07/04/2009
Après le G 20 – (2) En lutte contre les structures économiques et sociales injustes
Appel au combat pour un changement radical – Découverte d’un texte révolutionnaire de Josef Ratzinger (qui devrait surprendre beaucoup les médias français) :
La tentation du catholique de droite a toujours été de rejeter la solidarité avec ceux qui luttent contre les structures économiques, sociales et politiques déshumanisantes. Ce catholique-là se laisse aiguiller vers des diversions : des combats sur les mœurs, inutiles parce qu’ils visent les effets sans viser les causes.
S’il écoute ce que dit son Eglise, le catholique entend un autre son de cloche. Envers le social, l’économique, l’écologique (etc), le devoir d’état du chrétien ne se limite pas à moraliser les choses – comme on dit aujourd’hui, et ce qui ne veut rien dire. Il doit aider à modifier les « structures de péché ». C’est-à-dire des institutions et des pratiques, qui sont sans doute le résultat de fautes individuelles accumulées au long d’une période, mais qui ont acquis leur propre autonomie et leur propre efficacité sur la collectivité : « Mécanismes relativement indépendants de la volonté humaine », elles « paralysent ou pervertissent le développement social et engendrent l’injustice ».[1]
Les totalitarismes du XXe siècle étaient des « structures de péché », poussant les hommes au mal individuellement et collectivement. Ces anciennes formes du mal ont disparu.
Aujourd’hui, la « structure de péché » est le pouvoir absolu de l’argent (l’hypercapitalisme financier).
Le document Ratzinger sur la libération chrétienne
Ce pouvoir est critiqué avec une force et une précision croissantes par les textes de l’Eglise catholique depuis le dernier tiers du XXe siècle. Ils appellent les catholiques à une « praxis chrétienne » pour accomplir les « changements en profondeur que réclament les situations d’injustice ». Ainsi le document Ratzinger Instruction sur la liberté chrétienne et la libération. Négligé par beaucoup de catholiques, de droite (parce qu’il n’est pas libéral) et de gauche (parce qu’il vient de Joseph Ratzinger), ce texte capital appelle à une révolution.
- La doctrine sociale catholique, souligne-t-il, postule non seulement le « principe de subsidiarité » (libre initiative des personnes et des communautés intermédiaires là où elles peuvent agir), mais aussi le principe de solidarité : « l’homme doit contribuer avec ses semblables au bien commun de la société, à tous ses niveaux. Par là, la doctrine de l’Eglise est opposée à toutes les formes de l’individualisme social ou politique. »
- « La doctrine sociale de l’Eglise permet d’abord de voir dans quelle mesure les systèmes existants [économiques, sociaux, politiques] sont conformes ou non aux exigences de la dignité humaine. »
- « La priorité reconnue à la liberté et à la conversion du cœur n’élimine nullement la nécessité d’un changement des structures injustes. Il est donc pleinement légitime que ceux qui souffrent de l’oppression de la part des détenteurs de la richesse ou du pouvoir politique agissent, par des moyens moralement licites, pour obtenir des structures et des institutions dans lesquelles leurs droits soient vraiment respectés. »
- « Un défi sans précédent est lancé aujourd’hui aux chrétiens. […] La fin directe de cette réflexion en profondeur est l’élaboration et la mise en route de programmes d’action audacieux en vue de la libération socio-économique de millions d’hommes et de femmes dont la situation d’oppression économique, sociale et politique est intolérable. »
- « la solution de la plupart des très graves problèmes de la misère se trouve dans la promotion d’une véritable civilisation du travail. […] C’est donc dans le domaine du travail que doit être entreprise en priorité une action libératrice dans la liberté. […] De justes relations de travail préfigureront un système de communauté politique… Il se produira alors, dans la manière de voir des peuples et jusque dans les bases institutionnelles et politiques, une révolution pacifique en profondeur… »
- « Une telle culture du travail reconnaîtra que la personne du travailleur est principe, sujet et fin de l’activité laborieuse. Elle affirmera la priorité du travail sur le capital et la destination universelle des biens matériels… »
- Le fait que le chômage maintienne dans une situation de marginalisation de larges portions de la population et notamment de la jeunesse, est intolérable. C’est pourquoi la création de postes de travail est une tâche sociale primordiale qui s’impose aux individus et à l’initiative privée, mais également à l’Etat. En règle générale, ici comme ailleurs, ce dernier a une fonction subsidiaire ; mais souvent il peut être appelé à intervenir directement… »
- [Les accords internationaux] doivent respecter les droits des émigrés et de leur famille… »
- « La priorité du travail sur le capital fait un devoir de justice aux entrepreneurs de considérer le bien des travailleurs avant l’augmentation des profits. Ils ont l’obligation morale, dans les investissements, de viser d’abord le bien commun. Celui-ci exige que l’on recherche par priorité la consolidation ou la création de nouveaux postes de travail, dans la production de biens réellement utiles. Le droit à la propriété privée n’est pas concevable sans devoirs à l’égard du bien commun. Il est subordonné au principe supérieur de la destination universelle des biens. »
- « La solidarité est une exigence de la fraternité humaine et surnaturelle. Les graves problèmes socio-économiques qui se posent aujourd’hui ne pourront être résolus que si se créent de nouveaux fronts de solidarité : solidarité des pauvres entre eux, solidarité avec les pauvres, à laquelle les riches sont convoqués, solidarité des travailleurs et avec les travailleurs.
- « Le principe de la destination universelle des biens, joint à celui de la fraternité humaine et surnaturelle, dicte leurs devoirs aux pays les plus riches à l’égard des pays pauvres. Ces devoirs sont de solidarité dans l’aide aux pays en voie de développement, de justice sociale, par une révision en termes corrects des relations commerciales entre Nord et Sud et par la promotion d’un monde plus humain pour tous, où chacun puisse donner et recevoir, et où le progrès des uns ne sera pas un obstacle au développement des autres, ni un prétexte à leur asservissement... »
- « Cette doctrine doit inspirer des efforts avant qu’il ne soit trop tard… »
Ce document Ratzinger est bien un appel à la révolution, c’est-à-dire au changement du « modèle global » (dira Benoît XVI en 2007). La solidarité et l’équité qu’il prône sont aux antipodes de la société de marché ultralibérale. Je ne m’étonne pas du silence et du quasi-boycott qui continuent à entourer ce document depuis plus de vingt ans : il gêne ceux qui accusent le pape d’être un « conservateur » – et ceux qui s’en félicitent bêtement, prenant pour argent comptant ce qu’ils entendent dire. Ces derniers ne sont en phase, ni avec la pensée sociale de l’Eglise, ni avec les conditions psychologiques de la nouvelle évangélisation. Ceci fera l’objet d’une prochaine note.
12:29 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : christianisme
Commentaires
LIBERATEUR
> Bravo et merci. En attendant de libérer la société, ces paroles ratzingériennes nous libèrent l'esprit. Puissent-elles circuler et atteindre même les cathophobes professionnels !
Écrit par : Fulup | 07/04/2009
DANS LA MARE
> "Rechercher par priorité la consolidation ou la création de nouveaux postes de travail, dans la production de biens réellement utiles." (souligné à juste titre dans la note) Sans exclure les autres points cités, celui-là est un sacré pavé dans la mare ! Surtout dans la seconde partie de la phrase, la première étant nettement plus consensuelle : qui pourrait être "contre" de nouveaux postes de travail ? Simplement, à prendre cet objectif louable comme une fin quand elle n'est qu'un moyen, on s'engage non seulement dans la production de biens qui ne sont pas réellement utiles... mais surtout qui ne sont pas réellement des BIENS !
Cette « structure de péché » étant le pouvoir absolu de l’argent n'est-elle pas en amont -et de manière presque plus insidieuse- le fruit de la production de maux passant pour des "biens" simplement parce qu'ils assurent des "postes de travail" ? Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur quantité de "prestations de services" à haut pouvoir de destruction sociale. Ceux qui les entretiennent ne sont pas toujours à chercher du côté de gens "immoraux", loin s'en faut...
Michel de Tiarelov
[ De PP à MT - Non: la production massive de biens inutiles n'a pas du tout pour but de créer du travail. La vague néolibérale des années 1990 visait à faire produire toujours plus de biens inutiles avec toujours moins d'ouvriers, toujours moins payés : cf les délocalisations. Jamais l'augmentation des postes de travail n'a été un but du capitalisme, bien au contraire... ]
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Écrit par : Michel de Tiarelov | 07/04/2009
ARBEIT MACHT FREI ?
En gros "Arbeit macht frei". Espérons qu'il se libère de ces - ses structures de pensée le Ratzinger, pour devenir pleinement Benoît XVI.
Écrit par : Pro Deo et Patria | 07/04/2009
DOCUMENTS
> Merci pour ce document !
Mais une question : le document de 60 pages distribué par le Pape aux évêques africains est ils disponible ?
Damien
[ De PP à D. - C'est l'Instrumentum Laboris du prochain synode africain. On doit y avoir accès sur le site du Vatican. ]
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Écrit par : Damien | 07/04/2009
A PROPOS DE Mgr SUAUDEAU (note du 06. 04)
> Je voulais vous dire un grand merci pour avoir rendu plus accessible l'entretien de Mgr Suaudeau (dont je n'avais pas entendu parler) sur l'eugénisme et la génétique.
C'est d'un intérêt exceptionnel.
Une telle clarté, un tel discernement, supposent beaucoup de science et de sagesse.
Merci à vous, merci à lui, merci à l'Eglise de nous donner de tels hommes et une telle pensée.
Malgré les épreuves, on avance, je trouve.
Je pense aux déclarations courageuses du professeur Sicard, aussi.
Aux remarquables articles de P.-O. Arduin, exemple parmi cent.
Notre diocése va inviter Mgr d' Ornellas, et je travaille à la constitution d' un petit groupe pour intervenir aux EG de bioéthique
Écrit par : vicenzo | 07/04/2009
à "Pro Deo et Patria"
> Etes-vous authentiquement con, ou bien faites-vous semblant ? En ce cas, quel acteur !
Écrit par : Chtonk | 07/04/2009
QUELQU'UN
> Je n'ai pas compris le commentaire de "Pro Deo et Patria". Etant un peu bête, quelqu'un peut-il me faire une explication de texte ?
gdecock
[ De PP à GdC - Il n'y a rien à comprendre, je le crains ! En principe je zappe ce genre d'idioties. Mais il faut quelquefois faire une exception, pour montrer au lecteur à quel degré d'inintelligente majesté peuvent se hisser les ultras. ]
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Écrit par : gdecock | 07/04/2009
BLANCS ET GRIS
> Un moment, j'ai été effleuré par l'idée que l'encyclique sociale allait attendre la fin du G20, pour être attentive à ce qui aurait pu s'y dire. Mais une simple observation de la presse un peu spécialisée permet de conclure qu'elle devra être prophétique toute seule... Sauf les blancs (dit-on), tout le petit monde des paradis fiscaux vire au gris de l'attente, sauf ceux qui sont hors-jeu par la grâce des super-puissances que sont les Etats-Unis et la Chine. Comme c'est admirable de prêcher la perfection pour autrui sans trop s'impliquer.
Écrit par : Dom | 07/04/2009
PRO, etc
> En plus, signer "Pro Deo et Patria", il ne faut pas avoir peur de passer pour un gland.
Écrit par : Plöt | 07/04/2009
LE PROBLEME
> Le problème c'est ce genre d'écrits:
http://www.liberte-cherie.com/a822-Un_pape_profondement_liberal.html
Écrit par : Nicolas Dangoisse | 07/04/2009
HAINE LIBERALE
> Là la haine de la doctrine sociale de L'Eglise est encore plus explicite. On peut admirer, Pascal Salin en personne écrit sur le site:http://www.quebecoislibre.org/031220-13.htm
Écrit par : Nicolas Dangoisse | 07/04/2009
@ Nicolas Dangoisse
> Les deux textes que vous avez mis en lien ci-dessus se contredisent d'ailleurs complètement, le premier voulant récupérer les encycliques papales pour en faire des apologies du libéralisme, et le second critiquant violemment ces encycliques et la doctrine sociale de l'Eglise... tous les deux au nom du libéralisme !
Écrit par : Michel de Guibert | 08/04/2009
L'ENCYCLIQUE
> Benoît XVI fait preuve d'un grand courage. On peut désormais se poser sérieusement la question de savoir dans quelle mesure la parole de l'Église est réellement libre, et si oui, pour combien de temps. Qu'en est-il, en effet, de l'encyclique CARITAS IN VERITATE, qui devait porter justement sur la mondialisation, qui devait sortir en mars 2008, dont la traduction anglaise, "Love in Truth", était déjà annoncée dans les librairies,et qui reste bizarrement "bloquée" depuis plus d'un an??
Farupex
[ De PP à F. - Pourquoi voulez-vous qu'il y ait eu un blocage extérieur ? Le pape a tout simplement remis en chantier ce document. ]
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Écrit par : Farupex | 08/04/2009
LE DOCUMENT RATZINGER
> Les extraits de l'instruction que vous nous avez donnés nous mettent l'eau à la bouche. Malheureusement, il semble qu'elle ne soit plus publiée. Même sur le site du Vatican, on ne la trouve qu'en anglais... (http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/doc_doc_index_fr.htm)
Savez-vous où l'on peut se la procurer malgré tout ? Ou bien avez-vous pieusement conservé un exemplaire depuis 20 ans ;-) ?
Merci en tout cas de ces informations.
Quand à "Liberté Chérie", c'est fou : on dirait à les lire que le Magistère de l'Eglise n'est là que pour soutenir leur thèse libérale : le Christ, évaporé. Le salut vient du libéralisme vous dit-on !
Pema
[ De PP à P. - L'Instruction doit être encore disponible aux éditions Téqui. Quant à mon exemplaire de travail, il date, effectivement, de vingt ans ! ]
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Écrit par : Pema | 08/04/2009
PRECISIONS
> Cher Patrice ce document est passionnant, et sans doute révolutionnaire, oui. Il gagnerait à être connu. Non le christianisme n'est pas libéral, ni collectiviste, il se fonde sur la destination universelle des biens. Peu de gens le savent.
Il faut cependant que vous éclaircissiez votre propos, en donnant une difficile définition de trois termes, dont les acceptions peuvent être multiples, et méritent donc des précisions pour la propre précision de votre pensée :
- Droite : la droite, c'est quoi ? Je n'ai jamais trouvé la réponse !
- Gauche : idem, surtout depuis la chute du communisme.
- Libéral. Qu'est ce qu'une économie libérale ?
Le débat y gagnera en clarté !
Edouard
[ De PP à E. - Les réponses sont hélas évidentes :
- Parler de "droite" ou de "gauche" est inévitable quand on parle des tribus actuelles dans la société, mais ça n'a (au fond) pas beaucoup d'importance. La "droite" et la "gauche" n'existent pas idéologiquement : ces termes ne sont que des étiquettes servant à délimiter (commodité de langage) l'une des sections du théâtre d'ombres contemporain. Ces sections, quant à elles, existent : mais sociologiquement, non idéologiquement. (Elles se confondent en une même allégeance à l'idéologie du libre-échangisme global, dans le domaine économique qui est déterminant. Elles ne diffèrent que dans le domaine des préférences en matière de moeurs : ce qui n'a finalement aucune importance, les moeurs aujourd'hui n'étant que l'un des effets de l'économique).
- Le terme "libéral" désigne en 2009 la même chose qu'en 1809 : l'idéologie pour laquelle l'homme riche a tous les droits sur les autres hommes (et sur la nature, cette dernière, privée de valeur en soi parce qu'elle n'est plus Création divine, n'ayant désormais d'autre valeur que celle que lui impose l'action transformatrice de l'industrie en la violentant pour en extraire le profit). D'où appropriation privée illimitée de ressources appartenant en fait à l'humanité entière, etc...
Tous les efforts accomplis poour faire croire que "libéralisme" veut dire "liberté d'entreprendre", ne sont que des diversions. Quant à l'économie libérale "réalisée", comme on disait naguère "le socialisme réalisé", on voit actuellement ce qu'elle est.
Mais on sait qu'elle est tendanciellement condamnée, puisqu'elle reposait sur le carburant abondant et bon marché. La déplétion pétrolière condamne l'ensemble du système et va nous obliger à en inventer un autre.]
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Écrit par : Edouard | 08/04/2009
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