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Pape François : un entretien italien
...qui fait du bruit en France :
Corriere della Sera, 5/03.
J'attire l'attention sur deux points négligés par la blogosphère :
1. Les ''valeurs'' et la doctrine de l’Église
Question de Ferruccio de Bortoli - « Jusqu'à récemment,on [certains milieux militants] invoquait souvent ce qu'on appelait les "valeurs non négociables" : par dessus tout en bioéthique et morale sexuelle. Sans modifier les principes, vous n'avez pas repris cette formule. Cette décision exprime-t-elle un style moins normatif et plus respectueux de la conscience personnelle ? » Réponse du pape François : « Je n'ai jamais compris l'expression "valeurs non négociables". Les valeurs sont des valeurs, c'est tout : parmi les doigts d'une main on ne peut pas dire que l'un est moins utile que l'autre. Donc je ne vois pas en quel sens certaines valeurs pourraient être ''non négociables''... » Le pape renvoie à l'exhortation apostolique Evangelii Gaudium qui replace les questions de bioéthique et de sexualité à leur véritable rang, dans leur contexte général : celui de la démarche chrétienne. Et il précise, à propos de la contraception : « Tout dépend de la façon dont on interprète Humanae vitae [ le document de Paul VI sur cette question]... Le même Paul VI, à la fin, recommandait aux confesseurs beaucoup de miséricorde et d’attention aux situations concrètes. […] La question n’est pas de changer la doctrine mais d’aller en profondeur et de faire en sorte que la pastorale tienne compte des situations et de ce qu’il est possible de faire pour les personnes. »
> Deux réflexions à faire ici :
a) Merci au pape François de dégonfler le mythe des ''valeurs non négociables''. Appelé ''points non négociables'' dans un certain milieu français, ce mythe avait fini par devenir un pseudo-dogme, tendant à remplacer l'évangélisation par une polarisation sur deux ou trois questions bioéthiques et sexuelles. On prétendait que ces ''points non négociables'' (appelés''les PNN'' comme si ça relevait de l'évidence) avaient été "promulgués par Benoît XVI". Affirmation fausse ! Le pape émérite n'avait employé cette expression que deux ou trois fois, et pour désigner la totalité de la doctrine sociale (dans laquelle la bioéthique et la morale sexuelle n'occupent que leur place). Parler autant de ''PNN'' – et même ne plus parler que de ça – devenait une intoxication mentale, un desséchement grave de l'attitude catholique, réduite à un ''conflit continuel'' par des psychorigides ''fanatiques'' – selon l'expression de Mgr Fernandez (recteur de l'Université catholique argentine) qui est le théologien du pape.
b) Dans le second paragraphe cité, le pape François parle de la miséricorde et de l'attention aux situations concrètes. Pour avoir dit la même chose en 2009, Mgr Fisichella fut diffamé atrocement par les ''fanatiques'' en question. Ils montèrent un complot pour obliger Benoit XVI à évincer le prélat ; Benoît XVI répondit en l'élevant à une charge beaucoup plus importante.
2. La mondialisation financière
À une question
06/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (11)
Ukraine-Russie / affaire Buisson / pape François : un an
et la conférence-débat du 18 mars 20h30 à Saint-Hippolyte, Paris 13e (''À quoi le pape François nous appelle'') :
le Débat de la semaine à RND, à réécouter ici
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07/03/2014 | Lien permanent
Olivier Le Gendre : ”Catholique, il me restait à devenir chrétien !” [2]
Dans Pourquoi je crois, Le Gendre témoigne de son itinéraire. Profond, vrai, et... motivant :
2. Des changements en nous-même
Membre d'une famille catho de Neuilly qui avait élevé ses enfants en écartant de leur foyer un ''mauvais exemple'' de cousine divorcée, Olivier Le Gendre témoigne de l'échec de cette pédagogie : ''à part ma soeur célibataire et moi (marié depuis plus de trente-cinq ans avec la même femme), le reste de la fratrie emprunta ce chemin douloureux du divorce suivi d'un second mariage, voire d'un troisième...'' Élevé dans un pieux établissement scolaire, il y constata que l'école catholique n'est pas infaillible et qu'une certaine confusion des rôles – ces prêtres à la fois profs, catéchistes, pions et confesseurs – n'a pas forcément de bons effets sur tous les élèves... Son collège, écrit-il, ''livrait chaque année un contingent record de révoltés, de dégoûtés, d'athées à faire pâlir d'envie une loge maçonnique''.
Ces constats ne choqueront que ceux qui confondent religion et endoctrinement, ou refuge hors du réel. Mais c'est à eux aussi que s'adresse le témoignage de Le Gendre, pour les aider sur les voies de la foi.
La foi ne peut pas être ''réaction, affirmation d'une identité contre une autre identité, revendication d'être les seuls authentiques détenteurs de la vérité...'' Un chrétien ne ''possède'' pas la Vérité : c'est elle qui le possède et bouscule ses petites certitudes à chaque instant. Un chrétien trahit l'Évangile quand il prend la posture identitaire, presque toujours entachée de ''jeux politiques'' et d' ''orgueils cabrés''.
Devenir chrétien c'est devenir disciple du Christ. Donc ''sortir'' de nos lieux clos, comme dit le pape François. Ou comme dit Le Gendre, ''ne pas se laisser enfermer dans ses origines, et, au contraire, s'appuyer sur elles pour les dépasser : s'en servir comme d'un tremplin pour atteindre une autre manière de croire, plus juste et plus fidèle. Une autre manière d'agir aussi''. Ici le mot ''origines'' désigne, non pas l'essentiel (le kérygme et le sacrement du baptême), mais le dérivé : les milieux sociologiques qui se réclament d'une identité religieuse ; situation honorable mais dégénérant facilement en prétexte, donc en contre-témoignage, et engendrant ainsi la cathophobie. Idolâtrer est contraire à l'Évangile ; confondre catholicisme et culte tribal relève du paganisme.''Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, viens et suis-moi !'' (Matthieu 8 :22). Selon Le Gendre et de nombreux autres écrivains chrétiens, ''rien de grand ne se réalise sans qu'à un moment ou à un autre il y ait rupture''. Rupture avec ''un monde'', ''un style de vie'', ''une famille'', ''des maîtres'', ''un confort intérieur''...
Si pour suivre le Christ nous devons ''dépasser'' nos origines, il faut vivre une purification et un recentrage sur l'essentiel. C'est une conversion, témoigne Le Gendre :''se découvrir un beau soir fils de Dieu, qui reçoit toute l'affection de son Père du Ciel'' ; donc entrer en relation personnelle avec ce Père... Dieu s'introduit dans votre existence, ''y trouve sa place, l'habite d'une présence incroyable''. Croire en Dieu (''qui me donne à chaque instant tout mon exister'' [1]), c'est autre chose – dit Le Gendre – que de croire ''que Dieu existe'' : cela,''les démons aussi le croient'' [2]. Croire seulement que Dieu ''existe'' a été la faute des deux derniers siècles, ère d'une religiosité bourgeoise dont le factice a fait naître – par réaction – un athéisme de masse.
Chercher à aimer le Père dont on se découvre le fils, c'est se mettre à lire l'Évangile pour ''l'habiter'', témoigne Le Gendre. ''Aimer au nom du Christ'', accepter d'être ''les porteurs de la tendresse de Dieu'', c'est la voie de la nouvelle évangélisation et elle suppose que nous fassions ''de la place'' en nous, ''dans cette région que les psychologues appellent le coeur profond et les personnes religieuses l'âme'' (et que nous ne connaissons ''pas toujours très bien''), pour y laisser entrer cette tendresse que Dieu réserve à chacun ; tendresse qui ''nous traverse, sans nous quitter, pour rejoindre ceux que nous côtoyons''...
Dans l'avant-dernier chapitre du livre, Olivier Le Gendre évoque son cancer. Ce récit très concret touchera profondément les malades et ceux qui les accompagnent : ''Dieu a agi avec moi en comptant sur les personnes rencontrées pour qu'elles trouvent l'attitude juste, l'aide appropriée, la délicatesse dont j'avais besoin. Nous sommes les mains de Dieu qu'il veut mettre au service du monde. Le croyant, le chrétien, devient la main de Dieu lui-même, la main qui soulage et parfois guérit. Je découvris aussi qu'à moi, qui ressentait tellement le besoin d'être protégé, il m'était demandé, à travers ma faiblesse, de désigner des chemins à ceux que je rencontrais.'' Dans la maladie ou dans les autres circonstances, les vrais chemins spirituels sont ceux qui ne s'éloignent pas de la condition humaine.
Ce livre est salubre. Puissent beaucoup de catholiques français le lire, et en débattre.
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[1] Père Jérôme, Dieu père et ami (Parole et Silence).
[2] Lettre de saint Jacques, 2:19.
19/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (7)
Les écoutes téléphoniques en France : un ''marché'', laissé aux sociétés privées !
C'est le vrai choc de l'affaire des écoutes :
Derrière l'émoi médiatique orchestré – à la veille des municipales ! – autour des conversations Sarkozy-Herzog, il y a une énormité dont les télévisions (sauf LCI ce matin, où j'ai abordé le sujet) ne parlent pas : les écoutes judiciaires sont opérées par... des sociétés privées, qui exploitent le ''marché des interceptions téléphoniques''. Un marché ''ultra-concurrentiel'' d'après le seul article paru sur cette question depuis le début de l'affaire (Libération, 19/03). La concurrence opposait par exemple le groupe Elektron, qui a réalisé les écoutes Sarkozy-Herzog, et le groupe Foretec, qui a équipé le ministère de l'Intérieur... Ou Azur-Integration, SGME-Midi-System, Amecs, Deveryware... On apprend que, depuis dix ans, des responsables de la PJ comme Martine Monteil mettaient en garde contre l'opacité de ces firmes et leurs problèmes ''de sécurité et de déontologie'' ; ou que l'ANSI (Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information) les accusait de ''ne pas prendre les mesures élémentaires de sécurité'', sans doute pour comprimer leurs frais. En 2009, la CNIL dénonçait les ''inconvénients majeurs'' de ce réseau de sous-traitants de l'Etat : ''les mesures de sécurité et de traçabilité mises en oeuvre ne sont pas satisfaisantes...''
En 2010, Sarkozy et Rachida Dati décidaient de confier les interceptions judiciaires à une seule société privée : le groupe Thalès, dont l'Etat n'est qu'actionnaire minoritaire à 26%. Ce qui a donné lieu à la construction d'un bunker souterrain à Élancourt dans les Yvelines : copie minuscule du complexe géant de la NSA aux Etats-Unis, mais ce nanisme n'est pas plus rassurant pour ça. Que se passera-t-il si cette PNIJ (« plateforme nationale des interceptions judiciaires ») est détournée au profit d'intérêts économiques, ou piratée par des hackers ?
La PNIJ donne à un groupe privé – Thalès – la haute main sur les 5,5 millions de réquisitions judiciaires, genre fadettes, et les 47 000 interceptions téléphoniques et numériques ou géolocalisations. C'est Thalès qui fera fonctionner la machine d'espionnage, et qui contrôlera le coffre-fort numérique où seront stockées les interceptions... ''Pas d'exemple dans l'histoire où un tel pouvoir concentré entre les mêmes mains n'a pas créé de dérives'', souligne le CECIL (centre d'études sur la citoyenneté, l'informatisation et les libertés). Pour l'ex-patron de la police nationale Frédéric Péchenard, la plateforme Thalès est ''une cible potentielle du fait de la concentration de données sensibles''.
Et personne ne pourra contrôler l'activité de Thalès : parce que le système du PNIJ sera trop complexe pour les moyens de la CNIL ou d'un très théorique ''comité de contrôle'' ; et parce que Thalès est couvert par le confidentiel-défense, cas exemplaire de la confusion du pouvoir d'Etat et des intérêts privés (dans la post-démocratie qui métastase depuis les années 1990).
L'Etat nous explique qu'il fallait créer la PNIJ parce que le système antérieur n'était pas fiable. Mais il y a quelques années, l'Etat nous assurait que ce système antérieur donnait toutes garanties de sécurité... Que nous dira l'Etat dans quelques années à propos du système Thalès ? Et que sera-t-il arrivé entre temps ?
19/03/2014 | Lien permanent
Brésil : mobilisation contre la Coupe du monde, mobilisation des paysans sans terre
Face à Dilma Rousseff, ça bouge au Brésil :
Mme Rousseff est l'idole des médias français : ex-gauchiste passée au néolibéralisme, elle a la double légitimité qui fait les insubmersibles dans le monde occidental. Mais nos médias vont devoir ramer pour la défendre, à voir ce qui se passe au Brésil ! Là-bas l'indignation populaire monte devant la Coupe du monde de foot : douze super-stades ont été construits dans douze villes du pays ''alors que la Fifa n'en réclamait que huit'', et Mme Rousseff les a payés trois fois leur prix aux grandes sociétés de construction. À Rio, des quartiers entiers ont été démolis pour la grande foire touristique planétaire de la Coupe : 250 000 habitants ont été expulsés et quasiment pas indemnisés. Une protestation violente a eu lieu le 13 mars à Rio, Recife, Goiana et surtout São Paulo, capitale financière du pays : la troisième depuis le mois de janvier, organisée par le collectif NVT (Não Vai Ter Copa, ''la Coupe n'aura pas lieu''). En juin 2013, des millions de Brésiliens étaient descendus dans la rue pour huer les dépenses liées à la Coupe et exiger des investissements dans les transports, le logement, la santé et l'éducation ; NVT vise à rééditer cette mobilisation en 2014. ''Dilma Rousseff a abdiqué au profit des multinationales'', accusent aujourd'hui les déçus de ce qui fut naguère, le Parti des travailleurs.
Au nombre de ces déçus : le Mouvement des paysans sans terre (MST), qui annonce la reprise de la lutte sur le terrain, et contre lequel Mme Rousseff prépare une loi assimilant au ''terrorisme'' les occupations de terres et de voies publiques. Ce qui annonce des heures très dures... Le MST ne baissera pas les bras, tant la situation est devenue inique : Mme Rousseff bloque l'application de la loi agraire, et cent mille familles attendent en vain dans des campements que leur soient octroyée une terre. Pendant ce temps, les multinationales de l'agro-alimentaire ont acheté plus de 30 millions d'hectares pour y produire du maïs OGM destiné à l'éthanol pour les automobilistes de l'hémisphère nord. Le Mato Grosso - grand producteur de transgénique - importe 90 % de ses aliments, mais il a exporté 18 millions de tonnes de maïs OGM en 2013 vers les Etats-Unis. Et six millions de ses habitants ont été déplacés, dont 700 000 vers des bidonvilles de l'Etat de São Paulo. C'est l'une des applications de ce que la bien-pensance appelle ''la modernisation conservatrice'' : impulsée par le capital transnational, et opérée par le lobby brésilien des agro-industriels baptisés ruralistas (très écoutés de la classe politique et des médias), elle s'applique actuellement à 300 millions d'hectares.
Face à cette ''lutte de classes'' des agro-industriels contre les paysans, le MST milite pour : a) la fin des monopoles sur les semences [*] ; b) l'agriculture biologique et familiale, avec répartition équitable des terres et des semences ; c) la défense de la biodiversité agricole ; d) la redéfinition des relations avec l'industrie ; e) la reprise en main de la gestion de l'eau ; f) la reforestation, alors que Mme Rousseff brade l'Amazonie aux industriels.
''Cela signifie qu'il faut reprendre l'occupation des terres, malgré les risques que cela comporte'', annonce le MST. Il annonce aussi une alliance avec les mouvements de protestation urbaine, comme la mobilisation contre la Coupe. Les Paysans sans terre, mouvement à l'origine duquel on trouve beaucoup de chrétiens dont des prêtres, espèrent une solidarité internationale. Répondons à leur appel !
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[*] Menée au nom de la concurrence libre et parfaite, la dérégulation libérale aboutit à des situations d'oligopole ou de monopole. Le libéralisme est un mensonge.
20/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (7)
Monsanto : le gouvernement résiste à Barroso
Malgré Barroso et le Conseil d'Etat, le ministre de l'Agriculture interdit derechef le maïs transgénique MON810... "autorisé à la culture" dans l'UE, mais refusé par plusieurs Etats membres :
Arrêté du gouvernement français samedi dernier (en attendant la loi promise contre tous les maïs transgéniques) : sont derechef interdites la commercialisation, l'utilisation et la culture du MON810 de Monsanto, autorisé à la culture dans l'Union européenne. La précédente interdiction avait été annulée en août 2013 par le Conseil d'Etat, au motif – exorbitant de la part du juge administratif – que l'opposition à la diffusion massive du transgénique manquait ''d'arguments scientifiques''. Le Conseil, comme une grande partie des élites hexagonales, fait comme si les '' arguments scientifiques '' en matière de transgénèse concernaient directement la santé humaine, problème sur lequel aucune recherche n'est en effet menée. Mais les problèmes envisagés par les scientifiques – ceux qui ne sont pas salariés de l'agro-alimentaire – concernent : 1. l'imprévisibilité des chaînes de conséquences des mutations génétiques (l'industrie agro-alimentaire est dans la situation de l'apprenti-sorcier) ; 2. la biodiversité (les OGM cultivés en plein champ peuvent ''contaminer'' les cultures avoisinantes dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres : fait avéré notamment aux Etats-Unis, avec des procès gagnés par Monsanto jusque devant la Cour suprême) ; 3. l'accoutumance des insectes, qui se mithridatisent et mutent pour vaincre les transgènes (d'où l'usage accru des pesticides, dont la dangerosité pour les humains est – quant à elle – avérée)...
S'y ajoute l'insuffisance des soi-disant tests de sécurité allégués par l'industrie agro-alimentaire.
Et sur le plan social : la nocivité de la main-mise de cette industrie sur les paysans des pays pauvres, contrairement à ce que prétend la propagande des agro-industriels (relayée par une certaine bien-pensance sous prétexte de ''développement''). Rappelons à ce sujet la résistance des évêques de l'Inde, qui demandent l'interdiction totale des semences OGM : pour empêcher que les petits paysans ne soient "balayés", a dit Mgr Arackal.
17/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (4)
Beannachtaí na Féile Pádraig !
17/03/2014 | Lien permanent
Olivier Le Gendre : 'Pourquoi je crois' - ''Catholique, il me restait à devenir chrétien...'' [1]
Publié par Médiaspaul, ce témoignage vibrant est un exercice de lucidité. Olivier Le Gendre balise – à partir de sa propre expérience – les perspectives qui s'ouvrent au croyant dans notre société. Une lecture indispensable aux catholiques qui veulent donc être chrétiens :
Voilà un livre de vérités, bref, simple, concret, objectif : d'une intelligence tellement sincère que ce témoignage – avec les analyses qu'il inspire – pourrait être pris en considération par les cathophobes. Je l'ai lu hier et je vous en parle tout de suite : il faut que les cathophiles le lisent, pour découvrir ce qu'est le catholicisme du croyant ! (radicalement autre chose qu'un conservatoire des bonnes vieilles valeurs). Il faut que les catholiques aussi le lisent, d'urgence : parce que la foi commande de profonds changements, dans l'Eglise-institution mais tout autant dans la vie de chaque catholique, comme le pape François ne cesse de nous le dire. Ce livre, achetez-le, étudiez-le, discutez-le ; j'en donne ici une courte synthèse, mais elle ne saurait remplacer l'ouvrage lui-même, surtout dans sa dimension (très émouvante) de témoignage de ''conversion'' : la conversion d'un homme qui fut toujours catholique, mais qui a découvert un beau jour que le catholicisme exigeait une décantation et une rencontre personnelle avec le Christ – si l'on ne veut pas être cet animal étrange : un ''catholique'' non-chrétien.
1. Des changements dans l'Eglise-institution ?
La trajectoire personnelle d'Olivier Le Gendre est significative : fils de catholiques de Neuilly, co-fondateur des Scouts unitaires de France, marié et père de cinq enfants : la ''France bien élevée'', croirait-on. Pourtant il est la cible des ultras depuis un précédent livre publié en 2012. De quoi l'ont-ils accusé ? De prôner des changements, donc une ''opposition à Benoît XVI'' ! Les censeurs auraient mieux fait se se taire. Car Benoît XVI n'avait rien d'un immobiliste. Un an plus tard il fera la révolution en renonçant à sa charge, l'anneau de saint Pierre ira au pape François, et Benoît XVI dira sa certitude d'avoir renoncé sous l'inspiration du Saint-Esprit ''quand je vois le charisme de mon successeur''... ''Divine surprise '', écrira pour sa part Le Gendre... L'écrivain laïc est ainsi d'accord avec le pape Ratzinger pour bénir l'élection du pape Bergoglio, avec les changements qu'elle va introduire.
Pourquoi faut-il des changements ? Parce que le témoignage du chrétien croyant, dans le monde du XXIe siècle, exige une Eglise (clercs et laïcs) qui se désencombre d'éléments hérités des XIXe-XXe siècles et devenus contre-témoignages. Et cela, pour qu'elle (nous) se rende (que nous nous rendions) capable(s) de répondre aux besoins spirituels des contemporains : ce qui implique un certain nombre de mutations, parfois déchirantes.
C'est pour avoir envisagé ces mutations que Le Gendre a fait l'objet des foudres d'inquisiteurs autoproclamés.
De quel droit s'exprimait-il ? Du droit de tous les christifideles laici à parler de leur Eglise ; même si leur avis est rude ! (il ne le sera d'ailleurs jamais autant que les remontrances de sainte Hildegarde de Bingen au pape Eugène III ou à l'évêque de Mayence, en plein XIIe siècle).
Les lecteurs de notre blog savent que nous ne faisons pas de cadeaux à la société occidentale du XXIe siècle, dont le matérialisme mercantile est l'une des causes de la déspiritualisation ambiante : c'est l'un des motifs de notre critique du libéralisme qui formate cette société. Mais ce n'est que la moitié du problème... L'autre moitié tient à nous autres, Eglise catholique. Si l'Eglise (donc nous autres) ''entretient des attitudes ou des fonctionnements décalés par rapport à son message'', écrit Le Gendre, elle aggrave –''malgré ses réalisations extraordinaires et sa bonne volonté'' – le mouvement de masse qui détourne le monde occidental de la foi chrétienne. Le fondement de la fidélité de nos ancêtres à l'Eglise était la croyance générale en la vie éternelle ; le monde occidental a été détourné de cette espérance par son évolution culturelle, absorbée par la technologie ; la tâche des chrétiens désormais est de faire renaître l'espérance en faisant ressentir autour d'eux ''la tendresse de Dieu, révélée par le Christ qui l'incarne de manière totale dans l'Evangile''. C'est dans ce sens que doit être repensée la structure même des communautés chrétiennes. Tout ce qui ne va pas dans ce sens est virtuellement contre-témoignage ; le pire étant de ''vouloir reconstruire les équilibres d'un passé présenté comme glorieux'' : rêve ''impossible, naïf et même un peu maladif'', et ''ceux qui s'y emploient gaspillent leurs énergies et augmentent la perte de crédibilité de l'Eglise et des chrétiens''. Avec tous les historiens, Le Gendre souligne que 'le soi-disant âge d'or de la chrétienté n'était pas si doré que cela : ne perdons pas notre temps à nous demander comment y revenir. Cela nous libérera pour imaginer des solutions adaptées au temps que nous vivons.''
Le défi du christianisme, souligne Le Gendre, ''est de montrer qu'il existe aujourd'hui des raisons valables de croire après que d'autres raisons aient perdu une part de leur validité''. Ces raisons devenues obsolètes ne concernent pas les profondeurs de l'esprit humain (Fides et ratio) : il s'agit de raisons secondaires, d'ordre socio-culturel, qui paraissaient immuables et évidentes à nos ancêtres et, par là, pouvaient être une forme de chemin vers le véritable coeur de la foi – laquelle est d'une tout autre essence. Ces raisons secondaires ont disparu sous les coups de la technoscience, qui prétend devenir notre horizon : prétention artificielle qui refoule les besoins profonds du coeur humain, mais sans pouvoir les abolir. Répondre à ces besoins est la vocation de la foi chrétienne. Mais à condition que nous en devenions les sincères porteurs, au lieu de lui faire écran par nos postures ! ''Nous sommes donc à un moment où nous avons la possibilité et le devoir de réveiller l'espérance qui sommeille en chacun de nos coeurs. Pour peu que nous nous réajustions à ce devoir et à cette possibilité...''
Afin que ''l'Evangile soit à nouveau audible'', constate ainsi Le Gendre, ''quelques conditions sont à respecter'' :
- ''écouter nos contemporains avant de parler'', car ''ils éprouvent une soif inextinguible d'être entendus, écoutés, compris'' ;
- ''sortir de la victimisation'' : ''celle-ci nous enferme dans l'amertume et nous empêche de refléter le visage du Christ. Nous ne sommes pas dans les pays européens des cibles en danger'' ;
- ''rechercher ce qui unit avant de stigmatiser ce qui divise'' : ''notre Eglise ne saurait être une juxtaposition de chapelles fermées à l'entrée desquelles il faudrait montrer patte blanche'' ;
- ''libérer et non condamner'', selon l'exemple du Christ envers la femme adultère dans l'Evangile : ''d'abord le refus de condamner. Ensuite, l'invitation à se mettre en marche. Et seulement après, l'invitation à ne plus pécher.''
Et l'Eglise en Occident entre dans la voie de la pauvreté matérielle, ce dont se réjouit le pape François... Le Gendre s'en réjouit aussi : elle ''va être contrainte au jeûne dans une forme de désert qu'elle n'a pas connue depuis longtemps, qui va lui faire du bien en profondeur même si cela va lui être une épreuve dont elle a perdu l'habitude.''
Les voeux de changements d'Olivier Le Gendre ne sont en aucun cas étrangers à l'Eglise ! (contrairement à ce qu'ont prétendu les ultras, une fois de plus objectivement d'accord avec les cathophobes). Ils expriment au contraire un acte de foi et d'espérance : ''Je crois, écrit-il, que l'Eglise a plus de ressort que la société pour réformer ce qui doit être réformé en son sein.''
Cette aptitude au changement est donc aussi celle de l'individu membre de l'Eglise...
(à suivre : 2. Des changements en nous-même)
18/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (36)
Observatoire politique du diocèse de Toulon : une réponse à l'intox libérale dans les milieux catholiques
Une mise au point de Falk van Gaver :
http://osp.frejus-toulon.fr/radicalisation-ideologique-du-liberalisme/
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18/03/2014 | Lien permanent
Ukraine-Russie : un peu plus complexe que ce qu'en disent Obama et son ”Mr Holland”
Des faits dont l'Elysée ferait mieux de tenir compte :
Racontée par Obama-Hollande & Cie, la partie russe en Ukraine se réduit à une brutalité de celui que nos médias, depuis 48 heures, ont commencé à appeler « le maître du Kremlin » [1]. Mais cette partie est nettement plus complexe, pour de nombreuses raisons :
1. La Crimée était déjà une base navale, terrestre et aérienne russe : Moscou ne peut donc pas « l'envahir ».
2. La grande majorité des habitants de la Crimée sont des Russes, applaudissent l'armée russe, et ne veulent pas d'un scénario kiévien chez eux... Tous les envoyés spéciaux de nos médias en témoignent, même si des russophobes engagés [2] disent le contraire sur nos plateaux télés.
3. Si la Crimée russe a peur des gens qui ont pris le pouvoir à Kiev, c'est qu'ils affichent une hostilité de principe, non seulement à son égard, mais à l'égard des 14 millions de russophones de l'Est (d'où les événements de Kharkov)... Hostilité exprimée dès le premier jour du nouveau pouvoir kiévien, avec l'abolition du russe comme seconde langue officielle ; et dès le troisième jour, avec l'entrée de cinglés dans le gouvernement provisoire.
4. Ainsi Dmytro Iaroch, führer du groupe nén-nazi Pravyi Sektor, devenu le numéro 2 du « conseil national de sécurité » à Kiev... En tant que membre du gouvernement « issu de Maïdan », il crie aux armes contre les russophones et appelle à courir en Crimée chercher la bataille.
5. Ce type de provocation (impliquant de facto le gouvernement de Kiev) fait le jeu, au Kremlin, des partisans d'une intervention armée pour « sécuriser » l'est de l'Ukraine.
6. Mais pour Poutine, la partition du pays n'est pas le seul scénario ni le plus souhaitable. D'un point de vue géopolitique, Moscou ne peut pas plus admettre un basculement de l'Ukraine dans l'orbite de l'OTAN, que Washington n'admettrait un basculement du Canada ou du Mexique dans l'orbite chinoise. Poutine ne renonce donc pas à infléchir le cours des choses à Kiev. Sa partenaire confirmée des années 2000, Ioulia Timochenko, future candidate à la présidentielle ukrainienne, a rendez-vous au Kremlin dans 48 heures.
7. Ceux qui connaissent le terrain, comme Bernard Guetta ou Pierre Conesa, soulignent qu'une politique européenne rationnelle serait de stabiliser (donc laisser neutres) les pays comme l'Ukraine ou la Géorgie, au lieu de servir le rêve yankee consistant à en faire des bases de missiles pointés vers la Russie. Pour ça il faudrait redevenir des interlocuteurs de Moscou : fermes, mais calmes ; et rationnels, c'est-à-dire ne servant que les intérêts (lisibles et concrets) des pays d'Europe, au lieu de se disqualifier au service d'une OTAN qu'il aurait fallu dissoudre en 1991.
Tous ces éléments affleurent plus ou moins dans les débats audiovisuels depuis trois jours. Mais ils n'affleurent pas à l'Elysée ni au Quai d'Orsay, où MM. Hollande et Fabius, aux pieds d'Obama, s'attirent le mépris des réalistes de Berlin... et même celui du suzerain de Washington.
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[1] Il y avait eu « le maître de Belgrade », « le maître de Bagdad », « le maître de Tripoli »... Quand nos médias se mettent à dire « le maître de... », un bombardement est proche. Au moins selon leur logiciel.
[2] souvent issus d'universités US et avocats du friedmannisme.
02/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (18)