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16/11/2006

Le débat sur Benoît XVI, l'Eglise et l'économique - En 2006, la menace est-elle sur la "liberté d'entreprendre"... ou sur autre chose aussi ?

Le débat autour de l'idée d'une "nouvelle (mais authentique)  théologie de la libération" continue !  P.A.C. nous envoie ses objections :


 LES OBJECTIONS DE P.A.C. :

 <<  @ vf :

Je vous cite : "Une des causes est effectivement l'utilisation de l'économie de la planète au profit d'une minorité à  cause d'un modèle libéral."  Veuillez me pardonner, mais le procès continuel du "libéralisme" (en fait : de l'économie libre) que l'on voit dans presque toute prise de parole publique en France ne va clairement pas dans le sens de la pensée de Jean-Paul II. J'en veux pour preuve l'article suivant : http://www.liberte-cherie.com/a822-Un_pape_profondement_liberal.html

<<  @ P.P :

Autant j'adhère sans réserve à l'enseignement de Benoît XVI en matière de foi et de moeurs, autant justement, je ne vois nulle part de "système de gouvernement de l’économie mondiale", et Dieu merci ! Si quelqu'un gouvernait l'économie mondiale, ça se saurait, et cela voudrait que nous serions tous "entrés en communisme". Je ne vois pas plus de "modèle de développement global". L'économie libre ne propose justement aucun modèle, elle se contente de laisser les personnes libres et responsables prendre en main leur destinée, Et ils deviennent alors plus attentifs à  leurs frères et soeurs dans le besoin : voici un extrait d'un livre paru uniquement sur Internet en l'an 2000 (merci les maisons d'édition françaises qui lui ont claqué la porte au nez) : "En 1993, 48% des Américains donnèrent de leur temps à  une oeuvre de charité (contre 27% des Européens). Une enquête de l'Institut Gallup en 1990 révèle que 74% des Américains ont donné des aliments dans l'année à  une organisation humanitaire, que 42% ont donné de leur temps à  une organisation de charité et qu'en moyenne, les bénévoles ont donné six heures de travail par mois à  une oeuvre d'entraide." Livre disponible à  l'adresse suivante : http://www.conscience-politique.org/Espaces_dossiers/conservatisme_americain/conservatismeamericain0.htm

"L'économie libre est une humble servante, l'économie planifiée une cruelle déesse." Michael Novak, penseur économique catholique de premier plan, curieusement presque inconnu en Europe, y compris des catholiques, écrit ceci : "Le libéralisme démocratique n'entend pas définir ce qu'est la vie dans son entier. Il entend seulement établir la structure d'une coopération de vie en commun. De ce fait, il ne définit pas en vue de quoi la société est constituée." Relisons Centesimus Annus, encyclique combien précieuse, et nous verrons comment Jean-Paul II rallie définitivement l'Eglise à  l'économie libre (et non pas au capitalisme pur et dur) contre toutes les tentations étatistes et dirigistes."

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MA REPONSE A  P.A.C.  :

 

Vous avez raison. Ou plutôt : vous auriez raison, s’il s’agissait effectivement aujourd’hui de la liberté d’entreprendre, et si nous étions face au problème classique des années 1960 : « liberté économique » contre « socialisme  d’Etat».

Mais en 2006 le monde a changé et il ne s’agit plus seulement de la liberté de l'entrepreneur français. Il s'agit aussi, et peut-être surtout, de l’étranglement de l’économie réelle par le néolibéralisme, c’est-à-dire par la finance spéculative irresponsable : avec pour conséquences (notamment) la perspective d'une délocalisation croissante de la production, la disparition des emplois, donc une spirale de « contraction »  dans le monde occidental et spécialement en Europe, ainsi qu’Emmanuel Todd le disait à France Inter le 13 novembre. 

Autre effet (sans précédent lui non plus) du néolibéralisme : la « marchandisation » de tous les domaines de la vie, y compris ceux qui ne devraient à aucun prix être livrés au marché, parce qu'ils sont trop précieux et vitaux pour l'homme...  comme l’écrit Jean-Paul II dans Centesimus Annus ! 

A propos de cette encyclique, je suis confus de vous contredire  - mais elle n’exprime aucun « ralliement »  de l’Eglise à la « liberté économique »*. Si on la lit entièrement, on y voit la réaffirmation des principes constant de l’Eglise (ni socialisme collectiviste, ni exploitation capitaliste de l’homme par l’homme), mais on y voit aussi – là est sa vraie nouveauté –  une dénonciation sévère du matérialisme mercantile occidental (autre notion  élaborée par le pape Jean-Paul II): matérialisme de l’Ouest, issu du système néolibéral, et qui est en train de renverser tous les repères de civilisation. On en a chaque jour sous les yeux des exemples, qui doivent vous choquer vous-même.

En matière de sens profond de la vie en société, je fais plus confiance aux papes qu’aux business schools…

 

 La foi catholique ne se rallie à aucun système séculier. Aucun n'est plus "sage" qu'elle. Et elle les surplombe tous. Sa boussole est le Christ, d'où par surcroît l’humanisme chrétien ; la tâche à laquelle elle nous appelle inclut la solidarité sociale et le combat pour la justice. Et l’intervention de l’Etat (là où ce serait nécessaire) ne paraît pas une idée rédhibitoire à l'Eglise ; cette idée fait partie des moyens qu’elle peut préconiser aussi, tout en soutenant la liberté d’entreprendre. La pensée catholique ne procède pas par oppositions dialectiques ("ou bien... ou bien..."), mais elle ASSOCIE tous les moyens envisageables, au service du bien commun. C'est ce qui la rend étrangère à une certaine mentalité d'aujourd'hui.

 

P.P.

 

 

PS/  La générosité individuelle des Américains (toutes opinions politiques et religieuses confondues) montre leur sens de la fraternité ; elle tient à leurs communautés, et ne prouve rien en faveur du libéralisme économique. La grande époque de la solidarité entre Américains ("brother, spare a dime !") fut celle de la Dépression des années 1930, qui ne fut pas précisément un triomphe du libéralisme...

 

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(*) comme si l’Eglise avait jamais été opposée à la créativité et la liberté d'entreprise au cours de l'histoire !  C'est une idée inexacte**, répandue successivement par les polémistes calvinistes, par les théoriciens anglo-saxons, par les théoriciens marxistes, et aujourd'hui par les théoriciens néolibéraux. Mais elle reste tout de même inexacte, comme le démontre le livre Victories of Reason: How Christianity, Freedom, and Capitalism Led to Western Success, de Rodney Starck (New York: Random House). Starck est Américain, universitaire, sociologue et catholique.

(**) Le regretté Alain Peyrefitte, que j'ai connu et auquel je vouais beaucoup de respect, s'était trompé sur ce sujet dans Le Mal français : ouvrage qui eut une grande influence dans la bourgeoisie cultivée.

Commentaires

EN AFRIQUE

> Quand on visite les missions, dans la brousse africaine, on est frappé par la taille des bâtiments (église, école, dispensaire). A l'époque, l'Eglise n'a pas organisé, dans ces pays, de déplacements de population; bien au contraire, c'est elle qui s'est enfoncée dans la brousse pour évangéliser les populations là où elles habitaient.
C'est l'économie de marché qui a bouleversé ces pays en faisant grossir les ports où une part importante de la population a émigré; c'est ce qui provoque aujourd'hui tant de problèmes démographiques, sociaux, politiques.....
Cependant, comme c'est dommage que dans les missions de brousse, à côté des équipements existants, l'Eglise n'ait pas fondé de puissantes unités de production économique (genre kibboutz). Les populations seraient restées sur place et la croissance économique aurait été moins déboussolante pour tous.

Écrit par : BH | 16/11/2006

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