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12/11/2006

Le réveil de la conscience est toujours douloureux

Le dialogue sur une nouvelle théologie de la libération : "Frère Jérôme" attire notre attention sur un livre qui vient de paraître au Cerf :


 

 

Frère Jérôme nous maile ceci :

 

<<  Pourquoi avons-nous tant de mal à voir ce qui  - dans nos réflexes mentaux -  n'est que docilité envers l'air du temps ? Comment arrive-t-on à concilier la référence "chrétienne", dont on se réclame, avec des complaisances envers ce qui n'est pas du tout  évangélique ?  Par exemple, comment peut-on se dire à la fois chrétien et  ultralibéral *  ?  Ou chrétien et  admettant l'eugénisme en bioéthique ? Ou homme politique chrétien US et  voter l'autorisation de torturer les suspects ?

 

 

Pour stimuler la réflexion, ces lignes extraites d'un essai qui vient de paraître au Cerf (**) :

 

 

« Cette perte de conscience de la contradiction du péché peut s’expliquer partiellement par l’ambiguïté et la finitude de l’action particulière dans l’institution, par la banalité du quotidien, par l’acceptation généralisée de certaines pratiques sociales. Ce sont là autant d’éléments qui rendent la contradiction difficile à percevoir.  On a ainsi "de la peine à voir".

 

Mais pour une autre part, la perte de conscience de la contradiction du péché s’explique par les différents mécanismes de dissimulation et de justification que génère une institution mauvaise. Ceux-ci masquent cette contradiction et leurrent les acteurs individuels sur la valeur morale de l’interaction à laquelle ils participent. On a ici "de la peine à voir", en raison des artifices créés pour empêcher de voir.

 

Ainsi, même si le degré de conscience de cette aliénation varie, elle n’en est pas moins toujours réelle. Pour certains, il y aura une lutte morale aiguë, pour d’autres un glissement imperceptible, de soumissions en soumissions, sans qu’une défaite morale ne soit véritablement ressentie. Il ne faut donc pas s’étonner que de bons pères de familles puissent, dans le cadre de leur travail, assumer une autre rationalité et se comporter de manière proprement inhumaine : schizophrénie commune et particulière à la plasticité du rôle, qu’on porte et qu’on repose en fonction des limites du champ de l’action. Pour beaucoup cependant il y a lutte et révolte.

 

Mais celles-ci sont difficiles, s’agissant d’une vie quotidienne à qui l’habitude et l’acceptation sociale donne le lustre d’une validité morale.

 

Et puis, suivant la situation particulière de l’acteur et la nature de l’institution, le risque encouru pour garder l’estime de soi et l’humanité de ce soi est tel, qu’il engage le sacrifice du quotidien de l’acteur ainsi que celui de ses proches. Le prix de la droiture morale est souvent élevé, et parfois, pensons au père Kolbe, peut se payer du prix de la vie. » >>

 

 

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(*) Comme, naguère, chrétien et  marxiste.

(**) La catégorie morale de péché structurel,  par Mathias Nebel  (thèse de l'université de Fribourg).

Commentaires

MOU-DOUX-FLOU

> A ceci près que saint Maximilien Kolbe avait en face de lui le nazisme dans toute son horreur revendiquée, alors qu'aujourd'hui la pression est soft : conformisme mou-doux-flou. L'eugénisme, on nous dit que c'était mal quand c'était les nazis puisque c'était l'Etat, mais maintenant l'eugénisme est sympa puisque c'est un désir de l'individu libéral dans "sa sphère privée" !!!

Écrit par : Tobie | 12/11/2006

LES DOMAINES DU FLOU

> C'est vrai : le prix de la droiture morale est très élevé. Perte de la situation professionnelle, incompréhension des proches, sentiment de culpabilité (ne sommes-nous pas traîtres à notre famille, à la structure qui nous emploie et qui fait que , quelque part, nous sommes un peu quelque chose sur cette terre, à notre nation ?).
Qui est prêt à le payer, ce prix ? Pas grand'monde. Même si, comme aurait dit Thomas More, "on peut vivre avec la tête coupée sans s'en porter plus mal"...
Mais, d'un autre côté, l'anesthésie de la conscience n'est-elle pas un risque inhérent à toute participation à la vie sociale ? A ce monde où bon grain et ivraie sont mêlés de façon quasi inextricable ? Refuser ce risque, n'est-ce pas démissionner ? Laisser le champ libre à d'autres, qui, eux , n'auront pas nos scrupules ? Question... La vie exige parfois d'agir, sans que nous ayions le temps de peser les conséquences lointaines de nos actes (et a contrario de discerner si une abstention serait préférable). Il est des domaines où le flou peut difficilement être dissipé. Je travaille dans le secteur des exportations d'armement ; je crois que c'est là un bon exemple...
Cordialement,

F.

Écrit par : F. | 12/11/2006

"DES GENS COMME NOUS"

> Anecdote vécue personnellement à un cocktail "tout-Paris" donné par des gens très fortunés et très bien-pensants : quartier fastueux, appartement fastueux. Le personnage qui reçoit parle d'un de ses neveux qui vient d'entrer dans l'état-major d'une boîte de prod' télé-réalité-sexe, niveau caniveau. Et le noble monsieur dit : "Puisque ces choses existent, mieux vaut que des gens comme nous s'en occupent..."

Écrit par : F. Barny | 12/11/2006

RISQUE

Refuser ce risque, n'est-ce pas démissionner ? Laisser le champ libre à d'autres, qui, eux, n'auront pas nos scrupules ?
On peut appeller ça aussi servir d'allibi : puisqu'un chrétien le fait, c'est que c'est pas si mal... et c'est comme ça que Notre Seigneur est défiguré aux yeux du monde. (Je m'excuse, je ne l'envoie pas dire; et vlan.)

Écrit par : Anne | 12/11/2006

DEVOIR DE CONSCIENCE

> On ne peut que se réjouir qu'il y ait des personnes qui promeuvent et défendent le devoir de conscience. C'est un sport individuel qui fait de moins en moins d'adeptes même s'il compte beaucoup de licenciés.

Écrit par : Qwyzyx | 12/11/2006

EUGENISME

> Je suis tout à fait d'accord avec Tobie.
On a assisté à un glissement dans l'opprobre du nazisme: dans les années 60, c'était d'abord la monstruosité de l'eugénisme et des médecins fous qui était en premier, le drame des juifs intervenant en second point. Depuis les années 70, le drame des juifs et son caractère unique ont été justement mieux perçus encore, mais la dénonciation de l'eugénisme et des médecins fous a quasiment disparu.

Écrit par : BH | 13/11/2006

> pas si vrai, j'ai récemment vu sur ARTE un reportage edifiant sur cet aspect du nazisme sur l'euthanasie et l'eugénisme.

Écrit par : prevalli | 13/11/2006

LE CAS DU TELETHON

> et l'eugénisme est parfois difficilement perceptible. Exemple du téléthon, qui sous annonce de guérison, valide le diagnostic préimplantatoire, et finance des travaux de recherche sur l'embryon (cf le site genetic.org). La tentation d'être soigné voire guéri en utilisant des greffes à partir d'embryons, pourrra devenir terrible : il sera alors héroique de s'y refuser.

[De P.P. à la famille V. - Sur le pénible problème du Téléthon, des informations toutes récentes : http://www.genethique.org/revues/revues/2006/novembre/20061113.1.asp ]

Écrit par : Famille Vautier Gilles | 13/11/2006

UNIFIER SA VIE

> Unifier sa vie : à la fois une nécessité et un luxe... Lorsque j'ai reçu l'effusion de l'Esprit Saint, il y a quelques années, j'ai demandé cette grâce. Mais je suis toujours en chemin.

F.


[ De P.P. à F. - Bernanos : "Notre seul malheur, c'est de n'être pas des saints." D'ailleurs les saints eux-mêmes n'ont pas des vies absolument unifiées, voyez Thérèse de Lisieux ! Ce qui compte c'est de cheminer. ]

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Écrit par : F. | 13/11/2006

THOMAS MORE

> D'accord avec Tobie. Ne pensez-vous pas que saint Thomas More serait un exemple très actuel de courage politique et chrétien ?

F.R.



[ "Rien ne peut arriver que Dieu ne l'ait voulu. Or, tout ce qu'Il veut, si mauvais que cela puisse nous paraître, est cependant ce qu'il y a de meilleur pour nous." (Lettre de Thomas More à sa fille, juste avant son martyre.)

De P.P. à F.R. - Vous avez raison. L'actualité de Thomas More est grande : il fut tué par Henry VIII pour s'être opposé à la fabrication d'un christianisme local. La foi chrétienne est universelle ou bien elle n'existe pas, démontrait-il. Henry VIII lui répondit qu'il avait bien de l'orgueil de prétendre démontrer quelque chose ; et il le fit exécuter pour lui donner une leçon de silence et d'humilité. Tartuffe, déjà...]

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Écrit par : Frédéric RIPOLL | 14/11/2006

PRISON ET MALADES MENTAUX

> D'ailleurs l'Eglise devrait intervenir fortement sur les prisons et le traitement scandaleux des malades mentaux en milieu carcéral. On met en prison de plus en plus de personnes simplement malades.
Il est temps, je pense, de réagir en chrétien a ce propos.

Pr.


[De P.P. à Pr. - Christine Boutin parle net à ce sujet (toutes considérations politiques mises à part).]

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Écrit par : prevalli | 14/11/2006

A B.H. :

> Il est logique que l'aspect eugénique et de folie "scientifique" du nazisme disparaissent de la dénonciation du nazisme dans les années 70 car c'est à cette époque que l'avortement et la génétique se développent. Ces disciplines se rencontreront quelques années plus tard (DPI, etc), et ce qu'Hitler et ses sbires rêvaient, nos "médecins" l'ont fait dans l'indifférence quasi absolue dans les pays riches. Le confort anesthésie bien les consciences et entraine souvent la lâcheté. Finalement, ce modèle économique que l'on nous impose actuellement est bien global: il détruit la planète peu à peu, fout en l'air la santé des gens, démolit les cultures et annihile la conscience morale de chacun en douceur. Il est vrai que résister est dur moralement mais parfois aussi économiquement (une famille nombreuse ne peut pas toujours vivre bio !) et que la dictature des médias acquis au système marchand, auquel s'ajoute la propagande de la pub (qui à bien retenu les leçons de Goebbels), empêche souvent de s'exprimer ou de penser librement (regardez les ados !).

Écrit par : vf | 14/11/2006

MOUNIER AVAIT RAISON

> A propos du "conformisme mou" : "Les mondes qui nous ont précédés ont créé le sage, le prophète, le saint, le chevalier, le héros, l'honnête homme. Il était réservé au monde moderne de produire en grande série, après dix-neuf siècles de christianisme et quelque dix mille ans d'histoire, ce sous-produit : le médiocre satisfait. Et parmi tous les médiocres, celui dont on ne peut parler qu'avec tremblement : le chrétien médiocre, - plus méprisable que tout autre, car il tombe plus bas, de tout le poids de la grâce reçue, et par la vérité qu'il continue de proposer,- est acculé à l'imposture". (Emmanuel MOUNIER, "L'Espoir des désespérés", 1953). Les choses ont-elles beaucoup changé depuis ?

Écrit par : Flore | 14/11/2006

LA SAINTETE EN POLITIQUE ?

> La sainteté en politique : est-ce possible ? Un mélange de grande humilité et de capacité à agir dans des conditions parfois extrêmes (en n'hésitant pas le cas échéant à faire verser le sang), est-ce concevable ? Je suis un peu sceptique.
A côté de grandes figures d'hommes d'Etat chrétiens -Thomas More, Robert Schumann, Charles de Gaulle,..-combien de personnes animées par une foi ardente, mais qui n'étaient pas faites pour le pouvoir : Louis XVI, Nicolas II, Charles de Habsbourg...

F.


[ De P.P. à F. - Vous avez raison. Les chefs d'Etat canonisés ne le sont pas pour la politique qu'ils ont menée, mais pour leur sainteté personnelle, ce qui est tout autre chose...]

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Écrit par : F. | 14/11/2006

> Comment peut-on se dire à la fois chrétien et ultralibéral * ? Ou chrétien et admettant l'eugénisme en bioéthique ? Ou homme politique chrétien US et voter l'autorisation de torturer les suspects ?
Beaucoup ne reculent pas devant le mensonge pour vivre en paix. Il suffit de considérer le destin douloureux de ceux qui s'y refusent pour comprendre.

Écrit par : Qwyzyx | 22/11/2006

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