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09/10/2015

Nicolas Hulot : « brisons cet ordre cannibale ! »

Son nouveau livre (Osons) recoupe à certains endroits Laudato Si . Mais si l'on examine que dit  Hulot dans le contexte politico-économique de l'action de Hulot, on aperçoit quelques problèmes :


 

Bref aperçu des extraits du livre* publiés par la presse :

<< Osons sortir de cette mystification qui fait croire que la solidarité et le changement sont possibles en laissant un pan entier de l’économie nous échapper. Sans la fin des paradis fiscaux, de l’optimisation fiscale, de l’évasion fiscale légale ou frauduleuse, sans la fin d’une finance occulte qui ne participe pas à la solidarité des Etats, toutes nos intentions, sincères ou pas, buteront sur l’impossibilité de tenir nos promesses et alimenteront le cycle infernal de l’humiliation, de la frustration et de la répression. Osons reprendre la main sur une industrie de la finance qui ignore l’intérêt général. Osons dénoncer ces marchés qui se régalent de la rareté qu’ils créent. Bref, brisons cet ordre cannibale. Appelons partout à la régulation, à la réglementation, pour passer enfin d’une économie qui dépense à une économie qui protège, afin qu’aucun bien commun ne soit plus jamais détourné au profit d’un petit nombre. Redonnons des pouvoirs à l’Etat pour que la finance soit de nouveau au service de l’économie, et l’économie au service des femmes et des hommes. [...]  Osons nous émanciper de l’argent roi, de la technologie souveraine, de la consommation addictive. Osons l’innovation, créons de nouveaux standards. Osons nous affranchir du pétrole, du charbon, du gaz. Osons le soleil, le vent, l’eau, la mer comme seules énergies. Osons le juste échange plutôt que le libre-échange. Passons d’une phase juvénile de compétition à une phase mature de coopération. Osons soustraire les biens communs à la spéculation. Osons une économie qui économise et non qui détruit... >>

 

Mon commentaire

Ce petit livre de 96 pages vise au même effet de masse que l'Indignez-vous de Stéphane Hessel en 2010. Devant la virulence des attaques de Hulot contre le système économique et financier, de mauvais esprits rappelleront qu'en 2009 la fondation Hulot était administrée (car financée à 67 % : 3,4 millions d'euros) par des groupes aussi peu écolos que Rhône-Poulenc, EDF, Bouygues ou L'Oréal. Traité de « candidat des multinationales », Hulot répondait en 2014 : « Peut-on imaginer changer de modèle de société sans travailler avec des acteurs clés ? Par ailleurs, les associations et fondations sont toutes en difficulté, avec des subventions et du mécénat en baisse, alors même que nous participons de plus en plus à l'élaboration des politiques publiques... Pour agir, il faut des moyens (une trentaine de personnes travaillent dans ma fondation). Et je n'ai pas vendu mon âme au diable : quand je fais le bilan, je pense que nous avons davantage contribué à l'intérêt général que cautionné des intérêts particuliers. Nos mécènes n'entravent pas notre action et certains font des efforts considérables... Le mécénat de L'Oréal leur a-t-il fait vendre un tube de rouge à lèvres supplémentaire ? Celui d'EDF leur a-t-il permis de multiplier leurs réacteurs nucléaires ? Non. Mes relations avec Henri Proglio sont souvent tendues mais peu importe. J'avoue en revanche une certaine lassitude, voire de l'humiliation, quand François Pinault, Olivier Dassault ou le DG de Danone, Emmanuel Faber, me font lanterner pendant des mois, voire des années, pour au final disparaître avec des promesses qu'ils ne tiendront jamais... »

Interrogé sur Vinci (l'opérateur de Notre-Dame-des-Landes), Hulot répondait : « Cela aurait été gênant si je n'avais rien dit sur le sujet ! Je n'ai jamais tourné ma langue sept fois dans ma bouche pour ne pas embarrasser un mécène. Par exemple, nous avions lancé une campagne pour privilégier les commerces de proximité. La marque Repères de Leclerc, qui figurait parmi nos donateurs, nous a demandé de la retirer. Nous avons préféré nous priver d'un engagement de trois ans de leur part... »

Depuis 2012, Hulot a accepté de devenir« l'envoyé spécial de François Hollande pour la protection de la planète ». Mais la réalité de l'implication climatique de M. Hollande soulève le scepticisme d'un Français sur deux (sondage Ifop de la semaine dernière), et le nouveau poste de Hulot a drainé tout un politically-correct. Ainsi Alain Juppé twittant le 7 octobre : « Je signe et soutiens l'appel #Osons de @N_Hulot », alors que M. Juppé, en avril, se déclarait quasi-partisan des gaz de schiste en France ! Rappelons, par ailleurs, que le gouvernement français vient de baisser les crédits à l'environnement et d'accorder trois permis d'exploration d'hydrocarbures...

Ce que dit Nicolas Hulot est exact (en gros*). Plusieurs passages pourraient paraître tirés de l'encyclique... Mais le problème n'est pas dans ce que dit Hulot : il est dans ce qui l'environne.

 

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(*) Mais on peut lui reprocher certains abus de langage : par exemple, qualifier la « compétition » de « juvénile ».(La guerre de tous contre tous, pilier conceptuel du libéralisme, ramène plutôt à 1835).

 

 

Commentaires

JUVÉNILE

> Je rebondis sur le terme juvénile.
Je pense que Nicolas Hulot voulait dire par là que l'adolescence est le temps où on se défie l'un l'autre d'aller plus loin, des défis souvent imbéciles où on cherche à savoir qui est le plus fort. La maturité venant lorsqu'on se rend compte de l'inanité de cette posture pour en venir à du constructif : la coopération, sans chercher à savoir qui apporte le plus puisque la collaboration de tous est nécessaire.
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Écrit par : Bernadette / | 10/10/2015

JUVÉNILE

> Bonjour Patrice, je pense que le terme "juvénile" se lit en miroir du qualificatif "mature" juste après: la compétition est le propre d'une société immature, régressive, en pleine illusion de toute-puissance comme le sont les très jeunes enfants jusqu'à ce qu'ils trouvent sur leur chemin l'autorité ferme et bienveillante de leurs parents.

fx

[ PP à FX - Oui, c'est visiblement ce qu'il a voulu dire : et c'est en cela que son analyse économique est déficiente ! La compétition n'est pas une maladie infantile du libéralisme mais sa nature même... ]

réponse au commentaire

Écrit par : FX / | 10/10/2015

RÉGIMES

> Nicolas (du commentaire pas l'autre). J'aime beaucoup votre "les régimes dictatoriaux naissent de l'indignation des ratés conjuguée à l'audace des imbéciles." Je me permettrais de le recaser à l'occasion, avec votre accord !
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Écrit par : Pascal / | 10/10/2015

1835

> Question bête : pourquoi 1835 ? (j'avais pensé que c'était l'époque où Guizot avait formulé son célèbre "enrichissez-vous !, mais d'après Wikipédia la date ne colle pas).
Sinon, Rhône-Poulenc n'existe plus en tant que tel : sa branche pharma a fusionné avec Hoechst pour donner Aventis, et sa branche chimie est devenue Rhodia (maintenant filiale du belge Solvay). Vous n'imaginiez quand même pas qu'une entreprise française qui ne fait pas dans les cosmétiques allait garder un nom français, synoyme de pesanteur sociale, d'arriération intellectuelle (pensez donc, des gens qui parlent moins bien anglais que les Suédois !) et de résistance à la mondialisation (sauf, apparemment, pour les cosmétiques, où c'est considéré comme un plus-produit). Pseudo-classicisez-moi tout ça et assurez-vous que le résultat final ait une prononciation évidente pour tout le monde, c'est-à-dire pour les anglophones natifs des conseils d'administration.

Dr Zurui


[ PP à Dr Z. - C'était juste pour avoir un millésime faisant écho à 2015 et tombant sous Louis-Philippe. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Dr. Zurui / | 10/10/2015

FABER

> Ah! Emmanuel Faber! Quand je m'étais émue auprès de FC de la bonne soupe qu'ils lui avaient servi pendant un entretien de quatre pleines pages, le journaliste m'avait répondu qu'il voulait simplement montrer que "le marché n'est pas mauvais en soi".
Emmanuel Faber, l'homme qui avait osé écrire après 'Caritas in veritate' : "le don et la gratuité sont inhérents au marché" (ou quelque chose d'approchant) parce que... il faut sourire et serrer des pognes pour conclure un marché ! Rideau. Moi j'applaudis Hulot des deux mains pour avoir épinglé monsieur Danone n°2 (à moins qu'il ne soit passé n°1?).
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Écrit par : Maud / | 13/10/2015

HULOT

> Bon article dans Reporterre: http://www.reporterre.net/Nicolas-Hulot-ose-prendre-une-chaise
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Écrit par : Pierrot / | 17/10/2015

Les commentaires sont fermés.