : identité chrétienne - en quoi devons-nous nous distinguer de ceux qui ne partagent pas notre foi? - et identité du prêtre, alors que l'identité du moine ou du religieux est plus facilement perceptible.

Comment favoriser une harmonie entre les éducateurs, qui appartiennent souvent au premier courant, et les jeunes qui s'identifient au second ? Les éducateurs continueront-ils à s'attacher à des critères d'admission et de sélection qui datent de leur époque mais ne correspondent plus aux aspirations des plus jeunes ? On m'a cité un séminaire français où les adorations du Saint-Sacrement avaient été supprimées depuis une bonne vingtaine d'années parce qu'elles étaient jugées trop dévotionnelles : les nouveaux séminaristes ont dû se battre pendant plusieurs années pour qu'elles soient rétablies, tandis que certains enseignants ont préféré démissionner face à ce qu'ils considéraient comme un “retour au passé”; en cédant aux demandes des plus jeunes, ils avaient l'impression de renier ce pour quoi ils s'étaient battus toute leur vie.

Dans le diocèse dont j'étais évêque j'ai connu de telles difficultés quand des prêtres plus âgés - ou des communautés paroissiales entières - éprouvaient une grande difficulté à répondre aux aspirations des jeunes prêtres qui leur étaient envoyés.

Je comprends les difficultés que vous rencontrez dans votre ministère de recteurs de séminaires. Plus que le passage d'une génération à une autre, vous devez assurer harmonieusement le passage d'une interprétation du concile Vatican II à une autre et, peut-être, d'un modèle ecclésial à un autre. Votre position est délicate mais elle est absolument essentielle pour l'Eglise. >>

 

Commentaires

"CRUCIAL"

> C'est l'adjectif qui convient. L'analyse de cet évêque français met un terme au jeu auquel se livraient volontiers les catholiques... français : nier les problèmes. Mgr Bruguès énonce clairement la réalité : le collapsus de toutes les transmissions culturelles en Europe a réduit le milieu catholique à peu de chose, surtout en France, mais le peu de vocations qui en naît est d'une nature inédite. Au vu des attentes de la nouvelle génération, les vieilles "options pastorales" des années 1970-1980 se révèlent dramatiquement ringardes. On a d'ailleurs pu en apprécier les résultats. Aujourd'hui la page est tournée sur le plan de l'histoire. Hélas elle ne l'est pas encore sur le plan sociologique : une partie des « institutionnels », notamment dans l'Hexagone, restent captifs de la mentalité ancienne. D'où le discours de Mgr Bruguès, précédé (dans les années 1990) des analyses de Josef Ratzinger sur l'urgence de balayer les « coquilles vides » pour répondre à l'appel des nouveaux temps.
Le Magistère veut le changement. Non le faux changement des seventies (être le moins chrétien possible), mais le véritable changement : le recentrage du catholicisme, non sur des "valeurs" (?) ou des nostalgies, mais sur le noyau incandescent de la Révélation. L'heure n'est plus aux esquives de gauche ou de droite, mais à la mise en lumière de la foi chrétienne. Parler d'autre chose que de la foi (faire du "catholicisme" sentimental, sans témoignage de foi) serait anachronisme et – disons-le – fumisterie : le rendez-vous avec l'avenir est une chose plus sérieuse.

Écrit par : PP | 15/06/2009

OUVERTURE

> Il faut espérer que cette évolution des vocations de prêtres, jugée « identitaire » par nombre de leurs anciens et formateurs, ne viendra pas contredire l’évolution de nos relations avec nos frères aînés juifs, dont le cardinal Barbarin vient de rappeler, à l’occasion de son voyage en Biélorussie, qu’elles relevaient moins du dialogue interreligieux que de l’oecuménisme. En témoigne ce passage de sa conférence à l’Institut de Théologie Saints Méthode et Cyrille de l’Université d’Etat de Minsk (http://lyon.catholique.fr/?Le-cardinal-Philippe-Barbarin-en) :
« Cette recherche, longue et difficile, du Concile Vatican II aboutit à la publication du décret Nostra Aetate sur le dialogue interreligieux, dont le paragraphe 4 est consacré à la religion juive. Il est intéressant de noter que peu après, le dialogue avec les juifs change de place, si l’on peut dire, dans « l’organigramme » de l’Eglise catholique. Il quitte l’orbite du dialogue interreligieux. La Commission des Rapports avec le Judaïsme se trouve désormais, et depuis quelques décennies déjà, rattachée au Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité des chrétiens. Cela indique que, parmi toutes les religions, les juifs ont pour nous une place à part et qu’ils sont regardés par les Eglises et communautés chrétiennes comme une racine commune, comme des frères aînés dans la grande aventure de l’Alliance. »
D’une façon générale, ne faut-il pas voir dans cette déclaration du primat des Gaules et dans son action déterminée pour dialoguer avec les musulmans sur le thème du Dieu de Miséricorde, une manifestation majeure de l’Esprit Saint pour notre temps, et qui paraît bien relever, quoi qu'on en dise, de « l’ouverture au monde » prônée par la vieille garde des prêtres diocésains ?
Denis


[ De PP à D. :
- Ce sont les tenants de la vieille école qui accusent ces vocations d'être "identitaires"
(pour les déprécier). Et c'est un abus de langage : en effet, selon la théologie catholique,
l'"identité" sacerdotale est le contraire d'une revendication et d'une crispation possessive, puisque c'est un don gratuit du Christ ! Le prêtre est "configuré au Christ", donc dépossédé de lui-même...
- Si l'on se souvient du passage de saint Paul sur l'olivier et la greffe (valable pour les chrétiens en général et les prêtres en particulier), on voit que cette "identité" ne saurait faire obstacle au dialogue judéo-chrétien ! D'autant que la conception catholique du rapport à la Bible immunise contre la captation fondamentaliste - qui, elle, aboutit à spolier le peuple juif de sa propre Ecriture...
- Sur l'ouverture au monde : ne pas confondre l'urgence du dialogue avec la minimisation de la foi, comme on le faisait il y a trente et quelques années !]

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Écrit par : Denis | 15/06/2009

HUMMES ET BRUGUÈS

> J'essaie de comprendre ce texte en parallèle avec celui du cardinal Hummes traité récemment sur ce blog: "le cardinal Cláudio Hummes, préfet de la Congrégation pour le clergé, a invité tout prêtre « à comprendre et à parler le langage du monde pour être écouté et compris ». Faut-il rapprocher ou opposer Bruguès et Hummes? Éclairez-moi quelqu'un.
Pierre

[ De PP à P. - Mais il n'ya aucune opposition ! L'ancienne école est restée crispée sur ses illusions des années 1970, ce qui remonte à quarante ans. Le langage à parler "pour être écouté et compris" est celui d'aujourd'hui. Autrement dit : le langage des réalités, des souffrances et des attentes d'aujourd'hui, qui n'ont aucun rapport avec les slogans des années 1970. Ce langage est le vecteur de l'évangélisation. Et l'évangélisation est le fruit de la foi : une foi plénière, non la mini-croyance d'il y a quarante ans. Total : Hummes et Bruguès se complètent, ils ne se contredisent pas.]

Écrit par : Pierre | 15/06/2009

PASTORALES

> Incroyable ! Rarement un évêque français ne nous aura autant étonné ! Voilà enfin un prélat qui appelle un chat un chat et qui fait un diagnostic sans concession de la situation actuelle et qui pointe aussi certaines responsabilités. Nous le savons tous, c'est une certaine interprétation du concile qui est en cause. Sans la nommer tout le monde reconnaitra feu la quasi défunte Action catholique et ses mots d'ordre suicidaires. Mais Mgr Bruguès a raison, ces gens occupent encore des positions de pouvoir qui leur permettent encore de nuire.
Aujourd'hui il nous faut nous mobiliser car dans trop de nos paroisses on entend encore l'écho de la vieille pastorale.
Jean-Claude


[ De PP à JC - Mais, dans beaucoup d'autres paroisses, on entend désormais des choses toniques, argumentées, qui donnent des idées claires et confiance en l'Esprit Saint. J'étais hier matin à Nice, et je témoigne que l'homélie sur l'eucharistie (à 9 h 30 dans une église pleine) était remarquable par sa force, son exhaustivité théologique sans concessions, et ses directives pratiques aux fidèles ! Le prédicateur avait une quarantaine d'années... Ne restons pas en 2009 sur des impressions datant de la sinistre époque 1970-1980. ]

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Écrit par : jean-claude | 15/06/2009

JADIS ET NAGUÈRE

> Je ne peux que rendre hommage à Mgr Bruguès pour un tel courage. Mais il faut se rappeler que ce courant de "sécularisation" systématique a trouvé ses adeptes dans les plus hauts rangs de la hiérarchie catholique ... française. Et quand je dis plus haut rang je n'exclus nullement certains évêques de France, pas tous, certains.
J'ai lu dernièrement deux livres saisissants sur un problème analogue: le premier un témoignage de Mgr Gaidon "un évêque français entre crise et renouveau de l’Église", l'autre celui d'un ex-séminariste d'Issy-Les-Moulineaux en 1965, ex ... parce obligé de parti pour cause de non conformité courant fortement sécularisé décrété par ... les responsables du séminaire avec la bénédiction de la plus haute hiérarchie catholique de France d'époque.
Et dans votre commentaire ci-dessus quand vous parlez de "catholiques ... français", vous incluez qui ? les simples cathos de base ou la hiérarchie, une certaine hiérachie de l'Église de France ?
Mgr Bruguès se sent-il plus libre d'en parler maintenant qu'il est à Rome que quand il était encore évêque d'Angers ? Solidarité oblige !!!
Bien à vous.
Antoine


[ De PP à A. - Faut-il tourner le dos à 2009 à cause de ce qui arriva en 1969 ? ]

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Écrit par : Antoine | 15/06/2009

PAS TROP

> Je n'aime pas trop ces oppositions, comme s'il n'y avait que du mauvais dans le courant de "composition" et le courant de "contestation". Je me sens beaucoup plus proche du premier, mais je n'adhère à ce qu'il a produit de pire, et je n'hésite pas à aller voir du côté du second quand j'en ressens l'appel. Et je sais ne pas être la seule dans ce cas. Malgré tous ses excès, c'est le "courant de composition" qui m'a donné envie de suivre le Christ, non pas par tradition familiale, mais réellement, sincèrement, dans ma vie quotidienne. Autour de moi, ce courant continue à porter du fruit, autant que le second. Les deux ne sont pas forcément en opposition.

Écrit par : Mahaut | 15/06/2009

Pour Mahaut

> d'accord avec vous sauf qu'avec le premier courant il n'y avait pas de place pour les autres. On parle volontiers du sectarisme des tradis mais celui des équipes de l'Action catholique n'avait rien à lui envier. La théorie du levain dans la pâte je n'ai rien contre à condition que la pâte n'étouffe pas le levain! Aujourd'hui encore le dialogue est impossible, je le regrette mais c'est un fait.

Écrit par : jean-claude | 15/06/2009

À NICE

> je vais à Nice cet été.Pouvez-vous m'indiquer le nom de l'église dans laquelle vous avez entendu l'homélie qui vous a frappé ?
merci d'avance.
philippe

[ De PP à Ph. - Sainte Rita, rue des Poissonniers. L'homélie a déployé la théologie de l'eucharistie dans toute sa force, en lien avec les textes de Vatican II. J'ajoute qu'à la sortie je suis tombé dans les ruelles sur une procession de Fête-Dieu (celle de la confrérie niçoise quadricentenaire des Pénitents rouges), avec "Lauda Sion" et pétales de roses ! L'ordinaire et l'extraordinaire. ]

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Écrit par : philippe | 15/06/2009

JEAN DE LA CROIX

> Le discours de Mgr Bruguès, et les commentaires ci-dessous, me font penser au contexte du 16e siècle espagnol avec la réforme du Carmel par sainte Thérèse de Jésus et saint Jean de la Croix. Dans un ouvrage lu récemment ('Saint Jean de la Croix, ami et guide pour la vie', éd. du Cerf) je lisais ceci : "La réforme n'est pas un retour à une observance rituelle bornée, mais la recherche intense de Dieu" (p. 56).
Alors, oui, aujourd'hui, on voit qu'il y a des chercheurs de Dieu, et cela réchauffe le coeur et redonne feu à l'espérance, et ceux qui les taxent d'identitaires avec mépris ne font qu'avouer qu'à la quête de Dieu ils ont préféré une promenade sociale qui égare.
Anne

[ De PP à A. - L'erreur n'était pas le social en soi : c'était le remplacement du spirituel par le social, alors que l'un ne va pas sans l'autre). ]

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Écrit par : Anne o.c.d.s. | 15/06/2009

LE VRAI VATICAN II

> Merci PP pour ce texte : il est doublement positif. Sur la forme il est clair - sans naïveté ni agressivité. Quant au fond, je le juge très précis et orienté de façon réaliste et raisonnable. En fait il illustre ce qui était certainement l'esprit des Pères du Concile Vatican II : comprendre le monde, parler son langage, identifier les points positifs en lui non pour se convertir à lui mais au contraire pour le convaincre et ainsi amener le monde au Christ - ce qui implique de savoir ce qu'est le Christ et ce qu'il nous demande...

D'un autre côté j'ai envie de poser une question peut-être un peu insolente : si certains prélats et prêtres sont allés si loin dans le sens de la "composition" (ou de l'ouverture) n'est-ce pas parce qu'avant 1960, d'autres étaient allés trop loin dans le sens de la fermeture ?

Finalement le Pape actuel loin d'être un réactionnaire ou un ultra conservateur figé ne serait pas plutôt un "centriste" qui souhaite revenir sincèrement aux intentions du concile : ouverture et dialogue sans capitulation ni compromission ?

Écrit par : cathy | 15/06/2009

@ Jean-Claude

> Je parle de ce que j'ai connu. L'Action Catholique m'était totalement étrangère. J'ai connu des personnes qui avaient une immense soif de spirituel en même temps qu'une immense soif sociale, et qui avaient été amenées au social par le spirituel. Je suis bien consciente que tout n'était parfait, mais je n'ai jamais senti une absence de spirituel, et j'ai vu peu de sectarisme. Se retrouver entre soi, oui, mais ça me semble normal quand on partage une même spiritualité. J'ai sans doute senti une volonté de fuir tous ceux qui mettaient en doute leur religiosité et leur catholicité, mais, de façon générale, je comprends tout à fait qu'on ait envie de fuir ceux qui mettent en doute la qualité de personnes qu'ils ne connaissent pas en profondeur, même si ces jugements émanent de la part de prêtres.

Écrit par : Mahaut | 16/06/2009

A Philippe:

> l'église sainte Rita se situe dans le vieux Nice, au bout du marché au fleurs, dans la ruelle à gauche. C'est une très belle église typique du baroque niçois Lorsque je vivais encore à Nice, les prêtres appartenaient aux oblats de Marie dont un certain nombre venaient de Pologne. C'est un sanctuaire réputé, notamment pour les défunts et les cas désespérés (j'y suis souvent allé pour mes examens :)). Quant aux pénitents, il y avait les bleus, les noirs, les blanc et les rouges. Un de mes anciens prof de fac appartenait aux rouges. Mais il n'y avait plus du tout de processions. Je ne suis pas redescendu depuis quatre ans, mais des amis m'ont parlé du renouvellement des traditions des pénitents. en souhaitant que cela soit le fruit d'une réelle démarche spirituelle et pas seulement une manifestation identitaire car ce mouvement politique des "identitaires" est assez implanté à Nice (c'est du genre régionaliste, xénophobe et proche du retour au paganisme des anciens jugé purs).
vf

[ De PP à VF - L'assistance à cette Fête-Dieu était composée de jeunes ménages paisibles avec bébés en poussettes : rien à voir avec des extrémistes "identitaires" ! Lesquels d'ailleurs n'ont aucun goût pour ce genre de "mystifications chrétiennes". ]

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Écrit par : vf | 16/06/2009

RIGUEUR ET VIGUEUR

> Je ne suis pas étonné de ce texte de Mgr Bruguès. On y trouve la rigueur théologique et la vigueur pastorale qui sont la marque des dominicains de Toulouse où le père Bruguès a fait ses armes.

Écrit par : Frédéric Ripoll | 17/06/2009

JE ME REJOUIS

> Dans le même genre, la dernière communication de l'évêque de Bayonne http://www.diocese-bayonne.org/spip.php?article1485
Ou comment dire avec fermeté et délicatesse qu'on ne veut plus des "professionnels de l'administration du diocèse" et qu'il est temps pour l'évêque et son presbyterium de devenir des pasteurs.
Quand je lis cela, je me réjouis !
Pour vf : dimanche, jour de la fête Dieu, Salut du Saint Sacrement à la fin de la messe, et procession dans les rues de la ville ensuite. Je vous promets qu'on y a vu aucun identitaire !! et, plus regrettable, aucun clerc (sauf nos curés bien entendu !)

Écrit par : Edouard | 17/06/2009

A PP et Edouard:

> je me posait la question car je sais que le "bloc identitaire" revendique nombre de traditions et d'aspects culturels niçois. J'avais peur qu'une certaine frange tradi de ce "bloc" ne s'en mêle, même si la plus grosse partie d'entre-eux soit néo-païenne. Vous me rassurez tous les deux là-dessus. Ceci dit, les institutions des pénitents seraient à redécouvrir par ces temps de crises.
Cher Edouard, ce que vous donnez à lire sur l'évêque de Bayonne est très intéressant. Il semble vraiment qu'un vent nouveau souffle en France.
vf

[ De Pp à VF - J'ai bien connu Mgr Aillet quand il était curé de Saint-Raphaël, puis vicaire général de Toulon. C'est une personnalité remarquable. ]

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Écrit par : vf | 17/06/2009

MALHEUREUSEMENT

> Malheureusement dans notre diocèse, on persiste et signe. Notre archevêque a convoqué un synode dont le but avoué est de faire entériner par "la base" (on devine de qui elle est constituée...) le remplacement des curés par des laïcs. Non pour les fonctions spécifiquement sacerdotales bien entendu, mais pour la prise en charge des paroisses. Et, avant même ce synode, j'ai lu hier soir dans les nominations diocésaines qu'une dame était nommé responsable d'une paroisse à 4 clochers du centre-ville... tandis que le curé devient aumônier du CHU... Les prêtres de notre paroisse, qui n'ont jamais un mot à l'encontre de l'évêque, ont demandé aux fidèles de répondre en paroisse au questionnaire pré-synodal. Et ont insisté pour que les deux élus de notre paroisse soient bien informés des enjeux : ils parlent sans détour du risque de retour des fameuses ADAP. En revanche, leur proposition d'ouvrir un foyer de discernement pour les étudiants a été accueillie par un silence glacial... Bref, il reste du boulot ! Mais il faut quand même se réjouir que les nouveaux évêques changent ces manières de procéder !

Écrit par : Edouard | 18/06/2009

LA VRAIE SIGNIFICATION DE L'AGGIORNAMENTO

> Merci cher Patrice de ce message, le texte de Mgr Bruguès a déjà plusieurs semaines et j'ai trouvé que La Croix ne lui a pas donné l'importance qu'il mérite.
J'ai peur de dériver, mais il me semble que la vraie signification de l'aggiornamento voulu par le Concile se rapporte à cela : une évolution pastorale due aux ruptures civilisationnelles et non aux modes générationnelles (qui, de fait, ne relèvent pas d'un concile).
Autrefois, à l'époque du Christ, comme de Napoléon, les gens avaient de très mauvaises raisons de croire en Dieu : les miracles de la nature et les hiérarchies sociales.
D'où un certain type de pastorale qui devait les utiliser, pour les dépasser. (Ces raisons étaient mauvaises car elles faussaient le sens de Dieu, mais au moins il était là !)
Aujourd'hui (disons depuis 1848), ces raisons ont disparu, sous l'effet des techniques scientifiques et des idées démocratiques. En un sens c'est une bonne chose.
Mais à la place, les gens ont reçu de très mauvaises raisons de NE PAS croire en Dieu : l'idée que l'Homme peut s'imposer au monde et que les valeurs de l'esprit humain procèdent d'un vote égalitaire.
Dans ce cas, est nécessaire une pastorale qui mette en avant le sentiment naturel de Dieu, car nous sommes face à un athéisme crasse et borné !
Cela peut sembler paradoxal, mais l'Eglise ne devrait pas se présenter A PARTIR de ces grandes réalisations humaines (auxquelles le christianisme a fortement contribué) que sont les progrès techniques pour tous et l'Etat de droit égalitaire. Ce qui manque aujourd'hui c'est le sens de Dieu. Il doit être abordé par d'autres chemins : par ce qui en nous s'oppose à l'idée d'un Homme qui serait "la mesure de toutes choses" (ce que Platon reproche au sophiste Protagoras).
C'est pourquoi former les séminaristes via les "sciences humaines et sociales" (de fait : sociologie et psychologie) est une hérésie méthodologique, car elles sont à la remorque des "sciences dures" (et trahissent ainsi leur nature d'"humanités"). Il vaudrait mieux emprunter le chemin de l'expression et de la maitrise de la spiritualité, au service d'une affirmation sociale forte, "signe de contradiction". (l'art et la prière par exemple)
Bon, c'est un peu tordu, je vous laisse trier ...
Mais au delà des polémiques prévisibles, c'est à cela que me fait penser le texte de Mgr Bruguès.

PS: à Edouard
J'imagine que vous êtes de Poitiers. Il vous reste deux ans à souffrir. Votre évêque, féru de sociologie, n'a jamais été curé de paroisse.
Ses spécialités à Paris, dans les années 60 c'était la pastorale étudiante et dans les années 70, la liturgie et les sacrements. Deux grandes réussites comme l'on sait ... Au moins il n'a pas fait démolir Ste Radegonde !

Écrit par : Julius | 19/06/2009

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