La parade de "la démocratie globale" est déjà oubliée

 

Ankara et Tel-Aviv (trois jours après le spectaculaire défilé commun de leurs leaders à Paris) se lancent aujourd'hui les pires invectives :

 

 

Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu et son homologue israélien Benyamin Netanyahu participaient l'un et l'autre à l'étrange marche des soixante chefs d'Etat et de gouvernement, dimanche, en marge du rassemblement géant de la République. On se souvient des propos de nos radios et télévisions, qui n'ont pas hésité à voir dans ce cortège une visite de « la démocratie globale »...

Hélas, ce mercredi matin – trois jours à peine après le Grand Evénement Global –, le Turc et l'Israélien se sont invectivés à distance mais de façon atroce. Davutoglu : «Tout comme le massacre qui a été commis à Paris par des terroristes est un crime contre l'humanité, Netanyahu, en tant que chef d'un gouvernement qui tue des enfants en train de jouer sur une plage à Gaza, qui détruit des milliers de maisons et qui a massacré nos compatriotes à bord d'un navire d'aide dans les eaux internationales, a commis des crimes contre l'humanité ! » Netanyahu : «Je n'ai pas entendu la communauté internationale condamner ces propos inacceptables. Je tiens à dire clairement que si la communauté internationale ne condamne pas ceux qui soutiennent la terreur et ne se dresse pas avec force et clairement contre ceux qui la répandent, la vague de terreur qui parcourt le monde ne fera que s'accentuer ! »

Ainsi Netanyahu met en cause la notion de communauté internationale ; Davutoglu parle plus violemment que Dieudonné ; Netanyahu annonce une accentuation de la « vague de terreur » ; Davutoglu compare Netanyahu aux frères Kouachi et même à Coulibaly, etc.

Les propos de Davutoglu avaient été précédés de propos semblables de la part du président Erdogan : « Netanyahu, combien de femmes et d'enfants avez-vous tués ? ». Le porte-parole de Davutoglu en a rajouté une louche en accusant Netanyahu « d'islamophobie » (parce qu'il « lie les attaques de Paris à l'islam ») ; le ministre israélien des Affaires étrangères (Libermann le brutal, qui lui aussi défilait à Paris dimanche), en rajoute une double louche en traitant le président turc de «petit caïd » au cours d'une réunion d'ambassadeurs... A quoi Davutoglu réplique : « Si Israël se cherche un petit caïd, Libermann n'a qu'à se regarder dans une glace ! » Libermann renchérit en ces termes : « Le silence poli, politiquement correct, de l'Europe à propos d'Erdogan et sa bande, tout ça nous ramène aux années 1930 ! » Actionner le point Godwin et s'en prendre à l'Europe, peu douée pour la riposte, a mis fin provisoirement à la rixe.

C'est la pire expression des antagonismes locaux, trois jours après la parade parisienne du mythe « global » : mythe dont l'insignifiance géopolitique est ainsi (une fois de plus) mise en lumière. Mais je ne crois pas que cela instruira nos médias.