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15/01/2009

Pour un grand nettoyage de printemps, lisez Taillandier et Bastière

"Ce n’est pas la pire des religions"  (essai, Stock) :


  

Intéressant, le livre d’échanges entre le romancier François Taillandier [1] et le journaliste Jean-Marc Bastière  [2] ! Publié chez Stock – comme  les  essais  d’Axel Kahn, Alain Finkielkraut ou Marcela Iacub – et intitulé (litote) Ce n’est pas la pire des religions, il  fait  brièvement  le tour des problèmes du catholicisme dans la société matérialiste mercantile de 2009. Et il aborde ces problèmes avec liberté et précision.

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Cela vient en partie de l’histoire personnelle de Taillandier et de Bastière. L’un et l’autre sont des « re-convertis », ayant tous deux laissé tomber le christianisme à l’âge de vingt ans : l’un par « ivresse intellectuelle » dans le sillage de Nietzsche (Bastière), l’autre par rejet des bricolages spirituels des années 1970-1980 (Taillandier). L’un et l’autre ont découvert ensuite la foi, c’est-à-dire la rencontre personnelle avec le Christ, selon le mystère des conversions. Ce parcours leur donne de savoir ce qu’il y a dans la tête et le cœur de l’homme d’aujourd’hui, et de l’envisager avec la bienveillance d’hommes qui connaissent la question. Ils sont donc mieux équipés que le catho sociologique n’ayant jamais rien connu d’autre que son micro-milieu…

 

Taillandier et Bastière savent, pour l’avoir expérimenté, que l’homme d’aujourd’hui est pris - presque invinciblement - dans une pression collective qui lui infuse un point de vue hostile envers l’Eglise catholique. Pourquoi ? Parce qu’au gré des sensibilités actuelles, cette Eglise inflige aux individus une charge morale non seulement superflue mais absurde, fondée sur des a priori injustifiables. Voilà la clé psychologique des réactions « cathophobes » : non celles des militants anti-Rome (vestiges du paléolithique laïciste), mais celles de M. et Mme Tout-le-monde. Considérer M. et Mme Tout-le-monde comme des « ennemis » serait imbécile et anti-évangélique. Ils ne sont pas des « ennemis » mais des victimes de la pression collective. La première tâche est d’analyser cette pression et d’identifier sa source, qui est le matérialisme mercantile, produit du système économique et financier. Puis de l’expliquer au plus grand nombre possible de nos contemporains. Comme cette source néfaste est en même temps la source des maux économiques et sociaux de l’époque, on aide ainsi tout un chacun à voir que la cathophobie est un opium du peuple, au même titre que l’hypnose télévisuelle  ou le marketing intrusif. Ainsi se noue une alliance inédite entre les forces de contestation socio-économiques et la foi chrétienne, qui est la grande vraie contestation transhistorique :« Questioning authority for 2000 years », comme disent les Sojourners américains.

 

C’est dans cette perspective que j’ai lu le dialogue Taillandier-Bastière. Et j’y ai trouvé beaucoup. Par exemple :

 

- « Le récit de la Chute originelle est d’une profondeur incroyable… Nous sommes saisis au plus profond, visités comme au laser. L’être humain sait qu’il est une créature tombée, blessée, imparfaite, et il le sait de bonne heure. La civilisation moderne tente de masquer cela, elle prétend instaurer un humain qui se suffit à lui-même, un humain content de lui avec ses ‘droits’, sa démocratie, sa consommation , ses distractions, son confort. C’est un mensonge et d’ailleurs ça ne marche pas…  [Le récit de la Chute] instaure une tension, il nous dit que tout n’est pas gagné d’avance, que nous sommes d’une certaine façon au dessous de ce qui est en nous pourtant, et qu’il nous faut retrouver. L’être humain refusant cela, vivant dans l’illusion d’une coïncidence à lui-même, retourne droit vers l’animalité, le fusionnel, la bêtise. » (FT, pp. 37-38).

 

 

Ce passage dit tout : la compassion envers l’individu raplati par le monde mental consumériste, et le chemin pour s’évader de ce monde mental.  Fuir « le fusionnel, la bêtise » (de droite et de gauche), c’est ce que la foi chrétienne seule propose à l’homme d’aujourd’hui. Encore faut-il savoir la proposer aux gens avec honnêteté et intelligence, pour ce qu’elle est en elle-même, dans son noyau incandescent. Et ne pas la ternir de scories qui sont les opinions de tribus et de partis… Un nettoyage de printemps s’impose ; le Taillandier-Bastière va y aider fortement. Je vous le recommande.

 



[1]  Notamment : Anielka, Grand Prix du Roman de l’Académie française en 1999.

[2]  Dieu est insolent, Mame Edifa, 2004.

 

 

 

11:19 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

HIMALAYA

> Je vais de ce pas chez le libraire. Il y a grand besoin de livres de ce genre, pour déblayer un himalaya de scories.

Écrit par : Amicie T. | 15/01/2009

UN FORT COURANT

> Le passage que vous citez est effectivement décisif et en même temps il reprend une idée classique: cela fait longtemps que l'enseignement des papes à travers les encycliques notamment dénonce l'oubli du péché originel et l'oubli de ses conséquences dans la Modernité.
Il y a profondément dans la pensée moderne un fort courant mais peu étudié tel quel qu'on pourrait qualifier de "spontanéiste" qui s'efforce de retrouver une voie vers le bonheur par la redécouverte prétendue d'une satisfaction du spontané, du naturel au sens biologique et sensible du mot, par exemple à travers la valorisation du bon sauvage, dans la pensée de ROUSSEAU, de DIDEROT, certains aspects de MARX, chez NIETZSCHE, LEVI STRAUSS, FREUD peut-être, W. REICH, la Nouvelle Droite, M. ONFRAY, etc. Tout un courant d'"utopie modérée" qui attend de l'abolition ou de l'atténuation de la morale exigeante du chrsitianisme, une redécouverte d'un bonheur fusionnel qui serait facile, naturel à l'homme, spécialement par une sexualité décomplexée et plus accessible ("Nous vivons tous en état de misère sexuelle" se plaignait Michel FOUCAULT).
C'est en un sens un aspect de la mentalité bobo: mettons la femme au travail, formons un petit couple tendre qui évite les soucis, faisons un ou deux enfants, vivons nature, aimons les voyages dans le monde, disons aux autres de faire pareil (égalité des chances et un peu de solidarité) et nous serons heureux, c'est pas plus compliqué que ça.
Mais c'est une illusion infantile, comme disent les auteurs cités très justement, "illusion d' une coïncidence avec soi-même", qui nie la réalité de la condition humaine qui est d'être en perpétuelle tension, empétrée dans les conséquences du péché originel, prise entre des désirs puissants et contradictoire, obligée de renoncer, de murir, de passer par du tragique; et qui a besoin d' un salut.
Pensons à ANOUILH, à Antigone, à BECKETT et à d'autres de ses personnages: tous ils cherchent avidement le bonheur et tous ils rencontrent sur leur route un obstacle; ils ne peuvent plus être heureux dans la compromission, la vie les oblige à un certain héroïsme ou à une lâcheté qui les conduirait à un bonheur coupable et gâché, ils ne peuvent pas ne pas choisir la voie d' un certain héroïsme, et essayer de retrouver une nouvelle voie vers le bonheur dans cette ligne.
Les vieux Grecs avaient compris plus de choses que nos modernes décadents avec leur tragique...génial écho païen de la réalité de la condition humaine après le péché originel.
Merci à Messsieurs BASTIèRE ET TAILLANDIER de nous le rappeler.

Écrit par : vicenzo | 15/01/2009

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