30/03/2009
L'enquête "Les évangéliques à la conquête du monde" : entretien avec l’agence catholique Zenit
"Comment se fait-il que le public des cultes évangéliques soit si chaleureux, alors que le public catholique (en France) est souvent froid ? Comment se fait-il que les évangéliques fassent tant de conversions en prêchant sur le péché, les souffrances de la Passion de Jésus, le Ciel et même l'enfer : sujets qu'une pastorale catholique des années 1970-1980 avait éloignés, les jugeant « rebutants pour l'homme et la femme d'aujourd'hui » ?"
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« Les évangéliques à la conquête du monde », enquête de Patrice de Plunkett
Les leçons à tirer de ce voyage sur les ailes d’un réveil évangélique :
<< ROME, Lundi 30 mars 2009 (ZENIT.org) - « Les évangéliques à la conquête du monde » (Perrin, pour télécharger un extait) : c'est le titre de la nouvelle enquête passionnante de Patrice de Plunkett. L'auteur explique aux lecteurs de Zenit l'enjeu d'une prise de conscience d'un phénomène complexe et les leçons à tirer de ce voyage sur les ailes d'un réveil évangélique.
Zenit - Patrice de Plunkett, qu'est-ce qui a motivé votre enquête ?
PP - L'ampleur et le dynamisme du phénomène des protestants évangéliques sur les cinq continents, et notamment en France ! D'où vient que les assemblées évangéliques dans l'Hexagone attirent un public nombreux, croissant, jeune, venant des milieux pauvres, alors que beaucoup de paroisses catholiques françaises ont une fréquentation déclinante, âgée et bourgeoise ? Comment se fait-il que le public des cultes évangéliques soit si chaleureux, alors que le public catholique (en France) est souvent froid ? Comment se fait-il que les évangéliques fassent tant de conversions en prêchant sur le péché, les souffrances de la Passion de Jésus, le Ciel et même l'enfer : sujets qu'une certaine pastorale catholique des années 1970-1980 avait éloignés, les jugeant « rebutants pour l'homme et la femme d'aujourd'hui » ? Est-ce que nous ne nous étions pas trompés à ce moment-là sur les attentes de nos contemporains ?
Je me suis donc lancé dans cette enquête de terrain, et j'ai passé des mois à assister aux cultes évangéliques dans toutes les régions françaises, en discutant avec des convertis. J'ai enquêté à l'étranger, au Brésil, en Corée, aux Etats-Unis. Et aussi dans le passé, pour comprendre d'où vient la spiritualité évangélique avec ses nuances et ses contradictions - qui prennent leur source dès l'époque de Calvin, dont le 500e anniversaire est célébré cette année.
Zenit - Il n'y a donc pas seulement la réalité américaine de son influence sur les autres continents ? Quelles sont les origines de l'évangélisme ?
PP - Elles sont en Europe et dès le début de la Réforme. Celle-ci renonce à la Présence réelle eucharistique, qui est le cœur du catholicisme et qui saisit l'homme tout entier, corps, âme et esprit. Pour pallier ce « manque » radical, Calvin propose une religion du Texte et de la prédestination. Mais, tout de suite, une branche du protestantisme cherche autre chose : une religion du Cœur et du choix personnel... C'est l'aventure des « anabaptistes », d'abord persécutés, donc guerriers, puis écrasés mais renaissant aussitôt sous une nouvelle forme, pacifique... Au fil des siècles, c'est la floraison d'un nombre infini de courants différents, jusqu'à l'incroyable diversité des innombrables Eglises évangéliques en 2009 sur toute la planète. Mais j'insiste : l'évangélisme a des racines historiques anciennes et profondes chez nous. Témoin le phénomène extraordinaire des « petits prophètes » des Cévennes, pendant la guerre des Camisards au tout début du XVIIIe siècle : une explosion de charismes humainement inexplicables, et dont les manifestations ressembleront étonnamment à ce qui se passe dans le pentecôtisme d'aujourd'hui, partout dans le monde.
Bien sûr, mon enquête étudie ce qui s'est passé aux Etats-Unis : le premier Réveil évangélique au XVIIIe siècle, sous l'influence de prédicateurs dont certains venaient d'Angleterre, où Wesley faisait sa révolution en propageant une religion du Cœur et de l'illumination... Puis le XIXe avec de nouveaux Réveils... Puis la genèse du pentecôtisme, qui surgit en 1900, et la « religion américaine », au XXe, avec ses implications politiques particulièrement visibles à l'époque de G. W. Bush. Et maintenant, l'apparition de nouvelles formes évangéliques en rupture avec le conservatisme « bushien » : des évangéliques contestataires, sociaux, écologiques, expéri-mentaux. C'est le très intéressant mouvement des « emerging churches », que les catholiques ont intérêt à étudier de près.
Zenit - Comment les évangéliques dont vous parlez s'insèrent-ils dans le dialogue œcuménique? Proposent-ils un second baptême, lorsque d'autres baptisés les rejoignent? Car, depuis le concile notamment, le baptême est reconnu comme le sacrement de l'unité par excellence...
PP - L'évangélisme est un phénomène gigantesque et contradictoire. Certains courants sont anti-œcuméniques. D'autres sont oecuméniques : on l'a vu par exemple au Forum chrétien mondial de Nairobi (2007), qui a ouvert un domaine de rencontre inédit axé sur l'échange spirituel. Beaucoup d'évangéliques sont « anabaptistes » : ils rebaptisent leurs convertis ex-catholiques, parce qu'ils voient le baptême comme une manifestation du choix de l'adulte ayant « accepté Christ comme Sauveur » - et c'est le contraire de la théologie du baptême selon Rome, mais aussi selon Calvin, qui était partisan du baptême des petits enfants ! Dans certains cultes évangéliques, le pasteur annonce que la Sainte Cène est réservée à ceux qui ont été baptisés adultes par immersion. Dans d'autres, la Sainte Cène est proposée à tous les assistants, sans discrimination... C'est d'ailleurs avec ce dernier courant que les catholiques dialoguent difficilement, parce que ce courant ne comprend pas pourquoi l'Eucharistie catholique est réservée aux catholiques ! Il faut avoir fait l'expérience de ce butoir (pénible pour les deux parties mais incontournable), pour savoir combien douloureux peut être le dialogue sincère. J'en suis témoin, et je le raconte dans le livre.
Zenit - Un évêque a récemment déploré l'influence des évangéliques en Irak : doit-on y voir une nouvelle forme de colonialisme, disons, « ingénue », qui a dû mal à comprendre les anciennes Eglises orientales ? Ou faut-il y discerner une stratégie politique calculée pour contrôler le pays ?
PP - Il y a une part de manipulation du religieux par la politique de Washington. En revanche, il y a aussi un prosélytisme très sincère de la part des agences missionnaires évangéliques, qui souvent ne sont plus américaines, mais coréennes ou brésiliennes ! En Algérie, où j'ai enquêté, les Kabyles convertis au protestantisme évangélique - je suis en contact avec plusieurs d'entre eux - ne sont nullement des agents de l'étranger (américain ou « sioniste », comme dit le gouvernement d'Alger) : ce sont d'authentiques Algériens, convertis pour des raisons spirituelles... Mais ils sont mis en danger par les déclarations belliqueuses d'agences protestantes américaines, qui divaguent à l'encontre de « l'islam satanique » sans penser une minute à la sécurité des musulmans devenus chrétiens.
Zenit : Il y déjà quelques années, mais l'autorité de l'observateur vaut qu'on s'en souvienne, de retour d'Amérique latine, le cardinal Godfried Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles, avait déploré le développement de « sectes » chrétiennes, surtout au Brésil, « à coups de dollars », comme faisant partie d'une volonté délibérée de limiter l'influence de l'Eglise catholique, surtout dans le domaine de la contraception... qui représente un marché milliardaire. On peut parler aujourd'hui d'une instrumentalisation « commerciale » ?
PP - Au Brésil on voit, sans doute, certaines « Eglises » déplaisantes : à peine chrétiennes, prêchant « l'Evangile de la prospérité » (« si tu es pauvre ou malade, c'est que tu ne pries pas assez et que tu ne donnes pas assez à ton Eglise »). Mais on voit aussi des agences missionnaires très sincères, qui envoient des groupes de jeunes évangéliser dans la rue jusqu'en Angleterre, pour « rechristianiser l'Europe devenue païenne » ! Gardons-nous de mélanger les uns et les autres. Je raconte que j'ai vu en Seine Saint-Denis des « Eglises » effrayantes, prêchant une religion qui n'a plus de rapport avec l'évangile, et même injuriant le catholicisme pendant leurs cultes. Mais j'ai vu d'autres assemblées très sympathiques, vraiment chrétiennes, ouvertes à l'œcuménisme. Il faut que les catholiques s'informent pour savoir se repérer dans cet univers étrange. C'est la raison pour laquelle j'ai écrit ce livre.
Zenit : Les phénomènes religieux que vous relevez ont eu et ont une influence positive aussi sur le Renouveau charismatique catholique et les fruits de conversion et d'évangélisation sont indéniables. Il n'y a pas si longtemps, à la Sorbonne (Paris IV), seuls les Evangélistes (GBU) proposaient la Bible aux étudiants et témoignaient ouvertement de leur foi.... Et les évangéliques suisses, par exemple, témoignent de la charité du Christ dans des assemblées fraternelles qu'on rêverait de voir dans certaines paroisses....
PP - Oui, et j'en sais quelque chose puisque je suis un converti de Paray-le-Monial dans les années 1985-1990 ! Les évangéliques réveillent les catholiques. Il y a beaucoup de choses à prendre chez eux. Mais les catholiques doivent veiller à ne pas se tromper : le trésor catholique est la Présence réelle eucharistique, cœur de la paroisse ; c'est à partir de là que la paroisse peut ressusciter, se revitaliser, devenir un véritable creuset d'amitié et de solidarité effective, de vie sociale ! C'est en redécouvrant l'adoration eucharistique - charisme de Paray - que la paroisse catholique perdra sa froideur actuelle, deviendra aussi chaleureuse que les communautés évangéliques, et attirera les conversions. J'ai discuté avec beaucoup de jeunes devenus chrétiens par la découverte d'assemblées évangéliques ; beaucoup d'entre eux avaient commencé par tenter une paroisse catholique, et avaient pris la fuite parce que (disent-ils) « les gens ne se parlaient pas et ne me parlaient pas ». Pour le lecteur catholique, c'est la grande leçon de cette enquête : il faut que nous la méditions tous. >>
Propos recueillis par Anita S. Bourdin
17:46 Publié dans Eglises | Lien permanent | Commentaires (20)
Commentaires
Vous dites que c'est avec ce dernier courant [ceux qui ouvrent à tous la table de la Sainte Cène] que les catholiques dialoguent difficilement, parce que ce courant ne comprend pas pourquoi l'Eucharistie catholique est réservée aux catholiques.
Sans doute, mais il me semble que, pour nous catholiques, la difficulté majeure réside dans le fait que bon nombre de ces évangéliques sont anabaptistes ; en rebaptisant ainsi les chrétiens déjà baptisés, ils laissent penser qu'ils considèrent le baptême des autres confessions comme invalide.
Michel de Guibert
[ De PP à MG - Ce sont deux problèmes de nature différente. L'un n'empêche pas l'autre... Par ailleurs, le catholique peu formé est mieux équipé pour pressentir le problème du "re-baptême" (qui le choque) que pour démêler le problème de l'intercommunion (où il prend mal ses repères). ]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : Michel de Guibert | 30/03/2009
RECONSIDERER NOTRE FACON D'ETRE
> Oui, nous avons beaucoup à prendre chez eux. Je reviens d'une récollection avec mon épouse et nos quatre enfants. Elle était organisée par notre évêque et c'est un rendez-vous que nous ne manquons jamais. Cette année l'invité était Fabrice Hadjadj. Ce furent deux jours profond et spirituels. mais il y a un souci. Depuis que nous y participons (5 ans), les jeunes couples, les familles avec enfants, surtout celles de milieu modeste ou moyen, disparaissent. Peu à peu, les bcbg soixantenaires dominent l'assemblée. On va encore dire que je tape toujours sur les mêmes, mais c'est un fait qu'ils font fuir. On se retrouve seul au milieu de trois cents personnes venue écouter, méditer et prier. Où est la fraternité? Où est la charité qui doit être le ciment de la communauté? Lors des pauses, ce ne sont que des discussions sur la politique, l'avenir de la France chrétienne, etc. Ils ne parlaient pas des magnifique conférences que nous venions d'avoir sur la grâce ou sur la nuit de la foi de mère Térésa. En les observant, je comprends pourquoi les jeunes ou ceux qui cherchent le Christ vont ailleurs. Nos communautés sont sociales ou identitaires mais plus chrétiennes. La foi y est désincarnée, intellectualisée, codifiée. Où est le Christ là-dedans? Il faut reconsidérer complètement notre façon d'être dans nos paroisses. Ce n'est pas une question de survie, c'est une question de fidélité au Christ et d'amour de nos frères.
vf
[ De PP à VF - Je suis profondément d'accord avec vous. ]
Écrit par : vf | 30/03/2009
BONNES RELATIONS
> Merci pour cette enquête. Je me réjouis de lire ce livre. Chez nous, nous avons de bonnes relations. J'espère qu'elles seront encore meilleures.
Abbé Christophe Godel, Suisse
Écrit par : Christophe Godel | 30/03/2009
fioretti pour sourire un peu...
> Un enfant d'une famille évangélique catéchisé sur la paroisse entend la catéchiste expliquer que "Haloween" est une fête païenne... Il dit alors à mi-voix, mais assez fort pour être entendu : "la Toussaint aussi est une fête païenne !"
La catéchiste a bien sur fait la mise au point nécessaire ! Et cette semaine encore répondait à un autre enfant de l'équipe étonné que son copain en sache autant : "toi aussi tu pourrais en savoir autant si tu lisais la bible..."
La mère de la famille en question a intégré l'équipe du Secours Catholique. Et quoique évangélique convaincue ne serait pas choquée je pense de savoir que je prie pour qu'un jour ils découvrent la plénitude de la foi et de la vie catholique, en apportant à la paroisse le "feu" évangélisateur que beaucoup de paroissiens n'ont pas !
Écrit par : Arnaud de Guibert | 31/03/2009
@ Vf
> Je partage également l'analyse. On dérive rapidement sur des considérations séculières, voire politiques, qui aboutissent à entendre des propos qui sont contraires au message de l'Eglise. Cette captation du catholicisme, cette tendance à la placer sous une bannière est assez pénible. Il faudrait que l'Eglise s'attache à mieux expliquer la laïcité à ceux qui confondent les manifestations catholiques avec une annexe d'une permanence politique...
Écrit par : Annie | 31/03/2009
TEMOIGNAGE
> Merci pour cet article et vos commentaires.
Vous soulignez des points dont on ne parle pas assez : l'ambiance souvent triste et peu accueillante de nos paroisses... A mon avis elle est pour partie due à leur origine "rurale" :la paroisse c'est le rassemblement du village (transposé en ville en "quartier") où tout le monde se connaît et où on n'a pas l'habitude d'accueillir le nouveau venu.
Et puis aussi l'évolution sociologique de notre Eglise : pourquoi devient elle si vieille (ca tout le monde le sait) mais aussi si féminisée et si bourgeoise ? plus précisément les rares jeunes hommes à la messe soit sont souvent des BCBG ...
Je crois qu'il faudrait tirer un signal d'alarme. Comme dirait notre Saint-Père : le concile a-t-il été bien reçu ? car enfin rien dans le concile ne ferme la porte de l'Eglise aux pauvres, aux hommes, aux jeunes ... bien au contraire !! Rien n'impose l'ennui et la laideur !
Ayant longtemps vécu en banlieue est (77) après Paris et avant de partir en province je peux apporter le témoignage qui est le mien sur une paroisse "populaire" : pauvreté intellectuelle des homélies (on prend vraiment les gens pour des enfants), pauvreté esthétique des liturgies (on se vautre dans le laid). Bref on ne retire aucune satisfaction spirituelle ...et on se demande si le clergé ne méprise pas un peu ses fidèles (ce qui n'était pas le cas à mon sens mais plutôt le signe de l'influence hautement négative des mamies bigoudis qui avaient mis la paroisse sous tutelle dans un esprit très "seventies"). C'est d'autant plus dommage que bien des jeunes fidèles sont d'origine africaine et prêts à apporter un esprit nouveau ...fait de joie et de beauté !
A l'opposé à Paris (ouest) , j'ai été séduite par la double ambition intellectuelle et esthétique des offices. Mais il est vrai que le curé était resté maître chez lui ...
Autre question : pourquoi l'esprit du renouveau charismatique (finalement assez proche des évangéliques) est il resté si marginal - et même parfois si suspect (alors qu'il a au moins l'intérêt de revitaliser les offices avec des chants simples et joyeux)?
Conclusion : dans nos messes il nous faut de la joie qui reflète la foi, de la beauté qui honore Dieu et élève l'âme, de l'intelligence qui élève l'esprit !!
Écrit par : Cathy | 31/03/2009
SE RECONNAITRE
> C'est vrai qu'il y a une transformation de nos communautés, mais pas seulement dans le sens indiqué par vf. Dans ma paroisse, les personnes d'origine antillaise sont devenues majoritaires. Progressivement les bcbg cinquantenaires ou soixantenaires, ou encore la communauté portugaise qui est très nombreuse, ont migré vers d'autres paroisses. Il leur a été difficile de se voir imposer certains types de célébrations bruyantes où ils ne se reconnaissaient pas. Je ne porte pas de jugement, c'est un fait.
Écrit par : F. Lecoufle | 31/03/2009
D'UNE CHRETIENNE ENGAGEE À GAUCHE
@ Annie
Hélas, je ne peux qu'être d'accord avec vous. La triste conséquence de cette attitude est que, dès qu'ils identifient quelqu'un qui ne porte pas la même étiquette qu'eux, soit ils ne l'écoutent même, soit ils réfutent l'étiquette et les propos. J'en ai fait la triste expérience récemment: certains d'entre eux qui étaient très convaincus, d'être, eux, de bons catholiques, par rapport à nous, qui en étions forcément de mauvais, ne m'écoutaient ni me lisaient plus parce que mes engagements politiques et syndicaux faisait que mes propos ne valaient même pas le coup d'être pris en considération. Et après ce sont les mêmes qui viennent nous demander de les accueillir à bras ouverts et d'écouter ce que, eux, ont à nous dire.
@ PP
J'aime beaucoup ce passage de votre billet:
"Et maintenant, l'apparition de nouvelles formes évangéliques en rupture avec le conservatisme «bushien » : des évangéliques contestataires, sociaux, écologiques, expérimentaux. C'est le très intéressant mouvement des « emerging churches », que les catholiques ont intérêt à étudier de près."
De trop nombreux catholiques français font encore l'apologie de la morale sexuelle à l'exclusion de toute autre morale (sociale, économique, etc...). Résultat: de nombreux athées ignorent, et pas forcément par malveillance, l'existence d'une chose bizarre appelée "la doctrine sociale de l'Église" et ouvrent des yeux ronds comme des soucoupes quand on leur en parle.
Pour moi, cette "politisation" des communautés catholiques en France est clairement un obstacle à l'annonce de la Bonne Nouvelle. Étant engagée à gauche, je me suis souvent sentie décalage, à la fois avec ces communautés et avec les organisations dans lesquelles je militais, et j'ai constaté qu'il y avait des préjugés à combattre et un gros travail d'explication de texte à faire, aussi bien auprès "à gauche" que chez les catholiques "de droite". (Avant qu'on me fasse une remarque sur le sujet, des athées convaincus et d'une mauvaise foi tout aussi remarquable quand on touche à la religion, j'en connais aussi à droite, et pas qu'un peu, donc ce n'est pas qu'une question de bord politique). Mais faire une fixette sur la seule morale "sexuelle" revient à se tirer une balle dans le pied, voire plus.
L'annonce de la Bonne Nouvelle devrait transcender les clivages politiques. Malheureusement, on en est encore loin. Il me semble qu'il y a là précisément de quoi s'inspirer des évangéliques.
Écrit par : Mahaut | 01/04/2009
> En totale adhésion aussi avec VF.
@ PP : Je lis votre livre que je trouve très intéressant, très instructif et très à propos...
Écrit par : olivier le Pivain | 01/04/2009
PAROISSES DANS LE COMA
> VF met en lumière un problème important. D'une part le fait que les paroisses sont souvent comme dominées par des familles bcbg (qui ne s'investissent pas pour autant dans les tâches paroissiales, que ce soit dans l'administration ou l'animation catéchétique). D'autre part, ce qui me préoccupe davantage, on ne parle plus de spiritualité que sous des angles politiques ou sociaux.
Dans mon diocèse, ce problème est très préoccupant, et notre évêque, que je ne citerai pas car je sais que ce n'est pas la ligne de ce blog, a fait des ravages dans les rangs des prêtres qui ont à cœur de porter la foi au centre des préoccupations de ses paroissiens. Le progressisme vide de sens est encore défendu par bien des évêques, et cela au détriment du travail des pasteurs. Je pourrai témoigner d'expériences très cruelles que j'ai vécu dans ma paroisse à ce sujet. Par exemple, le fait que les processions ou l'usage d'encens soit mal vu d'un certain nombre, alors qu'elles sont des manifestations susceptibles de porter la foi de la communauté, et qu'elles ont permis de remplir l'église en quelques mois. C'est comme si les prêtres et évêques "progressistes" ne s'adressaient pas à l'âme de leur paroissien, mais seulement à leur conscience, comme à des citoyens qu'il faudrait persuader que "donner aux pauvres, c'est bien".
Ainsi, la conférence de carême de notre évêque fut-elle consacrée à l'utilité sociale du carême : en se privant, on permet à d'autres de profiter davantage... Tout son discours avait cet angle, passant complètement à côté du sens spirituel de l'ascèse.
Un document est particulièrement intéressant, car il donne un bon aperçu de la ligne de pensée de ces progressistes, c'est la déclaration de Mgr Rouet, du 29 mars :
http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/2009/3/29/rouet.pdf
Tout idéal, toute morale est considérée comme obsolète, pas en phase avec le temps. Ils nous commandent d'être "des frères", sans nous mettre en lien avec notre Père ! Or, il n'est point de fraternité sans filiation. La sainteté, c'est d'être proche de Dieu avant d'être proche des hommes. Voilà ce que les progressistes n'acceptent pas, et leur refus de Dieu dévaste notre Église.
Je suis un jeune reconverti, et il est vrai que je trouve parfois plus de consolations dans une veillée de prière ou dans un pélerinage que dans une messe déformée et bâclée (je n'aime pas pour autant les grands rassemblement de jeunes cathos). La tristesse des paroisses d'aujourd'hui, c'est avant tout celle de ne plus vivre la foi. Sous le fallacieux prétexte de s'adapter aux temps, on a coupé les fidèles de Dieu.
Écrit par : Quentin | 01/04/2009
A F. Lecouflé:
> Il me semble que, dans le cas que vous citez, il ne s'agisse pas de la décrépitude de nos paroisses mais d'un problème culturel. Il s'agit d'une population qui n'est pas de culture européenne et a donc sa propre façon de vivre la messe, qui nous défrise beaucoup, nous Européens et qui s'installe en masse dans une paroisse. Il s'agit d'un problème démographique plus que de foi. Et cet exemple pose aussi la question de la liturgie, de sa qualité et de sa composition. Je connais une paroisse près de chez-moi où il y a des soeurs du Sénégal, du Congo et du Rwanda. Je ne connais pas de soucis quant à leur façon de vivre la messe. Il serait intéressant, aussi, de savoir qui, dans le cas que vous citez, organise la liturgie et sous l'autorité de qui?
Écrit par : vf | 01/04/2009
A Quentin:
> vous avez tout à fait raison. Le progressisme a fait et fait autant de dégâts que le bunker bcbg. Ces deux tendances ont perdu de vue le Christ. Il n'est pas un gourou, un leader socio-politique, un philosophe ou un héros fondateur (au sens grec du terme), Il est le sauveur que nous venons rencontrer et recevoir chaque dimanche (ou plus bien sur). C'est ce que cherchent ceux qui fuient ces assemblées. Ils le cherchent Lui et ils ne cherchent pas un meeting syndical ou un cercle identitaire. Quand on aura compris cela, cela ira mieux, je pense, enfin, j'espère.
Écrit par : vf | 01/04/2009
@ Quentin
> "Voilà ce que les progressistes n'acceptent pas, et leur refus de Dieu dévaste notre Église."
Voilà exactement ce qui me désole. Les "progressistes" sont accusés de tous les maux sur le simple fait qu'ils se définissent eux-mêmes comme progressistes ou que d'autres les définissent ainsi (alors que ce qualificatif même serait à discuter voire à nuancer grandement).
Seul Dieu et les accompagnateurs spirituels des personnes concernées savent réellement qui refuse Dieu, qui le cherche, qui l'aime. Mais tant que des chrétiens se permettront de porter de tels jugements sur leurs frères, nous n'avancerons pas. Qui voudrait rejoindre une Église dont certains fidèles se permettent de juger ouvertement, avec l'approbation d'une partie des autres fidèles, la foi de leurs frères?
Écrit par : Mahaut | 01/04/2009
@ Mahaut
> Encore faudrait-il lire davantage que cette phrase dans mon intervention. Et croyez-moi quand je parle de refus de Dieu, je sais très exactement de quoi je parle. Plusieurs affaires dans mon diocèse ont conduit à l'isolement de prêtres dévoués (soutenus par le Vatican contre l'évêque), voire à leur mort ; et une résistance souterraine s'est établie pour faire passer les jeunes vocations hors du diocèse, de peur que leur foi ne soit piétinée et insultée dans le séminaire diocésain. L'expérience d'un prêtre progressiste dans ma propre paroisse, après éviction brutale d'un prêtre dynamique, a traumatisé (je pèse mes mots) une grande partie des fidèles (certains ont fait de graves dépressions) et a vidé l'église en moins de deux mois.
Loin de moi l'idée de me faire juge des âmes, mais quand un pasteur s'acharne ainsi à étouffer la foi de ses fidèles, on peut supposer que la sienne est bien mince.
Les progressistes sont ceux qui, sous couvert de progrès, imposent un laxisme (et oui là est le paradoxe : le manque de rigueur est IMPOSé !) aux paroissiens et aux curés, en décourageant toute initiative, toute démonstration de foi. Si l'on doit chercher ce qui éloigne les personnes des églises, c'est là qu'il faut creuser.
Écrit par : Quentin | 01/04/2009
@ Quentin.
> Les règlements de compte du style "c'est de ta faute d'abord" "non c'est toi qui as commencé" n'amènent à rien. Je ne vous répondrai donc pas. Libre à vous de faire des suppositions et des extrapolations à partir de ce que vous observez du comportement des gens. L'Église catholique a cette formidable chance d'avoir en son sein des communautés religieuses aux sensibilités diverses qui font des propositions très diverses. Que vous ne vous retrouviez pas dans certaines est une chose, pour ma part j'essaie de me concentrer sur la mienne et d'ignorer les propositions dans lesquelles je ne me retrouve pas, sauf quand, à cause d'elles, c'est le peuple des croyants qui est attaqué.
Les querelles de chapelle n'aboutiront à rien de probant sauf à se faire du mal entre catholiques et à nourrir encore plus certaines rancoeurs alors qu'il y a suffisamment de tensions au sein même de l'Église. Les diviseurs ne sont pas toujours les autres, et on a tous des responsabilités dans ce qui se passe.
Écrit par : Mahaut | 01/04/2009
LE FACTEUR HUMAIN
> Merci PP d'avoir publié mon message.
J'ai fait part de tous nos échanges à mon curé (nous vivons maintenant dans une petite ville de province) - un homme remarquable mais pas très tourné vers le net !
Son avis est le suivant :
- les fidèles sont extraordinairement divisés et il est difficile de trouver des terrains d'entente et d'action communs : entre jeunes et vieux "BCBG" et classes populaires, "charismatiques" et classiques, tradis et progressistes, chacune de ces catégories se subdivisant en micro-courants...
- la crise des vocations fait que chaque prêtre est désormais curé - alors que la charge de curé implique des compétences (diplomatie, pédagogie, gestion, communication...) qui ne sont pas forcément toutes présentes chez tous les prêtres... jadis seule une minorité (sélectionnée et expérimentée) devenait curé.
- la pression des "militants" devient pénible : les responsabilités paroissiales sont de plus en plus assurées par des laïcs de bonne volonté mais qui sont rarement jeunes et pas nécessairement très compétents - mais en revanche très attachés à leurs responsabilités ...
- le profil des fidèles évolue aussi : les plus jeunes sont peu nombreux certes mais aussi plus riches (cadres ou ingénieurs), plus diplômés et plus à droite que les plus âgés ...
Problèmes concrets du curé : comment virer une animatrice de chorale qui a dépassé 75 ans mais croit toujours bien chanter ? que faire de la responsable du caté qui a 55 ans - n'a jamais eu d'enfants - milite à la CFDT et vit dans l'angoisse de voir une mère de famille nombreuse quadragénaire qui vote UMP prendre sa place ? ce ne sont pas des affaires simples à traiter car un prêtre ne peut gérer sa paroisse comme une entreprise de Shanghaï !! le facteur humain : tel est l'enjeu ...
Écrit par : Cathy | 02/04/2009
BELLE LECON DES EVANGELIQUES
> Je suis fondamentalement d'accord avec ce que vous dîtes concernant les courants évangéliques et je vais me procurer votre livre.
Je voulais attirer votre attention sur un phénomène récent (2-3 ans) mais que j'ai découvert il y a peu de temps (et je ne sais pas si vous en avez connaissance ou l'avez évoqué dans votre livre). Il s'agit du travail remarquable réalisé par des groupes évangéliques tels celui de Shelley Lubben ou de Heather Veitch auprès des travailleurs de la "sex industry". Ces groupes sont constituées de femmes qui sont d'anciennes prostituées ou actrices de porno devenues "ministres" qui font des "outreach" au sein même des clubs de strip tease, des manifestations de l'industrie du porno, etc... en distribuant des cadeaux et des Bible. Et de fait elles arrivent à "extraire" de cet univers et à convertir un nombre important de femmes piégées dans cet univers...Non seulement par leurs témoignages d'ex6actrices et/ou prostituées, mais surtout en leur donnant de l'amour et des moyens financiers pour en sortir. Bel exemple et leçon pour nous autres catholiques enfermés trop souvent dans nos cocons identitaires!
Bien à vous, in Christo
Bruno Pottier (tradi mais ouvert !)
Écrit par : Bruno | 02/04/2009
@ Bruno
> L'oeuvre du Père Lataste avec la fondation des Dominicaines de Béthanie est admirable.
Celle du Père Talvas avec la fondation du Mouvement du Nid ne l'est pas moins.
Belle leçon des catholiques aussi, au XIXème siècle pour l'un, dans les années 30 pour l'autre.
Écrit par : Michel de Guibert | 02/04/2009
@ Michel de Guibert
> Vous avez raison pour ces deux oeuvres admirables auxquelles nous pourrions rajouter la Légion de Marie de Frank Duff qui commença son apostolat à Dublin en visitant les prostituées. Mon propos n'était pas de faire de l'autoflagellation... mais d'informer et de souligner (à titre d'exemple) l'audace (et l'incontestable réussite) des évangéliques dans ce secteur... In Christo Rege... BP
Écrit par : Bruno | 03/04/2009
HISTOIRE
> Voila je suis en train de lire "Les evangeliques a la conquete du monde. Je connais pas mal d'evangeliques et je dirai comme Jean Guitton que c est une religion facile une fausse mystique. Malgre tout le bruit qu elle peut faire. Certes ils arrivent dans un occident vieux et epuise. Il se passera la meme chose qui s'est passee en Perse au 8e siecle lorsque se sont separes les chretiens nestoriens refusant les religions byzantines et romaines une sorte de protestants avant l heure
Ces chretiens plein de foi sont partis en masse vers la religion du prophete. Seules les Eglises traditionnelles ont resiste. L'histoire se repete qu on le veuille ou non. Je n en dirai pas plus.
Écrit par : michel, | 06/07/2009
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