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04/04/2007

De Goebbels à nos jours : le nihilisme est toujours là

Réflexions en marge du remarquable travail d'Ayçoberry sur le Journal de Goebbels (Tallandier) :


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Le tome 1 du Journal de Joseph Goebbels (1923-1933) est une brique de 907 pages. Le troisième tome, paru en 2005, relatait les dernières années du régime totalitaire, interprétées par le maître de sa propagande. Dans ce tome 1, le même personnage  – plus  jeune de quinze années – raconte comment il devient homme-lige d’Hitler, puis chef berlinois du parti, lancé dans la conquête de la capitale prussienne. Son Journal est la chronique des dix années de la marche vers le pouvoir. Cette lecture donne l’impression d’explorer une planète inconnue très loin de notre système solaire (l’Allemagne blessée et délirante des années 20 et 30) ; c’est la situation qui va permettre la victoire d’un « parti de chômeurs menés par des fainéants » - selon la boutade d’un homme politique du Zentrum chrétien.

 

Cependant, certains aveux psychologiques de Goebbels éveillent un écho inattendu. Dans cette attitude et ces humeurs d’il y a 80 ans,  quelque chose évoque l’air du temps d’aujourd’hui.

 

 

1. Le 4 janvier 1926, Goebbels note : « Nous sommes tous malades. Nous sommes rongés par un mal intérieur. Par le démon ! C’est effroyable. Et on lui est livré, irrémédiablement. C’est encore plus affreux. On travaille pour ne rien sentir ! Trop d’introspection mène au désespoir. Et on continue ainsi ! A la  même cadence. Jusqu’à la fin ! »

 

 

2. Le  16 octobre 1928, un cri de christianophobie : « Qu’est-ce que le christianisme aujourd’hui pour nous ? ». (Goebbels ajoute : « Le national-socialisme est une religion. Il ne lui manque que le génie religieux qui fasse exploser les antiques formules ayant fait leur temps. Il nous manque le rite. Il faut que le national-socialisme devienne un jour la religion d’Etat des Allemands. Mon Parti est mon Eglise… »).

 

 

3. Le 15 février 1931, le darwinisme social :  « Je traverse le Zoo… Quels singes hideux ! Quel chemin parcouru depuis ces animaux originels jusqu’à l’homme nordique ! (…) Et les lions, et ce tigre royal ! Allant et venant sans répit. Une image de la force entravée. Pleine de morgue et d’orgueil. Nous autres, êtres humains, sommes des petits et des poltrons par rapport à cette créature princière… »

 

 

4. Le 24 août 1931, sur Hitler, élogieusement qualifié de « païen » : « Vigoureusement opposé aux curés », constate Goebbels avec satisfaction.

 

 

5. Le 10 septembre 1931 : « Hier matin, travail assidu. Article cinglant contre l’évêque de Mayence. »

 

 

6. Le 6 janvier 1932 : « Je suis excommunié de l’Eglise catholique. Crétins de curés !  Je chie sur ces singeries stupides. J’ai coutume de révérer le Bon Dieu à ma façon à moi. »

Etc.

 

 

Ces notes s’ajoutent au fatras de  haines et d'obsessions qui forment la Weltanschauung (« vision du monde ») du nazisme, en général, et de Goebbels en particulier. Le point commun de tout cela, c’est le nihilisme : la conviction qu’il n’y a ni vrai ni faux. Ni bien ni mal. Et que la réalité, à la limite, n’existe pas…  Pour le nihiliste, seule compte la « volonté » de l’individu (et de la masse qui est son instrument). Goebbels le martèle à toutes les pages : il n’y a qu’à vouloir (avec une énergie « fanatique », dit-il), et tout s’inclinera. Les êtres, les choses, le temps…

 

mLes six notations que j’ai citées sont au centre nerveux de cette mentalité nihiliste :

 

1 : le malaise intime, profond, morbide, dû au sentiment que tout est absurde donc invivable (« nous sommes tous malades… on travaille pour ne rien sentir… »). Conséquence : la recherche de la sensation à tout prix, et c’est ce que Goebbels appelle « religion ».

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2, 4, 5, 6 : la haine envers le christianisme, et la volonté de lui substituer une autre « religion » (idéologique) : le nazisme. Noter que Goebbels  – moderne en cela – confond :  a) « religion » et « rite »,  b) « rite » et « exaltation de la sensibilité nerveuse ».

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3 : le darwinisme social.  Goebbels adhère  à la vision grossière de l’évolutionnisme que les scientistes ont vulgarisée depuis 1900. Il veut croire que le singe est notre origine et que le tigre nous est supérieur. Cette idéologie lui permet d’affirmer :

a) que les « races » humaines ont différemment évolué à partir du singe, et que, par exemple, le « juif » n’est pas de la même espèce que l’« aryen »* ;

b) que l’homme est une bête évoluée, mais rien d’autre, et que le tigre est plus « noble » que lui. (Noter les termes « morgue » et « orgueil » pris en un sens élogieux : inversion des valeurs, typiquement nihiliste, dont on trouverait d’autres exemples aujourd’hui).

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mPar

Pardon de signaler trois de mes travaux, qui ne sont pas sans lien avec la question :

 

>  Sur le nazisme comme « cousin » du nihilisme actuel : cf. mon enquête Benoît XVI et le Plan de Dieu**, chapitre Quand la modernité s’appelait Adolf Hitler.

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>  Sur le fascisme comme antireligion et déification de l’Etat, cf. les chapitres espagnols de mon livre L’Opus Dei – Enquête sur le ‘monstre’.**

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>  Sur le nazisme comme préfiguration des délires d’aujourd’hui sur les « droits de l’animal », cf. l’enquête que je publie en mai avec le philosophe Jean-Marie Meyer : Nous sommes des animaux, mais on n’est pas des bêtes.**

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 (*)  Mais comme Goebbels est nihiliste et ne se soucie ni de réalité ni de cohérence, il reconnaît aussi  – dans le même livre –  que « juif » n’est qu’une étiquette discriminatoire décernée par le parti. (Comme dira Goering : « Quand à savoir qui est juif ou pas, c’est moi qui en décide. »). Démence...  Et de toute façon, le résultat sera la Shoah.

(**) Presses de la Renaissance.

 

 

 

 

Commentaires

KAPITÄN WAS ?

> au nom du pèse du fric et du sainte nitouche amen...

Captainwhat

[De PP à CW - C'est mot pour mot ce que disait Goebbels. So schlimmer für Sie, Kapitän.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : captainwhat | 04/04/2007

INVERSION TOTALE

> Il faut être un parfait anti-clérical /anti-catholique pour prétendre que le parti national-socialiste allemand se soit revendiqué du christianisme comme beaucoup le croient encore. Au contraire, les citations choisies me rappellent la Terreur révolutionnaire dont la République est la fille.
Ainsi en est-il de la confusion entre le rite et la religion où par un rationalisme exacerbé on imagine que la foi est « une opinion » qui peut admettre des substituts, ainsi : la déesse de la Raison de Robespierre ou le culte de l'Etre Suprême. Nihilisme aux valeurs interchangeables et fluctuantes qui font de l'homme un dieu déchu sans autre but que lui-même, ne cherchant plus son bonheur que dans les plaisirs passagers de la terre. Cet homme qui se coule ainsi, non plus dans la ressemblance à Dieu, mais dans la ressemblance au « prince de ce monde ». Ressemblance perfectionnée jusque dans la recherche de l’éternité au travers de la science et dans le concept du refus de la mort toujours injuste, dans une époque où par ailleurs la vie humaine est bradée.
Toutes valeurs du parti nazi qui se retrouvent effectivement dans notre époque aboutissant aux mêmes dérives: les manipulations de l'homme/cobaye, les recherches sur les fœtus, l'eugénisme lorsque l'on trie parmi les foetus ceux qui auront ou non droit à la vie, et enfin l'euthanasie / suicide.
Sans compter les rapprochements contre-nature.
En fait l'inversion totale des valeurs.

Écrit par : Gentil Loup | 04/04/2007

BAUMIER

> A propos de l'inversion du nihilisme comme inversion du réel, je me permets de vous renvoyer à l'essai de Matthieu Baumier (celui qui a démonté Onfray point par point...) intitulé "La démocratie totalitaire". C'est aux Presses de la Renaissance et c'est assez lumineux.

Écrit par : Lennob | 04/04/2007

AMENDES

> Libération vient d'être condamné à 20 000 euros de dommages et intérêts et des amendes pour avoir parlé de Fabrice Burgaud et d'Adolf Eichmann.

Q.

[De PP à Q. - Loin de moi l'idée de comparer les monstres d'antan à des personnes d'aujourd'hui ! Ce que je compare, c'est l'air du temps.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Qwyzyx | 04/04/2007

LES CARACTERISTIQUES DU DIABLE

> Les nihilistes sont pensés par le Diable et en revêtent les caractéristiques, leur existence est soumise à son projet de revenir sur la création. Pour ce faire, ils ne doivent pas supprimer toute vie d'un coup, faute de quoi ils n'ont plus rien à faire, et n'existent plus. Ils s'arrangeront donc toujours pour avoir un résidu, un reste à leur opération de destruction. Dans leur inversion, ils ont élu les juifs en premier, il leur restait les fils adoptifs, le reste de l'humanité. Par une opération de discrimination infinie, leur but est de produire des cadavres pour exister, de tuer du vivant sans fin pour être éternel.

Écrit par : Maximilien FRICHE | 04/04/2007

si l'on est plus qu'en droit de douter que l'homme descendrait du singe , on ne peut pas douter par contre que l'immonde Goebels singeait Voltaire.
(Cf Voltaire méconnu du Professeur Xavier Martin aux éditions Dominique Martin Morin.)

Écrit par : sancenay | 08/04/2007

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